Pour combattre le Covid, tuons la musique ?

Dans sa dérive liberticide, le gouvernement a annoncé qu'à partir de ce soir 22h, il serait interdit sur Paris de diffuser de la musique dans l'espace public. Pire, il sera aussi interdit de diffuser de chez soi de la musique "audible" depuis la rue !

Cette nouvelle mesure confirme l'instauration d'un couvre feu qui ne dit son nom. Encore une fois, le pouvoir utilise la peur et une crise importante pour restreindre des libertés et habituer la population à vivre dans un État policier et répressif.

Car si ne nous nions pas l'existence de l’épidémie, et son regain depuis la rentrée, si nous ne nions pas l'importance de prendre des mesures sanitaires, nous ne pouvons accepter que la musique, la danse et la fête soient sacrifiées. Pire, qu'elles soit présentées comme les responsables de la propagation du virus... alors même que les études montrent que les espaces de propagations principaux depuis la rentrée sont le monde de l'entreprise et le milieu scolaire !

Depuis la mort de Steve à Nantes lors de la fête de la musique, nous savons que le pouvoir considère la musique, la danse et la fête comme quelque chose de subversif, à réprimer... pour à terme pouvoir l’interdire. Ce genre de vision d'une société est malheureusement répandue dans les sociétés totalitaires.

Alors ce soir lundi, à partir de 22h, faisons de Paris une fête musicale géante. Chacun, depuis son balcon, balançons de la musique : avec des enceintes ou des instruments, ou même en chantant. Du jazz, de la techno, du rap ou du métal... faisons vibrer nos vies et nos âmes.

Lien de l'événement facebook : https://www.facebook.com/events/963432424132539/


Sans la police

Ce texte est la version complète d'un texte publiée sur Lille Insurgée concernant l'offensive policière que subit le quartier Moulins à Lille suite à l'agression d'une femme fin juillet.

Axelle, aide-soignante, lâchement assassinée à Lyon. Philippe, chauffeur de bus, frappé à mort à Bayonne. Une femme agressée dans le quartier Moulins à Lille, double fracture de la mâchoire.
L'insécurité de nos quartiers est une réalité à laquelle nous devons collectivement répondre.

Chaque fait divers, chaque agression, est abondamment récupérée par la classe politique et toutes sortes d'identitaires pour alimenter leur discours de haine, qui voudrait faire croire que la France est à feu et à sang. La récupération par les identitaires lyonnais du meurtre d'Axelle devrait nous révolter. Non pas contre cette récupération - qui, en soit, n'a rien de surprenant - mais contre nous, car si les identitaires ont pu récupérer cet événement, c'est que nous leurs avons laissé l'espace et les moyens de le faire.

L'absence de ressources, de contenus libertaires sur l'assassinat d'Axelle alors que celui-ci s'est imposé dans l'espace médiatique doit nous interpeller.
Quand les identitaires et l'ensemble de l'extrême droite enchaînent article sur article, action sur action pour récupérer tout fait lié à la sécurité, nous sommes incapables de proposer une alternative désirable à ce paradigme dominant consistant à affirmer que plus de sécurité est égal à plus de moyens dans les polices, des sanctions judiciaires plus fermes, le développement massif des technologies de surveillance et de contrôle etc.

La question de la sécurité et de l'insécurité fait le beurre des racistes, des néolibéraux et autres dictateurs en devenir qui profitent d'événements divers pour mener des politiques répressives et punitives.
En 1999, afin de lutter contre les crimes sexuels, le gouvernement instaurait une loi visant à pouvoir identifier par l'ADN de potentiels agresseurs. Peu de personne s'opposèrent à cette mesure qui semblait louable. Si à l'époque le nombre de personnes dont l'ADN avait été récupéré ne se comptait qu'en milliers, le fichier national des empreintes génétiques compte aujourd'hui plus de 3,5 millions de personnes fichées. Et pour cause, le prélèvement ADN ne s'arrête désormais plus aux crimes sexuels, mais à une quantité de délits mineurs. Une simple arrestation et une garde à vue peuvent justifier un prélèvement ADN.
« D'abord limité aux auteurs de crimes sexuels et de violences, étendu aux "suspects" d'infractions plus banales, le "fichier génétique" de la police compte déjà 283 000 dossiers. Inquiétudes civiques. » s'inquiétait le journal Le Monde en 2006 dans un article détaillé sur le sujet¹.

Sur un principe simple et louable de faciliter les arrestations de criminels sexuels par le relevé ADN, cette pratique s'est étendue à une grande partie de la population, créant un énorme fichier de surveillance.
« Lorsqu’on analyse les politiques pénales, on observe que ces dernières décennies, en France comme dans la plupart des pays occidentaux, les femmes ont servi à justifier des politiques de plus en plus punitives. La cause des femmes sert de prétexte à la création de nouvelles catégories de crimes et de délits, à l’allongement des peines, mais aussi à des innovations pénales, comme le bracelet électronique, les prélèvements systématiques d’ADN. » Gwenola Ricordeau²

Le Parti Socialiste et plus largement, la gauche parlementaire n'échappe pas à cette façon de répondre à l'insécurité. Par idéologie ou manque flagrant d'imagination, elle n'a pas d'autres réponses à donner que la surveillance et la punition. La politique et les discours de Manuels Valls en sont de bons exemples. La séquence politique anti-terroriste et la mise en place de l'état d'urgence a vu par exemple permis l'utilisation de mesures exceptionnelles pour réprimer les millitant.e.s écologistes qui s'opposaient à la mascarade de la COP21 ou encore le mouvement contre la loi travail où se sont multipliées les assignations à résidence, les interdictions de manifester, les gardes à vue arbitraires et bien d'autres mesures désormais inscrites dans le droit commun par la loi dite « anti-terroriste », en vigueur depuis l'automne 2017.³

À Lille, Martine Aubry mate depuis des années les quartiers populaires dans un but de gentrification, à grand renfort de bleus. À Rouen, sous prétexte de lutte contre les violences faites aux femmes, un arsenal de nouvelles technologies va être déployé dans les bus de la métropole « socialiste ». L'augmentation de l'insécurité brandite chaque année vient une nouvelle fois légitimer l'installation d'un dispositif de surveillance dernier cri. Et que dire de Nantes, où Johanna Rolland, la Maire PS, enchaîne les politiques sécuritaires, comme le démontre régulièrement le média indépendant local Nantes Révoltée.
Le reste de l'échiquier politique se mure dans un silence assourdissant. La « gauche radicale » n'est pourtant pas incapable de produire un discours sur les questions de sécurité, mais elle se fait battre quasi-systématiquement sur le plan temporel. « Les récupérateurs » proposent des solutions de court terme, pratiques et cadrées, qui semblent efficaces au premier regard, répondant aux attentes directes d'une société noyée dans la peur épidermique d’une population alimentée par le rejet de l’autre à grands coups de Unes délétères : Valeurs actuelles titre le 23 juillet sa Une « le racisme anti français tue ».
Nous n'avons rien à proposer dans l'immédiat, ou si peu.

Pourtant, à chaque agression, à chaque moment où le thème de la sécurité est mis en avant - il va sans dire très souvent - nous devrions mettre en place une machine de guerre pour contrer l'argumentaire sécuritaire fallacieux. Parler, écrire, organiser des rencards comme cela est fait lorsqu'il y a une violence policière. Il faudrait se répéter peut-être, en avoir marre certainement. Il faudrait, à chaque fois qu'une agression traumatise un quartier, y distribuer par dizaines les ouvrages de Angela Davis, Franz Fanon, Gwenola Ricordeau, Michel Foucault… Partager les témoignages du Chiapas ou du Rojava. Se retrouver entre habitant.e.s dans une démarche solidaire (plutôt que de vigilance) et surmonter ensemble et pour du long terme les situations communes.

Le constat est pour l'heure assez mauvais et nous ne pouvons qu'observer notre incapacité à développer cette autre porte de sortie que la police et l'action pénale, en réponse aux crimes et aux agressions. Soyons-en sûr.e.s pourtant, nos idées sont désirables.

Alors qu'à Lille, une femme a été agressée dans le quartier Moulins par un « dealer », cette dernière a lancé un appel aux pouvoirs publics, mairie et préfecture, à « prendre la mesure de la situation » et réagir au plus vite, désignant le quartier Moulins comme « une zone de non droit », ainsi qu'à une surveillance permanente du quartier.

Martine Aubry et la préfecture ont réagi au quart de tour. La maire de Lille en appelle à l'État pour gérer la situation.⁴ Et la réponse ne s'est pas faite attendre.
Mardi 28 juillet, le quartier de la filature, situé à côté de la fac de droit et du métro porte de Douai, était pris en étau par une déferlante de flics venus mener une expédition punitive dix jours après l'agression.
Mercredi 29 juillet, Martine Aubry envoyait un courrier à Gérald Darmanin pour demander des policiers supplémentaires dans les plus brefs délais afin de lutter « contre les zones de non-droits ». Un courrier à vomir, où la maire n'hésite pas à reprendre le terme d'extrême droite d'«ensauvagement» pour désigner le quartier Moulins.
« Vous parlez d'ensauvagement, c'est dans ces zones de non droit qu'il est le plus visible » Insulte insupportable envers les habitant.e.s d'un quartier coincé.e.s entre les agressions multiples, l'occupation policière violente et la brutale gentrification.

Ce dimanche 2 août, Gérald Darmanin était en visite surprise au commissariat de Lille avec la promesse d'augmenter les effectifs et les moyens des polices de la métropole. La promesse aussi d'augmenter les caméras de surveillance, alors que Lille est relativement épargnée par ce phénomène de contrôle de masse.
Surveiller et punir, voilà les lignes de ce nouveau mandat socialiste qui commence.

Une chose est pourtant claire : les politiques répressives ne changeront rien à la situation et il est hors de question que le quartier Moulins et l'ensemble de ses habitant.e.s ne se retrouvent une nouvelle fois les victimes d'une occupation policière violente et de politiques répressives.

Ce quartier est déjà depuis de nombreuses années le théâtre d'expéditions punitives et d'occupations policières. Les CRS sont présents en nombre notamment autour de porte d'Arras. Les unités de police spécialisées multiplient les descentes dans le quartier de la filature et la fac de droit est devenue un bunker où les entrées sont contrôlées. La situation s’est-elle arrangée ? Non. Car croire que l'on apporte de la sécurité à coup de présence policière et de technologies de surveillance est une pensée aussi fausse que difficile à se sortir de la tête.

Alors que depuis 30 ans, nos villes et nos flics ont été équipés de tout l'arsenal possible sous prétexte de lutter contre l'insécurité, depuis 30 ans, les chiffres des violences
physiques et des homicides sont stables voire en baisse, et ce en partie liée à la décrue de la violence politique et du grand banditisme.⁵
Le spectre que l'on nous brandit d'une France à feu et à sang ne permet que de légitimer l'utilisation de la force sur les habitant.e.s des quartiers. Pour autant, les agressions et le sentiment d'insécurité que les habitant.e.s ressentent dans certains quartiers sont des réalités auxquelles nous devons collectivement répondre.

Au gouvernement, on nage dans le paradigme répressif comme un extasié nagerait dans son trip. L'offensive sécuritaire est spectaculaire.
Les déplacements, de commissariat en commissariat pour annoncer des moyens et des effectifs se multiplient depuis l'arrivée du nouveau gouvernement.
Lors de leur déplacement à Nice, ville avec le plus de caméras de surveillance et de policiers de France, les sinistres Darmanin, Dupont-Moretti et Castex ont annoncé des mesures qui devraient nous effrayer :
- Création de 10 000 postes de policier·es
- Extension des pouvoirs de la police municipale
- Durcissement de la justice pénale

Une fois n'est pas coutume, cette opération de communication a affiché la volonté d'une tolérance zéro contre la délinquance. Nous savons bien ce qui en découlera, qui seront les victimes de ces politiques de « tolérance 0 » trempant généralement dans une marinade putréfiée de racisme et d'infantilisation.

Axelle à Lyon, Philippe à Bayonne ou les nombreuses agressions à Lille comme ailleurs sur le territoire ne doivent pas légitimer des politiques répressives stigmatisantes. Il nous faut développer un discours fort qui réponde à nos réalités communes en termes de sécurité tout en refusant de voir, dans chaque événement, une augmentation catastrophique de l'insécurité. Développons donc un autre discours et revendiquons une autre approche de la sécurité s'opposant aux politiques locales et gouvernementales répressives. Hors de question d'inventer de nouvelles pratiques policières ou technopolicières. Pas d'augmentation d'effectifs non plus. Nous parlons bien ici de pratiques communes qui tendraient à se passer des polices à l'échelle communautaire.

À chaque nouvelle violence policière, bon nombre de personnes se posent la question de la police, de son rôle et de son utilité. Les évènements médiatisés comme le décès d'Axelle sont ces moments où certain.e.s de nos ami.e.s doutent. Se demandent si la police, la prison, finalement…

Non, c'est justement dans ces moments qu'il faut penser l'abolition. De la prison, de la justice punitive et de la police. De tout ce qui est policier. De la gestion étatique de nos existences. Il faut penser l'abolition non pas d'une institution, mais d'un monde.

« Abolir réellement la police, cela suppose d'abolir tout ce qui est policier, et donc s'extraire de la société qui la nécessite et la génère. Aucune loi ne peut l'obtenir, cela s'obtient de fait.
Seule la commune, en répartissant les tâches de l'administration à un corps de citoyens révocables faisant la médiation nécessaire, peut abolir toute la police et libérer la société humaine. » La meilleure des polices, Cerveaux non disponibles.

C'est le moment de réaffirmer haut et fort qu'on ne transformera pas les vieux rouages systémiques du fonctionnement de notre monde à coup de matraques, de marteaux et de barres de fer. Il nous faut, même si cela paraît casse-gueule, nous saisir d'évènements comme l'assassinat d'Axelle pour développer notre argumentaire qui, soyons en sûr·es, est désirable – se le répéter est parfois nécessaire. Désirable en premier lieu pour nous, celles et ceux qui partageons les idées d'abolition de la police, d'anticarcéralisme, liées à notre désir de reprendre en main collectivement nos conditions d'existence. Désirable ensuite et surtout pour celles et ceux d'avantages opprimées par la police et la justice. Celles et ceux qu'on contrôle au faciès, qui n'ont pas les moyens de se défendre devant un procureur, que l'on réprime du simple fait de caractéristiques ethniques, genrées, ou sociales. L'écho que le discours abolitionniste peut avoir sur toute une partie de la population grappillera minimalement l'espace conquis par le discours sécuritaire dominant.

Déconstruire le mythe tendant à nous faire croire que la police est indispensable semble être un point qui, au vu de l'actualité autour des violences policières, est à marteler. La police n'empêche pas le crime d'avoir lieu. Elle arrive après pour le constater. La police n'empêche pas ton voisin du 3eme de mettre de la techno jusqu'au lever du soleil. La police n'est construite que sur le principe d'infantilisation de la population. Nous serions des individu.e.s inconscient.e.s, incapables de gérer notre sécurité et celle des autres. Sur ce principe, nous avons délégué ce pouvoir aux hommes armés qui prétendent avec arrogance être les garants du bon déroulement de la vie. Seuls les policiers seraient capables de gérer les conflits.

Le recours systématique à la police découle inéluctablement du fonctionnement systémique de nos sociétés occidentales basées notamment sur l'individualisme.
À l'heure où plus personne n'est dupe sur la question des violences policières (à l'exception de quelques zigotos comme Castaner, Darmanin, ou les guignols de génération identitaire), nous devons nous demander si faire appel aux policiers pour gérer systématiquement ces conflits serait faire preuve de tolérance et cautionner une logique de domination sociale, raciste et hétéropatriarcale.
Il ne s'agit pas ici de pointer du doigt celles et ceux qui ont recours aux policier.e.s pour tout un tas de raison, mais de réussir à se poser des questions : dans qu'elle situation ai-je réellement besoin de la police ? Pourra-t-elle réellement m'aider si…? Comment pourrait-on gérer cette situation autrement. Collectivement.

L'enjeu est de retirer l'argument établi du « on vous protège » représentant la partie émergée de l'iceberg camouflant le « on vous écrase ». L'enjeu est de détricoter la pensée selon laquelle la police serait irremplaçable. Une pensée construite dans le but unique de préserver l'ordre et d'empoisonner nos imaginaires.

« Je suis sûre que la première fois que quelqu’un a crié “Nous devons abolir l’esclavage !”, tout le monde a réagi de la même manière, genre : “Quelle idée stupide ! On se fait plein
d’argent grâce à ce travail gratuit et vous voulez l’abolir ? C’est ridicule !” » Tout le monde peut se passer de la police, Jeff Klak.⁶

L'enjeu est donc de nous mettre dans les conditions propices à la création d'alternatives à la gestion étatique de la sécurité en développant des espaces permettant de répondre à toutes les situations où nous recourons d’ordinaire à ce qui est policier, et ainsi les gérer ensemble.

Ces formes auront leurs problématiques que nous nous efforcerons de soulever, d'assumer et de résoudre ensemble, avec l'ambition permanente de se passer de la force armée et de l'accaparement de la violence physique légitime par un groupe. Si tout reste à faire, rien n'est pour autant à inventer. Inventons oui ! Mais constatons d'abord qu'une flopée de chercheurs et de chercheuses, de millitant.e.s, d'écrivain.e.s, se sont emparé.e.s de la question. Des thèses sur la justice transformative, au travail fourni sur l'abolition de la justice pénale et de la prison. Il faut s'inspirer d’expériences communautaires où la police est reléguée en dernière division notamment dans des collectifs féministes locaux, à la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes, au Chiapas (Mexique), au Rojava, dans le quartier D'Exarcheai à Athènes ou plus récemment dans la Capitol Hill Autonomous Zone (Seattle). Des expériences effectives, loin d'être parfaites, cela va sans dire, mais ô combien inspirantes. Des solutions communautaires où la vie et la sécurité d'une population s'organisent différemment et dont le principal ingrédient est la fluide interaction sociale entre les membres de la communauté.
Recréer des liens, avec nos voisin.e.s, faire société. Un principe simple et consensuel pourtant mis de côté par ce qu'on nous impose dans le strict intérêt de préserver l'ordre établi. Capitaliste, raciste et hétéropatriarcale. Rappelons-le.

« Si tu construis une communauté, alors la violence s’arrête. Quand tu connais tes voisins, tu es beaucoup moins susceptible de leur tirer dessus ou de les voler » Tout le monde peut se passer de la police, Jeff Klak. C'est l'ambition des forces d'autodéfense populaire au Rojava, pensées pour que les volontaires assurent la protection des habitant.e.s de leur propre quartier.

« Les possibilités d’instituer des hiérarchies de pouvoir et d’autorité sont considérablement réduites dans cette méthode alternative. Les personnes sont les protecteurs des personnes, celles avec qui ils vivent et avec qui ils interagissent quotidiennement. La proximité des « forces de sécurité » par rapport à la communauté, étant donné qu’elles sont issues de leur propre quartier, garantit que des violations ne se produisent pas. Lorsqu’elles se produisent, les mécanismes communautaires de justice, d’honneur et de restauration sont immédiatement activés par le biais des communes de quartier. Le monopole de ce processus est encore empêché en encourageant tout le monde à participer grâce à un système de listes. Tout le monde peut se porter volontaire. Cela inclut les personnes âgées, en particulier les femmes, en tant que sources de protection civile. » Hawzhin Azeez, activiste kurde.⁷

Ce modèle ne peut évidemment pas fonctionner seul. Il doit être accompagné d'une profonde transformation de la société, aussi bien politique que sociale. Par la dissolution de
l'état et des valeurs patriarcales, coloniales, nationalistes, patriotiques etc, qui l'accompagnent.

Il nous faut donc déconstruire l'intégralité de ces schémas, ces modèles, ces représentations, cette multitude de roues dentées faisant engrenage dont le fonctionnement automatique nous empêche d'échapper à son inertie.

Créer des îlots de résistance comme il en existe déjà, aussi combatifs que créatifs, pour désosser ces constructions insensibles vampirisant nos capacités à penser autre chose.
Tout ce qui était directement construit doit s'égarer. Se perdre pour retrouver la créativité enfantine déchue qui nous a de nombreuses fois fait embrasser le chaos. Et que c'était bon d'embrasser le chaos.

Nous vous invitons vivement à poursuivre la lecture via les références notées ci-dessous.
______
1. La tentation du fichage génétique de masse :
https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2006/09/25/la-tentation-du-fichage-genetique-de-masse_816576_3208.html

2. Entretien avec Gwenola Ricordeau
https://www.bastamag.net/Abolition-prison-police-abolitionnisme-feminisme-violences-sexistes-Entretien-Gwenola-Ricordeau-Femmes-contre-la-prison

3. Pourquoi le projet de loi antiterroriste menace les libertés fondamentales
https://www.lesinrocks.com/2017/09/26/actualite/actualite/projet-de-loi-antiterroriste-les-libertes-menacees/

4. Agression d'une femme à Lille-Moulins : "C'est l'enfer pour les gens" selon Martine Aubry, qui en appelle à l'Etat
https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/lille/agression-femme-lille-moulins-c-est-enfer-gens-martine-aubry-qui-appelle-etat-1855628.html

5. Sept idées reçues sur l’évolution de la France « depuis trente ans »
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/02/28/sept-idees-recues-sur-l-evolution-de-la-france-depuis-trente-ans_5429436_4355770.html

6. La meilleure des polices
https://cerveauxnondisponibles.net/author/admin1591/

7. Tout le monde peut se passer de la police.
https://www.jefklak.org/tout-le-monde-peut-se-passer-de-la-police/

8. Une société sans police ? Les leçons du Rojava.
https://kurdistan-au-feminin.fr/2020/06/04/une-societe-sans-police-les-lecons-du-rojava/

Pour aller plus loin :

A propos de justice transformatrice et de gestion communautaire des agressions :
- Pour une culture de la solidarité
https://rebellyon.info/Pour-une-culture-de-la-solidarite-22472
- Pas de recette miracle. Perspectives extra-judiciaires face aux agressions sexuelles
https://rebellyon.info/Pas-de-recette-miracle-Perspectives-extra-22481

A propos d'abolition de la police :
- MANIFESTE POUR LA SUPPRESSION GÉNÉRALE DE LA POLICE NATIONALE
https://lundi.am/Manifeste-pour-la-suppression-generale
- VIOLENCES, MENSONGES ET MAINTIEN DE L’ORDRE
https://lundi.am/Violences-mensonges-et-maintien-de-l-ordre
- Que faire de la police ?
https://www.jefklak.org/que-faire-de-la-police/
- 12 choses à faire plutôt que d’appeler la police
https://rebellyon.info/Si-tu-vois-quelque-chose-fais-quelque-22487

A propos d'imaginaire et de créativité :
- « PAS DE POLICE, PAS DE PROBLÈME », déclaration de Loïc Citation lors de son procès pour le contre sommet du G20 à Hambourg.
https://laneigesurhambourg.noblogs.org/post/2020/07/09/loic-keine-polizei-keine-problem/
- Entretien avec Alain Damasio
https://www.bastamag.net/Alain-Damasio-Les-Furtifs-La-Volte-ultra-liberalisme-ZAD-pouvoir-alienation


De quoi CND est-il le non ?

Depuis quelques semaines, les publications de CND font l'objet de commentaires très négatifs, souvent agressifs. Qu'il s'agisse de posts sur des mobilisations antiracistes, féministes, des révoltes au Liban ou en Biélorussie, ou même des Gilets Jaunes. On pourrait se dire que c'est le "jeu" des réseaux sociaux, surtout pour un média des luttes sociales et politiques. Sauf que la page existe depuis près de 8 ans, avec une audience importante depuis le début des Gilets Jaunes. Et que c'est la première fois que nous connaissons un tel afflux de commentaires "contre" nos publications. Pour ne pas dire contre CND.

Cela ne nous empêche pas de dormir, et nous ne pensions pas écrire sur le sujet. Mais de nombreuses personnes nous ont envoyé des messages pour nous alerter sur ces commentaires et nous demander des explications.

Nous avons fait le choix de ne bannir et supprimer que les messages racistes, homophobes, sexistes, ou d'incitation à la haine. Tous les autres commentaires restent visibles, y compris ceux qui nous dénigrent. C'est un choix. Celui de la liberté d'expression et du respect des différences de points de vue.

Mais il convient d'expliquer et de contextualiser cet afflux massif de commentaires négatifs, qui a commencé fin mai. Que s'est-il passé à cette période ? La mort de George Floyd et le mouvement BLM, que nous avons abondamment couvert. S'en sont suivies de nombreuses mobilisations françaises antiracistes et contre les violences policières, notamment à l'initiative du Comité Adama.

Cela a provoqué des centaines de commentaires et messages privés d'insultes (voire de menaces). Pourtant, il ne s'agissait en rien d'un changement de positionnement de CND, qui a connu sa première grosse visibilité dès l'acte 2 des Gilets Jaunes, grâce à un événement facebook que nous avions créé : "Gilets Jaunes anti racistes". Dès l'acte 3 nous faisions un événement coorganisé par le Comité Adama.

Nous n'avons donc jamais "avancé masqué" sur la question de l'antiracisme. Ni sur celle de l'homophobie ou du sexisme. La page est ouverte à toutes les idées et nous postons des points de vues contradictoires, mais avec comme seule ligne le respect de tous et des différences. Cela laisse un spectre très large d'opinion.

Une petite partie de notre audience a probablement été "surprise" de cet antiracisme assumé. Des gens qui avaient connu notre média en cours de route, à un moment où les questions de racisme n'étaient pas aussi présentes. A ceux-là, nous leur disons que notre plateforme sera toujours du côté de ceux qui combattent les oppressions.

Mais nous pensons aussi qu'une bonne partie de ceux qui nous attaquent/dénigrent n'ont jamais été "fans" de notre média. Nous le voyons puisque plus de la moitié des personnes que nous devons bannir suite à des commentaires racistes ne "likent" pas la page au moment du commentaire.

Nous savons aussi que notre page fait l'objet d'attaques coordonnées de certains groupes. Cela a été le cas il y a un an avec des militants macronistes ou d'extrême droite. A l'époque, nous avions trouvé des posts dans des groupes facebook (notamment pro police) qui appelaient à faire des signalements massifs et coordonnés de nos publications. Entre le printemps et l'automne 2019, nous avons subi au moins 4 blocages majeurs de notre page facebook. A chaque fois, nous avons fait appel et avons sensibilisé notre audience à ces censures abusives.

Mais depuis plusieurs mois, cette tendance semble s'être calmée. Il n'est pas déraisonnable d'envisager que ces groupes voulant porter préjudice à CND ont changé de tactique : plutôt que signaler nos posts en espérant que la page soit bloquée (voire supprimée), ils décident de commenter nos publications de façon négative dans l'optique de décrédibiliser notre page. Créer un bruit et une ambiance négative autour de nos contenus.

La stratégie est d'autant plus gagnante pour eux puisqu'elle permet de ternir l'image de CND mais aussi de faire fuir certaines personnes lassées de lire des commentaires aussi haineux et agressifs. Nous avons d'ailleurs reçu des dizaines de messages de personnes qui nous suivent depuis longtemps et qui, n'en pouvant plus de ces commentaires, envisagent de se désabonner.

L'idée est aussi de faire germer quelques doutes sur les intentions de notre page. A force de lire plusieurs fois par jour en commentaire, que CND est financé par Soros, certains de nos abonnés peuvent légitimement se dire qu'il n'y a peut-être pas de fumée sans feu. Qu'après tout, si tant d'internautes l'écrivent sur nos publications, cela ne doit pas sortir de nulle part.

En effet, cela ne sort pas de nulle part. Il s'agit de quelques petits groupes qui ne voient pas d'un bon œil que CND et d'autres médias indépendants connaissent une forte audience tout en assumant un positionnement antiraciste. Du coup, l'objectif est de dire que ces médias ne connaissent un succès que parce qu'ils ont derrière une force de frappe financière.

Quand nous postons des contenus qui couvrent le mouvement Black Lives Matter, c'est donc selon ces groupuscules, Soros qui nous finance. Quand nous postons sur la révolte à Hong Kong, c'est le gouvernement américain. Quand on poste sur les révoltes sud américaines, c'est l’œuvre de la Russie ! Etc...

Cette situation s'inscrit également dans un contexte général très propice au développement de ces attaques par "petits groupes" sur les réseaux sociaux. 50 ou 100 personnes très organisées et actives peuvent aujourd'hui créer une vraie force de frappe en ligne, et en convaincre plusieurs milliers. Tout cela dans un contexte où les mouvements sont de plus en plus internationaux. N'oublions pas que l'année 2020 est celle des présidentielles aux USA et que l'arrivée de nouveaux trublions des réseaux comme le Qanon ne relève pas du hasard du calendrier. Et même si ce mouvement complotiste/pro Trump pèse principalement sur les réseaux anglo-saxons, son poids en France commence à être assez sérieux et inquiétant.

Nous tenions à faire ces éclaircissements en cette période où tout semble confus. Non pas pour nous justifier, mais pour tenter d'expliquer à ceux qui nous suivent et nous apprécient, le pourquoi et comment de cette arrivée massive de commentaires négatifs.

Pour terminer, nous rappelons donc que CND est animé par plusieurs personnes, avec des points de vues parfois différents sur certaines questions, et qui laisse la porte ouverte à d'autres prises de positions (tribunes, vidéos...) extérieures, qui permettent d'alimenter un débat sur les questions de société. CND a aussi vocation a relayer des contenus de médias alternatifs pour leur donner une plus forte visibilité. Parmi ces médias, tous n'ont pas la même ligne éditoriale.

A chaque fois, notre seule ligne de front est celle du respect de tous. Nous combattons le racisme, le sexisme, l'homophobie et toutes les formes d'oppression.

Et même si quelques dizaines d'internautes tentent de faire croire le contraire, nous pensons farouchement que ces combats ne sont pas des éléments repoussants pour de nombreux militants, qu'ils soient syndicalistes, Gilets Jaunes ou simple citoyens en colère.


Bas les (anti) masques

BAS LES (ANTI) MASQUES

La situation actuelle nous semble nécessiter une mise au point concernant le mouvement « anti masques ».

CND n'est pas, a priori, ce qu'on appelle un média complaisant envers le pouvoir et le système. On nous reproche même d'être trop dans la critique du gouvernement.

Pourtant, nous ne pouvons relayer ou encourager les attaques actuelles contre l’efficacité du port du masque, voir même sur la remise en cause du Covid et de son impact sani taire.

Dès le début de la crise, nous avons dénoncé le manque de masques pour le grand public. Surtout, nous avons crié notre colère face aux mensonges du pouvoir, et des « experts médiatiques » qui clamaient que le masque était totalement inutile (voir même contre-productif) pour la population. A l'époque, on nous traitait de complotistes ! Cette conviction que le masque était un élément important pour ralentir la propagation du virus, nous l'avons acquis auprès d'études et de chercheurs étrangers. Avant le Covid 19, la planète avait déjà connu de nombreuses épidémies meurtrières. Notamment en Asie. Différentes études de ces crises ont montré à quel point l'usage massif du masque par la population contribuait à ralentir la propagation de ces virus.

Si Macron et son gouvernement ont prétendu le contraire pendant des semaines, c'est à nos yeux moins par incompétence que par choix stratégique pour éviter une panique générale (la France étant à ce moment en pénurie).

Maintenant que les stocks sont suffisants, le pouvoir change totalement de discours (et les médias du pouvoir avec). Le masque serait l'unique solution pour éviter une deuxième vague.

Si ce changement de discours est risible (et grave), il n’empêche que l'usage massif du masque par la population reste objectivement un des leviers pour freiner la remontée du virus. Nous ne voyons pas comment il est aujourd'hui possible de remettre en cause ce fait. Les masques ne nous protègent pas à 100% mais réduisent très fortement la propagation. Le porter permet bien plus de protéger les autres que de se protéger. Et c'est essentiel.

Loin de nous la perte d'envie de dénoncer le cynisme de Macron et de son monde, y compris dans la gestion du Covid. Mais il y a malheureusement bien des sujets sur lesquels se focaliser pour ne pas avoir à en créer un de toute pièce : demander des masques gratuits, notamment pour les plus démunis, dénoncer les mesures liberticides, le traçage de nos vies sous prétexte sanitaire, les abus d'une police qui s'est sentie toute puissante en période d'état d'urgence sanitaire, les choix politiques qui se font pour les patrons des grandes entreprises et sur le dos des plus précaires, le manque de mesures sanitaires pour les travailleurs...

L'un des principaux arguments des anti-masques à travers le monde est de pouvoir « avoir le choix ». La liberté individuelle. Mais où étaient ces milliers de défenseurs des libertés au moment du confinement ? En France, où étaient-ils quand des personnes se sont fait tabasser par la police pour être sorti sans autorisation ou pour avoir dépassé la distance de son domicile ? On entendait personne à ce moment là. Mais là, quand il s'agit de défendre sa liberté fondamentale de ne pas porter un masque de protection...C'est une toute autre histoire. Étrange histoire à nos yeux.

Et puis il y a les soignants. Ces travailleurs en première ligne, qui ont payé au prix fort les erreurs politiques et économiques de la France, notamment par manque de masques et de combinaisons. Ces soignants que nous avons applaudi tous les soirs à 20h. Ces soignants que nous avons accompagné en manifestations dès les premiers jours de déconfinement. Ces soignants qui restent farouchement en colère contre Macron et son gouvernement, mais qui continuent de nous dire qu'il faut plus que jamais porter un masque pour éviter de se retrouver dans une nouvelle séquence où les hôpitaux seraient totalement saturés. Et lors de laquelle ils devraient « choisir » quels patients soigner.

Cette réalité, qui peut la nier sans salir la mémoire des milliers de morts et le travail de centaines de milliers de soignants ?

Alors, oui, nous continueront à dénoncer ce système et ceux qui en profitent, y compris sur la gestion du Covid. Mais non, nous n'irons pas remettre en question l'intérêt du port du masque.


La meilleure des polices

LA MEILLEURE DES POLICES

"La meilleure des polices ne porte pas l'uniforme" – La Rumeur

Alors que les forces de l'ordre et leurs actions sont finalement sous le feu médiatique, il semble nécessaire de rappeler l'évidence : ce n'est pas l'action de la police qui devient subitement plus catastrophique, mais l'ordre catastrophique du monde qui a de plus en plus recours à la police.

Une part grandissante de la population mondiale sent instinctivement où mène la marche du monde et se révolte. Elle rencontre partout la police, que le pouvoir équipe en conséquence. Le surarmement policier est le durcissement du capitalisme sur sa ligne de défense.

Si les médias ne se privent plus de commenter les violences policières, c'est que la démocratisation des moyens du spectacle, de prise de vue et de diffusion d'images, ont rendu visible l'exercice d'une violence auparavant connu de ceux qui en était les sujets.

C'est aussi et surtout qu'un nombre croissant de personnes goûte cette violence, parce que le capitalisme ne supporte plus aucune contradiction, et nécessairement, parce que ce durcissement et cette intransigeance attise le feu de la révolte. C'est aussi parce que l'écart entre le discours officiel et la pratique politique est devenu abyssal. Le mensonge entretenu de l'illusion démocratique marque un retard qui crève les yeux -littéralement- avec le totalitarisme concret du marché mondial.

Ce totalitarisme a sa raison économique, le capitalisme est en travaux : la fusion informatique de l'Etat et du marché s'opère sous nos yeux. Pendant cette transition fragile, le rôle historique de la police est de contenir les populations, pendant qu'on aggrave partout leurs conditions de vie par la surveillance, la destruction du milieu vivant, l'exploitation accrue. Tout ce qui était tenu pour acquis à la fin du vingtième siècle, comme l'intimité, la santé, le temps libre, tout doit disparaître. Les violences policières ne sont que l'écume de cette lame de fond.

Contradiction démocratique

La police, instrument du pouvoir est l'étincelle qui met le feu aux poudres. Elle agit comme un révélateur politique, parce qu'elle incarne physiquement le coeur de la contradiction "démocratique". Officiellement mandatée pour protéger la population, elle protège bien plutôt l'Etat contre la population. Elle est l'incarnation casquée et armée de l'Etat, qui apparaît sous le discours officiel, et révèle sa véritable signification. Et l'Etat, comme le pouvoir qu'il est, fait la guerre pour son maintien, et concentre ses assauts sur ceux qu'il a le plus dépossédé, mène une guerre préventive contre la revanche des humiliés.

La meilleure des polices

Les immigrés et leur descendance – qui étaient comme le rappelle Hamé de La Rumeur en première ligne des combats du mouvement ouvrier sont aussi ceux qui subissent, avec les pauvres excentrés de la métropole et les "migrants" – cette seconde classe d'immigration traitée en sous-êtres, le combat de plein fouet.

L'Etat lui-même n'étant qu'un instrument de la domination économique, la police s'illustre également par la défense des biens contre les personnes, la protection des rapports de propriété contre ceux qui les subissent. Pour s'en convaincre il suffit de voir les barrières anti-émeutes pour protéger les magasins Louis Vuitton, les C.R.S qui font barrage de leur corps aux vitrines de banques, jusqu'à l'ex-patron des services secrets qui organise des infiltrations et des écoutes pour le compte de Bernard Arnault (il faut vraiment être François Ruffin pour s'étonner de la fusion de l'Etat et du Capital au XXIè siècle.)

Mais la police ne s'arrête pas là, elle prend aussi activement part, dans certains marchés très lucratifs du crime organisé (Il y a encore quelques années, c'était le numéro un des stups qu'on a "découvert" être à la tête du trafic de drogue européen de cannabis, voir l'enquête de libération ("Drogues : Révélations sur un trafic d'Etat" et "Stup ou encore, le patron de la lutte antidrogue accusé d'être au coeur du trafic"). Elle joue avec toutes les mafias un jeu de miroir de la pacification sociale : tant que la population ghettoisée trafique, elle travaille de loin en loin pour l'Etat, et parfois directement pour lui, les petits poissons menant aux gros (voir le cas Serge Dassault : "Essonne, vie et mort d'un soldat de Dassault"dans l'Express et "Le scandale Dassault" publié par Médiapart)

C'est cette brêche béante qui s'ouvre sous la police, et ceci est compris dans ses rangs où les suicides sont de plus en plus nombreux, face à l'absurdité de cette tâche qu'est la guerre de l'Etat et du marché contre leurs esclaves rémunérés.

Pour toutes ces raisons, la seule lutte contre les violences policières est indéniablement absurde : la violence est la fonction de la police, et il n'y a pas de violence policière, il n'y a que des violences d'Etat. La police est l'outil de l'incarnation du monopole que s'est octroyé l'Etat pour légitimer sa violence. Voilà sur quoi s'étrangle la nouvelle défenseure des droits, car même le dernier des bacqueux est "dépositaire de l'autorité publique".

En France, mais aussi ailleurs, ceux qui l'exercent volontiers ont tous la même odeur : le puanteur de vieux cuir moisi de la servilité fasciste. Pour preuve l'enquête de Street Press qui a fait beaucoup de bruit, où certains policiers participants des groupes Facebook parlent ouvertement de guerre raciale. Dans notre pays, et c'est aussi le cas pour beaucoup d'autres, la situation est telle que le pouvoir dit républicain s'appuie sur un corps de défense intégralement fasciste – prêt à remplacer l'administration défaillante pour mener les affaires, c'est-à-dire le capitalisme. Mais comme disait déjà Orwell en 1937, "fascism and bourgeois democracy are tweedledum and tweedledee".

Violence Pandémique

Face à ce désastre, certains en sont encore à se demander comment réformer une telle institution, d'autres s'indignent en découvrant que "le confinement a révélé le caractère raciste des polices européennes" (Amnesty International). Evidemment l'état d'urgence sanitaire mis en place sur la moitié du globe est une des raisons pour lesquelles la police se trouve, de Portland à Paris, au cœur de la critique. Mais le déroulement historique est plutôt le suivant : d'abord, la pandémie en tant que telle, a démontré l'ampleur de la violence faite à la nature et aux populations par le capitalisme. Dans les pays touchés, tous ou presque ont été condamnés à contracter cette maladie par la marche forcée d'un monde dont personne n'a pu décider, maladie issue de la déforestation et diffusée par les voies de circulation commerciales. Les morts du coronavirus sont les martyrs du monde de la marchandise.

À cette violence du marché s'est ajouté la violence de l'Etat. Prouvant partout ou presque qu'il est impossible de "gouverner" – pénurie puis surproduction de masques et de gel, instabilité criminelle des prix, avalanche de décisions contradictoires et absurdes – l'Etat en France et ailleurs a cru bon de durcir en confinant à l'aveugle, suspendant immédiatement les restes de "libertés publiques". Ce faisant il a condamné les mêmes parties de la population à une mort plus certaine, et ce sans même rentrer dans le détail assassin de la "gestion politique" de la santé contemporaine.

Cette catastrophe double devait aussi révéler l'étendue de son absurdité par les effets positifs du confinement de l'économie sur le milieu vivant, qui a temoigné partout de la générosité de la nature en termes de régénération, et du caractère stérile, artificiel et inutile de la plus grosse part de l'activité du capitalisme.

Par dessus ce tableau, c'est la violence habituelle de la police – qui discipline usuellement des pauvres, parfois en les tuant – qui s'est trouvée exagérée par les pleins pouvoirs de l'état d'exception. Les morts de la pandémie s'ajoutant à ceux de l'institution, le feu de la révolte est parti des Etats-Unis, puis dans le reste de ses colonies culturelles que sont les états d'europe. C'est ceci est pas autre chose qu'a révélé le confinement, mais quand le sage montre l'histoire, l'imbécile regarde le droit.

L'illusion de l'abolition

Face à un trait si constitutif de l'institution, prétendre que la violence est un problème de contrôle, le racisme un problème de management n'est pas juste de la bêtise, c'est de la collaboration. On peut virer le pire préfet de France, dissoudre l'IGPN, désarmer la police, rien de tout cela ne changera rien : réformer la police, c'est encore organiser son maintien.

La police n'est douce que là où le contrôle social est fort, c'est à dire là où chacun est le policier de sa propre vie. Là où il n'y a pas besoin de force armée pour policer la population, qui justifie de son existence par la rentabilité qu'elle donne à ses employeurs, et la docilité à l'Etat. Là où le travail, la peur, les managers, la dépression et les divertissements numériques font leur office.

D'autres militants qui se pensent plus radicaux en viennent à réclamer l'abolition de la police. Et ces efforts portent, la ville de Minneapolis a même, dans un élan de sens stratégique , concédé à dissoudre sa police municipale pour obtenir la paix sociale. Priver les émeutiers de leurs ennemis donne l'illusion de la victoire. Mais la dissolution de tout ou partie des forces de l'ordre n'est pas la dissolution de la police, si tout le reste est conservé. Cela revient plutôt à accélérer la dématérialisation du travail policier, le reste étant confié à de la sécurité privée, comme c'est déjà souvent le cas aux États-Unis, où Microsoft gère la police en tenant sa logistique. Les forces de l'ordre pourront être dissoutes dans l'Etat lorsque celui-ci aura transféré leur contrôle dans les infrastructures urbaines elles-mêmes, par l'établissement des "villes intelligentes" et des dispositifs de contrôle connectés de toutes sortes. Exactement comme en Chine, où le crédit social généralise la police de soi, et permet à des agents très loin du terrain d'avoir une action punitive efficace. "En attendant la cybernétique, les flics" disait un tract de Nanterre en 1968. Il semble que certains militants soient impatients malgré eux.

Demander une réforme d'abolition, c'est demander à la loi de supprimer ce qui est la base de sa force, son existence concrète, son asymétrie fondamentale. Abolir réellement la police, cela suppose d'abolir tout ce qui est policier, et donc s'extraire de la société qui la nécessite et la génère. Aucune loi ne peut l'obtenir, cela s'obtient de fait. Seule la commune, en répartissant les taches de l'administration à un corps de citoyens révocables faisant la médiation nécessaire, peut abolir toute la police et libérer la société humaine. Comme disait Courbet en 1871 :

"Paris est un vrai paradis! Point de police, point de sottise, point d’exaction d’aucune façon, point de dispute. Paris va tout seul comme sur des roulettes. Il faudrait pouvoir rester toujours comme cela. En un mot, c’est un vrai ravissement. Tous les corps d’État se sont établis en fédération et s’appartiennent."

C'est ce qu'ont esquissé ceux qui ont tenu la CHAZ, qui, comme à chaque fois qu'un exemple d'auto-organisation prouve sa valeur, s'est vu démantelée il y a quelques semaines. Mais tout reste à refaire.

Texte anonyme


Témoignage depuis Portland #2

Aujourd’hui, mercredi 29 juillet, est ma troisième journée à Portland et hier soir j’ai assisté à ma deuxième manifestation (voir mon récit). À l’heure où j’écris (la fin d’après-midi), la journée est surtout marquée par l’annonce faite ce matin par la gouverneure de l’État de l’Oregon Kate Brown: un accord aurait été trouvé qui permettrait le retrait des agents fédéraux (les « Feds ») dès demain jeudi – et aussi leur nettoyage de l’extérieur du bâtiment fédéral recouvert de graffitis. Mais la situation reste néanmoins confuse, notamment parce que le Department of Homeland Security (la principale agence fédérale dont les agents sont déployés ici) a démenti son départ. Par ailleurs, le sentiment général que semble susciter l’annonce de la gouverneure est la méfiance. Quelles sont les garanties de ce retrait ? Au-delà de ce qui se joue en ce moment localement à Portland et de la possible victoire remportée par les manifestant.e.s, l’Operation Legend (l’opération de l’Administration Trump d’envoi de troupes fédérales dans des villes démocrates pour « rétablir l’ordre ») continue bien avec la nouvelle du déploiement de Feds dans trois nouvelles villes (Cleveland, Detroit et Milwaukee).

Cette journée riche en rebondissements fait suite à une nouvelle nuit de manifestation devant le bâtiment fédéral. Comme les soirs précédents, la foule est arrivée en nombre à partir de 20 heures. Beaucoup de personnes viennent en petits groupes d’ami.e.s, de collègues ou de diverses formes affinitaires (par exemple hier soir, il y avait un groupe de membres de l’église mennonite, un mouvement chrétien anabaptiste).

Un groupe d’Amerindien.ne.s de diverses Nations (les Nations amérindiennes souveraines sont au nombre de neuf dans l’État de l’Oregon) sont venu.e.s dire leur soutien au mouvement #BLM et rappeler leurs luttes. Ils et elles ont chanté plusieurs chants rituels qui faisaient écho aux évènements en cours et qui évoquent les Anciens, la Terre, les blessures et la guérison.

https://twitter.com/CerveauxNon/status/1288581315663667200

Comme les autres soirs depuis plus d’une semaine, la présence des « Mamans », avec leurs tee-shirts jaune, a été remarquée. Tout comme celle de deux dizaines de vétérans, qui se sont mis en rang dans le respect des règles de l’art militaire.

https://twitter.com/CerveauxNon/status/1288576072599175173

D’une manière générale, on peut remarquer que les équipements type casques et masques à gaz sont généralisés. Or il faut souligner qu’il n’y a pas aux USA une grande culture des affrontements avec la police dans le cadre des manifestations comme il peut y avoir en France. Ce qui explique d’ailleurs en partie que l’usage de gaz lacrymogènes fasse autant scandale dans le pays. Bref, pour la plupart des gens qui aujourd’hui viennent aujourd’hui manifester, c’est une nouveauté que de s’équiper ainsi.

La nuit a été longue. La foule de plusieurs milliers de personnes vers 21 heures est restée très compacte jusqu’à 1 heure du matin. Si les Feds, retranchés dans le bâtiment fédéral et protégés par les hautes grilles qui l’entourent temporairement, ont lancé plusieurs fois des gaz lacrymogènes à partir de 23 heures, c’est surtout à partir de 1 heure du matin que des affrontements plus violents (qui n’ont pas faits de blessé.e.s graves à ma connaissance) ont eu lieu.

Aujourd’hui, le campement devant le bâtiment fédéral n’a pas bougé : il y a toujours le Riot Ribs qui sert des repas 24/24, la tente des secours médicaux avec son matériel de prévention (bouchons d’oreilles, masques, casques, produits contre les effets des gaz lacrymogènes, etc.) et quelques tentes d’habitation. Il ne fait aucun doute qu’il y aura une manifestation ce soir. Non seulement cela fait plus de 60 jours que les habitant.e.s de Portland manifestent chaque soir pour #BLM, mais les Feds ne sont pas encore partis !

Je vais donc être à nouveau sur place ce soir – si vous voulez me suivre sur Twitter, je vous donnerai des nouvelles à partir de 21 h (heure locale), soit 6 heures du matin (heure française, jeudi).


America never was Amercia to me

Ce qui se passe à Portland est observé de près - témoignage de Gwenola Ricordeau

Je suis arrivée à Portland (Oregon) hier, lundi 27 juillet. Ça fait donc environ 24 heures que je suis ici – je suis venue de Californie du Nord où j’habite car depuis une semaine Portland est au centre de l’attention des médias, des militant.e.s, des politiques… Je voulais en savoir plus sur les seules images que je voyais sur les réseaux sociaux et à la télé qui laissaient penser que la ville était en train de s’embraser !

America never was America to me
"America never was America to me" : référence au poème de Langston Hughes écrit en 1935, qui parle du rêve américain qui n'a jamais existé pour l'Américain des classes pauvres et de la liberté et de l'égalité que chaque immigrant espérait mais n'a jamais reçues.

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur le contexte : Portland, une ville où les mouvements syndicalistes et anarchistes ont une longue tradition, les mobilisations aux USA qui ont suivi le meurtre de George Floyd, la campagne présidentielle… Mais pour aller à l’essentiel : y a une semaine, le Président Trump a envoyé à Portland les « Feds » (des agents fédéraux – des forces de police fédérales) contre l’avis des pouvoirs locaux (État de l’Oregon et municipalité de Portland notamment). Trump prétend, par l’envoi de ces agents, protéger les bâtiments fédéraux, mais surtout rétablir l’ordre dans cette ville où il y a eu environ 60 manifestations massives depuis le meurtre de George Floyd fin mai. Ce qui se passe à Portland est observé de près car l’envoi des Feds dans ce genre de contexte (de manifestations) est rare (il est routinier pour le contrôle des frontières, la répression des mouvements dans les centres de rétention…). Cela pose brutalement la question de la répression des droits politiques (les Feds ont notamment procédé à des brèves arrestations de manifestant.e.s) et de la démocratie (quid de la prise de décision par des personnes élues localement ?) dans un contexte de campagne présidentielle où Trump est nettement en perte de vitesse et cherche à remobiliser sa base – en apparaissant comme l’homme du parti de l’ordre (« Law and Order »).

"Violents anarchistes distribuant des boissons énergisantes"

En ce moment, les manifestations sont très concentrées au centre-ville autour d’un parc avec d’un côté la mairie, de l’autre la cour fédérale et la maison d’arrêt du comté. Tous les soirs, à la nuit tombée, des milliers de gens se rassemblent. En permanence, il y a des tentes installées avec des volontaires qui assurent des soins médicaux (« street medics ») et fournissent des repas gratuits 24/24. L’équipe de volontaires qui cuisine en permanence a fermé son appel aux dons après avoir reçu plus de 300’000$. 
Hier soir a été un soir qui a ressemblé aux autres selon tous les gens avec qui j’ai pu parler. A la grosse centaine de personnes qui étaient sur place vers 18 heures et qui pour certaines s’occupaient de taches collectives comme la nourriture, les soins…, se sont ajoutés de plus en plus de gens.

First Aid
Tente médic et Free shop

Ce qui marque au premier abord, c’est la diversité de la foule réunie. Y a beaucoup de jeunes, mais j’ai aussi parlé avec une dame qui avait manifesté contre la guerre au Vietnam. Et puis, il y a les « Mamans », qui s’habillent en jaune et se mettent en ligne ensemble devant la police : elles sont plusieurs dizaines tous les soirs et leur groupe s’est constitué de façon informelle après qu’un jeune ait été grièvement blessé par la police. Il y a aussi les « Papas » qui ont décidé de se mobiliser (ils sont moins nombreux que les « Mamans ») et certains d’entre eux portent des souffleurs aspirateurs ordinairement utilisés pour le ramassage des feuilles mortes mais qui peuvent très utilement aussi repousser les nuages de gaz lacrymogènes. Et puis il y a aussi les vétérans… Dans le contexte des vastes mobilisations #BLM et par rapport aux manifestations d’autres grandes villes, on peut être surpris du relatif faible nombre de Noirs et d’autres minorités ethniques. Mais Portland est une ville très blanche en raison de la longue histoire du suprématisme blanc dans l’Oregon : la dernière loi interdisant aux Noirs de s’installer dans l’État a été abolie en 1926.

Wall of moms, Portland
Wall of moms, Portland

Vers 21h, alors qu’il y avait plusieurs milliers de personnes rassemblées dans le parc et devant le bâtiment fédéral et la cour du comté, des prises de parole, ponctuées de slogans, ont commencé dans un endroit. Ailleurs (devant le bâtiment fédéral), les manifestant.e.s faisaient face aux grilles aménagées spécialement pour défendre le bâtiment et qui résistent très bien aux assauts répétés… Vers 22h, les prises de parole ont cessé : certaines personnes ont commencé à quitter le rassemblement, mais d’autres arrivaient encore… Et comme tous les autres soirs, la police a invité les manifestant.e.s à rentrer chez eux par haut-parleur, indiquant que le rassemblement était désormais considéré comme illégal. Vers 23h30, les premiers tirs de lacrymogènes ont commencé, ne dispersant qu’une petite partie des manifestant.e.s qui sont pour beaucoup équipées en masques. J’ai quitté les lieux vers minuit et quart – alors qu’il y avait encore sans doute un millier de manifestant.e.s… Mais tout le monde m’a assuré que ce ne serait que partie remise pour ce soir.

Je vais donc être à nouveau sur place à partir de 21 h (heure locale), soit 6 heures du matin (heure française, mercredi) – si vous voulez me suivre sur Twitter (@g_ricordeau), je vous donnerai des nouvelles !

Makita
Souffleur Makita pour repousser les gaz lacrymogène

L'État policier de Microsoft : Surveillance de masse, reconnaissance faciale et un cloud nommé Azure

A l'heure où on parle aux États-Unis de démantèlement de la police, surtout depuis la mort de George Floyd, les pouvoirs de surveillance et de répression sont en train de se métamorphoser. La police est un rôle qui pourrait se passer d'humains. Elle est dans nos smartphones, dans les algorithmes des smartcities et des objets connectés ; la police de demain s'élabore à la Silicon Valley. Si ces technologies nous sont imposées par un jeu de consentement tacite et bien souvent forcé, pour la police c'est la possibilité de moyens répressifs démultipliés. Les espaces publics ne seront pas plus sûrs, mais la politique du chiffre en sera flattée et nous, toujours plus contrôlés.

Voici une traduction de l'article de originellement paru sous le titre The Microsoft Police State: Mass Surveillance, Facial Recognition, and the Azure Cloud dans la revue The Intercept.

visuel : Eliana Rodgers for The Intercept

Les manifestations nationales contre les pratiques policières racistes ont amené une perspective nouvelle sur plusieurs grandes entreprises technologiques comme Facebook, qui est boycotté par les annonceurs pour les discours haineux dirigés contre les personnes de couleur, et Amazon, qui a été interpellé sur l’aide que l’entreprise apporte à la surveillance policière. Mais Microsoft, qui a largement échappé aux critiques, est à l’origine de services destinés aux forces de l’ordre, favorisant un écosystème de sociétés qui fournissent à la police des logiciels utilisant le cloud de Microsoft et d’autres plateformes. L’histoire complète de ces liens met en évidence la façon dont le secteur technologique est de plus en plus enchevêtré, dans des relations intimes et continues, avec les services de police.

Les liens de Microsoft avec les forces de l’ordre ont été occultés par l’entreprise, dont la réponse publique à l’indignation qui a suivi le meurtre de George Floyd s’est concentrée sur les logiciels de reconnaissance faciale. Cette réaction détourne l’attention de la plate-forme de surveillance de masse de Microsoft destinée aux policiers, le Domain Awareness System, construit pour le département de police de New York et étendu par la suite à Atlanta, au Brésil et à Singapour. Cela occulte également le fait que Microsoft s’est associé à de nombreux fournisseurs de surveillance policière qui utilisent leurs produits sur un “cloud gouvernemental” fourni par la division Azure de l’entreprise et qu’elle incite à l’utilisation de ses plateformes pour interconnecter les opérations de police sur le terrain, y compris des drones, des robots et autres dispositifs.

Grâce au partenariat, au soutien et à l’infrastructure essentielle fournis par Microsoft, une industrie parallèle composée de petites entreprises permet aux organismes chargés de l’application de la loi de mener à bien une surveillance de masse. Genetec propose des systèmes de vidéosurveillance dans le cloud et des analyses des  jeux de données importantes pour la surveillance de masse dans les grandes villes américaines. Veritone fournit des services de reconnaissance faciale aux organismes chargés de l’application de la loi. Et un large éventail de partenaires fournit des équipements de police de haute technologie pour la plate-forme de patrouille avancée de Microsoft “Microsoft Advanced Patrol”, qui transforme les voitures de police en patrouilles de surveillance à vision panoramique. Tout cela est réalisé en collaboration avec Microsoft et hébergé sur le cloud gouvernemental Azure.

Le mois dernier, des centaines d’employés de Microsoft ont demandé à leur PDG, Satya Nadella, d’annuler les contrats avec les forces de l’ordre, de soutenir Black Lives Matter et d’approuver le dé-financement de la police (“defund the police”). En réponse, Microsoft a ignoré la plainte et a plutôt interdit la vente de son propre logiciel de reconnaissance faciale aux services de police des États-Unis, détournant ainsi l’attention des autres contributions de Microsoft à la surveillance policière. Cette stratégie a fonctionné : La presse et les militants ont salué cette décision, renforçant ainsi la position de Microsoft en tant que leader moral dans le domaine de la technologie.

Pourtant, on ne sait pas combien de temps Microsoft échappera à un examen approfondi de ses pratiques. La surveillance policière se fait de plus en plus avec la coopération active des entreprises technologiques, et Microsoft, avec Amazon et d’autres fournisseurs de cloud, est l’un des principaux acteurs dans ce domaine.

Comme les partenariats et les services hébergeant des fournisseurs tiers sur le nuage Azure n’ont pas à être annoncés au public, il est impossible de connaître l’étendue exacte de l’implication de Microsoft dans le domaine du maintien de l’ordre, ou le statut des services tiers annoncés publiquement, incluant potentiellement certaines des relations précédemment annoncées et mentionnées ci-dessous.

Microsoft a refusé de commenter

Microsoft : Du renseignement policier au "Cloud Azure"

Dans le sillage du 11 septembre, Microsoft a apporté des contributions majeures aux centres de renseignements centralisés pour les organismes chargés de l’application de la loi. Vers 2009, il a commencé à travailler sur une plateforme de surveillance pour la police de New York, appelée “Domain Awareness System” ou DAS, qui a été dévoilée au public en 2012. Le système a été construit sous la direction de Microsoft ainsi que des agents de la police de New York.

Bien que certains détails concernant le DAS aient été divulgués au public, beaucoup manquent encore. Le compte-rendu le plus complet à ce jour a été publié dans un document de 2017 par des officiers de la police de New York.

Le DAS intègre des sources d’information disparates pour remplir trois fonctions essentielles : l’alerte en temps réel, les enquêtes et l’analyse policière.

Par le biais du DAS, la police de New York surveille les mouvements personnels de toute la ville. À ses débuts, le système absorbait des informations provenant de caméras de surveillance en circuit fermé, de capteurs environnementaux (pour détecter les radiations et les produits chimiques dangereux) et de lecteurs automatiques de plaques d’immatriculation, ou ALPR. En 2010, il a commencé à ajouter les les archives, de la police de New York, des plaintes, des arrestations, des appels au 911 et des mandats “pour donner un contexte aux données des capteurs”, le tout accompagné de donnés de géolocalisation. Par la suite, il a ajouté l’analyse vidéo, la reconnaissance automatique des formes, la police prédictive et une application mobile pour les policiers.

En 2016, le système avait ingéré 2 milliards d’images de plaques d’immatriculation provenant de caméras ALPR (3 millions de lectures par jour, archivées pendant cinq ans), 15 millions de plaintes, plus de 33 milliards d’enregistrements publics, plus de 9 000 flux de caméras de la police de New York et de caméras privées, des vidéos provenant de plus de 20 000 caméras corporelles, et plus encore. Pour donner un sens à tout cela, des algorithmes analytiques sélectionnent les données pertinentes, y compris pour la police prédictive.

Microsoft Aware
Capture d'écran de l'interface de bureau du système de sensibilisation aux domaines de Microsoft - également appelé Microsoft Aware. Photo tirée de la présentation de Microsoft intitulée "Always Aware", par John Manning et Kirk Arthur.
Image : Présentation de Microsoft

Le NYPD a un passé d’abus policiers, et les défenseurs des droits et libertés civiles comme le projet de surveillance technologique du Urban Justice Center ont protesté contre le système pour des raisons constitutionnelles, avec peu de succès à ce jour.

Si le DAS a reçu une certaine attention de la part de la presse – et est assez bien connu des militants – l’histoire des services proposés à la police par Microsoft n’est pas tout à fait terminée.

Au fil des ans, Microsoft a développé son activité grâce à l’expansion de ses services en ligne, dans lesquels la capacité de stockage, les serveurs et les logiciels fonctionnant sur les serveurs sont loués sur la base de compteurs. L’une de ses offres, Azure Government, fournit un hébergement de données dédié dans des data centers exclusivement nationaux, de sorte que les données ne quittent jamais physiquement le pays hôte. Aux États-Unis, Microsoft a construit plusieurs centres d’hébergement dans le cloud Azure Government à l’usage des organisations locales, étatiques et fédérales.

À l’insu de la plupart des gens, Microsoft dispose d’une division “Sécurité publique et justice” dont le personnel a travaillé auparavant dans les forces de l’ordre. C’est le véritable cœur des services que fourni la société à la police, bien qu’elle opère depuis des années à l’abri des regards du public.

Les services de surveillance policière de Microsoft sont souvent opaques, car l’entreprise vend peu de ses propres produits de police. Elle propose plutôt une gamme de services “généraux” dans le cloud Azure, tels que des outils d’apprentissage automatique et d’analyse prédictive comme Power BI (intelligence économique) et Cognitive Services, qui peuvent être utilisés par les services de police et les fournisseurs de surveillance pour créer leurs propres logiciels ou solutions.

Voiture de patrouille IdO de Microsoft basée sur la surveillance

Un riche éventail d’offres de Microsoft basées sur le cloud computing est présenté avec un concept appelé “The Connected Officer”, l’officier connecté. Microsoft situe ce concept dans le cadre de l’Internet des objets, ou Id0, dans lequel les gadgets sont connectés à des serveurs en ligne et ainsi rendus plus utiles. “The Connected Officer”, a écrit Microsoft, “apportera l’IdO au maintien de l’ordre”.

Avec l’Internet des objets, les objets physiques se voient attribuer des identificateurs uniques et transfèrent des données sur les réseaux de manière automatisée. Si un policier sort une arme de son étui, par exemple, une notification peut être envoyée sur le réseau pour avertir les autres policiers qu’il y a un danger. Les centres de criminalité en temps réel peuvent alors localiser l’agent sur une carte et suivre la situation depuis un centre de commandement et de contrôle.

Démonstration de la simulation de Microsoft Connected Officer pour la surveillance de l'IdO et l'intégration des données pour une connaissance de la situation en temps réel et une analyse centralisée de la police. Photo tirée de la présentation de Microsoft, "The Connected Officer : The Connected Officer : Bringing IoT to Policing", par Jeff King et Brandon Rohrer.
Image : Présentation de Microsoft

Selon ce concept, une multitude de données de surveillance et de capteurs IdO sont envoyées sur un “chemin chaud” pour une utilisation rapide dans les centres de commandement et sur un “chemin froid” qui sera utilisé plus tard par les analystes du renseignement à la recherche de modèles. Les données sont acheminées par le produit Azure Stream Analytics de Microsoft, stockées sur le cloud Azure et enrichies par les solutions d’analyse de Microsoft comme Power BI – fournissant un certain nombre de points sur lesquels Microsoft peut gagner de l’argent.

Alors que le “Connected Officer” était un exercice conceptuel, la solution de patrouille réelle de la société est la Microsoft Advanced Patrol Platform, ou MAPP. MAPP est une plateforme IdO pour les véhicules de patrouille de police qui intègre des capteurs de surveillance et des enregistrements de base de données sur le cloud Azure, comprenant “des informations sur le dispatching, des indications routières, l’historique des suspects, un lecteur de plaque d’immatriculation à commande vocale, une liste de personnes disparues, des bulletins de criminalité basés sur la localisation, des rapports d’équipe, et plus encore”.

Une démo de la plate-forme de patrouille avancée de Microsoft, ou MAPP, véhicule de surveillance de l'IdO pour la police. Un SkyRanger d'Aeryon Labs est perché sur le toit. Photo tirée du blog Microsoft Azure, "Microsoft accueille les leaders de la justice et de la sécurité publique au 2e sommet annuel du CJIS", par Rochelle Eichner.
Photo : Blog de Microsoft Azure

Le véhicule MAPP est équipé de matériel provenant de fournisseurs tiers qui transmettent les données de surveillance dans le cloud Azure pour les agences de maintien de l’ordre. Montée sur le toit, une caméra haute résolution de 360 degrés diffuse des vidéos en direct sur Azure et sur l’ordinateur portable à l’intérieur du véhicule, avec un accès également disponible sur un téléphone portable ou un ordinateur distant. Le véhicule est également équipé d’un lecteur automatique de plaques d’immatriculation qui peut lire 5 000 plaques par minute – que la voiture soit à l’arrêt ou en mouvement – et les comparer à une base de données Azure gérée par la solution de lecture de plaques d’immatriculation de Genetec, AutoVu. Une caméra de proximité sur le véhicule est conçue pour alerter les agents lorsque leur véhicule est approché.

Le SkyRanger, un drone fourni par Aeryon Labs, partenaire de Microsoft, permet de patrouiller dans le ciel et de fournir des vidéos en temps réel. (Aeryon Labs fait maintenant partie du géant de la surveillance FLIR Systems.) Selon Nathan Beckham de Microsoft Public Safety and Justice, les drones du véhicule “le suivent et en ont une vue plus large”. Les drones, écrit DroneLife, peuvent “fournir des vues aériennes à la plateforme de données intégrée, permettant aux agents d’évaluer les situations en cours en temps réel, ou de recueillir des preuves médico-légales sur une scène de crime”.

Les robots de police font également partie de la plateforme MAPP. Les produits de ReconRobotics, par exemple, ont été “intégrés au programme de voitures de patrouille du futur de Microsoft” en 2016. Selon Microsoft, ReconRobotics fournit à son véhicule MAPP un “petit robot léger mais puissant” qui “peut être facilement déployé et contrôlé à distance par les patrouilleurs pour fournir des informations en temps réel aux décideurs”.

Un autre partenaire de Microsoft, SuperDroid Robots, a également annoncé qu’il fournira au véhicule MAPP de Microsoft deux robots de surveillance compacts télécommandés, le MLT “Jack Russell” et le LT2-F “Bloodhound”, ce dernier pouvant monter des escaliers et surmonter des obstacles.

Bien qu’il porte un insigne Microsoft sur le capot et la porte, le véhicule physique que la société utilise pour promouvoir MAPP n’est pas à vendre par Microsoft, et vous ne verrez probablement pas de voitures portant le logo Microsoft circuler. Microsoft fournit plutôt MAPP comme une plate-forme permettant de transformer les voitures de police existantes en véhicules de surveillance IdO : “Il s’agit en fait de pouvoir prendre toutes ces données et de les mettre dans le cloud, de pouvoir les associer à leurs données et de commencer à en tirer des informations pertinentes”, a déclaré M. Beckham.

En effet, selon Microsoft, “la voiture devient le centre nerveux des forces de l’ordre”. Selon Beckham, les informations collectées et stockées dans le nuage Azure aideront les agents à “identifier les mauvais acteurs” et “permettront aux agents d’être conscients de l’environnement qui les entoure”. A titre d’exemple, il a déclaré : “Nous espérons qu’avec l’apprentissage automatique et l’IA dans le futur, nous pourrons commencer à faire des correspondances” avec les véhicules MAPP qui fournissent des données pour aider à trouver les “mauvais acteurs”.

Le MLT "Jack Russell" et le LT2-F "Bloodhound" exposés lors d'un événement présentant la solution de véhicule de police MAPP de Microsoft pendant la conférence annuelle de formation 2015 des associés de l'Académie nationale du FBI à Seattle. Photo tirée du billet de blog de SuperDroid Robots, "SuperDroid Robots Partners with Microsoft".
Photo : Robots SuperDroid

En octobre dernier, la police sud-africaine a annoncé que Microsoft s’était associé à la ville de Durban pour une police intelligente du “21e siècle”. La version de Durban de la solution MAPP comprend un ALPR à 360 degrés pour scanner les plaques d’immatriculation et une caméra de reconnaissance faciale de la société chinoise de vidéosurveillance Hikvision pour une utilisation lorsque le véhicule est à l’arrêt (par exemple, garé lors d’un événement).

Selon l’agence de presse sud-africaine ITWeb, la police métropolitaine utilisera la solution MAPP “pour dissuader les activités criminelles sur la base de l’analyse des données grâce à la modélisation prédictive et aux algorithmes d’apprentissage automatique”. Le véhicule a déjà été déployé au Cap, où Microsoft a récemment ouvert un nouveau data center Azure – une extension du colonialisme numérique dont j’ai parlé en 2018.

Le véhicule de patrouille MAPP de Microsoft à Durban est équipé d'une caméra de reconnaissance faciale de la société chinoise Hikvision. Photos tirées de la présentation Multimedia Live, "Metro police go high-tech for festive season". Images : Présentation multimédia en direct

Tout comme les États-Unis (bien qu’avec des dynamiques différentes), l’Afrique du Sud est confrontée au fléau de la brutalité policière qui touche de manière disproportionnée les personnes de couleur. Le pays a connu son propre moment George Floyd lors du récent lockdown de Covid-19, lorsque l’armée et la police ont brutalement battu Collins Khosa, 40 ans, dans le pauvre township d’Alexandra, entraînant sa mort – autour d’une tasse de bière. (Une enquête militaire a révélé que la mort de Khosa n’était pas liée à ses blessures aux mains des autorités ; la famille de Khosa et beaucoup d’autres en Afrique du Sud ont rejeté la révision comme étant un blanchissement).

La solution MAPP sera utilisée pour la police “tolérance zéro”. Par exemple, Parboo Sewpersad, porte-parole de la police métropolitaine de Durban, a déclaré que le déploiement vise à punir “les déchets, l’alcool au volant et l’alcool à pied” pendant les festivités estivales.

Il est difficile de déterminer où le véhicule MAPP pourrait être déployé. Le déploiement en Afrique du Sud suggère que Microsoft considère l’Afrique comme un endroit où expérimenter ses technologies de surveillance policière.

Microsoft : Fournir de la vidéosurveillance et du renseignement policier dans la ville

Au-delà du câblage des véhicules de police, la vidéosurveillance constitue une autre source de profits pour Microsoft, car elle est chargée de paquets de données à transmettre, stocker et traiter, ce qui lui permet de gagner des commissions à chaque étape.

Lorsqu’elles mettent en place un réseau de vidéosurveillance truffé de caméras, les villes et les entreprises utilisent généralement un système de gestion vidéo, ou VMS, pour afficher plusieurs flux de caméras sur un mur vidéo ou offrir la possibilité de rechercher des images. Genetec, l’un des principaux fournisseurs de VMS, propose le VMS de base intégré dans le DAS de Microsoft. Partenaire de Microsoft depuis plus de 20 ans, les deux sociétés travaillent ensemble à l’intégration de services de surveillance sur le cloud azur.

Certaines des forces de police municipales les plus en vue utilisent Genetec et Microsoft pour la vidéosurveillance et l’analyse.

Grâce à un partenariat public-privé appelé Operation Shield, le réseau de caméras d’Atlanta est passé de 17 caméras dans le centre-ville à un vaste réseau de 10 600 caméras qui, espèrent les autorités, couvrira bientôt tous les quadrants de la ville. Genetec et Microsoft Azure alimentent le réseau de vidéosurveillance.

Le 14 juin, le chef de la police d’Atlanta, Erika Shields, a démissionné après que des policiers de la police d’Atlanta aient tué un homme noir de 27 ans, Rayshard Brooks. Le mois dernier, six officiers de police d’Atlanta ont été inculpés pour usage excessif de la force contre des manifestants dénonçant les violences policières.

En 2019, le directeur général de la Fondation de la police d’Atlanta, Marshall Freeman, m’a dit que la fondation venait de terminer le “déploiement à l’échelle du département” de Microsoft Aware (Domain Awareness System). Freeman a déclaré que le département de police d’Atlanta utilise l’apprentissage machine de Microsoft pour corréler les données, et prévoit d’ajouter l’analyse vidéo de Microsoft. “Nous pouvons toujours continuer à revenir à Microsoft et faire en sorte que les constructeurs développent la technologie et continuent à développer la plate-forme”, a-t-il ajouté.

A Chicago, 35 000 caméras couvrent la ville grâce à un réseau de surveillance enfichable. Le back-end utilise actuellement le Stratocast de Genetec et le service Federation de Genetec, qui gère l’accès aux caméras à travers un réseau fédéré de caméras de vidéosurveillance – un réseau de réseaux de caméras, pour ainsi dire.

Genetec Citigraf sur Microsoft Azure. Les données ingérées pour les corrélations, la surveillance et les alertes comprennent les données de répartition assistée par ordinateur, la détection des tirs de ShotSpotter, les caméras de lecture automatique des plaques d'immatriculation, les données de l'American Community Survey (recensement), les vidéos de surveillance sur le VMS de Genetec, diverses communications et alertes d'intrusion, les données des systèmes d'information géographique et les éléments de base de données comme les incidents et les arrestations. Photo tirée du webinaire "How Chicago Integrated Data and Reduced Crime by 24%", présenté par Otto Doll (Center for Digital Government), Jonathan Lewin (Chicago Police Department) et Bob Carter (Genetec).
Image: Government Technology/Center for Digital Government webinar

En 2017, Genetec a construit sa plate-forme Citigraf sur mesure pour le département de police de Chicago – la deuxième plus grande force de police du pays – afin de donner un sens à la vaste gamme de données du département. Alimenté par Microsoft Azure, Citigraf ingère des informations provenant de capteurs de surveillance et d’enregistrements de bases de données. En utilisant des données en temps réel et historiques, il effectue des calculs, des visualisations, des alertes et d’autres tâches pour créer une “connaissance approfondie de la situation” pour le CPD. Microsoft s’est associé à Genetec pour construire un “moteur de corrélation” permettant de donner un sens aux données de surveillance.

Les forces de police de Chicago ont un passé brutal de racisme, de corruption, et même de torture de suspects depuis deux décennies. Lors des manifestations de violence policière qui ont suivi le meurtre de Floyd, le CPD a attaqué et battu des manifestants, dont cinq Noirs, jusqu’à les hospitaliser.

La ville de Detroit utilise Genetec Stratocast et Microsoft Azure pour alimenter son projet controversé “Green Light”. Lancé en 2016 en tandem avec un nouveau Real Time Crime Center, le projet permet aux entreprises locales – ou à d’autres entités participantes, telles que les églises et les logements publics – d’installer des caméras vidéo dans leurs locaux et de transmettre les flux de surveillance au département de police de Detroit. Les participants peuvent placer un “feu vert” à côté des caméras pour avertir le public – qui est noir à 80 % – que “vous êtes surveillé par la police”.

En 2015, le DPD a déclaré que “le jour viendra où la police aura accès à des caméras partout, ce qui lui permettra de patrouiller virtuellement dans presque tous les quartiers de la ville sans jamais y mettre les pieds”.

Le chef adjoint de la DPD, David LeValley, m’a expliqué qu’avant de créer le nouveau centre de commandement, le département a envoyé une équipe de personnes dans plusieurs autres villes américaines, dont New York, Chicago, Atlanta, Boston, et le centre de la Drug Enforcement Administration à El Paso, Texas, afin d’observer leurs centres de renseignements. “Notre Real Time Crime Center est un centre de renseignement global, ce n’est pas seulement le projet Green Light”, a-t-il expliqué.

L’expansion de la surveillance policière à Detroit a été rapide. Aujourd’hui, le projet Green Light dispose d’environ 2 800 caméras installées sur plus de 700 sites, et deux centres de criminalité en temps réel plus petits sont en cours d’ajout, une tendance qui se développe dans des villes comme Chicago. LeValley m’a dit que ces RTTC feront des choses comme la “reconnaissance de formes” et les “rapports d’incidents critiques”.

Dans le sillage du meurtre de George Floyd, les militants de Detroit ont relancé leurs efforts pour abolir le projet Green Light dans la lutte contre la surveillance policière, que des défenseurs de la communauté locale comme Tawana Petty et Eric Williams jugent raciste. Cette année, deux hommes noirs, Robert Julian-Borchak Williams et Michael Oliver, ont été arrêtés à tort après avoir été mal identifiés par la technologie de reconnaissance faciale du DPD.

Nakia Wallace, co-organisatrice du projet Will Breathe de Detroit, m’a dit que le projet Green Light “pré-criminalise” les gens et “donne à la police le droit de vous surveiller si elle pense que vous êtes coupable” et “harcèle les communautés noires et brunes”. “Relier des caméras” sur de vastes zones est de l'”hyper-surveillance” et “doit être arrêté”, a-t-elle ajouté.

La fonction de la DPD est de protéger la propriété et la suprématie des Blancs”, a déclaré Mme Wallace. “Ils sont hyper-militarisés, et même dans le sillage de cela, des gens continuent de mourir dans la ville” parce qu'”ils n’ont aucun intérêt dans le gagne-pain des citoyens de Detroit”. Au lieu de militariser, nous devons “arrêter de prétendre que les pauvres Noirs sont des criminels par nature, et commencer à examiner les services sociaux et les choses qui empêchent les gens d’entrer dans une vie de crime”.

Dans un billet de blog de 2017, Microsoft s’est vanté du partenariat avec Genetec pour le DPD, déclarant que le projet Green Light est “un excellent exemple de la façon dont les villes peuvent améliorer la sécurité publique, la qualité de vie des citoyens et la croissance économique avec les technologies d’aujourd’hui”.

Microsoft fournit effectivement une technologie de reconnaissance faciale

Alors que Microsoft alimente les centres de renseignement et les réseaux de caméras en circuit fermé dans l’ombre, la société s’est publiquement concentrée sur les réglementations relatives à la reconnaissance faciale. Le 11 juin, Microsoft a rejoint Amazon et IBM en déclarant qu’elle ne vendrait pas sa technologie de reconnaissance faciale à la police tant qu’il n’y aurait pas de réglementation en place.

Il s’agit d’un coup de pub qui a semé la confusion sur la manière dont la relation de Microsoft avec la police fonctionne techniquement et éthiquement, de plusieurs manières.

Premièrement, alors que la presse critique occasionnellement le Domain Awareness System de Microsoft, l’attention portée à la police de Microsoft se concentre surtout sur la reconnaissance faciale. C’est une erreur : Microsoft fournit des logiciels pour alimenter diverses technologies de maintien de l’ordre qui portent atteinte aux droits et libertés civils – même sans reconnaissance faciale.

Deuxièmement, la reconnaissance faciale est une caractéristique notable de nombreux systèmes de vidéosurveillance et de centres de lutte contre la criminalité en temps réel dont Microsoft est responsable. Les villes de New York, Atlanta, Chicago et Detroit font partie de celles qui utilisent les services de Microsoft pour collecter, stocker et traiter les données de surveillance visuelle utilisées pour la reconnaissance faciale. Les services de Microsoft font partie intégrante de nombreux systèmes de surveillance de reconnaissance faciale de la police.

Troisièmement, au moins une société de reconnaissance faciale, Veritone, a été laissée de côté. Un partenaire de Microsoft, la société d’intelligence artificielle de Californie du Sud, propose un logiciel appelé IDentify, qui fonctionne sur le cloud de Microsoft et aide les services de police à repérer les visages des suspects potentiels.

La solution aiWARE de Veritone sur le nuage Azure de Microsoft ; Veritone est également sur le GovCloud d'Amazon AWS. Photo tirée du webinaire de Veritone, "Artificial Intelligence : Machine Learning and Mission", présenté par Chad Steelberg (Veritone), Richard Zak (Microsoft), Ryan Jannise (Oracle), et Patrick McCollah (Deloitte).
Image: Veritone webinar

Dans un discours prononcé en 2020 au Consumer Electronics Show, aux côtés de dirigeants de Microsoft, Deloitte et Oracle, le PDG de Veritone, Chad Steelberg, a déclaré que grâce au logiciel IDentify de Veritone sur Azure, les policiers ont aidé à attraper “des centaines et des centaines de suspects et de délinquants violents”. Le produit Redact de Veritone accélère les poursuites, et Illuminate permet aux enquêteurs d'”éliminer les preuves” et d’obtenir des “aperçus de détection” d’anomalies.

Dans un récent webinaire, Veritone a expliqué comment IDentify exploite les données dont dispose déjà la police, comme les dossiers d’arrestation. Si une personne est détectée et n’a pas de correspondance connue, le logiciel IDentify peut établir le profil des suspects en créant une “base de données de personnes d’intérêt” qui “vous permettra de simplement enregistrer des visages inconnus dans cette base de données et de les surveiller en permanence au fil du temps”.

Veritone prétend déployer des services dans “environ 150 endroits”, mais ne précise pas lesquels utilisent IDentify. Il a lancé un test pilote avec le département de police d’Anaheim en 2019.

Microsoft liste Veritone IDentify comme un produit de reconnaissance faciale pour les services de police dans son répertoire d’applications en ligne. La vidéo promotionnelle sur le site web de Microsoft fait la publicité de la capacité d’IDentify :

... de comparer vos bases de données de délinquants connus et de personnes d’intérêt avec des preuves vidéo afin d’identifier rapidement et automatiquement des suspects pour l’enquête. Il suffit de télécharger des preuves provenant de systèmes de surveillance, de caméras corporelles, etc. … Mais surtout, vous n’êtes pas enchaîné à votre bureau ! Prenez une photo et identifiez les suspects lors de vos patrouilles, afin de vérifier les déclarations et de préserver les enquêtes en cours.

Veritone est un ardent défenseur de sa technologie de reconnaissance faciale. En mai 2019, la société a tweeté :

"La technologie de reconnaissance faciale d'Amazon suralimente la police locale de l'Oregon. Saviez-vous que Veritone IDentify peut faire monter les choses d'un cran en exploitant la puissance des bases de données de l'État sur les réservations pour découvrir plus rapidement leurs pistes de suspects ?"

Dans une vidéo promotionnelle de Microsoft, Jon Gacek de Veritone a déclaré : "Vous pouvez voir pourquoi chez Veritone, nous sommes heureux d'être étroitement associés à l'équipe Microsoft Azure. Leur vision et la nôtre sont très communes".

Enfumages, miroirs et détournement

Malgré les affirmations contraires, Microsoft fournit des services de reconnaissance faciale aux forces de l’ordre par le biais de partenariats et de services à des sociétés comme Veritone et Genetec, et par le biais de son système de connaissance des domaines (DAS).

La stratégie de relations publiques de Microsoft est conçue pour tromper le public en détournant l’attention de ses services étendus à la police. Au lieu de cela, le président et directeur juridique de Microsoft, Brad Smith, exhorte le public à se concentrer sur la réglementation en matière de reconnaissance faciale et sur la question du logiciel de reconnaissance faciale de Microsoft, comme si leurs autres offres de logiciels et de services, leurs partenariats, leurs concepts et leur marketing ne faisaient pas partie intégrante de tout un écosystème de reconnaissance faciale et de systèmes de surveillance de masse proposés par des entreprises plus petites.

D’éminents spécialistes de Microsoft, tels que Kate Crawford, co-fondatrice de l’AI Now Institute, un groupe de réflexion financé par Microsoft, ont suivi ce guide. Kate Crawford a récemment fait l’éloge des relations publiques de Microsoft en matière de reconnaissance faciale et a critiqué des sociétés comme Clearview AI et Palantir, tout en ignorant le système de sensibilisation au domaine (DAS) de Microsoft, les partenariats de surveillance de Microsoft et le rôle de Microsoft en tant que fournisseur de services de reconnaissance faciale dans le cloud.

Microsoft annonce qu’il ne vendra pas de reconnaissance faciale à la police. En attendant de vos nouvelles, Clearview et Palantir.

Crawford et Meredith Whittaker, co-fondatrice d’AI Now, ont condamné la police prédictive mais n’ont pas expliqué le fait que Microsoft joue un rôle central dans la police prédictive pour la police. Crawford n’a pas répondu à une demande de commentaires.

Microsoft et ses défenseurs peuvent prétendre être un fournisseur de cloud “neutre” et c’est à d’autres entreprises et services de police de décider comment ils utilisent les logiciels Microsoft. Pourtant, ces entreprises s’associent à Microsoft, et cette dernière est payée pour faire fonctionner ses services de surveillance de masse et de reconnaissance faciale sur le cloud d’azur – des services qui touchent de manière disproportionnée les personnes de couleur.

Si ces clients de Microsoft offraient des services de trafic sexuel sur le nuage d’azur, Microsoft fermerait sûrement leurs comptes. Et comme les services de police achètent des technologies de surveillance avec l’argent des contribuables, le public paie en fait Microsoft pour sa propre surveillance policière.

Si les activistes forcent des sociétés comme Microsoft, Amazon, Google, IBM et Oracle à mettre fin aux partenariats et aux services d’infrastructure pour les tiers qui effectuent la surveillance policière, alors les fournisseurs de cloud computing devraient reconnaître qu’ils sont responsables de ce qui est fait sur leurs clouds. À l’avenir, les militants pourraient faire pression pour remplacer la propriété des infrastructures et des données numériques par les entreprises par la propriété communautaire au niveau local.

L’enjeu est de taille en ce moment.


Marche pour Hong Kong - Paris 11 juillet

MARCHE POUR HONG KONG : Le 11 juillet à Paris a lieu une marche de soutien

« 1984 de Georges Orwell, modèle d'une société parfaite pour Xi Jinping. Les livres parlant de démocratie, qu'ils soient historiques ou contemporains sont bannis des bibliothèques. Les slogans sont interdits et brandir des feuilles blanches (devenu le symbole de la censure du Parti Communiste Chinois) sont passibles d'arrestations et de condamnations. Et même dans ton pays, que tu sois en France ou ailleurs, tu es maintenant contraint à respecter la Loi de Sécurité Nationale. Elle est, en fait, la première loi sur le contrôle international, dépassant toutes frontières, toutes cultures et toutes ethnies. Que tu sois Ouïghour, Tibétain, Hong Kongais, Français, Anglais, Tchétchène : Si tu ne respectes pas cette loi, tu seras fiché et interpellé dès ton arrivée dans "La République Populaire de Chine". Voilà l'importance des masques, voilà l'importance des parapluies, et voilà l'importance de se révolter maintenant. C'est beaucoup plus qu'une question de sol et de business. C'est l'avenir mondial qui se joue ici et maintenant. »

C'est le témoignage de camarades Hongkongais qui nous transmettent l'appel à tous les Gilets Jaunes de France, tous les Hong Kongais réfugiés, tous les sympathisants et toutes celles et ceux qui sont contre le despotisme de Xi Jinping à venir marcher à leur coté samedi 11 juillet à Paris.

Dans la description de l'évènement une attention particulière est exprimée sur le masquage des visages. Surtout si vous comptez voyager en Chine à l'avenir :

"Amenez votre plus beau parapluie, votre plus beau casque jaune et votre plus beau masque de protection contre le coronavirus.
Lunettes de soleil et chapeau recommandé.

Manifestation déclarée, plus de détails à venir dans les prochains jours."

Premier évènement de grand envergure et à grande échelle en soutien à Hong Kong face à l'oppression de la Chine et du non-respect du traité de 1997 sur la rétrocession de Hong Kong à la Chine !

Pour partager et s'inscrire à l'évènement : https://www.facebook.com/events/281897293247450/


Libérez Hong Kong, révolution de notre temps

LA CHINE CRIMINALISE UN SLOGAN « Libérez Hong Kong, Révolution de notre temps »

Au nom de la loi dite « de sécurité nationale », Pékin a imposé depuis hier la fin de l’exception démocratique de Hong Kong. Tout acte remettant en cause la souveraineté de l’Etat chinois sera sévèrement réprimé. La liberté d'expression, la liberté de la presse et la justice indépendante dont bénéficiaient les Hongkongais sont totalement remises en cause.

Libérez Hong Kong, révolution de notre temps

« Libérez Hong Kong, Révolution de notre temps » 

Quelques mots écrits sur les murs ou des bouts de tissu deviennent plus que jamais des mots de résistance et un amer symbole de la fin des libertés individuelles qui s'abat sur Hong Kong. Hier plusieurs manifestants portant le slogan ont été arrêtés pour un total de 370 arrestations dont 10 en vertu de la loi sécurité, selon les chiffres officiels.

A juste titre, ces mots sont déclarés sécessionnistes et pro indépendantistes et témoignent de la volonté pour Pékin de se ré emparer d'un territoire longtemps colonisé par l'Angleterre. Après la rétrocession de 1997, Hong Kong a cependant pu bénéficier de son autonomie et a nourri des rêves d’autodétermination, se sentant loin du régime dictatorial chinois.

Mais c'est cette autonomie que Pékin compte depuis le début anéantir. La Chine qui est un empire colonisateur en puissance met tout son pouvoir pour étouffer la liberté des Hongkongais et les velléités contestataires. Les personnes considérées comme opposantes au régime risquent la prison à vie.

Dans un post du deux Juillet, le média Vécu par le biais de Jules, reporter qui est allé plusieurs fois à Hong Kong couvrir les manifestations écrivait :

Depuis le début de l’année plus de 2000 Hongkongais impliqués dans les manifestations se sont échappés en direction de Taïwan.
Le Royaume-Uni va étendre les droits à l’immigration des Hongkongais, facilitant ainsi l’accès à la citoyenneté Britannique pour les habitants de Hong Kong possédant un passeport spécial auquel sont éligibles près de 3 millions de Hongkongais.

D’après une source locale, il n’y aura plus de manifestations pro-démocratiques dans les rues, certains continuent le combat depuis l’étranger et pour ceux qui ne peuvent pas partir, il faudra « faire avec ».

Rappelons que depuis Mai 2019 avait débuté un important soulèvement à Hong Kong contre une loi d’extradition vers la Chine. Tout un tas de modes d’actions ont alors été déployés jusqu’à maintenant :

➡️ Manifestations gigantesques (parfois jusqu’à 2 millions),
➡️ Occupations (aéroport, centres commerciaux, université Poly U),
➡️ Des rues entières "piégées" de briques pour déjouer la police,
➡️ Des affrontements avec des tactiques en constantes évolutions (ustensiles, communications, ravitaillement…)
➡️ Et par dessus tout, un esprit de solidarité à toute épreuve qui mobilisait tous les ages et tout type de personne.

Nous n’avons pas oublié les 5 revendications de ce soulèvement populaire :

• Retrait définitif du projet d’extradition
• Retrait de la caractérisation "d'émeute"
• Libération sans condition de tous les manifestant.es arrêté.es, sans inculpation
• Enquête indépendante sur les violences policières et les abus de pouvoir
• Démission de Carrie Lam, et mise en œuvre du suffrage universel intégral

Soutien à Hong Kong qui se bat pour sa liberté et son autodétermination

deux manifestans Hongkongais avec le slogan criminalisé
Photo: KH/United Social Press.

sources : Hong Kong Free Press (HKFP) et "Hong Kong, Clap de fin ?" (Jules pour Vécu)