Sur le séisme dramatique en Turquie, Syrie et Kurdistan

Lundi 6 Février 2023, un séisme exceptionnellement violent, de magnitude 7,8 sur l’échelle de Richter, a frappé le sud de la Turquie aux abords de la ville de Kahramanmaras à environ 60km de la frontière syrienne.

Il a été suivi quelques heures plus tard, d’une seconde secousse de magnitude 7,5 et de nombreuses répliques. Une catastrophe qui n’est pas sans rappeler celle d’Izmit en 1999 qui avait coûté la vie à 17 000 personnes dont 1000 dans la capitale, Ankara.

Des régions entières de Turquie et de Syrie ont été dévastées et on dénombre déjà environ 20 000 morts alors que les chances de retrouver des survivants s’amoindrissent au fil des heures.

Entre l'attitude démagogique du Nord global, le manque de coopération et d’aide au niveau international, le blocus économique contre la Syrie déchirée par la guerre civile, qui continue même en période d’urgence et la gestion de crise catastrophique d’Erdogan, les victimes se retrouvent abandonnées à leur sort.

Il est par définition impossible de prédire ces phénomènes extrêmes, au mieux nous pouvons vaguement anticiper une réaction s' ils se produisent. Néanmoins, la gestion de cette crise et son traitement médiatique révèlent des impasses sur bien des aspects.

 

La faille anatolienne, une zone à risque

La terre est en mouvement perpétuel de l’intérieur, ses plaques tectoniques se déplacent constamment. Située au nord de l’Anatolie et à Chypre, la faille anatolienne présente plusieurs “zones à risques” appelées aussi segments.

C’est une « microplaque », c’est à dire une plaque qui naît d’une zone de fracture entre les 14 plaques tectoniques majeures qui recouvrent le globe. La plaque anatolienne a pour particularité d’être en contact avec la plaque arabique, africaine, eurasiatique et de la mer Égée. Son activité sismique y est conséquente et imprévisible.

Dans le cadre du premier séisme, il s’agirait d’un mouvement coulissant de cette plaque au contact de la plaque arabique. L’est de la plaque (plaque est-anatolienne) n’avait pas connu de séisme majeur depuis plus deux siècles en Août 1923. A celà s’additionne un deuxième tremblement de terre qui a surpris plusieurs sismologues car celui-ci ne serait pas une réplique.

« Il est vrai que les prédictions faisaient plutôt état d'un séisme de magnitude 7 à 7,4. Avec une magnitude de 7,8, qui indique que l'ensemble de la faille a été mobilisée, on pouvait s'attendre à ce que toutes les contraintes soient libérées et donc que les répliques aient des magnitudes plus faibles lors du retour à l'équilibre de la faille comme attendu. Visiblement, les contraintes plus au Nord n'ont pas été relâchées et, quelques heures après le premier séisme, un deuxième de magnitude 7,5 s'est produit sur un segment différent, orienté d'Est en Ouest. Son mécanisme est donc différent. Cela est sans doute dû à la forte complexité des structures présentes dans cette jonction triple entre les plaques tectoniques africaines, arabiques et anatoliennes. » explique dans Sciences et Avenir le chercheur Jean Virieux, chercheur au sein de l'Institut des Sciences de la Terre. (Article « Séisme en Turquie et Syrie : jusqu'à 9 mètres d'écartement entre les bords de la faille »).

Les séismes et leurs répliques ont touché directement Chypre, la Jordanie, le Liban, la Géorgie, l’Arménie et l’Irak et les premiers bilans des scientifiques sont tristement impressionnants.

A chaque catastrophe naturelle majeure se pose la même question : peut-on tout justifier par l’imprévisible ?

 

La vétusté des logements mise en cause

Rappelons qu’après la catastrophe de 1999, la Turquie avait imposé de nouvelles règles sur le logement, censées imposer un cadre de construction plus strict. Or, les logements sociaux gérées par la société TOKI seraient parmi les plus touchées par les destructions.

Vulcanologue à l'Université britannique de Portsmouth, Carmen Solana, rapporte à l’AFP que "La résistance des infrastructures est malheureusement inégale dans le sud de la Turquie et particulièrement en Syrie. Par conséquent, sauver des vies dépend maintenant de la rapidité des secours".

La qualité des matériaux de chantier ou le manque de respect des normes peuvent expliquer la résistance ou non d’immeubles situés dans le même quartier. Les effondrements brutaux de résidences s’effondrant tels des châteaux de cartes compliquent l’accès aux secours.

« L'importance des destructions dépend également de la longueur de la rupture du sol le long de la ligne de faille (une centaine de kilomètres pour le séisme de lundi) (...) Cela signifie que n'importe quel point à proximité de ces 100 km s'est retrouvé, de fait, au centre du tremblement de terre. » (Source : Géo, Bill McGuire vulcanologue pour l’ULC)

Enfin, la situation météorologique hivernale rend les conditions de survie laborieuses. Comme à l’accoutumée, nous avons à faire à une course contre la montre laissant derrière elle un désespoir majeur et son lot de miraculés et de survivants qui pourront témoigner de l’ampleur et de la gravité de la situation.

 

Erdogan critiqué : laisser aller volontaire ou défaillance étatique ?

Le président turc est largement critiqué pour sa gestion ou plutôt son ingérence. L’aide civile aurait mis plus de 24, voire 48h pour arriver dans les districts de Pazarcik et Elbistan, à Maras (Kurdistan), situés sur les deux épicentres. L'implication des infrastructures étatiques est jugée très loin d’être la hauteur, le chef d’état autoritariste a fini par reconnaître “des lacunes”.

Il est important de rappeler que le Kurdistan, situé à l'épicentre, est le plus impacté et qu’Erdogan fera le minimum pour y déployer l'aide d'urgence, et ce pour des raisons purement politiques. L’Etat turc a d'ailleurs déjà pris le contrôle sur le dispositif humanitaire, régulant l’aide civile à son bon vouloir. Des collectes du HDP, parti de gauche radicale, ont par exemple été interceptées et saisies.

Pour couronner le tout, plusieurs témoignages accusent l'État turc d’avoir bloqué les accès aux réseaux sociaux, notamment Twitter, pour étouffer la contestation et ce malgré l’utilité de ces plateformes dans les sauvetages. Les utilisateurs auraient eu recours à des VPN pour contourner cette censure. Même certains partisans du président ne cachent plus leur colère.

Dans une vidéo devenue virale, un membre du conseil exécutif du district de l'AKP (le parti du président Erdogan) à Hatay-Kırıkhan, s'indigne : "Maudit soit ce gouvernement. Tous mes enfants sont sous ces décombres. Il n’y pas un seul homme d'État. Tout ce qu'ils font c’est pour le spectacle. Qu'ils viennent m'arrêter."

Concernant, le Rojava, le compte Twitter d’Azadi, rappelle que “L’aide humanitaire est très limitée dans la zone. Envoyer des dons et matériels sur place est très difficile, passer par la Turquie ou le régime de Damas étant impossible. Le Rojava travaille avec les ONG sur place afin de les aider à atteindre toutes les zones en Syrie”.

 

(Pour faire un don au Soleil rouge - Roja Sor Kurdistan : http://rojasorfrance.com)

 

Catastrophe syrienne sous fond de guerre civile

Le Secours Rouge a appelé l’UE à une levée immédiate des sanctions internationales qui pénalisent l’ensemble de la population syrienne, plus particulièrement les plus précaires. Réélu à 95%, le dictateur El Assad se retrouve renforcé alors que l’Occident fantasme sur une chute du régime en appauvrissant la population. Dans ce genre de situation, ce blocage freine toute possibilité d’arrivées massives des aides.

« J'appelle tous les pays de l'UE à lever les sanctions économiques contre la Syrie (...) il est temps, après ce tremblement de terre », M.Khaled Haboubati, directeur syrien de l’organisation.

En dehors du Rojava, le séisme a aussi dévasté dans le Nord-Ouest syrien à Alep, Hama ou encore Idlib dernière poche rebelle partagée par les dissidents d’Al Qaïda à et une coalition de rebelles alliant groupes “islamistes”, parfois pro-démocratie, plus rarement libéraux regroupés derrière l’Armée Syrienne Libre, soutenue et armée par la Turquie.

Le Nord-ouest a été déchirée par la guerre civile, la division entre factions rebelles, la cruauté des bombardements et de la répression de l'État syrien en générale ou encore la présence de Daech, sous fond d’impérialismes régionaux ou plus conséquents, nous ne pouvons que constater, que toutes les nations et forces impliquées dans ce conflit ne feront pas de ce cataclysme une priorité.

Les températures glaciales viennent s’ajouter au désastre de plus de dix ans de guerre civile d’un pays qui a vu la mort de plus d’un demi-million de personnes dont plus de 306 000 civils et des centaines de millions de déplacés depuis 2011.

Le nord de la Syrie se retrouve dans l’incapacité de faire face à cette situation et les survivants au tremblement de terre risquent d’être amenés à vivre une nouvelle catastrophe immédiatement.

 

Service minimum de l’OTAN

Côté occidental, l’Europe envoie 79 chiens de recherches et 1185 secouristes venus de 19 états-membres. Les Etats-Unis, de leur côté, envoient deux équipes de secouristes en Turquie et le président Biden promet à son homologue turc une aide conséquente. La Syrie appelle l’UE à l’aide, de son côté le chef de la diplomatie affirme qu’une aide sera envoyée tant qu’elle ne tombe pas aux mains du régime.

Envenimer le conflit ukrainien plutôt que le résoudre impacte logiquement le sens des priorités, et les capacités de mobilisation des équipes se retrouvent forcément amoindries.

 

A quoi s’intéresse la presse mainstream ?

On ne peut que saluer les secouristes et les personnes qui tentent de sauver des vies parfois au péril de la leur. Nous sommes naturellement touchés par la mort ou la survie d’un être humain retrouvé sous les décombres ou survivant à ses blessures.

Cependant, les récits des médias mainstreams français se résument globalement au récit de ces histoires, plutôt qu’aux conséquences et aux facteurs qui impacteront sur la situation économique, sociale et politique des zones touchées à court et moyen terme. Ce que nous retenons en plus de notre tristesse, c’est un sentiment d’impuissance.

Les catastrophes naturelles ne peuvent être évitées, certes. Mais les facteurs aggravants sont le plus souvent le résultat de la volonté arbitraire de celles et ceux qui méprisent l’humanité.

Il ne devrait s'agir là que de solidarité. La seule chose dont toutes les victimes aient besoin. Le seul levier à actionner, sans faire de différence entre les humains.


Le racisme n'est pas une maladie

Il ne se guérit pas. Il se combat en détruisant les structures qui le créent et qui l’abritent.

Peu de monde semble vouloir mesurer la gravité de ce qu’il vient de se passer en France. Pas seulement l'attentat contre les Kurdes en lui-même, mais également son traitement policier, judiciaire et médiatique. Rendez-vous compte : l'auteur de l'attentat, qui sortait de détention provisoire pour une précédente attaque sur des migrants, déclare lui-même avoir agi par racisme, et avoir ciblé les Kurdes parce qu'ils avaient faits prisonniers des combattants de DAESH, au lieu de les avoir tués. Résultat ? Sa garde à vue a été levée et il a été provisoirement transféré vers l’hôpital psychiatrique.

Le médecin de la préfecture avait en effet estimé que son état de santé mentale n'était "pas compatible avec la mesure de garde à vue". Qu'importe qu'il ait été renvoyé en GAV dimanche 25 décembre. Le simple fait de l'avoir sorti aussi rapidement et d'avoir déclaré son état de santé mentale incompatible avec un interrogatoire peut déjà dire beaucoup de choses. Des choses graves et indignes pour l’État français mais tout à fait compatibles avec sa ligne politique et ses valeurs républicaines si actuelles.

Imagine-t-on un terroriste salafiste-takfiriste (qualifié d’islamiste ou djihadiste par la presse), venant d'effectuer un attentat à Paris, qui serait sorti de l'interrogatoire pour être envoyé en hôpital psy parce qu'on estimerait sa santé mentale incompatible avec une détention ? Le tollé serait monumental, prenons l’attentat de Nice comme élément comparatif sérieux.

La Justice considère que ces fondamentalistes ne sont pas des malades mentaux mais des personnes endoctrinées et porteuses d'une idéologie mortifère. Leurs idées, si dangereuses soient-elles, sont considérées comme dotées d'une logique et d'une construction « sensée ». Il s'agit d'une idéologie, d'un choix de société.

Tout cela est éminemment politique. Et ce, que la personne soit « un loup solitaire de Daesh » ou totalement intégrée dans des réseaux structurés. On pourrait même pousser le raisonnement jusqu'au point Godwin en se demandant s'il aurait fallu interner tous les nazis dans un hôpital psychiatrique sans les combattre et les condamner ?

Nous ne disons pas qu'il faut considérer toutes ces personnes comme des ennemis dont il faudrait se débarrasser. Nous tâchons de souligner qu’il y a derrière des mécanismes de pensée et une société qui poussent à créer ce qu’elle décrit comme des monstres, jamais comme SES monstres. Et qu'on ne guérit pas le racisme et l'intolérance. On les combat. Idéologiquement, et physiquement s'il le faut.

Que William Mallet souffre de troubles d’ordre psychiatriques ou pas ne change finalement pas grand chose aux conditions matérielles de ses actes. De la même façon que pour les frères Kouachi par exemple. Vouloir éviter ces attentats nous imposerait d'essayer de comprendre pourquoi et comment ces personnes en sont arrivées à devenir ce qu'elles étaient au moment de leur passage à l'acte.

Car on ne naît pas raciste, on ne naît pas fasciste. On le devient. Ne pas le comprendre, c'est être dans le déni de ses propres responsabilités dans les drames passés et à venir. La société est raciste dans son intégralité et nous en sommes malheureusement toutes et tous imprégnés à des niveaux différents, y compris les populations racisées. « Le racisme n'est pas un tout mais l'élément le plus visible, le plus quotidien, pour tout dire, à certains moments, le plus grossier d'une structure donnée » disait Fanon.

Pour en revenir à William Mallet, nous devons prendre conscience du choix politique du pouvoir français, de considérer qu'un Français qui commet des horreurs contre des Kurdes est une personne instable psychologiquement qu'il convient de « soigner » alors qu'un arabe ou un noir ayant commis les mêmes horreurs sur des Français sera considéré comme un ennemi, un combattant, totalement conscient de ses actes.

Le traitement de l'affaire par les médias mainstream ne fait qu'accompagner cette terrible narration. La plupart des médias français mais surtout les mandataires de l’État n'ont en effet pas utilisé le terme de terrorisme, alors qu’ils n’avaient pas ce problème quand, par exemple, il s’agissait de polémiquer autour de ce terme concernant des militants écologistes opposés aux megabassines.

Ils n'ont même pas voulu donner le nom de famille de William Mallet, ne précisant que le M après son prénom. On a jamais vu ces mêmes médias décider de ne pas dévoiler le nom de famille des auteurs d’attentats comme ceux de Charlie Hebdo ou du Bataclan. La fachosphère qui s'était emballée sur le nom de famille "étranger" du terroriste, en relayant une fausse info, partie d'un twittos, se reporte finalement sur la théorie du pauvre vieux malade, dont nous devrions avoir pitié.

Cette graduation témoigne bel et bien d’un racisme et d’une passivité d’un État qui a ouvert des brèches pour propager le racisme déjà solidement ancré dans la société française.On voit ainsi qu'un terroriste qui revendique son racisme sera traité par la police, la justice et les médias d'une façon bien particulière et, avouons-le, avec une certaine « bienveillance ». Bien plus qu'un terroriste mais aussi qu'un militant d'extrême gauche, un « islamogauchiste », un écologiste ou un anarchiste et autres militants dits « d’ultragauche » venant de commettre une action considérée comme illégale.

Établir un parallèle entre des activistes progressistes déterminés qui n’ont jamais tué personne et Daesh ou Al Qaïda a un objectif politique qui n’a rien d’anodin. Criminaliser la révolte et l’accuser de ce qu’elle n’est pas, quitte à faire des raccourcis invraisemblables. Celui-ci va de pair avec le fait de minimiser le danger de l’extrême-droite qui d’un côté gouverne dans beaucoup de pays, et de l’autre, représente le plus grand danger concernant les risques d’attentat dans le monde occidental. Dans ces conditions, William Mallet, personne âgée, française, est donc logiquement instable psychologiquement. Gerbant, une souillure pour les victimes de ce raciste.

Alors nous le dirons, redirons et répéterons tant qu'il le faudra : le racisme n'est pas une maladie. William Mallet est un raciste qui a commis un attentat contre la communauté kurde. En solitaire ou commandité par des organisations, cela ne change rien à l'histoire. Il convient de traiter ce terroriste comme tel, afin de tenter de dissuader les prochains sur la liste sombre des criminels racistes.


Attentat raciste : indignité jusqu'au sommet de l'État

Vendredi 23 décembre, ce n'est pas que la communauté kurde qui a été frappée, c'est tous ceux qui partagent des valeurs de liberté et de tolérance. Malheureusement, les heures qui ont suivi le drame n'ont pas fait honneur à ces valeurs et aux victimes de cet attentat.

Après le choc de l'attentat, et une fois les éléments assez clairement établis, il nous semble important de remettre les pendules à l'heure. Pour malheureusement constater les défaillances de l'État français et du monde occidental, qui ne cesse d'être complaisant avec l'extrême droite, et qui n'arrive pas à se détacher de la pression du pouvoir turc sur la question kurde.

La presse mainstream et l’État Français sont fidèles à leur indécence en refusant de qualifier ce crime raciste d'attentat, préférant évoquer une « attaque » par balles, et ce, malgré la revendication ouverte du terroriste d’avoir agi par racisme et délibérément visé la communauté kurde.

Nous partageons ce sentiment de colère et souhaitons revenir encore une fois sur cette affaire et les interrogations qu’elle suscite dans un contexte où se multiplient les tentatives d’attentats imputées à l’extrême-droite.

Aussi l’équipe de CND tient une fois de plus à adresser ses condoléances et son soutien aux familles et proches des victimes.

 

Les faits

Vendredi dernier, en fin de matinée, un homme âgé ouvre le feu devant l’entrée du Centre Démocratique Kurde Français, situé au 16 rue d’Enghien, dans le 10ème arrondissement de Paris, où réside une part importante de la diaspora. Des commerces kurdes divers sont ensuite pris pour cible, notamment un restaurant, puis un salon de coiffure.

Le terroriste, armé d’un Colt 45 1911 de l’US Army, tire neuf fois et sera finalement interpellé.

Mis en garde à vue, il sera arrêté avec une mallette contenant « deux ou trois chargeurs approvisionnés, une boîte de cartouches calibre 45 avec au moins 25 cartouches à l'intérieur. ».

L’assassin, William Mallet, est un Français âgé de 69 ans, conducteur de train qui avait déjà été arrêté l’année précédente pour avoir attaqué des migrants à l’arme blanche en lacérant des tentes muni d’un sabre, puis en tentant de tuer un exilé qui s’était défendu avec cette même arme.

Placé un an en détention provisoire et tout juste relâché le 12 décembre dernier, l’homme n’a pas été fiché malgré plusieurs condamnations pour détention d’armes illégales en 2016 et 2017.

Le mobile raciste est revendiqué, l’assassin assume une haine viscérale vis à vis des populations racisées.

Il explique en vouloir à tous les migrants et spécifiquement aux kurdes pour le fait d’avoir faits prisonniers des soldats de Daesh, au lieu de les exécuter.

Le Monde rapporte que le suspect a déclaré aux enquêteurs que, le matin de l’attaque, il s’était d’abord rendu à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) muni de son arme « pour commettre des meurtres sur des personnes étrangères », selon le parquet. Il a finalement renoncé « compte tenu du peu de monde présent et en raison de sa tenue vestimentaire l’empêchant de recharger son arme facilement ».

Conduit en psychiatrie, sa garde à vue a été levée.

 

Les victimes

Le Centre Démocratique Kurde Ahmet-Kaya, un lieu de vie important pour les communautés du peuple kurde, accueille 24 associations et regroupe des activités en lien avec la culture et la vie politique. Trois personnes y ont été assassinées :

Emine Kara est une responsable du Mouvement des Femmes Kurdes en France. Combattante du Nord-Est de la Syrie, elle était initialement venue en France pour se faire soigner après avoir été blessée par Daesh.

Mir Pewer, réfugié politique, était un artiste, poète et chanteur kurde dont les paroles engagées dérangeaient profondément le pouvoir turc.

D’après Berivan Firat, porte-parole du CDKF, le dictateur Erdogan en personne redoutait ses compositions.

Abdullah Kizil, était un homme âgé qui avait pour habitude de venir quotidiennement dans ce centre. Il aurait dévoué sa vie aux combats des Kurdes.

 

La répression comme réponse d'État

Une fois de plus, l’ordre républicain se distingue par son mépris odieux.

Le ministre l’intérieur exclut immédiatement le mobile politique de cet attentat, ce qui rajoute de l’huile sur le feu et attise naturellement la colère de la population kurde.

Pour en rajouter une couche, Gérald Darmanin n'a pas hésité à laisser la police française attaquer une population endeuillée qui se recueille le soir-même d’un attentat. Un manifestant a été grièvement blessé à l’œil par un tir de lacrymogène.

Cette manière de procéder rappelle que le départ du préfet Lallement, remplacé par Laurent Nunes ne change rien et que l’ère du tout répressif ne fait que commencer.

Toutefois, la dignité kurde a su tenir tête à la honte républicaine et a prouvé sa détermination partout en France, notamment à Paris et Marseille.

 

Un sentiment de colère et des questions

Outre l’attitude tout bonnement irresponsable des forces de l’ordre, que dire une fois de plus de la piteuse couverture médiatique des grands groupes de presse ? Est-il si difficile d’utiliser les mots « terrorisme » ou « attentat » dans une situation appropriée ?

Rien n’évolue a ce sujet, mais ce n’est pas une surprise. Pas plus que le peu de temps accordé à interroger les motifs du terroriste et surtout les conditions, l’ambiance générale et les discours qui ont inspiré son acte et sa manière de penser.

Évidemment, nous retrouvons aussi cette géométrie variable qui refuse de s’attarder sur les violences policières et la volonté délibérée d’attaquer des manifestants à Paris et Marseille.

Nous n’attendons rien ni de ces médias, ni de la classe politique et évidemment encore moins de l’État français. Il y a cependant matière à être inquiet et à s’interroger.

La classification immédiate en tant qu’irresponsable du meurtrier qui a pourtant revendiqué fermement son acte en tant que raciste et dit avoir ciblé spécifiquement la communauté kurde laisse songeur.

L’immense majorité des auteurs d’attentats d’extrême-droite sont immédiatement considérés comme « fous » et ne seraient donc pas responsables de leurs actes, et la France n’est pas une exception. Nous devons nous questionner sur les qualifications à géométrie variable concernant les actes terroristes.

On retrouve des cas similaires partout dans le monde occidental. Faut-il rappeler qu’il a fallu plusieurs contre-expertises obtenues sous la pression pour prouver que Anders Behring Breivik, auteur d’un attentat épouvantable en Norvège en 2012 n’a pas agi par « pulsions délirantes » ?

Le racisme est le produit d’une construction sociale et un système de domination politique, pas une pathologie liée à des troubles d’ordre psychiatrique.

Comment et surtout pourquoi peut-on bâcler la possibilité d’une enquête aussi rapidement, 24 heures après les faits alors que des militants nationalistes et racistes sont ces derniers temps régulièrement arrêtés pour projeter des attentats ? La personne revendique clairement son acte.

Nous savons aussi que le peuple kurde est la cible de tous les impérialismes régionaux au Kurdistan et donc que ses ennemis sont nombreux allant de l’État turc à Daesh en passant par l’extrême-droite mais aussi l’État iranien où la communauté kurde joue un rôle phare dans les révoltes actuellement en cours.

Il paraît tout de même invraisemblable d’exclure d’office la possibilité que l’assassin aurait pu agir pour le compte de quelqu’un en y trouvant ses intérêts. Le profil des victimes ainsi que leurs engagements respectifs laisse tout aussi songeur. Pour finir, qui était le conducteur du tireur ?

Les soupçons envers les sbires d’Erdogan, plus particulièrement la mafia des Loups Gris paraissent tout à fait justifiés même si nous ne connaîtrons malheureusement peut-être jamais la vérité.

Nous rappelons aussi que cet attentat survient, quasi jour pour jour, presque dix ans après un autre attentat qui avait causé la mort de trois militantes kurdes : Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez, tuées par Ömer Güney, agent du renseignement turc (MIT) surnommé « la source ».

Ce dernier, décédé d’un cancer du cerveau en 2016 dans un hôpital parisien, était membre des Loups gris : une organisation paramilitaire d’extrême-droite ouvertement mafieuse, dont la branche politique, le MHP, est actuellement alliée à l’AKP du dictateur Erdogan pour lequel il sert de milice.

L’enquête avait été classée sans suite et les familles n’avaient pas été reçues par les chefs d'État ou leur ministres. Et l'enquête suite à une deuxième plainte visant les commanditaires demeure obstruée par le secret-défense.

L’État français n’avait pas souhaité froisser son homologue turc, également membre de l’OTAN.

Pour en revenir à cette affaire, comme souvent les obstacles à la manifestation de la vérité et de la justice seront des facteurs parmi les plus rageants, que le terroriste ait agi seul ou pas.

Car c’est aussi de ça dont il s’agit lorsqu’il s’agit de justice sociale, d’honorer la mémoire des martyrs et de pouvoir faire intégralement son deuil.


Au lendemain des attentats du 13 novembre le PS ouvrait la voie à l'extrême-droite

Assignations à résidence, perquisitions administratives, déchéance de nationalité : la réponse aux attentats a marqué le virage illibéral autoritaire en France

 

Il y a quelques jours, nous commémorions les attentats du 13 Novembre en pensant aux victimes.

À l’heure où tout le monde parle du danger de l’extrême-droite, il est bon de rappeler les événements qui ont suivi le 13 Novembre 2015, et que la gauche a accéléré le racisme d'État et les mesures autoritaristes de manière spectaculaire.

L’État d’urgence mis en place au lendemain du massacre du Bataclan aura été un accélérateur et même un moteur liberticide et raciste, ouvrant la voie à la situation actuelle.

Pour rappel :

La préfecture avait autorisé des perquisitions administratives dans les domiciles, de jour comme de nuit, par simple accord du juge antiterroriste.

Dans un rapport, l’association Human Rights Watch énonce que « Ces abus ont traumatisé des familles et entaché des réputations, donnant l’impression aux personnes ciblées d’être des citoyens de seconde zone. »

Des milliers de familles musulmanes ont été perquisitionnées de manière complètement arbitraire sous des prétextes complètement fallacieux de dénonciation sur base de la suspicion.

On dénombre 3200 perquisitions, environ 400 assignations à résidence, des dérives graves (violences policières) qui aboutiront à seulement cinq ouvertures d’enquête.

Le Défenseur des droits reçoit des dizaines de plaintes, et le CCIF documente 180 cas d’assignations à résidence et de perquisitions abusives, ce qui semble largement en dessous de la réalité car beaucoup de familles n’ont pas osé porter plainte ou dénoncer ces dérives.

Les assignés à résidence sont humiliés, privés de leur liberté de circulation et stigmatisés.

Les autorités contraignent les personnes à rester à leur domicile jusqu’à 12 heures par jour, limitent leurs déplacements et peuvent exiger qu’elles se présentent au commissariat jusqu’à trois fois par jour

Parmi eux, une poignée d’écologistes à la veille de la Cop-21 pour des raisons toutes aussi fallacieuses seront aussi touchés par ces mesures.

Comble de l’ignominie, la proposition d’une loi sur la déchéance de nationalité qui fera même démissionner des ministres.

Ces mesures marquent le début d’une islamophobie d’Etat décomplexée et une avancée supplémentaire en faveur de la surveillance globale.

Seules les organisations de l’antiracisme politique ont réagi, malaise du côté des complices du gouvernement Valls, ne serait-ce que par leur silence. Où était l’antiracisme moral et institutionnel à ce moment-là ?

Du bilan de 5 ans de gauche au pouvoir, en plus de l’ultra-libéralisation, nous ne retenons que ces excès répressifs envers les manifestants, la normalisation de l’islamophobie au niveau institutionnel et la continuité de la chasse aux exilés, ainsi que le durcissement des conditions d’asile.

Toutes celles et ceux de gauche qui se sont tus pendant cette période peuvent continuer à la mettre en veilleuse, ils sont tout aussi responsables de la montée du fascisme que Bolloré.


Froid, restrictions : l'école va mal

L'école va mal : entre 10 et 14 degrés dans certaines classes, distribution de polaires, économies à la cantine

Marquée par une reprise difficile où se multiplient les annonces de fermetures d’établissements scolaires faute de personnel et de moyens, l’Éducation Nationale continue sa chute vertigineuse dans le précipice, et l’atterrissage pourrait être dramatique.

Des collectivités territoriales ont fait leur choix, et elles estiment que les bâtiments coûtent trop cher pour être chauffés. Il faut faire des économies en priorité là où nous avons le plus besoin de moyens : l’éducation et la santé.

On remarque que le gouvernement n’a pas les mêmes difficultés quand il s’agit de débloquer des fonds pour équiper la répression et recruter des policiers et que lutter contre l’évasion fiscale ou rétablir l’ISF n’est pas à l’ordre du jour.

Ainsi, dans plusieurs écoles, on fait cours dans le froid.

Dans l’Oise, à Laigneville, il est dorénavant interdit d’ouvrir les fenêtres pour économiser la chaleur (source Courrier Picard).

Un comble sachant que c’est en hiver que risquent de revenir à la hausse les épidémies de type Covid-19 ou encore de grippe.

À Rouen, les écoles n’avaient pas rallumé le chauffage trois jours après la rentrée et certaines allaient jusqu’à inciter les parents à venir récupérer leurs enfants évoluant entre 11 et 15 degrés. Le problème semble cependant avoir été résolu depuis.

Dans la commune de Périers (située dans la Manche), l’école est allée jusqu’à investir dans l’achat de 6000 euros en polaires distribués aux élèves (source Le Parisien).

De la Seine et Marne à la Dordogne, en passant par la Vendée, le Conseil Départemental réduit et limite la température à 19°C en salle de classe et 17°C dans les couloirs. Et il est de plus en plus envisagé d'en faire une norme au niveau national.

Un collège d’Avignon dans la Vaucluse (le collège Lavarin), avait récemment décidé de fermer tout l’hiver sa section SEGPA et de se délocaliser à trois kilomètres faute de moyens.

Finalement, à la suite d’une mobilisation importante des parents d’élèves, cette décision a été annulée.

Pas de quoi se réjouir pour autant, cet exemple en dit long sur l’état de nos institutions et leur futur proche. Cela témoignera peut-être aussi bientôt aussi des disparités et inégalités entre les communes, départements et régions, car tous n’ont pas les mêmes moyens.

Autre exemple concernant les lycées, dans la ville de Toulouse, France Bleu rapporte que la région Occitanie a demandé à des lycées d’économiser sur les menus dans les cantines. Au lycée international de Colomiers par exemple, on devra vraisemblablement choisir entre l’entrée et le dessert, à Déodat on doit déjà choisir entre le fromage et le fruit.

Même son de cloche dans la plupart des universités, avec toujours cette réduction de 1°C.

Nous pouvons également citer un fait notable : l’Université de Strasbourg fermera deux semaines supplémentaires cet hiver.

Être classée en tant que 8ème puissance mondiale et parmi les premières du continent soi-disant le plus « développé » n’empêche définitivement pas d’être confrontés à des choix politiques contre sa propre population, en la contraignant à être conditionnée par la précarité dès le plus jeune âge.

C’est une volonté délibérée de préférer faire souffrir celles et ceux qui vont à l’école que de taxer les ultras riches.

Du plus jeune âge à la vie d’adulte en passant par l’adolescence, tous vont en pâtir.

Le corps enseignant doit absolument prendre ses responsabilités sachant qu’il est déjà trop tard. Nous n’avons donné que quelques exemples à un mois et demi du début de l’hiver.


🇹🇿 Tanzanie : soulèvement Massaï contre leur expulsion de la réserve de Ngorongoro

Située dans le nord de la Tanzanie, la réserve naturelle du parc de Ngorongoro s’étend sur 8288 kilomètres carrés. Faiblement peuplée, sa population y est majoritairement Massaï, vivant entre le Nord de la Tanzanie et le Sud-Ouest du Kenya. Estimée d’environ 8000 habitants dans les années 50, le nombre d'habitants vivant dans cette zone serait composée aujourd’hui de plus de 100 000 personnes.

D’après le magazine Géo, la quantité de têtes de bétail serait passé d’environ 260 000 en 2017 à plus d’un million aujourd’hui, majoritairement des bovins.

Jusqu’à présent, les gouvernements successifs de Tanzanie ont toujours autorisé les populations autochtones à rester vivre sur leurs terres, (oui la lecture de cette phrase est scandaleuse).

A cause du réchauffement climatique, la saison sèche dure dorénavant plus longtemps.

Celles et ceux qui vivent dans cette réserve, se retrouveraient parfois en concurrence avec la faune sauvage à la recherche d’eau. La cohabitation avec les animaux sauvages, avait jusqu’ici toujours été optimale.

Il serait dorénavant moins rare d’y voir des accidents : attaques sur le bétail et parfois même sur les humains.

C’est sur cet étrange prétexte, réfuté par la population Massaï, que s’appuie le gouvernement tanzanien, dirigé par la présidente Samia Suluhu Hassan et le premier ministre Kassim Majaliwa pour faire appliquer “un plan de conservation.” Le son des cloches porté par les vaches est accusé de faire fuir les animaux sauvages et de nuire au tourisme, secteur qui représente 18% du PIB tanzanien. En plus de déplacer des populations, l’Etat propose l’instauration d’un système de balises qui séparerait les animaux sauvages des hommes. Sauf que la vraie raison semble être toute autre.

D’après Mr Mondialisation : “l’entreprise Otterlo Business Company (OBC), basée aux Émirats arabes unis (EAU) qui organise des excursions de chasse pour la famille royale de son pays et ses invités devrait obtenir le contrôle de la chasse commerciale dans la région.” L’Allemagne serait également engagée dans ce processus au nom de l’écologie. “La Zoologische Gesellschaft Frankfurt (Société zoologique de Francfort) finance des gardes forestiers et des agents de protection de la nature, dont certains, selon les Massaï, ont été impliqués dans les récentes expulsions.” Fiore Longo (Survival France) alerte “Les conservationnistes qui travaillent en Tanzanie, comme la Société zoologique de Francfort (FZS), basée en Allemagne, prônent un modèle de conservation raciste et colonial qui est celui de la conservation-forteresse. La FZS considère la population locale et son bétail comme l'une des principales menaces à la survie de l'écosystème, promouvant ainsi le mythe d'une "nature sauvage" sans population, qui a depuis le début servi de philosophie sous-jacente aux expulsions des Massaï."

L'État tanzanien est donc accusé de vouloir transformer les parcs naturels en zones uniquement réservées à l’usage touristique pour des safaris et même destinées à la chasse aux trophées. Héritière caricaturale de la domination coloniale, cette pratique est ainsi très éloignée des prétentions écologistes.

Des compensations seraient proposées à celles et ceux qui acceptent un déplacement 370 kilomètres plus loin.

A la clé : des promesses de meilleures conditions de vie, d’écoles et hôpitaux à proximité, ou encore un accès à l’électricité. Problème : en plus de forcer ce mouvement, par le passé, les déplacés n’ont que rarement reçu des compensations, se retrouvant parfois dans la misère.

La majorité des autochtones semble rester méfiante et hostile quant à cette décision d'exil, et bien décidée à y faire face. D’autant que les précédents ne vont pas dans ses intérêts. En 2018, après trois ans d’enquête, un rapport publié par Anuradha Mittal pour la Oakland Institut, témoigne de nombreuses exactions répressives de la part de l’armée tanzanienne à l’encontre des Massaï : après les déplacements forcés, 20 000 personnes se seraient retrouvés SDF dépourvus de biens et de bétails. « Les entreprises touristiques veulent une savane immaculée, le genre d’image qu’on voit dans National Geographic ou à la télévision, la savane avec les lions, les bêtes sauvages... Ils ne veulent pas voir d’êtres humains. Ils nient l’existence de cette population, qui vit pourtant sur cette terre depuis toujours. ». (...) “« L’armée affirme qu’elle protège le parc national du Serengeti, mais les villageois ont été battus sur le territoire de leur village, et pas dans le parc. C’est un vrai climat de répression, on leur dit "comment osez-vous aller devant la Cour de justice régionale ?" ». (Oakland Institut)

 

 

Les tensions semblent s’amplifier et atteindre un nouveau tournant après une nouvelle offensive de l’Etat. La police aurait blessé plus de 40 personnes par balles et dans ces affrontements, un policier aurait été tué par des flèches. Le militant des droits de l’homme Joseph Moses Oleshangay rapporte que « La police, les militaires sont arrivés dans le village, sans prévenir. Ils ont commencé à installer des balises de démarcation. Les villageois ont résisté. Les policiers ont commencé à utiliser des gaz lacrymogènes et des munitions. Beaucoup de gens ont été frappés, blessés. Des habitants ont commencé à tirer des flèches et je pense que c'est comme ça que le policier a été touché.”

De son côté, le commissaire de police rétorque « Il est très regrettable qu'un policier ait été tué par des flèches tirées par un groupe de personnes qui voulaient bloquer la pose de balises et a même voulu attaquer ceux qui menaient ces opérations ». (Source RFI)

D’après Reporterre, le 10 Juin dernier, “au moins 18 hommes et 13 femmes ont été la cible de coups de feu, tandis que 13 autres ont été blessés à coups de machette”.

Aux quatre coins du globe, le droit à la terre est bafoué et les populations autochtones chassées et humiliées alors qu’ils sont les vrais gardiens garants de la faune de ces zones que les programmes qui les chassent ne parviennent pas à sauvegarder. Il y a le plus souvent non seulement des intérêts économiques mais aussi le désir de s’accaparer une terre pour s’y sentir comme dans son jardin. Il s’agit ici, encore une fois d’un cas d’école du néo-colonialisme vert.

Source vidéo : Anonyme citoyen, Survival France


Et maintenant ? Une "victoire" relative au milieu des défaites.

Avant propos : ce texte comme le précédent reflète une vision de membres de CND. Nous avons des débats internes et nous avons fait le choix de publier deux textes dont les conclusions parfois se rapprochent, d'autres fois s'éloignent. L'équipe n'incite pas à voter ou s'abstenir car nous estimons que ce n'est pas notre rôle. Nous ne prenons pas les urnes comme une solution à tout, juste un moindre mal. Voter, même dans ce contexte, incarne un acte militant assez désespéré pas si significatif, mais qui ne coûte rien. Voici de quoi ce choix est le nom, pour une partie de l'équipe ayant décidé d'y prendre part. Le système que l'on veut détruire existe, nous faisons avec. Qui plus est dans une séquence vide en termes de mobilisations.

 

Pas de remède miracle dans une époque merdique

Dans ce scrutin marqué par une abstention écrasante, une extrême-droite propulsée par Macron qui réalise un score auquel elle-même ne croyait pas, beaucoup de choses ont déjà été dites. L'assemblée est bien à droite.

Toutefois, dans ce chaos, il paraissait important de revenir sur les quelques aspects plutôt positifs aussi minimes soient-ils.

Ce texte écrit à chaud, n’a pas vocation à surestimer l’UP et la NUPES, encore moins faire sa promotion, ni à la descendre volontairement. Plutôt à entamer un début de réflexion sur les perspectives à venir maintenant que la séquence électorale se termine.

Il ne nous a pas échappé qu’un nombre important de sympathisants aux idées révolutionnaires, antifascistes, antiracistes, féministes, écologistes, sensibles aux inégalités sociales ont décidé de prendre part au vote.

Parmi ces soutiens, on retrouve une multitude de profils avec des postures différentes : méfiance, scepticisme, désespérance, confiance, enthousiasme, convaincus, peu importe : chacun(e), ses raisons personnelles d’y trouver un intérêt collectif.

Il faut reconnaître que pour une fois, le curseur a été placé à gauche et cela a fonctionné.

Toutes les social-démocraties ne se valent pas, Mélenchon n'est pas Valls quoi qu'on pense de lui.

L’Union Populaire a choisi une ligne de “rupture” sur un certain nombre de sujets, y compris là où ou ses positions étaient inexistantes en 2017. Cette prise de position a été payante quand on voit d'où elle part.

En plus de l’aspect social, de l'islamophobie aux violences policières, en passant par la sortie de l’OTAN, ou encore un programme écologique à la hauteur des enjeux vis-à-vis de l’urgence de la situation, la gauche a pris ses responsabilités.

Cette étape politique témoigne aussi de l'influence de l’autonomie des luttes : Gjs, anti-racisme, écologie, et d’une certaine manière syndicale, après la réforme des retraites qui émane plutôt des bases syndicales que des directions. C’est aussi notre incapacité à organiser et structurer nos luttes sur la durée, qui font que ce vote apparaît comme la solution la plus viable. Pour beaucoup, c’est tout ce qui reste après trois ans de mouvements sociaux qui ont ébranlé la Macronnie, puis ce vide quasi sidéral qui a suivi les restrictions sanitaires liées à la pandémie du Covid.

Réalistement, sur le plan hégémonique, un leader de la gauche, qui affirme sans concessions que la police tue ou que les musulmans ne représentent aucune menace, c’est une petite victoire dans un contexte aussi rude.

Quand il le dit, des millions de personnes l’entendent, nous n'en touchons que quelques milliers généralement déjà acquises à notre cause.

Plus Hollande puis Macron ont placé la ligne à droite, plus l’extrême-droite a progressé sur tous les plans : électoralement, et banalisation de ses idées y compris terroristes sur tous les plateaux TV.

L'inverse nous sera bénéfique. Cette époque nous étant plus que défavorable, nous comprenons que ce vote puisse être perçu comme une petite bouffée d’air.

Représentativité :

Durant les présidentielles, la personnalité de Jean Luc Mélenchon a su créer un dynamisme notamment là où on ne l’attendait plus, c’est indéniable dans certains quartiers populaires ou chez une partie de la jeunesse, mais cela reste relatif vu les taux d'abstentions.

La gauche radicale a également progressé dans cette France dite périphérique où se trouvaient de nombreux GJs, mais elle échoue largement dans les campagnes et ne parvient pas à maintenir cette petite flamme durant les législatives. Si la figure de JLM se démarque, cette personnification est logique et probablement nécessaire vu le fonctionnement de la cinquième république : nous avons des figures faisant office de références. Il paraît cependant bien seul à se démarquer.

La représentativité ne fait pas tout : par les temps qui courent, on pourrait même imaginer un fils d’immigré travailleur chez Uber Eats se présenter pour un parti de droite.

Cependant, cela demeure quand même un point à soulever, car il sert de référence aux yeux des masses.

La NUPES échoue à ce niveau là aussi avec un manque d’ancrage évident et de rupture avec la gauche traditionnelle, comme en témoignent les têtes de listes dans le 93 ou son manque d'attractivité et de lien avec les milieux associatifs. Sérieusement, qui a envie de voter pour Villani ?

Néanmoins, on ne saurait cacher notre satisfaction et notre respect après la victoire de Rachel Kéké, première femme de chambre députée.

Ce n’est pas assez, certes, mais qu'attendre de plus d'un hémicycle aussi bourgeois ? Ceci-dit, quoi qu'on pense d'eux, les 17 députés LFI ont tenu tête à eux seuls sur bien des sujets : lois liberticides et racistes, écologie, sociales. Avec dix fois plus d'élus, sans majorité absolue, leur marge de manoeuvre pour faire contrepoids peut s'avérer utile, toutes proportions gardées.

Tout ceci c’est bien beau mais maintenant ? On fait quoi ?

Nous ne se faisons aucune, illusion, ce vote n’est pas une fin en soi, c’est une posture anti-raciste, écologique et sociale. Un pansement sur une hémorragie. Une simple étape qui aide à définir dans quel cadre on préfère lutter ou faire partiellement avancer nos idées.

Aussi, au risque de radoter des arguments gauchistes, des choix nous laissent forcément encore plus perplexes. Déjà, parce que même si elle avait gagné, on voit difficilement comment elle aurait pu appliqué son programme, étant donné un rapport de froce disproportionné face au CAC 40 et aux institutions.

Ensuite, le côté gauche plurielle fait forcément peur. Redonner une seconde vie à un PS mourant qui méritait d'être achevé et à une EELV/PCF moribonds semblait indispensable si la NUPES souhaitait faire son score le plus élevé, mais à quel prix ? Sachant que son absence au second tour tient aussi de la responsabilité de ce sinistre clown de Fabien Roussel et du clown libéral Jadot, quel intérêt de les maintenir en vie, alors que de toute façon la NUPES ne pouvait pas gagner ?

Le PS aura finalement un groupe, même si son aile la plus nuisible et la plus pathétique a décidé de continuer son suicide (Hollande, Moscovici, Cambadélis etc.), il n’en demeure pas moins que Olivier Faure, au même titre que Fabien Roussel se range pour le moment du côté des meurtriers en défendant la police, après qu’une femme a été abattue par plusieurs balles. On se doute que leur position sera très marginalisée face à la déferlante UP, mais qu’en sera t'il au moment de trancher ?

C'est peut-être mieux que la gauche ne prenne pas le pouvoir de suite, en foutant en l’air le peu d’espoir qu’elle inculque à l’image des années Jospin ou Hollande. Sa posture d’opposante légale permettra peut-être de faire un premier tri.

La NUPES sera confrontée d'office à un certain nombre de désaccords sur des points essentiels. D'un côté sur sa politique intérieur : nucléaire, rapport à la police, islamophobie, laïcité ou la politique migratoire.

Sur sa politique internationale de l’autre : son rapport aux USA et l’OTAN, du danger que représente l’Union Européenne, de la Françafrique, ou encore de sa prise de positions sur des questions comme celle de la Palestine, du Yémen, ou encore le cas des relations à la Chine, la Russie et les pays du Golf.

Et puis, il y a “nous”, qui avons mené des combats synthétisés par ce vote. Nous que la gauche dite radicale ne consultera pas en parlant entre notre nom. Nous qui subissons, avons tenté d’agir et subi la répression.

Nous savons que nous serons abandonnés au moindre fait divers, à la moindre poubelle qui brûle. Avant même d’avoir des députés, c’est déjà la limite de l’UP.

Pas que nous soyons dans la fétichisation de l’émeute ou du zbeul pour le zbeul, juste qu’elle est un juste retour de la violence sociale, parfois même une pratique qui peut même s’avérer efficace mais surtout fatalement inévitable. Cette expression doit être comprise, elle est tout sauf aveugle. Le nier, c’est abandonner les milliers de GJs auxquels on avait promis une amnistie et surtout nier les références révolutionnaires. Les sans-culottes étaient des casseurs monsieur Mélenchon ! On ne demande pas à l’Union Populaire de soutenir ça, de toute façon nous n'attendons rien d’elle, mais si parfois elle se tait c’est pas plus mal.

Parlons court-terme, un scénario plausible est que Macron va devoir dégainer le 49.3 systématiquement dans une situation inconfortable. Il va attaquer sèchement sur la réforme des retraites et tout une liste de réformes anti-sociales.

Avec une majorité partielle, il se retrouve dorénavant confronté à deux fronts : un hémicycle qui ne lui est plus vraiment acquis. Et le plus important pour nous : la rue qui attend sa revanche.

Si certain(e)s d’entre nous ont fait le choix délibéré de ce vote, il est très majoritairement critique et nous n'en attendons pas grand chose de peur d'être déçus.

Quant à la gauche, la balle est dans son camp, qu’elle forme ses cadres, se confronte un peu au terrain des luttes, et se radicalise un peu plus, notamment dans son rapport au système.

L’élection se termine, cette partie n'est plus de notre ressort, nous reprenons la lutte et la rue en espérant que cette petite dynamique nous sera également profitable.


Et maintenant ? De si nombreuses défaites. Et si peu d'horizon.

Ce texte est un point de vue qui n'est pas partagé par l'ensemble du collectif CND. Un autre texte sera diffusé dans la foulée pour offrir le contre-champs.

 

Nous sortons enfin de 6 mois de campagne présidentielle puis législative ayant totalement anesthésié la France, qui était déjà tétanisée par deux ans de covid. Comment ressort-on de cette période ? Avec Macron à nouveau président pendant 5 ans, et son parti fantoche qui conserve une majorité à l'assemblée (quoique fragilisée par rapport au précédent mandat).

Voir Macron et son monde à nouveau aux commandes du pays revêt un goût amer quand on constate son impopularité et qu'on se souvient de son terrible bilan d'un premier quinquennat de destruction et d'ultra libéralisme.

Défaite également au vu de la montée du RN, tant aux présidentielles qu'aux législatives. Le parti de Marine Le Pen n'a jamais été aussi haut. C'est d'autant plus flippant quand on y additionne les voix de tous ceux qui ont ouvertement, depuis des mois, tenu des propos racistes et xénophobes, de la République en marche au RN en passant par les Républicains. Si l'on s'en tient strictement au résultat de ces deux élections (hors abstention), la France penche terriblement à droite, et même plutôt à l'extrême droite.

Et puis il y a la NUPES.

Certains s'enthousiasment de la dynamique créée lors de la présidentielle puis des législatives. Et de son nombre "historique" de députés. Évidemment, face aux partis cités précédemment, on ne peut que se dire qu'il vaut mieux des députés NUPES que des députés en Marche, LR ou RN. Mais est-ce suffisant pour appeler cela une victoire, quand bien même l'assemblage de circonstance aurait décroché la majorité ?

Lors des présidentielles, l'Union Populaire a bénéficié d'un phénomène important de vote utile. Mélenchon étant en tête des candidats capables d’empêcher Marine Le Pen d'être au second tour, de nombreux électeurs ont voté pour lui dans l'objectif d’éviter à nouveau un second tour Le Pen / Macron. Malgré ce phénomène, le score de Mélenchon n'est pas énorme et ce premier tour fait partie des plus bas scores de la gauche à un premier tour de présidentielle.

Lors des législatives, Mélenchon a surfé sur une autre vague : celle d'une union la plus large possible à gauche, au point d'aller chercher des partis qui n'ont plus de gauche que leur nom ou leur lointain passé. Des groupes qui font objectivement partie du problème et du monde à détruire, du PS en passant par le PCF ou les écologistes façon Jadot. Malgré cette union très large et contre nature, la gauche (NUPES et divers gauche) ne compte que 142 députés (sur 577). En dehors des dernières législatives de 2017, où le parti de Macron a fait l'illusion au sein de l’électorat de gauche, c'est l'un des plus bas scores pour la gauche l'histoire de la 5e république.

Au delà des résultats, la victoire de Mélenchon (et sans doute notre défaite) aura été de détourner une partie non-négligeable de la contestation sociale et des dynamiques révolutionnaires vers une organisation électoraliste. La France insoumise aura donné à bon nombre de nos camarades l'illusion que nos luttes avaient une chance d'aboutir au sein du système. Or il n'en est rien. Mélenchon, le soi-disant ennemi de la République (au yeux caricaturaux des médias et autres partis adversaires de la NUPES), est sans doute l'une des figures politiques les plus attachées au modèle du jacobinisme français que nous réprouvons. Il est un fervent défenseur du modèle républicain et ne révolutionnera en rien l'organisation sociale et politique de ce pays. Sans compter que cette NUPES remet sur le devant de la scène et redonne de la légitimité à des partis qu'on pensait enfin tombés dans les oubliettes de l'histoire politique française.

Cette alliance donne en effet quelques années supplémentaires au PS et aux autres partis de la sociale démocratie, lesquels ont tant trahi les attentes de la gauche au point d'en devenir des adversaires. Disons le clairement : nous aurions préféré une NUPES à 5 ou 10% de moins au second tour des législatives mais sans le PS ou le PCF.

Mais au delà de ces questions de stratégies partisanes et électoralistes, ce qui nous interroge le plus, c'est la capacité qu'a eu le système, au moment où il était le plus décrié et remis en cause (GJ, crise écologique et sociale, révolte anti raciste), de réussir à présenter comme une alternative radicale une option faisant partie du système et ne le remettant nullement en cause.

Nous comprenons les raisons individuelles qui ont pu pousser de nombreux militants, engagés depuis des années dans toutes les luttes sociales et écologiques, à se ranger, au moins le temps des élections, du côté de cette alliance "de gauche". Clairement la "moins pire" des options.

Car toutes ces personnes, qui ont vécu la répression ultra violente du pouvoir, et les échecs de leurs luttes malgré des mobilisations massives et/ou malgré leur radicalité, estiment que l'issue ne sera pas seulement dans la rue, mais aussi dans les urnes. Quand bien même elles ne se feraient pas d'illusion au sujet de l'atteinte de leurs objectifs, l'idée était pour elles de "respirer", de "gagner du temps" face à la répression et l'autoritarisme de la Macronie. De plus, la séquence actuelle fait suite à deux années de crise sanitaire, ayant réduit à peau de chagrin tous les élans contestataires, ainsi que les possibilités d'amplifier des luttes sur des revendications pourtant urgentes ( services publics, santé, social, coût de la vie etc...)

Soyons clairs, et redisons le avec force, l'objectif des luttes radicales est bien de renverser un système qui détruit les plus pauvres et les plus faibles, tout autant qu'il détruit la planète. Et qu'importe si cela passe par des voitures de luxe brûlées, par des sièges de multinationales occupés ou par l’élection d'un candidat "radical". Notre horizon n'est pas dans l'acte, si jouissif (ou poussif) soit-il, mais dans son résultat.

Et à cette lecture, force est de constater que la lutte dans la rue ressemble de plus en plus à une impasse, que ce soit dans des manifestations déclarées, aussi massives soit-elles, que dans des rassemblements plus émeutiers, rapidement réprimés (physiquement et juridiquement) tout autant que stigmatisés.

Mais faire ce constat ne signifie pas que la solution se trouve du côté des partis du système, y compris ceux d'opposition à gauche. Les exemples sont malheureusement trop nombreux pour espérer une vraie remise en question du système de la part d'un partis de gauche qui accéderait au pouvoir. Que ce soit en France avec toutes les compromissions socialistes et communistes ou à l'étranger avec les exemples espagnols ou grecs, nous ne pouvons que constater que le système (qui dépasse largement le cadre national) est totalement en mesure d'absorber la présence de ces partis contestataires, et que leur présence au sein d'instances de gouvernement permet même de canaliser la colère des plus précaires.

Maintenant que les dés électoraux sont jetés, il convient de s'interroger sur les horizons possibles pour nos luttes dans les années à venir. Car l'échec est aussi celui de l'autonomie des luttes. Malgré un énorme engouement et de fortes dynamiques, notamment chez les plus jeunes, il n'a jamais été possible de construire des alternatives fortes et massives à ce système. Il conviendra donc de tenter autre chose dans les mois à venir, de ne pas répéter les mêmes erreurs, même si, avouons-le, ce système ne laisse que très peu d'espace possible pour faire avancer et amplifier nos luttes.


Des gaz qui ouvrent les yeux

« J’ai suivi Liverpool partout dans le monde. J’ai assisté à cinq finales en Europe. Je n’ai jamais vu une telle incompétence dans l’organisation. Mais le pire restera la brutalité horrible de la police française. Gaz lacrymogènes. Armes pointées sur les supporters. » C'est un journaliste spécialiste de Liverpool qui témoigne dans Médiapart au lendemain de la finale de la ligue des Champions au Stade de France.

Il y a les mots, et il y a les images aussi : des enfants suffocants et pleurant sous les gaz, 135 blessés annoncés officiellement, des scènes où les forces de l'ordre gazent à bout portant, gratuitement. Des policiers visant des supporters avec des LBD. La BRAV-M qui matraque tout ce qui bouge dans la fanzone à Nation, des journalistes obligés de supprimer leurs photos/vidéos de violences policières pour pouvoir entrer dans le stade et couvrir le match...

En une soirée, l'Europe a fait connaissance avec une réalité que côtoient des millions de Français depuis le premier quinquennat Macron. Car sincèrement, toutes les scènes vécues par les supporters anglais et espagnols samedi soir n'ont, tristement, rien d'inédit pour ceux qui sont habitués des manifestations sportives ou politiques.

Depuis 5 ans, et particulièrement depuis l'arrivée de Lallement à la tête de la préfecture de Paris, le pouvoir a décidé de gérer les « rassemblements » par une stratégie très radicale : la terreur. Traumatisé par les premiers épisodes des Gilets Jaunes, le pouvoir est convaincu que « la meilleure défense reste l'attaque ». Les unités de police, de CRS, les BRAV-M ont donc carte blanche pour balancer du gaz lacrymo, pour matraquer, pour tirer au LBD ou balancer des grenades de désencerclement. Pas besoin d'avoir commis une infraction pour être réprimé, il suffit que la police juge que vous avez le mauvais look, ou comportement.

Dans la presse aujourd'hui, chacun pointe les responsables du fiasco de cette finale : pour certains, ce serait la faute de supporters anglais qui auraient tenté d'entrer dans le stade avec des faux billets, pour d'autres, ce seraient des jeunes du 93 qui auraient eux aussi tenté d’accéder au stade... D'autres parlent de supporters anglais complètement saouls et irrespectueux. La police britannique de Liverpool présente au stade a évoqué des circonstances choquantes et défendu le comportement "exemplaire" des supporters des Reds pendant la rencontre, "la pire" à laquelle elle dit avoir jamais eu affaire en terme d'organisation

Il y a sûrement eu des dizaines de personnes qui ont eu des comportements répréhensibles lors de cette journée/soirée. Des dizaines sur près de 100 000 supporters présents dans une ville qui accueille la finale la plus importante de l'année en Europe. Mais cela arrive à chaque événement d'une telle importance dans le foot, notamment avec des clubs aussi populaires que Liverpool, avec plusieurs dizaines de milliers de supporters présents pour encourager leur club, même sans avoir la chance d'accéder au stade. Et pourtant, cela ne se passe pas comme ça habituellement - ailleurs qu'en France en tout cas.

D'ailleurs, il est notable de voir qu'il n'y a eu aucun affrontement entre les supporters de Madrid et de Liverpool, aucun acte qui aurait pu permettre au pouvoir de justifier sa stratégie ultra violente. Si la soirée s'est déroulée avec une telle violence, c'est tout simplement parce que la France a décidé de gérer les matchs de foot avec la doctrine du « tout répressif ». Et cela ne date d'ailleurs pas de Macron. Les Interdictions Administratives de Stade, qui ont été le laboratoire des restrictions de libertés désormais appliquées dans le domaine des luttes sociales et politiques, ont été érigées en principe, tout comme l'interdiction de fumigènes, la dissolution d'associations ou l'interdiction de déplacement. Les supporters français qui ont vu les images d'hier à la TV n'ont d'ailleurs pas dû être particulièrement étonnés. Cela ressemble à leur quotidien de supporters traités comme des sauvages et terrorisés en permanence.

On le voit bien, la doctrine de "maintien de l'ordre" française adoptée face aux supporters de foot est exactement la même que face aux militants politiques (Gilets Jaunes, antifa, écolo, étudiants...).

Dans la presse, de nombreux journalistes et même responsables politiques étrangers se sont interrogés sur la capacité de la France à organiser les Jeux Olympiques dans deux ans. Qu'ils se rassurent : ces JO devraient se passer dans le calme : cet événement sportif, si suivi soit-il à la TV, n'a jamais déchaîné les foules dans et surtout hors des stades. Les JO sont d'ailleurs le parfait exemple de ce dont rêve la société capitaliste pour le sport : un événement massif, permettant d’engranger des milliards, mais sans supporters. Avec de simples « spectateurs consommateurs ». C'est d'ailleurs aussi de cela dont rêve la FIFA et l'UEFA, même s'ils tentent de surfer sur la ferveur des supporters et en faire un atout marketing.

S'il fallait retenir deux choses de cette débâcle sécuritaire au Stade de France :

1/ La stratégie de la terreur menée par Macron/Darmanin/Lallement, proche d'un régime autoritaire, a éclaté aux yeux de tous. Elle a touché hier les supporters anglais mais les supporters français le vivent depuis des années, tout comme les militants politiques et sociaux.

2/ Le football, sport le plus populaire du monde, ne cesse d'être pris en tenaille entre les dérives ultralibérales de ses dirigeants, et une base de supporters qui reste populaire, y compris dans des clubs qui évoluent dans des sphères de milliardaires. Car si certains ont décidé de se couper des clubs de haut niveau pour se tourner vers des divisions inférieures (avec des clubs amateurs et/ou autogérés, que ce soit en Angleterre, en Italie ou en France), de très nombreuses personnes continueront de suivre et d'encourager des équipes qui ne voient en eux que des sauvages.

On remercie presque la presse étrangère d'être aussi choquée par les images du Stade de France. Car, au final, cela nous rappelle à quel point tout cela n'a rien de « normal » dans une "démocratie" (cependant qualifiée récemment de défaillante par le groupe britannique The Economist). La banalisation de la situation aurait pu nous faire basculer dans le doute, et nous faire penser que nous étions peut être dans l'exagération face au silence complice d'une grande partie des médias français depuis plusieurs années.

Il n'en est rien, et nous continuerons à pointer du doigt ces dérives autoritaires et répressives inacceptables.


Nous ne sommes pas N(D)UPES

- NUPES, 5 lettres pour tout reconstruire ? Ou pour tout détruire ? -

L'alliance entre la FI, le PS, le PCF, EELV et Générations est présentée par ses protagonistes comme historique. Elle l'est probablement. Mais pas dans le bon sens de l'histoire. Toutes les négociations et compromissions de ces derniers jours sont là pour maintenir le social-liberalisme le plus vomitif en place. Nous ne sommes pas dupes et nous ne seront jamais NUPES. Il n'y aura pas rupture par les urnes.

Si cette coalition opportuniste arrive à avoir une majorité à l'assemblée nationale, on ne pourra que se satisfaire que Macron perde sa majorité et vive une cohabitation.

Mais nous ne doutons pas que les 5 ans que la France connaitrait avec un gouvernement qui comporte des membres du PS, du PCF et de EELV ne serait qu'un quinquennat de social-démocratie de plus. Probablement moins ultra libéral que 5 ans de Macronisme. Certainement moins raciste aussi. Mais loin d'être en adéquation avec nos valeurs et combats.

Mais si ce n'était que ça, nous pourrions nous "satisfaire du moins pire". On en a tellement pris l'habitude depuis des décennies.

Non, là, les conséquences sont bien plus graves pour notre camp. Cet accord remet au centre du jeu les partis de la gauche moisie que nous avons tant vomis, à juste titre, depuis des années. Ces partis qui, année après année, ont été mis en échec électoralement. et qui allaient être marginalisés et renvoyés aux oubliettes de l'histoire. D'un coup d'accord électoral, et pour "simplement" réussir à avoir une majorité, l'Union Populaire a redonné plusieurs années de vie au PS ou au PCF.

Qu'on ne nous dise pas que cela va obliger ces partis à revenir dans des considérations plus radicales et plus à gauche. Comment croire encore ce type de raisonnement ? Le PS n'est plus un allié depuis des années. On n'ose même pas établir la liste des exemples tellement elle est longue, aussi bien au niveau national que local. Le PS fait partie du problème. Il est à combattre autant que les partis de droite et d’extrême droite. Et malheureusement, il n'est pas le seul à gauche.

Cette alliance va également couper ce qu'il reste de la gauche, d'une partie de la population qui ne rêve que de renverser le système, et certainement pas de pactiser avec lui.

Les stratégies électorales, les alliances ponctuelles, les compromissions permanentes sont à l'origine de la catastrophe actuelle à gauche.

Les élections et les structures de pouvoir ne sont pas pour nous le centre des luttes à mener. Il n'empêche, nous ne pouvons en faire abstraction dans nos raisonnements. Aussi, les choix faits ces derniers jours par une gauche qui se disait radicale, impactent durablement le paysage des partis politiques français.

Notre conclusion est qu'il ne faut clairement plus rien attendre des partis politiques de gauche. Qu'il va falloir construire en dehors de leur cadre, qu'on pensait sur la fin, mais qui ne cesse de revenir et de se renforcer.

Nous avons conscience qu’une partie de l’électorat de la gauche se retrouve aussi dans nos luttes. Pour nous c’est elle la plus importante car c’est elle qui influencera les lignes politiques du camp progressiste.

Nous combattrons toutes les formes de libéralisme. Que celui-ci soit le libéralisme autoritaire incarné par Macron, que ce soit le social-liberalisme désormais incarné par la nouvelle union populaire ou le libéralisme proto-fasciste des extrêmes droites.

Nous devons penser et organiser dès maintenant le mouvement social qui vient. Le capitalisme ne tombera pas par l'arrivée d'un Mélenchon premier ministre. Nos souffrances perdureront si nous croyons en eux. Nous sommes notre propre solution.

Organisons le mouvement social qui vient. Préparons le. Diffusons l'idée du mouvement de masse imminent dans nos quartiers, nos lieux de travail, nos bahuts. Préparons le calendrier, les échéances. Les jours de grève, les lieux stratégiques. Prenons le temps de le faire bien.

Quelques mois peut-être, pour voir arriver, après l'été, au retour des congés, le premier lundi matin de rentrée, le plus détesté de tous. Voir son lieu de travail, son bahut, sa fac, sa rue, occupés bloqués, sabotés. Dans le but d'envoyer un signal : leur monde est fini.