« Ce soir la France est plus belle car la Nouvelle-Calédonie a décidé d’y rester » (Emmanuel Macron)

Beaucoup de médias français titrent sur une prétendue « écrasante victoire du non ».
Il aurait été plus honnête de commencer par dire directement que ce référendum a été marqué par le boycott de l’ensemble du camp indépendantiste et que plus de la moitié du pays a refusé de prendre part au vote.

La Province Sud, où se concentre l’immense majorité des populations blanches (métropolitaines et caldoches) et qui détient l’ensemble des richesses a le plus fort taux de participation qui est de seulement 61%.
La participation dans la province Nord est de 16,6% et inférieure à 5% dans la province dite « des Îles ».
Le taux de participation finale est de 43,9% contre plus de 85% lors du précédent référendum (2018) et 81% lors du premier scrutin de 2014. Le « Oui » à l’indépendance a progressé chaque année, et les moins de 25 ans représentent une part démographiquement très importante de la population Kanak, le report aurait mathématiquement été plus favorable au camp indépendantiste, y compris d’un point de vue démographique. Le « Non » l’avait emporté d’abord par 56% puis 53% avec quatre années d’écart entre ces deux dates.
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Dans ces conditions, il paraît invraisemblable de jubiler même pour le camp loyaliste, d’autant que les conséquences sont au contraire plutôt inquiétantes, comme en témoigne Roch Wamytan, président indépendantiste du Congrès kanak, membre du FLNKS « On est revenu à la case départ. (…) Pour nous, ce n’est pas le troisième référendum. Nous considérons qu’en termes de légitimité juridique et politique, il n’y a que deux référendums, 2018 et 2020. Celui-là, c’est le référendum de l’État français et de ses soutiens en Nouvelle-Calédonie, pas le nôtre. » (source France info). Qui se vanterait d’avoir gagné une partie par forfait ou sans équipe adverse ?

Pour autant, à l’exception de la France Insoumise, l’ensemble des forces politiques métropolitaines semblent se satisfaire de ce résultat du PS à l’extrême-droite en passant par Les Républicains.
Fidèle à sa ligne politique coloniale, Macron jubile et se félicite : « Ce soir, en tant que chef de l’Etat garant de nos institutions, je prends donc acte solennellement du résultat de ces trois scrutins » (…)  » « La France est fière d’être votre patrie. Elle renouvelle ce soir pour vous son engagement à vous protéger, à vous accompagner, quelles que soient les circonstances. ».  Actuellement sur place, le ministre colonial Sébastien Le Cornu, surenchérit  » Les Calédoniens ont fait le choix de la France par 3 fois. Librement et clairement. C’est une grande fierté. Cette décision nous oblige. »

« Nous aurons à construire une place pour la Nouvelle-Calédonie dans cette région de l’Indo-Pacifique en pleine recomposition et soumise à de fortes tensions ».

Emmanuel Macron rappelle ici que la Nouvelle Calédonie se situe stratégiquement dans le projet impérialiste français, elle fait partie d’un axe militaro-industriel océanique qui permet à la France de garder une place forte sur les océans indiens et pacifiques à travers l’Afrique de l’Est (Mayotte, Réunion, base militaire de Djibouti par exemple), le Moyen-Orient, l’Asie du Sud (partenariat avec l’ASEAN) jusqu’à l’Océanie. On dénombre plus de 7000 filiales d’entreprises françaises et 2 millions de ressortissants sur cet axe comprenant 7 collectivités territoriales dont la Kanaky. L’indopacifique est le nouveau centre de gravité de l’économie mondiale, 6 pays du G20 en font partie dont la France, l’Australie, l’Inde, Japon, la Chine et l’Indonésie.

Dans un de nos posts, nous revenions plus spécifiquement sur les inégalités en Kanaky et les conditions inacceptables dans lesquelles s’est déroulé le référendum (situation de crise sanitaire, couvre feux, confinements : lire « En Kanaky, les indépendantistes du FLNKS demandent le report du référendum » )
Dans un autre post, nous avions sélectionné une vidéo qui illustre la manière d’anticiper les suites de ce vote par la force : envoi de 2 hélicoptères, de 30 véhicules blindés et de nombreux militaires et policiers en renfort : 1400 gendarmes ainsi que des compagnies d’intervention spécialisées.

L’état français n’a jamais eu de considération à l’égard du peuple kanak, son autodétermination est freinée par les inégalités sociales mais aussi le rapport démographique voulu par l’état français lorsqu’elle y importe une main d’oeuvre issue de la métropole qu’elle favorise au détriment du développement universitaire et de l’emploi local, en particulier dans la fonction publique.

La tutelle économique vis à vis de l’exportation des produits par l’ancien colonisateur est un vrai scandale, comme partout dans les collectivités dites d’Outre mer. Les prix sont extrêmement élevés alors que les salaires ne suivent pas, le chômage y est très important en particulier pour les Kanaks et populations océaniennes, en plus du pillage économique des ressources comme le Nickel au détriment de l’écologie et de conditions de travail décentes sans avoir d’impact économique qui ruisselle autrement que par des boues toxiques qui contaminent les rivières et les sols.
Par ailleurs, devons aussi évoquer le Franc Pacifique, équivalent du Franc CFA (avec qui il partage sa date de création), utilisé en Polynésie, à Wallis et Futuna et en Kanaky. Arrimé à l’Euro, il n’est pas convertible en dehors de ses frontières, ce qui limite fortement ses échanges avec les pays voisins. L’Institut d’Émission d’Outre-Mer (IEOM) définit la politique monétaire de la Kanaky directement avec la banque de France, elle est composée de fonctionnaires d’État.

Cerveaux non disponibles a été interpellé sur ses positions favorables à l’indépendance, le plus souvent par des loyalistes, des « neutres » et des faux comptes liés à la fachosphère. Leur seul argument serait que l’Australie et la Chine profiteraient de l’indépendance au détriment de l’économie française, et que les kanaks ne seraient pas assez matures pour se gérer eux mêmes, donc que le néo-colonilaisme est un bien pour un mal.
Nous répondons à l’inverse que la tutelle a assez duré et que c’est aux Kanaks de décider de leur avenir et de le prendre en main, pas à la France et ses soutiens.