L’appel est lancé par plusieurs signataires dans la semaine des Pyrénées : « parce que la normalité de demain qui nous est proposée, et imposée désormais – un monde policier et de contrôle encore plus quotidien – n’est pas celle que nous espérons »

Il est vrai que le confinement est justifié. Et il l’est d’autant plus du fait de l’incurie du gouvernement (absence de masques, indications contradictoires sur la nécessité de le porter, absence de test et de dépistage, etc.). Mais il n’y a aucune raison de supporter la dimension infantilisante de l’attestation et la répression subie par ceux qui n’en ont pas : 480.000 contraventions ont été dressées pour non-respect du confinement.

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« Il répond à une inquiétude que nombre d’entre nous, peut-être de plus en plus, partageons sur la privation de liberté aujourd’hui, l’instrumentalisation (réflexe et réfléchie, les deux peuvent exister conjointement) de la crise sanitaire actuelle par les pouvoirs en place, sur comment demain se dessinera (rattrapage du temps perdu à produire, consommer, etc ou prise de conscience d’un changement radical nécessaire ?). Ces inquiétudes sont partagées comme en témoignent ces deux documents, l’un du Syndicat de la magistrature, l’autre de l’observatoire des droits de l’Homme. Ce type de réaction n’est peut-être pas dans l’air du temps, ce temps où la peur tant du virus que du « flic », guide nos actes et positions. Néanmoins il faut partager ce questionnement de l’un d’entre nous « la santé ou la liberté, qu’est ce qui est le plus important ? Nous vous prions donc de le publier dans vos médias, car c’est un appel public nécessaire en ces temps de démocratie au ralentie. », explique Renaud de Bellefon.

N’abandonnons pas notre dignité dans une attestation de circulation

Parce que notre parole a autant de valeur que notre stylo ;

parce que nous imposer à chaque contrôle de présenter un papier qui ne dit rien d’autre que ce que nous pouvons déclarer oralement ;

parce que ce contrôle tatillon nie notre responsabilité et notre sens de l’intérêt commun ;

parce que la rédaction quotidienne, ou presque, de cette attestation normalise à terme un contrôle permanent ;

parce que présenter systématiquement ce document aux forces de l’ordre nous fait in-corporer ce geste, tend à en faire une habitude ;

parce que l’absence, l’oubli de ce document ne peut pas faire de nous un délinquant (la ministre de la justice ne voulait-elle pas que la non-présentation de l’attestation soit justement un délit ?)* 1;

parce que stigmatiser une partie des citoyens, c’est instaurer la suspicion généralisée ;

parce que créer des boucs-émissaires, mauvais Français qui sortent sans raison, c’est détourner des vraies responsabilités, des manquements du gouvernement dans cette crise ;

parce que cette obligation va à l’encontre des demandes de plus de transparence, de démocratie qui montent dans la société ;

parce qu’instaurer un Etat policier n’incite pas à la responsabilisation mais à l’évitement, au « jeu » du chat et de la souris, aux réactions mesquines et individualistes ;

parce que la normalité de demain qui nous est proposée, et imposée désormais – un monde policier et de contrôle encore plus quotidien – n’est pas celle que nous espérons;

parce qu’accepter de se soumettre, c’est cautionner un autoritarisme aveugle, et les dérives usurpant nos codes de valeurs ;

parce que c’est une manière de dire que nous refusons la soumission, la servitude volontaire, et de le dire en acte, de prendre conscience et refuser d’être la grenouille dans l’eau qui chauffe ;

parce que ce refus participe à l’ébauche d’une autre normalité demain, une normalité d’après la crise ;

parce qu’aussi il y a aujourd’hui de nombreuses personnes, notamment parmi les populations les plus en difficulté déjà, qui sont devenues des délinquantes pour rien ;

parce que refuser de présenter une attestation n’est pas refuser un confinement responsable ;

Refusons en nombre, au moins une fois, de présenter l’attestation de circulation.

Contestons l’amende et nous défendrons notre position devant les tribunaux. Plus nous serons nombreux, plus notre démarche sera entendue, et plus nous regagnerons notre dignité.

Renaud de Bellefon, Alain Bonneau, Anne de Brouwer , Merilu Solito, Michèle Setti