Aujourd’hui, mercredi 29 juillet, est ma troisième journée à Portland et hier soir j’ai assisté à ma deuxième manifestation (voir mon récit). À l’heure où j’écris (la fin d’après-midi), la journée est surtout marquée par l’annonce faite ce matin par la gouverneure de l’État de l’Oregon Kate Brown: un accord aurait été trouvé qui permettrait le retrait des agents fédéraux (les « Feds ») dès demain jeudi – et aussi leur nettoyage de l’extérieur du bâtiment fédéral recouvert de graffitis. Mais la situation reste néanmoins confuse, notamment parce que le Department of Homeland Security (la principale agence fédérale dont les agents sont déployés ici) a démenti son départ. Par ailleurs, le sentiment général que semble susciter l’annonce de la gouverneure est la méfiance. Quelles sont les garanties de ce retrait ? Au-delà de ce qui se joue en ce moment localement à Portland et de la possible victoire remportée par les manifestant.e.s, l’Operation Legend (l’opération de l’Administration Trump d’envoi de troupes fédérales dans des villes démocrates pour « rétablir l’ordre ») continue bien avec la nouvelle du déploiement de Feds dans trois nouvelles villes (Cleveland, Detroit et Milwaukee).

Cette journée riche en rebondissements fait suite à une nouvelle nuit de manifestation devant le bâtiment fédéral. Comme les soirs précédents, la foule est arrivée en nombre à partir de 20 heures. Beaucoup de personnes viennent en petits groupes d’ami.e.s, de collègues ou de diverses formes affinitaires (par exemple hier soir, il y avait un groupe de membres de l’église mennonite, un mouvement chrétien anabaptiste).

Un groupe d’Amerindien.ne.s de diverses Nations (les Nations amérindiennes souveraines sont au nombre de neuf dans l’État de l’Oregon) sont venu.e.s dire leur soutien au mouvement #BLM et rappeler leurs luttes. Ils et elles ont chanté plusieurs chants rituels qui faisaient écho aux évènements en cours et qui évoquent les Anciens, la Terre, les blessures et la guérison.

Comme les autres soirs depuis plus d’une semaine, la présence des « Mamans », avec leurs tee-shirts jaune, a été remarquée. Tout comme celle de deux dizaines de vétérans, qui se sont mis en rang dans le respect des règles de l’art militaire.

D’une manière générale, on peut remarquer que les équipements type casques et masques à gaz sont généralisés. Or il faut souligner qu’il n’y a pas aux USA une grande culture des affrontements avec la police dans le cadre des manifestations comme il peut y avoir en France. Ce qui explique d’ailleurs en partie que l’usage de gaz lacrymogènes fasse autant scandale dans le pays. Bref, pour la plupart des gens qui aujourd’hui viennent aujourd’hui manifester, c’est une nouveauté que de s’équiper ainsi.

La nuit a été longue. La foule de plusieurs milliers de personnes vers 21 heures est restée très compacte jusqu’à 1 heure du matin. Si les Feds, retranchés dans le bâtiment fédéral et protégés par les hautes grilles qui l’entourent temporairement, ont lancé plusieurs fois des gaz lacrymogènes à partir de 23 heures, c’est surtout à partir de 1 heure du matin que des affrontements plus violents (qui n’ont pas faits de blessé.e.s graves à ma connaissance) ont eu lieu.

Aujourd’hui, le campement devant le bâtiment fédéral n’a pas bougé : il y a toujours le Riot Ribs qui sert des repas 24/24, la tente des secours médicaux avec son matériel de prévention (bouchons d’oreilles, masques, casques, produits contre les effets des gaz lacrymogènes, etc.) et quelques tentes d’habitation. Il ne fait aucun doute qu’il y aura une manifestation ce soir. Non seulement cela fait plus de 60 jours que les habitant.e.s de Portland manifestent chaque soir pour #BLM, mais les Feds ne sont pas encore partis !

Je vais donc être à nouveau sur place ce soir – si vous voulez me suivre sur Twitter, je vous donnerai des nouvelles à partir de 21 h (heure locale), soit 6 heures du matin (heure française, jeudi).