Ce dimanche 20 octobre est le troisième jour des pires émeutes qu’ait connu le pays depuis très longtemps. L’explosion populaire s’inscrit dans un contexte global d’injustices sociales, les inégalités face à l’accès aux soins, à l’éducation, font le lit de la contestation d’un peuple en extrême souffrance et acculé.

C’est alors qu’une nouvelle taxe intervenant dans une société déjà fragile, fait émerger la rage de toute une population. En effet, l’augmentation du prix du ticket de métro à Santiago, déclencheur de l’arrivée en masse des chiliens dans la rue, n’est qu’en partie à l’origine du sursaut du Peuple qui connaît il semblerait, son grand réveil.

La remise en cause de tout un système économique est exprimée avec détermination.

Santiago s’est embrasée, incendies, émeutes, barricades, appels à monter dans les trains sans billets, confrontations avec la police, puis maintenant l’armée. En face, usage de canons à eau, gaz lacrymogène, ces scènes de lutte de rue n’ont pas été vues dans la capitale depuis longtemps.

Situation :

🔸 Violents affrontements entre manifestants et les forces de l’ordre. Les 164 stations de métro de la capitale sont bouclées, le réseau est le plus étendu (140 km), et le plus moderne d’Amérique du sud, environ 3 millions de passagers y transitent chaque jour.

🔸 Le président chilien Sebastian Pinera a décrété vendredi soir l’état d’urgence à Santiago, étendu dimanche soir à plusieurs grandes villes du Nord et du sud du pays.

« J’ai décrété l’état d’urgence et, à cette fin, j’ai nommé le général de division Javier Iturriaga del Campo à la tête de la défense nationale, conformément aux dispositions de notre législation concernant l’état d’urgence », a déclaré Sebastian Pinera.

🔸 Des autobus sont incendiés, des dizaines de stations de métro sont détruites, des concerts de casserole en soutien aux manifestants s’organisent, rappelant la contestation apparue après le coup d’Etat mené par Pinochet fin 1973.

Coup d’état qui ne fut pas seulement militaire, il fut aussi un tournant radical vers le néolibéralisme et le capitalisme. La répression est massive, la stratégie de choc est efficace, permettant insidieusement l’émergence d’une nouvelle droite monétariste, conservatrice. Les premières mesures radicales et violentes tombent très vite, entreprises d’Etat privatisées, budgets sociaux coupés, retraite par capitalisation… Tout tend vers la concurrence généralisée, l’individu-entreprise émerge et le peuple chilien en sera la souris de laboratoire. Tout tend vers la destruction organisée du collectif et la naissance d’un citoyen « carte de crédit ».

Témoignage d’un contact à Santiago : « Ça se voyait venir, il y a un ras le bol général car les classes populaires vivent à crédit. C’est un modèle à l’américaine qui incite à la surconsommation de tout. Là où mes parents habitent c est calme, mais lundi tout sera fermé, écoles, facs, etc. Il y a trop de supermarché, de pharmacies, c’est consommer, consommer, consommer… Et payer à crédit, et tout est cher, tout est payant, tout est privatisé. »

Le massif mouvement social que vit le Chili s’oppose avec vigueur aux conséquences désastreuses du néolibéralisme, notamment autour de la question de la marchandisation des services publics éducation, santé, système de pensions, eau…

Des premiers décès sont malheureusement à déplorer.

Samedi le couvre feu est décrété dans la capitale ainsi que dans cinq autres régions à ce jour.

La répression est féroce, les militaires patrouillent, ainsi que des carabineros en pick up banalisés qui procèdent à des enlèvements nocturnes dans les rues, rappelant aux Chiliens, la sombre époque de la dictature.

Ces exactions font écho à la dernière sortie du Président, sa déclaration ce dimanche : « Nous sommes en guerre contre un ennemi puissant, qui est prêt à faire usage de la violence sans aucune limite ».

Cette allocution à la télévision depuis le siège de l’armée n’éteindra certainement pas la rébellion populaire.

La révolte de tout un peuple n’étouffe pas. L’indignation est grandissante au rythme de « Piñera cagón, me paso por la raja tu estado de excepción », « Piñera enfoiré, je me fous de ton état d’urgence ».

La réaction des travailleurs ne se fait pas attendre, l’appel à une grève générale est le mot d’ordre. Dockers, étudiants, agents du métro, camionneurs remplissent les assemblées générales et appellent dans un premier temps à faire tomber l’état d’urgence, chasser les militaires de la rue, avancer ainsi vers une grève totale amenant à la démission de tout le gouvernement.

716 personnes ont été arrêtées, au moins 7 décès, de nombreux blessés, dont plusieurs par balle.

Le ministre de la Défense a précisé que 10500 policiers et militaires étaient déployés.

Quelques rares bus circulent encore, de nombreux vols sont annulés, les employés ne pouvant rejoindre leur lieu de travail, des ports sont bloqués.

De nombreuses écoles seront fermées ce lundi.

Dimanche, M. Pinera a réuni ministres et autres hauts responsables.

Un dialogue est annoncé « large et transversal », espérant calmer les revendications sociales.

Les émeutes ne faiblissent pas.

« Marre des abus » est le leitmotiv au coeur de ce soulèvement historique.

Le Chili s’est réveillé.

Photo : Martin Bernetti