« Dans la vie mon p’tit bonhomme il y a les bons et les méchants. Les bons c’est les honnêtes gens, tu sais ceux qui respectent la loi. Ceux qui sont du côté d’la justice tu vois ! »

FAUX

C’est fabuleux d’avoir glissé à ce point. D’avoir réussi à ancrer dans nos petites têtes disponibles savamment vidées de tout sens critique que « Justice » et « Loi » marchaient main dans la main. La Loi c’est le cadre légal. C’est un éco-système de rédactions qui décident « pour le bien de tous » ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. La Justice au sens noble du terme c’est ce sentiment d’équité, voir d’éthique, dans lequel une dualité ou un conflit trouve une issue équilibrée et saine « pour le bien de tous ». En tout cas, ce sont mes propres définitions.

Cette justice que nos lois ont tricotée viole à loisir la morale. L’Apartheid était légal, la ségrégation aussi. L’esclavagisme également, et aujourd’hui il a réussi à s’adapter et se nicher dans le respect de lois aux multiples formes insidieuses. Car au final qui écrit ces lois ? Qui, à l’intérieur des parlements, des palais et des meetings souffle à l’oreille de ces rédacteurs fantoches ? Quelles sommes, quelles menacent, quelles influences exercent ces siffleurs sur cette fameuse législation que nous chérissons tant, garant du « juste », garant du « bien » ?

La justice d’aujourd’hui, qu’on se le dise, est ce que le Viandox est à la viande : un ersatz bon marché. Puisque, comme partout, la qualité importe peu, pourvu que les marchés remportent tout. Seul compte l’argent dont s’abreuvent une poignée de dirigeants et d’actionnaires insatiables et le sentiment de pouvoir qu’il confère. Ce fameux « pour cent » que tant de gens haïssent mais pour autant jalousent. Si seulement cette colère pouvait servir à combattre un système injuste au lieu qu’ils cherchent à ressembler à leur élite nauséabonde, être calife à la place du calife. Triste ambition. Combat stérile.

Nul besoin de bons soldats lorsque l’on peut acheter les meilleurs avocats. L’argent appelle l’argent et se nourrit de lui même. Ravaler son vomi n’est pourtant pas délectable quand bien même on le couvre de feuilles d’or. Alors que le « bien de tous » a laissé place au « bien des premiers de cordée », la grande banderole des belles paroles est percée de mille failles grâce auxquelles il est légal d’empoisonner notre nourriture, de souiller notre air, ou de discriminer son prochain pourvu qu’il ne nous ressemble pas trop. Un « liberté, égalité, fraternité » bien moucheté.

Ces méchants terroristes et leurs délits illégaux ce sont des maires qui limitent l’utilisation de pesticides, des jeunes qui décrochent des cadres dans les mairies, d’autres qui dansent aux bords des fleuves ou aux fonds des bois, ceux qui manifestent sans autorisations, ceux qui aident des migrants en détresse à ne pas mourir noyés…  la liste est longue tant les points de rencontre entre morale et rentabilité sont faibles. La rentabilité ne pourrait-elle être que le fruit de l’exploitation de l’un sur l’autre ? Se pourrait-il qu’un monde où l’argent est roi soit injuste par nature ?

Cette justice de pacotille dont le maintien de l’ordre féroce cherche à tirer sa légitimité est un ennemi du « bien de tous ». La désobéissance civile est un outil de ce combat. Prenons conscience que la loi est parfois mauvaise et que quand la police défend ces lois, alors elle se trompe. Mais quand la police se trompe, elle ne s’excuse pas. Comme un petit enfant impuissant, frustrée de n’avoir ni les mots, ni l’esprit, elle tape sur ses petits camardes. Dans le respect de la loi.

Les lois ne nous respectent pas, pourquoi devrions-nous les respecter ?