Interview Assa Traoré

A quelques jours de la Journée internationale de lutte contre les violences policières et d'une grande marche organisée à Paris, Assa Traroé revient sur l'importance de cette date et sur les luttes en cours. D'autant que la lutte contre les violences policières sont désormais au centre des revendications de l'ensemble des mouvements (Gilets Jaunes, écolo, syndicalistes).

 
🛑MARCHE DES FAMILLES CONTRE LES VIOLENCES POLICIERES
🛑SAMEDI 14 MARS - 13H12 - OPERA

14 MARS : INFOS ET LIENS UTILES

GROUPE FB TOUS A PARIS LE 14.03

Dossier actualisé le 11/03 à 23h00

PREFECTURE
Zone d'interdiction de rassemblement de personnes "se revendiquant" des Gilets Jaunes :

Sont également interdits tout objet pouvant dissimuler le visage ainsi que tout équipement pouvant mettre en echec tout ou partie des moyens utilisés par les forces de l'ordre pour le maintient de l'ordre. Arrêté intégral disponible en cliquant ICI.

INFOS RATP / TRANSPORTS :
Infos à venir

EVENEMENTS FACEBOOK

14 mars : Luttons ensemble - Tous à Paris
Acte 70 - 1 an de l'Ultimatum : La France entière sur les Champs
Appel Du 14 Mars: Référendum Pour La Destitution De Macron
14 mars 2020 : equipons-nous pour l'assault final !
Mobilisation de la jeunesse et des enseignants
14 Mars : Tous À Paris, Welcome To Paris
Appel National Du BTP/Artisans Et Toutes Convergences Pro
Mobilisation Du 14 Mars 2020 des Robes noires
La Jeunesse En Colere Le 14 Mars 2020 a Paris
Art en grève - Manif du 14 mars
14 Mars : 49-3, on n’en veux pas
Cortège de la coordination Ratp-Sncf
Educ et Interpro : Manif gilets jaunes, climat, anti-répression!

+ 2 manifs importantes hors GJ (mais complémentaires) :
Marche pour le Climat · 14 Mars
Marche des Familles contre les violences policières

EVENEMENT PAR REGION

14 MARS - Le Nord Pas De Calais a Paris !
14 Mars : Tout Rhône Alpes Auvergne À Paris
L’Yonne (89) à Paris le 14/03/2020
Le Centre-Val de Loire débarque à Paris
Les Pays de la Loire à PARIS - 14 MARS 2020
Le grand Ouest a Élysée
Les normand en colère tout se passera a paris
Appel gilets jaunes Grand-EST à Paris
Le GRAND EST A PARIS !!
Le Grand Ouest à Paris
14 Mars - Toute La Bourgogne - Franche-Comte À Paris !
Acte 70 - 14/03/20 - L'Alsace à Paris !
14 Mars : L'Occitanie À Paris !
14 Mars Paris Le Peuple Décide de son destin (Vendée)
Nantes à Paris
La Bretagne à PARIS - 14 mars 2020

HEBERGEMENT ET COVOITURAGE

Covoiturage et Hébergement pour l’appel national du 14 Mars 2020
Covoiturage GJ solidaires

GROUPE FACEBOOK
GJ tous à Paris le 14 mars

ARTICLES CND SUR LE 14 MARS
14 raisons de prendre les Champs
14 mars, si nous poussons, il tombera
Ultras, le 14 mars, changez d'époque
Appel National du 14 mars

MODÈLE POUR CONTESTER LES AMENDES DE 135€

Vous trouverez ici un modèle de lettre pour contester les contraventions pour manifestation non autorisée qui sont distribuées de plus en plus systématiquement dans le cadre du mouvement des gilets jaunes.
https://paris-luttes.info/gilets-jaunes-comment-contester-12606

POINT LEGAL

Connaitre ses droits en cas de GAV est important. Garder le silence, consulter un médecin et demander un avocat constitue une base. Voici une brochure plus détaillée : ICI

Le groupe légal Paris conseille de désigner ces avocat-e-s en garde à vue — il faut retenir son nom exact et son barreau de rattachement. (Possible qu’il y ait substitution entre elleux en cas d’indisponibilité.)

Barreau de Paris : Alice BECKER – Emilie BONVARLET – Matteo BONAGLIA – Anis HARABI – Raphaël KEMPF – Eduardo MARIOTTI – Ainoha PASCUAL – Boris ROSENTHAL – Xavier SAUVIGNET. Barreau de Créteil (94) : Lucie SIMON. Barreau de Bobigny (93) : Camille VANNIER.
(A télécharger: carrés à imprimer pour distribuer dans les cortèges)

MARCHE ET CRÈVE ?

8 mars : marche féministe / 14 mars : marche climat.
En l'espace d'une semaine, le pays va connaitre quatre grosses manifestations qui rassembleront plusieurs centaines de milliers de personnes à Paris.

Deux luttes essentielles qui ont déjà réussies ces derniers mois des manifestations massives dans Paris : 150 000 personnes le 23 novembre dernier contre les violences sexistes et sexuelles. 107 000 personnes le 16 mars dernier lors de la marche climat.

Deux luttes qui ne cessent de clamer l'urgence de la situation et de déplorer le mutisme du pouvoir face à la situation. Cela parle de soulèvement, de révolte, de radicalité. A juste titre.

Mais pourquoi dès lors continuer à se rassembler dans une manif déclarée qui sera totalement maitrisée par le pouvoir et donc indolore pour lui. Montrer aux médias le soutien de la population à cette cause ? Nous le savons déjà. Nous n'en sommes plus là.

L'heure est à l'action. Au soulèvement. A la révolte. Pour le climat. Pour le respect des femmes, dans toutes leurs diversité. Pour le respect de l'humain (et de la nature). Face à l'argent.

Les puissants l'ont suffisamment montré ces derniers temps, et de façon particulièrement obscène : ils n'en ont rien à foutre et nous emmerde ! La planète peut continuer à bruler, les femmes à être violées, ils continueront leur cirque puant et mortifère. Ils continueront à se donner des récompenses et à se congratuler. Ils sont rationnels et se tiennent à une feuille de route capitaliste, patriarcale et néo coloniale. Ce qui en fait des monstres froids.

Face à cela, les marches ne suffisent plus.
Ce que nous obtiendrons, c'est ce que nous prendrons. Le pouvoir ne nous "donnera" rien. Il faudra l'arracher.

Au Brésil, au Mexique ou en Colombie, les féministes ont décidé de réellement se révolter, et pas seulement avec des slogans. Ce n'est pas gagné et les oppressions et agressions sont encore très (trop) présentes. Mais elles ont décidé d'arrêter de seulement se défendre. Elles attaquent. Les agresseurs et leur soutien. Le système.

En France, les Gilets Jaunes ont dès leur début compris que la lutte ne pouvait plus se faire dans le cadre imposé par l’État et par les puissants. La séquence des retraites leur donne malheureusement raisons : les millions de personnes dans la rue et les centaines de milliers de grévistes n'y ont rien fait. Le pouvoir est passé. En force.

Nous nous rappelons les actions écolos dans le centre commercial Italie 2 ou dans les locaux de black Rock. Aussi la soirée des Césars de la honte et les manifs sauvages dans les beaux quartiers autour de la salle Pleyel. Elles nous rappellent et nous font ressentir que seul ce qui transgresse la légalité s'inscrit dans l'émancipation. Sans vouloir en faire un dogme, vu la gestion autoritaire qui se met en place, aujourd'hui l'action politique qui ne vise pas à ébranler véritablement l'Etat et le pouvoir de l'argent n'est qu'une salle d'attente pour un futur désastreux.

Les rendez vous à venir :
- Samedi 7 mars aura lieu une Marche De Nuit Féministe à 19h Place des Fêtes avec un cortège féministe antifasciste
- Dimanche 8 mars un village des féministes au CICP à partir de 14h
et aussi une manif à 14h au départ de place d'Italie.
- Vendredi 13 mars une action de désobéissance civile organisée par Youth For Climate
- Le 14 mars, des milliers de GJ seront autour des Champs, pour défier le pouvoir et son bras armé. C'est le paris d'une grande désobéissance civile à quelques mètres des bâtiments des puissances économiques et politiques.
- A 13H12, à la bonne heure ! La marche contre les Violence Policière s'élancera d'Opéra. Elle est organisée par les familles qui ont eu un des leurs tué par la police et qui depuis des années s'organisent pour obtenir une justice d'intérêt public et informer des techniques criminelles de la police.
- Et la marche climat partira de Bastille.

Gageons que nous serons des milliers à trouver des moyens pour montrer notre colère et notre ras le bol de cette société patriarcale, sexiste, capitaliste et néo coloniale, des milliers à se voir, à échanger et même à comploter pour atteindre notre but . Et que la manif déclarée ne sera pas le seul point de lutte.

Nous n'avons plus le temps de marcher et d'espérer une prise de conscience des puissants. Ils sont plus que jamais conscients de la situation. Et ne veulent absolument pas que cela change.

C'est donc leur monde qui va devoir crever. Ou nos espoirs.
Face à ce choix, il faudra faire plus que marcher.
Les barricades n'ont que deux côtés.


JOURNÉE DE LUTTE DANS L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Report de cette journée par Lille Insurgée
Partout en France, depuis quelques semaines, un mot tournait. Le 5 mars, l'Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) s'arrêtent contre la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), qui va précariser l'enseignement et la recherche dans le supérieur ; la réforme des retraites et plus récemment le 49.3.

À Lille, aujourd'hui, nous pouvons dire que l'ESR s'est arrêté.

🔸 LILLE 2

Ce matin, pour le 3ème jour consécutif, la fac de droit de Lille était bloquée dès 6h30. Une immense banderole a été déployée sur la façade du campus.

Vers 8h15, la sécurité du campus a réussi à ouvrir une entrée où les étudiant.e.s se sont engouffré.e.s pour aller en cours.
Rapidement, les personnes mobilisées ont vidé les salles de cours de leurs chaises et leurs tables pour empêcher la tenue des cours.

Aucun de ceux-ci n'a pu être assuré dans de bonnes conditions. Les personnes mobilisées à l'aide d'une sono crachant du rap, de la techno et du rock, ainsi que de multiples slogans, ont perturbé l'ensemble du campus. Pour que, une fois au moins, un jour au moins, le corps universitaire entende la sonnette d'alarme tirée depuis bien longtemps.

Vers 10h30, les personnels, enseignant.e.s et étudiant.e.s ont procédé a une cérémonie d'enterrement de l'ESR. Les témoignages se sont succédés pour dénoncer les politiques des gouvernements successifs visant à brader l'université et une déambulation avec un cercueil a donné corps à cette cérémonie.
Ils/elles ont ensuite jeté leurs outils de travail, majoritairement des plaquettes de TD, sur le parvis du campus. Une image rappelant le jet de robe des avocat.e.s et de blouses des personnels hospitaliers.

À 11h30, les personnes sont allées au Restaurant Universitaire (RU) du campus pour une opération RU gratuit.

Le campus a fermé ses portes à 16h. La direction craint alors qu'une manifestation n'y ait lieu. Une rumeur plus ou moins fondée puisque un rassemblement prévu à 16h30 a eu lieu au siège de l'Université de Lille.

🔸 LILLE 3

Dès le début des cours, le ton était donné à Lille 3, campus Pont de Bois.

Avant 8h, un barrage filtrant était organisé à l'entrée du campus.
Le fonctionnement normal de l'établissement a ensuite été perturbé sur l'ensemble de la matinée. Les manifestant.e.s interviennent, amphi après amphi, pour expliquer les raisons de leur mobilisation.

Des tags ont fleuri dans les bâtiments et une centaine de personnes ont participé à un « Die In ».

Le doyen du campus a convoqué une réunion plénière qui s'est rapidement transformée en assemblée générale de plusieurs centaines de personnes.

Le campus aseptisé depuis plusieurs années semble se réveiller brutalement. Et ça peut faire mal.

🔸 LILLE 1

À Lille 1, une assemblée a réuni plus de 150 personnes. Les personnes se sont ensuite dirigées à Porte de Paris pour la manifestation.

🔸 Sciences-Po Lille

À l'IEP aussi, étudiant.e.s (et professeur.e.s) se mobilisent. Le blocage, décidé en AG ce lundi, est concrétisé à partir de 6h30.

Malgré la pluie battante, bonne ambiance et petit déjeuner sont au programme. Seule la présence policière vient gâcher quelque peu la fête. À partir de 9h, le directeur et l'administration, appuyés par la police, viennent négocier avec les bloqueur.se.s pour que celleux-ci laissent entrer le personnel administratif. C'est finalement le cas, mais aucun cours n'aura lieu et aucun prof n'entrera.

Vers 11 heures, les forces de l'ordre, à défaut de pouvoir débloquer l'établissement, profitent du calme ambiant pour réaliser quelques contrôles d'identité.

🔸Manifestation

La manif a débuté à 14h30, porte de Paris. Plusieurs milliers de personnes étaient présentes sous la pluie battante.

Le parcours déclaré, et toujours aussi merdique (JB Lebas, Solférino, Brûle-Maison, Rue des Postes, République) et la drache n'ont pas découragé les foules bel et bien présentes.

Mais au milieu de la rue Brûle-Maison se déroule une scène incroyable. La police charge frontalement au cortège après un petit gazage (à la grenade) sans sommation sur l'avant du cortège. Un face à face, bouclier contre parapluie se met en place, sur le parcours pourtant déclaré. Le camion de la CGT est juste quelques mètres derrière.

La foule est dense, la pluie bat, les corps sont serrés, mais la flicaille n'hésite pas à gazer et donner des coups de matraque. Plusieurs personnes sont blessées à la tête, dont deux avec plaie ouverte.

La CGT, accompagnée des habitué.e.s du cortège de tête, pousse. La police finit par reculer.

La manifestation reprend son cours, au rythme de slogans lancés par le camion-plateau de la CGT, repris, contre toute attente, par le cortège de tête. La Place de la République est rejointe dans l'incompréhension de l'événement précédemment raconté.

Quelques minutes plus tard, un groupe de 15 policiers et baqueux procèdent à une interpellation d'une personne rue Lydéric (entre Répu et la Porte de Paris). Arrivant en courant (depuis Répu !), les somment aux passant.e.s de dégager avec véhémence.

🔸 Siège de l'Université de Lille

Après la manifestation et toujours sous la pluie, plusieurs dizaines d'enseignant.e.s, personnels et étudiant.e.s de l'Université de Lille se rassemblent au siège administratif de leur lieu de travail, rue Paul Duez. Quelques chansons, quelques slogans. L'ambiance est joyeuse pour dénoncer les politiques de la présidence de l'université et pour demander le retrait de la LPPR.

🔸Soirée de soutien à Lille 1

À 19h30 se tient une soirée de soutien au mouvement social à la MDE de Lille 1.
Un moment de fête nécessaire après cette journée de plus de 13h de lutte.

Demain est à nous, alors à demain.

Crédit photo : Lille Insurgée, Lisa Giroldini, Clara Guillard.


appel aux AG 14 mars Gilets Jaunes

Appel aux AG à prendre position pour le 14 mars

« Il faut déborder du cadre » « Il faut trouver de nouvelles formes d’action » « il faut des actions coups de poings » «Il faut être plus offensifs » « Les manifs syndicales ne servent plus à rien »…
Voilà ce qu’on entend dans toutes les dernières AG, notamment celles dans l’Éducation.

Alors, que fera-t-on samedi 14/03 pour répondre à toutes ces envies ?

Le plus cohérent et le plus percutant serait un appel massif des AG (tous secteurs) à rejoindre l’action de désobéissance appelée par une grande partie des gilets jaunes, à savoir se rassembler sur les Champs Elysées.

Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas manifester pour le climat, ou contre les violences policières, ou avec une éventuelle manif gilets jaunes déclarée (manifs officielles qui auront lieu ce jour là)… mais plutôt de manifester en défiant vraiment le point d’origine qui relie toutes ces luttes (et bien d’autres encore) : le gouvernement et son pouvoir.
N’est-ce pas là une réelle occasion, bien concrète, de le défier ?
Les confédérations syndicales ne se montrent pas à la hauteur des enjeux. Prenons nos responsabilités !

Les Champs seront peut-être nassés, certes… Mais si l’on est présent.es en masse, près des lieux de pouvoir, à bloquer les commerces de luxe et le tourisme sur les champs, ou autour, selon le dispositif policier qui sera en place, plutôt que de se disperser dans des manifs biens sages encadrées sur des parcours décidés par la Préfecture et encadrés de près par la Police, l’impact sera beaucoup plus puissant ! Et de toutes façons, les dernières manifs officielles ont presque toutes ressemblé à des nasses mobiles géantes. Rappelons-nous quand nous étions plus d’un million les jours de grosses manifs... C’était beau, mais ça n’a pas été efficace.

Soyons donc en masse à dire : On est là. On est là où ça dérange. On est là où le pouvoir ne veut pas qu’on soit. Mais on est là quand même.
Le massacre de nos droits et libertés est en marche depuis un moment maintenant : loi travail, dispositions de l’État d’urgence glissées dans le droit commun, loi « anti-casseurs » qui entraîne une justice préventive voire prédictive, réformes du chômage, du droit d’asile, les lois Blanquer, la baisse des APL, le FISC autorisé à la surveillance massive des citoyen.nes, les censures de pages politiques et syndicales sur les réseaux sociaux, les mutilations et meurtres par la Police... On n’a pas le droit de laisser passer en plus la casse des retraites ! Il faut cesser ce massacre !
Que toutes les AG prennent position et appellent à cette action massive de désobéissance !!!

Toutes et tous le 14 mars avec les Gilets Jaunes aux Champs Elysées ! (palampalampa!)

Des enseignant.es en lutte


On se lève et on se casse Virginie Despentes Adèle Haenel Roman Polenski

Désormais on se lève et on se barre - Virginie Despentes

Tribune : "trois mois de grève pour protester contre une réforme des retraites dont on ne veut pas et que vous allez faire passer en force. C’est le même message venu des mêmes milieux adressé au même peuple : «Ta gueule, tu la fermes, ton consentement tu te le carres dans ton cul, et tu souris quand tu me croises parce que je suis puissant, parce que j’ai toute la thune, parce que c’est moi le boss."

crédit photo : Nasser Berzane

Je vais commencer comme ça : soyez rassurés, les puissants, les boss, les chefs, les gros bonnets : ça fait mal. On a beau le savoir, on a beau vous connaître, on a beau l’avoir pris des dizaines de fois votre gros pouvoir en travers de la gueule, ça fait toujours aussi mal. Tout ce week-end à vous écouter geindre et chialer, vous plaindre de ce qu’on vous oblige à passer vos lois à coups de 49.3 et qu’on ne vous laisse pas célébrer Polanski tranquilles et que ça vous gâche la fête mais derrière vos jérémiades, ne vous en faites pas : on vous entend jouir de ce que vous êtes les vrais patrons, les gros caïds, et le message passe cinq sur cinq : cette notion de consentement, vous ne comptez pas la laisser passer. Où serait le fun d’appartenir au clan des puissants s’il fallait tenir compte du consentement des dominés ? Et je ne suis certainement pas la seule à avoir envie de chialer de rage et d’impuissance depuis votre belle démonstration de force, certainement pas la seule à me sentir salie par le spectacle de votre orgie d’impunité.

Il n’y a rien de surprenant à ce que l’académie des césars élise Roman Polanski meilleur réalisateur de l’année 2020. C’est grotesque, c’est insultant, c’est ignoble, mais ce n’est pas surprenant. Quand tu confies un budget de plus de 25 millions à un mec pour faire un téléfilm, le message est dans le budget. Si la lutte contre la montée de l’antisémitisme intéressait le cinéma français, ça se verrait. Par contre, la voix des opprimés qui prennent en charge le récit de leur calvaire, on a compris que ça vous soûlait. Alors quand vous avez entendu parler de cette subtile comparaison entre la problématique d’un cinéaste chahuté par une centaine de féministes devant trois salles de cinéma et Dreyfus, victime de l’antisémitisme français de la fin du siècle dernier, vous avez sauté sur l’occasion. Vingt-cinq millions pour ce parallèle. Superbe. On applaudit les investisseurs, puisque pour rassembler un tel budget il a fallu que tout le monde joue le jeu : Gaumont Distribution, les crédits d’impôts, France 2, France 3, OCS, Canal +, la RAI… la main à la poche, et généreux, pour une fois. Vous serrez les rangs, vous défendez l’un des vôtres. Les plus puissants entendent défendre leurs prérogatives : ça fait partie de votre élégance, le viol est même ce qui fonde votre style. La loi vous couvre, les tribunaux sont votre domaine, les médias vous appartiennent. Et c’est exactement à cela que ça sert, la puissance de vos grosses fortunes : avoir le contrôle des corps déclarés subalternes. Les corps qui se taisent, qui ne racontent pas l’histoire de leur point de vue. Le temps est venu pour les plus riches de faire passer ce beau message : le respect qu’on leur doit s’étendra désormais jusqu’à leurs bites tachées du sang et de la merde des enfants qu’ils violent. Que ça soit à l’Assemblée nationale ou dans la culture - marre de se cacher, de simuler la gêne. Vous exigez le respect entier et constant. Ça vaut pour le viol, ça vaut pour les exactions de votre police, ça vaut pour les césars, ça vaut pour votre réforme des retraites. C’est votre politique : exiger le silence des victimes. Ça fait partie du territoire, et s’il faut nous transmettre le message par la terreur vous ne voyez pas où est le problème. Votre jouissance morbide, avant tout. Et vous ne tolérez autour de vous que les valets les plus dociles. Il n’y a rien de surprenant à ce que vous ayez couronné Polanski : c’est toujours l’argent qu’on célèbre, dans ces cérémonies, le cinéma on s’en fout. Le public on s’en fout. C’est votre propre puissance de frappe monétaire que vous venez aduler. C’est le gros budget que vous lui avez octroyé en signe de soutien que vous saluez - à travers lui c’est votre puissance qu’on doit respecter.

Il serait inutile et déplacé, dans un commentaire sur cette cérémonie, de séparer les corps de cis mecs aux corps de cis meufs. Je ne vois aucune différence de comportements. Il est entendu que les grands prix continuent d’être exclusivement le domaine des hommes, puisque le message de fond est : rien ne doit changer. Les choses sont très bien telles qu’elles sont. Quand Foresti se permet de quitter la fête et de se déclarer «écœurée», elle ne le fait pas en tant que meuf - elle le fait en tant qu’individu qui prend le risque de se mettre la profession à dos. Elle le fait en tant qu’individu qui n’est pas entièrement assujetti à l’industrie cinématographique, parce qu’elle sait que votre pouvoir n’ira pas jusqu’à vider ses salles. Elle est la seule à oser faire une blague sur l’éléphant au milieu de la pièce, tous les autres botteront en touche. Pas un mot sur Polanski, pas un mot sur Adèle Haenel. On dîne tous ensemble, dans ce milieu, on connaît les mots d’ordre : ça fait des mois que vous vous agacez de ce qu’une partie du public se fasse entendre et ça fait des mois que vous souffrez de ce qu’Adèle Haenel ait pris la parole pour raconter son histoire d’enfant actrice, de son point de vue.

Alors tous les corps assis ce soir-là dans la salle sont convoqués dans un seul but : vérifier le pouvoir absolu des puissants. Et les puissants aiment les violeurs. Enfin, ceux qui leur ressemblent, ceux qui sont puissants. On ne les aime pas malgré le viol et parce qu’ils ont du talent. On leur trouve du talent et du style parce qu’ils sont des violeurs. On les aime pour ça. Pour le courage qu’ils ont de réclamer la morbidité de leur plaisir, leur pulsion débile et systématique de destruction de l’autre, de destruction de tout ce qu’ils touchent en vérité. Votre plaisir réside dans la prédation, c’est votre seule compréhension du style. Vous savez très bien ce que vous faites quand vous défendez Polanski : vous exigez qu’on vous admire jusque dans votre délinquance. C’est cette exigence qui fait que lors de la cérémonie tous les corps sont soumis à une même loi du silence. On accuse le politiquement correct et les réseaux sociaux, comme si cette omerta datait d’hier et que c’était la faute des féministes mais ça fait des décennies que ça se goupille comme ça : pendant les cérémonies de cinéma français, on ne blague jamais avec la susceptibilité des patrons. Alors tout le monde se tait, tout le monde sourit. Si le violeur d’enfant c’était l’homme de ménage alors là pas de quartier : police, prison, déclarations tonitruantes, défense de la victime et condamnation générale. Mais si le violeur est un puissant : respect et solidarité. Ne jamais parler en public de ce qui se passe pendant les castings ni pendant les prépas ni sur les tournages ni pendant les promos. Ça se raconte, ça se sait. Tout le monde sait. C’est toujours la loi du silence qui prévaut. C’est au respect de cette consigne qu’on sélectionne les employés.

Et bien qu’on sache tout ça depuis des années, la vérité c’est qu’on est toujours surpris par l’outrecuidance du pouvoir. C’est ça qui est beau, finalement, c’est que ça marche à tous les coups, vos saletés. Ça reste humiliant de voir les participants se succéder au pupitre, que ce soit pour annoncer ou pour recevoir un prix. On s’identifie forcément - pas seulement moi qui fais partie de ce sérail mais n’importe qui regardant la cérémonie, on s’identifie et on est humilié par procuration. Tant de silence, tant de soumission, tant d’empressement dans la servitude. On se reconnaît. On a envie de crever. Parce qu’à la fin de l’exercice, on sait qu’on est tous les employés de ce grand merdier. On est humilié par procuration quand on les regarde se taire alors qu’ils savent que si Portrait de la jeune fille en feu ne reçoit aucun des grands prix de la fin, c’est uniquement parce qu’Adèle Haenel a parlé et qu’il s’agit de bien faire comprendre aux victimes qui pourraient avoir envie de raconter leur histoire qu’elles feraient bien de réfléchir avant de rompre la loi du silence. Humilié par procuration que vous ayez osé convoquer deux réalisatrices qui n’ont jamais reçu et ne recevront probablement jamais le prix de la meilleure réalisation pour remettre le prix à Roman fucking Polanski. Himself. Dans nos gueules. Vous n’avez décidément honte de rien. Vingt-cinq millions, c’est-à-dire plus de quatorze fois le budget des Misérables, et le mec n’est même pas foutu de classer son film dans le box-office des cinq films les plus vus dans l’année. Et vous le récompensez. Et vous savez très bien ce que vous faites - que l’humiliation subie par toute une partie du public qui a très bien compris le message s’étendra jusqu’au prix d’après, celui des Misérables, quand vous convoquez sur la scène les corps les plus vulnérables de la salle, ceux dont on sait qu’ils risquent leur peau au moindre contrôle de police, et que si ça manque de meufs parmi eux, on voit bien que ça ne manque pas d’intelligence et on sait qu’ils savent à quel point le lien est direct entre l’impunité du violeur célébré ce soir-là et la situation du quartier où ils vivent. Les réalisatrices qui décernent le prix de votre impunité, les réalisateurs dont le prix est taché par votre ignominie - même combat. Les uns les autres savent qu’en tant qu’employés de l’industrie du cinéma, s’ils veulent bosser demain, ils doivent se taire. Même pas une blague, même pas une vanne. Ça, c’est le spectacle des césars. Et les hasards du calendrier font que le message vaut sur tous les tableaux : trois mois de grève pour protester contre une réforme des retraites dont on ne veut pas et que vous allez faire passer en force. C’est le même message venu des mêmes milieux adressé au même peuple : «Ta gueule, tu la fermes, ton consentement tu te le carres dans ton cul, et tu souris quand tu me croises parce que je suis puissant, parce que j’ai toute la thune, parce que c’est moi le boss.»

Alors quand Adèle Haenel s’est levée, c’était le sacrilège en marche. Une employée récidiviste, qui ne se force pas à sourire quand on l’éclabousse en public, qui ne se force pas à applaudir au spectacle de sa propre humiliation. Adèle se lève comme elle s’est déjà levée pour dire voilà comment je la vois votre histoire du réalisateur et son actrice adolescente, voilà comment je l’ai vécue, voilà comment je la porte, voilà comment ça me colle à la peau. Parce que vous pouvez nous la décliner sur tous les tons, votre imbécillité de séparation entre l’homme et l’artiste - toutes les victimes de viol d’artistes savent qu’il n’y a pas de division miraculeuse entre le corps violé et le corps créateur. On trimballe ce qu’on est et c’est tout. Venez m’expliquer comment je devrais m’y prendre pour laisser la fille violée devant la porte de mon bureau avant de me mettre à écrire, bande de bouffons.

Adèle se lève et elle se casse. Ce soir du 28 février on n’a pas appris grand-chose qu’on ignorait sur la belle industrie du cinéma français par contre on a appris comment ça se porte, la robe de soirée. A la guerrière. Comme on marche sur des talons hauts : comme si on allait démolir le bâtiment entier, comment on avance le dos droit et la nuque raidie de colère et les épaules ouvertes. La plus belle image en quarante-cinq ans de cérémonie - Adèle Haenel quand elle descend les escaliers pour sortir et qu’elle vous applaudit et désormais on sait comment ça marche, quelqu’un qui se casse et vous dit merde. Je donne 80 % de ma bibliothèque féministe pour cette image-là. Cette leçon-là. Adèle je sais pas si je te male gaze ou si je te female gaze mais je te love gaze en boucle sur mon téléphone pour cette sortie-là. Ton corps, tes yeux, ton dos, ta voix, tes gestes tout disait : oui on est les connasses, on est les humiliées, oui on n’a qu’à fermer nos gueules et manger vos coups, vous êtes les boss, vous avez le pouvoir et l’arrogance qui va avec mais on ne restera pas assis sans rien dire. Vous n’aurez pas notre respect. On se casse. Faites vos conneries entre vous. Célébrez-vous, humiliez-vous les uns les autres tuez, violez, exploitez, défoncez tout ce qui vous passe sous la main. On se lève et on se casse. C’est probablement une image annonciatrice des jours à venir. La différence ne se situe pas entre les hommes et les femmes, mais entre dominés et dominants, entre ceux qui entendent confisquer la narration et imposer leurs décisions et ceux qui vont se lever et se casser en gueulant. C’est la seule réponse possible à vos politiques. Quand ça ne va pas, quand ça va trop loin ; on se lève on se casse et on gueule et on vous insulte et même si on est ceux d’en bas, même si on le prend pleine face votre pouvoir de merde, on vous méprise on vous dégueule. Nous n’avons aucun respect pour votre mascarade de respectabilité. Votre monde est dégueulasse. Votre amour du plus fort est morbide. Votre puissance est une puissance sinistre. Vous êtes une bande d’imbéciles funestes. Le monde que vous avez créé pour régner dessus comme des minables est irrespirable. On se lève et on se casse. C’est terminé. On se lève. On se casse. On gueule. On vous emmerde.

Virginie Despentes