Actuellement, entre 3000 et 4000 réfugiés politiques originaires principalement d’Irak et d’Afghanistan  se retrouvent bloqués à la frontière entre la Pologne et Biélorussie et survivent dans des conditions épouvantables. 

Pour le régime polonais et l’Union Européenne, il s’agirait d’une tentative de déstabilisation par la Biélorussie.
Les régimes lituaniens et polonais (globalement hostiles à la Russie et tout aussi anti-immigration) évoquent logiquement une manoeuvre qui viendrait de la Russie, alliée de Minsk.

De son côté, le président Biélorusse, Loukachenko dément et renvoie ces responsabilités à l’Union Européenne, il appelle « à mettre en garde à l’avance la partie polonaise contre l’utilisation de toute provocation », contre elle « pour justifier d’éventuelles actions belliqueuses illégales » contre les migrants (source France info).
Les sanctions économiques, évoquées comme principal facteur de cette « guerre hybride » interviennent suite à la répression violente d’un mouvement social important à la suite de la réélection contestée de l’actuel président. Comme en Ukraine en 2014, ce mouvement a été soutenu par l’OTAN, des manifestants ont évoqué une récupération émanant d’acteurs libéraux et parfois nationalistes.

Toujours est-il que le long de cette zone frontalière de 418 kilomètres, on évoque une situation absolument désastreuse. D’après le site infomigrants, des exilés évitent des tirs croisés émanant des deux côtés de la frontière, celles et ceux qui souhaitent revenir en arrière et rentrer dans leurs pays d’origine seraient piégés et ne peuvent retourner sur le sol biélorusse ou franchir la frontière polonaise.
Entre 400 et 800 personnes tentent de franchir la frontière chaque jour avec les moyens du bord. Des milliers de personnes sont actuellement condamnés à dormir dans la forêt par le froid, le plus souvent privés d’eau et de nourriture.
La Pologne aurait envoyé des dizaines de milliers de SMS depuis sa frontière, afin de dissuader les exilés et les encourager à rebrousser chemin. La Biélorussie, elle, est même accusée d’accorder des visas provisoires, de laisser son aéroport et son sol comme  zone de transit pour y conduire les exilés vers les pays Baltes, la Pologne et plus rarement l’Ukraine.

Les deux camps se renvoient la balle, dur de savoir qui dit la vérité, sachant que les deux pays mènent une politique migratoire dure : la Pologne, gouvernée par l’extrême-droite vient d’ailleurs de débloquer plus de 350 millions d’euros en urgence dans le but de construire un mur équipé de détecteurs de mouvements. Les deux pays ont légiféré sur le refoulement à leurs frontières.
Ursula von der Leyen, présidente de la commission européenne, a annoncé il y a une semaine que l’Europe ferait tout pour que les exilés soient renvoyés dans leurs pays d’origines dans les « meilleures conditions » et prévoit de nouvelles sanctions contre Minsk. Bagdad promet de rapatrier les citoyens qui le veulent et la Turquie demande à la compagnie aérienne Belavia de ne plus prendre d’irakiens, yémenites et syriens.
Ces exilés se retrouvent donc coincés dans l’agenda géopolitique des règlements de compte entre Minsk et Bruxelles.

Cette situation n’est pas sans rappeler celle de la frontière grecquo-turque en février 2020, où le régime d’Ankara avait effectué des manoeuvres similaires menaçant d’ouvrir ses frontières à l’Europe (la Turquie accueille près de trois millions de réfugiés).

L’Union Européenne est particulièrement mal placée pour donner des leçons d’humanité, en particulier sur ce sujet. Elle laisse des familles entières mourir dans la mer Méditerranée, c’est sur son sol qu’on érige des barbelés. C’est elle qui finance Frontex, une agence de garde côtes et gardes frontaliers dont le budget dépasse aujourd’hui les 322 millions d’euros ayant pour but de persécuter et d’interpeller des exilés qui seront par la suite enfermés dans des camps. Pour balayer devant notre porte, c’est en France que l’on a évoqué la possibilité d’un délit de solidarité et que les conditions du droit d’asile sont désormais très restreintes et qu’on harcèle des migrants en proie aux violences systémiques de la police.
De plus, l’UE porte une responsabilité de poids quant à ces crises sur le plan économique, dans le rapport de domination et des déséquilibres entre des pays du Nord du Sud global, mais aussi et surtout à travers ses interventions participant à des guerres impérialistes (Moyen Orient, Afghanistan, Sahel etc.).

On pourrait dire que démographiquement, quelques dizaines de milliers de personnes ne représentent absolument rien, que les pseudos effets d’appel d’air n’existent pas ou pire encore, les arguments type « l’immigration rapporte plus que la lutte contre la clandestinité »… Même si tout ceci est vrai, ces arguments contribuent à la déshumanisation et sont de considération purement libérale pour l’être humain, amené à n’être qu’un objet de plus dans une logique de rentabilité.

S’il est évident que dans l’idéal, personne ne devrait fuir son pays et le quitter à moins de le souhaiter par lui même, cette situation intenable n’est malheureusement pas prête de s’arrêter. Bien sûr que le problème doit être combattu à sa racine. En attendant, il faut agir, aussi saluons toutes les belles âmes, à Calais, à Briançon, de la frontière américano-mexicaine à Lesbos et partout dans le monde qui essayent tant bien que mal de trouver encore un minimum de dignité.