Le mouvement de grève initialement débuté le 5 décembre se transforme. Les nouvelles que nous recevons de Strasbourg représentent bien l’état de la situation dans tout le pays. Ce qui est en train de se construire dans l’université et l’Éducation nationale est inédit et n’a pas encore usé de tout son potentiel. Tout comme la multiplication des actions à travers la France dans de nombreux secteurs.
Le pouvoir et sa police creusent jour après jour leur illégitimité et la mécanique inégalitaire de la République néo-libérale ne tient plus que par son vernis.

Mardi 28 janvier 2020

Les AG se poursuivent, de plus en plus nombreuses, rassemblant de plus en plus de secteurs qui se coordonnent petit à petit. A Strasbourg, des AG en histoire, en architecture, en géographie, en maths, en philo, en sciences sociales etc… avec à chaque fois la présence de nombreux professeurs qui s’engagent de plus en plus fermement dans la lutte contre la réforme des retraites. Le corps enseignant et les chercheurs eux aussi se mobilisent de leur côté à travers des AG régulières qui poussent à une convergence massive avec les étudiants.

La lutte prend un tournant décisif, celui d’une lutte coordonnée nationalement. Les enseignants sont d’autant plus remontés contre la réforme des retraites que la loi LPPR (Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche) vient consolider le ras le bol général. La précarité ? on n’en veut plus. La réforme des retraites ? on n’en a jamais voulu. La loi LLPR ? non plus. La réforme Blanquer ? personne n’en veut, il n’y a qu’à constater les perturbations des épreuves des E3C dans les lycées. Ça gronde, et sérieusement. La mobilisation qui se prépare promet d’être rude, et les enseignants savent le poids qu’ils peuvent faire peser sur les universités et les lycées pour relancer la mobilisation étudiante, en baisse depuis la rentrée des vacances de Noël. Selon Pascal Maillard, professeur à l’Université de Strasbourg et membre du syndicat SNESUP-FSU, « ça monte très fort chez les enseignants », et une grève de la recherche et de l’enseignement est même envisagée, à tel point la mobilisation qui se profile revêt désormais un caractère exceptionnel, et s’encre fermement dans la lutte sociale qui traverse notre pays depuis plus d’un an.

Certains professeurs sont en grève « active », c’est-à-dire qu’ils continuent de donner des cours, mais consacrent une partie de ces derniers à expliquer la réforme des retraites et différentes réformes menées par le gouvernement de Macron. C’est en sciences sociales que la mobilisation est pour l’instant la plus forte, notamment avec une AG qui a regroupé près de 200 étudiants et professeurs, les cours de la semaine étant pour la plupart consacrés à des débats sur la réforme des retraites. En sciences sociales la mobilisation a commencé, on attend maintenant que ça prenne partout.

Cependant, la défaite de la mobilisation contre la loi Pécresse (la LRU : loi relative aux libertés et responsabilités des universités) demeure un profond traumatisme pour les étudiants et le corps enseignant et chercheur des universités. Sachant cela, en en prenant acte de cet échec, il nous faut y aller doucement, ne pas se précipiter, sans non plus trop prendre notre temps. Une révolution c’est toujours le chaos comme dit l’autre. Toujours est-il qu’on ressent une claire ébullition partout, quelque chose qui mijote, prêt à surgir. Un fait curieux s’est produit récemment, et vient renforcer l’idée que quelque chose de gros se prépare : la conférence des doyens des facultés de droit de France (à noter que les facs de droit se distinguent généralement par leur indifférence impériale face à toute sorte de mobilisation sociale) s’est illustrée par le vote d’un texte fustigeant la loi LPPR, un texte de gauchos ! Ça va chauffer…

Après une AG dans un amphi peu rempli, les étudiants mobilisés ainsi que des enseignants nous sommes dirigés vers une salle de conférence qui accueillait aujourd’hui le Congrès de l’Université, avec la présence de nombreux élus ainsi que du président de l’Université de Strasbourg, Michel Deneken, afin d’exprimer notre profond malaise sur ces quelques sujets :

– La banalisation des cours les jours de mobilisation pour que les étudiants souhaitant participer à la lutte puissent le faire sereinement et l’esprit tranquille.

– Que l’Université se positionne clairement contre la réforme des retraites et soutienne administrativement tous ceux (étudiants et corps enseignant) qui souhaitent se mobiliser.

– Nous demandons que Monsieur le Président condamne avec la plus grande fermeté les violentes agressions perpétrées par l’Action Française et la Cocarde Etudiante sur des étudiants mobilisés, en nommant clairement ces sombres groupuscules.

– L’Université de Strasbourg est décorée du statut d’université « résistante ». C’est une des raisons pour lesquelles nous demandons, par respect pour les personnes blessées et choquées par ces évènements, par respect pour l’Histoire, et pour honorer notre devoir de mémoire pour la Resistance Française face au fascisme, que l’université porte plainte contre ceux qui ont commis ces actes.

Après avoir appelé la sécurité pour fermer à clef les portes permettant d’accéder à la salle de conférence, M.Maillard a pu négocier quelques minutes avec le directeur pour nous laisser entrer pour nous exprimer, suite à quoi nous nous engagions à quitter les lieux sans « chahuter ».
Monsieur le Président Deneken, nous attendons toujours.

Quasiment tous les vœux des élus LREM sont perturbés, les pompiers ont de nouveau manifesté à Paris, où des scènes de folie se sont produites : charge des soldats du feu qui ont courageusement tenu tête aux forces de l’ordre, faisant face à une répression désormais presque banale. Mais les scènes de confrontation entre pompiers et policiers ne sont pas banales, elles sont profondément tristes et témoignent de la fadeur du gouvernement qui ne tient encore, mais peut-être pas pour toujours, grâce à la police.

Ça bout, ça chauffe, ça grogne, ça va cogner sec, il va pleuvoir des grenades et on va entendre siffler les matraques et meurtrir les flashballs. Mais on va tenir, et on va gagner, parce que si on ne tient pas on tombe, et si on tombe ce sera, cette fois, peut-être bien pour de bon. Alors aucune désescalade n’est à envisager, c’est la victoire qu’il nous faut, quoi qu’il en coûte, surtout s’il en coûte !

Oriol BAILLAUD ROCA, étudiant en Humanités à l’Université de Strasbourg