Novembre 2019 est arrivé, avec dans son sillage l’anniversaire des GJ. Ceux qui parlaient d’essoufflement en janvier, puis au printemps, puis pendant l’été, n’ont toujours pas compris l’essence du mouvement, qui, de part son ADN, ne peut se terminer. 
A chaque mouvement social sa temporalité, sa spécificité et sa façon de se terminer. Quelques mois après une grosse grève, des manifestations massives ou des soulèvements populaires, les experts médiatiques et politiques enveloppent la séquence dans du papier journal et la rangent dans les archives de l’Histoire. On en reparle alors au passé, en en analysant les conséquences. 
Avec les Gilets Jaunes, il ne sera pas possible d’en faire autant. Car analyser l’après GJ signifierait que le mouvement GJ est terminé. Hors, nous sommes des milliers, des dizaines de milliers même, à savoir qu’il ne sera jamais terminé. 
Pourquoi ? Parce que les Gilets Jaunes ne sont pas un énième mouvement de grève ou de manifestations. Les personnes qui se sont impliquées depuis 11 mois dans cette dynamique ne retourneront jamais à leur vie d’avant. 
Les Gilets Jaunes n’ont pas vécu un mouvement social mais ont vécu une rupture dans leur vie. Une rupture du train train quotidien imposé par la société de consommation. Une rupture dans la façon de se voir par rapport aux autres. L’idée que des liens autres que professionnels ou familiaux sont possibles. Que l’atomisation voulue et forcée de cette société ultra libérale n’est pas une fatalité. 
Une rupture également face aux pouvoirs : politique, économique et policier. Des milliers de personnes ont été blessées, arrêtées, condamnées, insultées et méprisées. Toutes ces personnes ont vu les mécanismes en place pour sauver les intérêts de quelques uns. Mécanismes de stigmatisation, d’exclusion et de terreur permanente. Pour beaucoup, la police n’est plus cette institution censée protéger les citoyens. La justice n’est plus cette institution censée punir les personnes malhonnêtes. 
Les Gilets Jaunes ont compris, parce qu’ils ont du l’expérimenter dans leur corps et dans leur vie, que les institutions sont désormais utilisées par les puissants pour protéger leurs acquis et leurs richesses, pour empêcher tout changement radical de la société. 
Cette prise de conscience, ce changement de regard, il ne pourra plus jamais disparaitre. On ne retourne pas dans l’obscurité d’une caverne après en être sorti et avoir vu la lumière du soleil. 
Il n’y a pas d’après. Car il n’y a pas de fin. 
Les Gilets Jaunes sont en perpétuel mouvement. Une dynamique des corps et des esprits. Sur les rond points, dans les cabanes, lors des blocages, dans les manifestations, les GJ se rencontrent et se découvrent. Ils ne sont pas figés sur des principes théorisés par d’autres. Chaque rencontre, chaque discussion, chaque action fait évoluer ces personnes. 
Il n’y aura pas d’après. Car les Gilets Jaunes sont dans le présent. Car les Gilets Jaunes font le présent.