La loi sécurité globale qui fait notamment parler d’elle avec son article 24 limitant le droit de filmer les forces de l’ordre, remet gravement en cause la liberté d’informer et de manifester.

L’ambition de la loi est cependant beaucoup plus large et dangereuse que le simple article 24. Elle vise à donner un cadre légal à une société de contrôle dont les victimes ne seront pas les seuls journalistes, mais bien l’ensemble de la population. À commencer par les cibles habituelles : pauvres, habitants des quartiers populaires, travailleurs en lutte, militants.

illustration : @Zelie_t_draws (insta), Zelie’s Scribbles (Telegram)

Elle renforce la mise en place d’un état sécuritaire et d’une société de surveillance

 

La police écrit la loi. L’état d’exception la fait passer.
Le rapporteur de la loi, est un député LREM, Jean-Michel Fauvergue, ancien chef du RAID. Avec Alice Thourot ils ont fabriqué une loi répondant exactement aux demandes des syndicats policiers d’extrême droite. La proposition de loi, présentée en plein état d’urgence sanitaire, où les colères sont confinées, ne peut être qu’un atout pour légiférer et exécuter une loi rapidement et discrètement. En clair, la police écrit les lois dans un contexte d’état policier.

Extension des pouvoirs de la police municipale

 

Ce sont les premiers articles de la loi. Ils visent à renforcer les pouvoirs des polices municipales. Elles seront désormais habilitées à effectuer des contrôles d’identités, ainsi qu’à maintenir et conduire une personne au commissariat si l’identité ne peut être justifiée. Les polices municipales pourront désormais constater un certain nombre de délits et d’infractions, ainsi que saisir les objets qui sont liés à l’infraction. (Article 1)
Avec cette loi, la police sort de son rôle « tampon » de police de proximité pour endosser un rôle encore plus répressif qu’aujourd’hui.

Extension des pouvoirs de la sécurité privée

 

La sécurité privée va désormais jouer les auxiliaires de police. Les agents pourront désormais contrôler et fouiller des individus dans les établissements privés dans le cadre de recherche d’une infraction, et transmettre directement au procureur. L’article 8 prévoit que les agents de sécurité puissent maintenir physiquement un individu le temps que la police nationale arrive. Les peines en cas de non respect des ordres d’un agent de sécurité, elles, explosent. 2 mois de prison et 7500 euros d’amende en cas de simple non respect d’un ordre d’un agent de sécurité. L’article 15, lui prévoit la possibilité de cumuler pension et revenu de vigile pour les retraites de la police nationale, et ainsi faciliter la transmission de compétences entre policier et agent de sécurité privé.
A terme, il s’agit d’augmenter massivement le flicage dans les lieux publics et les grands évènements.

Surveiller, partout, tout le temps

 

– Les articles 20, 20bis et 20ter constituent une fuite en avant des usages de la vidéosurveillance.
L’article 20 veut donner le pouvoir aux policiers municipaux le visionnage des caméras de vidéosurveillance, auparavant possible par les services de police et de gendarmerie nationale.

L’article 20 bis veut permettre la transmission des images de vidéosurveillance des halls d’immeubles « en cas d’occupation par des personnes qui entravent l’accès et la libre circulation des locataires ou empêchent le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté ou nuisent à la tranquillité des lieux ».

– L’article 20 ter veut permettre aux agents de la SNCF et de la RATP de pouvoir visionner les images des caméras de vidéosurveillance sur la voie publique (en pleine contradiction avec une décision du Conseil constitutionnel qui rappelle que seules des autorités publiques ont le droit de visionner des images de la voie publique).

– L’article 21 tend à développer quant à lui, les caméras de vidéosurveillance mobile. Portées par des policiers, elles seront désormais retransmises directement au poste de police qui pourrait utiliser la reconnaissance faciale pour identifier un individu directement.

– l’article 22 permettra le développement de la vidéosurveillance aérienne : Le développement de l’usage des drones ( bien que souvent empêchés par nos mouettes de combat ) va se généraliser pour filmer manifestations et bâtiments accueillant du public. Comme pour les caméras piétonnes, les images sont retransmises en direct au poste de police et la reconnaissance faciale peut être utilisée en lien avec les nombreux fichiers de police.
Entre les caméras des bâtiments privées et publics. De l’entrée de l’immeuble au jardin public. De la cours de récréation au lieu de travail. Du métro souterrain au ciel, jusqu’au policiers en patrouille. Nos espaces sont mangés par la vidéosurveillance. La Défenseur des droits estime d’ailleurs que « ces dispositions sont susceptibles de porter atteinte au droit au respect de la vie privée », position rejointe par l’association Amnesty International France, la ligue des droits de l’homme ou encore La Quadrature du Net.

Protéger la police en leurs laissant les pleins pouvoirs

 

Les articles 23, 24, 25 et 26 sont particulièrement inquiétants.
Tout le monde a entendu parler de l’article 24 visant à interdire la diffusion d’images de policiers. Une nuance importante est cependant à apporter depuis le revirement du ministre sur la garantie à donner sur la liberté de la presse.
Au fur et à mesure des débats, on discerne que ce sont les « auto médias » ou les journalistes qui ne plaisent pas aux policiers qui vont pâtir de cette mesure sur terrain ou après diffusion.

Tout en prétendant ne pas vouloir entraver la liberté de la presse, le texte laisse à l’appréciation du policier de déterminer si l’image va à son encontre ou pas, si elle « porte atteinte à son intégrité physique ou psychique ».

Il y a peu de doute sur ladite appréciation, qui a déjà fait ses preuves le 17 novembre, avec les 7 journalistes ciblés par la police par des coups et des arrestations (une journaliste indépendante de Taranis News et un journaliste de France 3 ont fini en GAV).

En résumé, c’est un pouvoir de menace arbitraire accru qui est donné aux policiers. Les députés LREM font semblant de ne pas voir les réalités du terrain.

Les trois autres articles, précédemment cités, visent tout comme l’article 24, à enfoncer le clou de l’impunité des forces de l’ordre.

L’article 23 prévoit ainsi que les infractions effectuées à l’encontre des forces de l’ordre, ne bénéficient plus des réductions de peine.

L’article 25 prévoit que les policiers hors service puissent porter leur arme dans des établissements recevant du public.

L’article 26 prévoit que les militaires déployés sur le territoire puissent user de leurs armes (de guerre) afin d’empêcher un « parcours criminel ».

Si certains des articles, indépendamment des autres, ne vous paraissent pas problématiques, cette loi est à prendre comme un « tout ». Elle constitue une dérive importante, accentuant les pouvoirs des polices publics et privées, municipales et nationales, permettant une meilleure communication, transmission de savoirs et de pratiques entre celles-ci. Il serait donc complètement illogique de s’en prendre uniquement à l’article 24.

Nous voulons voir tomber les articles 1, 4 , 8, 12, 15, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26. Rarement une loi censée protéger la police n’a autant mis les individus en insécurité.

En définitive, nous voulons que cette loi finissent dans les catacombes, dans les abysses de l’histoire.

Samedi, plusieurs rassemblements sont prévus dans toute la France, en voici quelques uns :

Paris : 14h30, Parvis des Droits de l’Homme (Trocadéro).
Marseille : 14h, Vieux Port.
Lyon : 14h, 24 colonnes (Gilets Jaunes).
Lille : 11h, Place de la République.
Rouen : 14h30, Palais de Justice.
Montpellier : 11h, commissariat Comte de Melgeuil et 14h, Place de la Comédie.
Rennes : 11h, Place de la République.
Saint-Étienne : 15h, Place Jean Jaurès.
Brest : 15h, Place de la Liberté.
Le Havre : 14h30, Hôtel de Ville.
Poitiers : 15h, Hôtel de Ville.
Lorient : 15h, Place Aristide Briand.
Béziers : 14h30, Sous-Préfecture.
Périgueux : 10h, Arbre de la Liberté.
Beauvais : 10h, Place Jeanne Hachette.
Niort : 10h30, Parvis des Droits de l’Homme.
Limoges : 11h, Préfecture.
Angouleme : 16h, Palais de Justice.

(liste non exhaustive)

Une attestation de déplacement dérogatoire pour participer à une manifestation déclarée a été rédigé par un collectif d’avocat.e.s

attestation déplacement dérogatoire pour participer à une mniafestation déclarée

21 novembre contre la loi sécurité globale au Trocadéro