FILM TRIBUNE : Qu'allons-nous faire ?

https://youtu.be/6zglYx0zdmw

Il n'y a qu'une question. La mère de toutes les questions.
Que va-t-on faire du reste de nos vies ? Notre vie, celles de nos parents, celles de nos enfants, celles de nos amis, celles de nos amours. Celles des autres êtres vivants sur cette terre.

La crise du Covid a tétanisé une partie de la population. L'épidémie a fait ressurgir partout la peur de mourir, et de voir ses proches mourir. Face à cette peur, rien ne pèse. Ni les idées, ni les mots, ni les concepts. Seul le réel du moment et de la survie compte.

Ceux qui ont le pouvoir et l'argent l'ont bien compris et profitent, sans même s'en cacher, de cette panique individuelle mais généralisée, pour durcir les dispositifs de contrôle et pour préparer l'après. Leur après.

Des milliers de personnes vont mourir de cette épidémie. C'est terrible. Mais que va-t-on faire, nous, les millions d'individus qui allons continuer à vivre ? Il nous reste peut-être quelques années à vivre. Quelques décennies tout au plus. Nous voulons évidemment les passer près de nos proches, de notre famille. Nous voulons être en bonne santé et pouvoir vivre décemment. Dignement. Il n'y a pas de honte à aspirer à de tels désirs. Mais il y a aussi l'aspiration à vivre et à créer collectivement des choses si grandes qu'on n'aurait jamais pu les faire naitre sans les autres. L'envie de dévorer, d'explorer, de tenter, d'innover, de crier, de pleurer, de jouir. Mais nous pouvons être bien plus que ce à quoi voudraient nous réduire les dirigeants politiques et financiers.

Il n'y a pas de hasard. Il n'y a pas de fatalité. Si aujourd'hui, l’hôpital manque de lits, de matériel et de personnel, cela s'explique très simplement. Et, au fond, tout le monde le sait. Il s'agit de choix, fait depuis des décennies, par des gouvernements de droite et de gauche. Des choix de réduction de budget. Des choix faits sur l'autel du profit pour quelques personnes. Depuis 30 ans, malgré plusieurs crises majeures à travers le monde, les seuls à s'être massivement enrichis sont les ultras riches. Les millionnaires et surtout les milliardaires.

Ceux qui pensent que le drame du Covid permettra une prise de conscience du pouvoir, ou même des partis d'opposition, sont, au mieux naïfs, au pire complices. Nous avons vécu en 2003 un drame sanitaire avec la canicule, qui a tué en France plus de 20 000 personnes âgées, surtout les plus démunies socialement et économiquement.. Rien n'a changé depuis 17 ans. Au contraire, on a continué à détruire le service public, notamment de la santé. Cela va continuer dans les années à venir, n'en doutons pas.

Le changement, le vrai. C'est le renforcement sécuritaire. On le voyait venir, mais on ne pensait qu'il serait si rapide. En quelques jours, la France a follement accéléré son développement d'une société du contrôle et de la surveillance high tech.

Le pouvoir a traversé deux ans de contestation sociale, sans rien céder aux revendications des Gilets Jaunes, des syndicats, des féministes ou des écolos. La seule réponse aura été le mépris et la violence. La crise actuelle ne va faire que le renforcer et lui donner des outils supplémentaires.

Les choses sont plus que limpides. Ceux qui veulent d'un autre monde doivent œuvrer à une révolution. Il n'y aura pas de changement de l'intérieur de ce système. Ceux qui profitent de ce système ne changeront jamais. Et ils contrôlent les centres de décisions politiques, économiques et même judiciaires.

Le système capitaliste se prétend inébranlable. Il n'y aurait pas d'autre façon de vivre. Sauf que le monde a existé pendant des milliers d'années sans le capitalisme. Et qu'il lui survivra. Reste à savoir si nous, de notre vivant, nous aurons ce plaisir de voir ce système inhumain tomber et disparaitre.

Le pouvoir et les médias ne cessent de présenter les révolutionnaires, les Gilets Jaunes et autres écolos "radicaux" comme des êtres assoiffés de violence, de destruction, voire de mort. Mais qui est responsable de centaines de milliers de vies détruites ? Ces morts du Covid, ces morts de la pauvreté, ces morts du chômage, ces morts de la misère ?

Ce sont bien ces responsables en costards. Ces gens ont bien compris qu'ils n'avaient que quelques années à passer sur cette terre, et ils sont prêts à tout pour avoir le plus possible d'argent, de maisons, de voitures... prêts à tout pour offrir les écoles les plus chères à leurs enfants. Prêt à tout pour pouvoir leur assurer une vie la plus "confortable" possible une fois qu'ils seront morts.

Leurs choix, leurs décisions, prises officiellement sur l'autel de la pensée ultra libérale, avec la fameuse main invisible du marché et le ruissellement censé servir au plus grand nombre, ces choix sont en réalité dictés par leurs intérêts personnels : pour eux, pour leurs familles, pour leurs amis.

Ce sont eux les criminels. Ce sont eux les responsables. Ce sont eux nos ennemis.

Nous sommes encore en vie. Enfermés, isolés, réprimés. Mais nous sommes encore en vie.
En vie, et capables de tout.

Capables de tout renverser, de tout changer, de tout reconstruire.

Capables de faire surgir l'après.

Capables de changer le cours de nos vies, de celles de nos parents, de nos enfants, de nos amis, de nos amours.

N'ayons pas peur de mourir. Car nous allons tous mourir.

Mais profitons de nos vies pour faire surgir le beau, l'amour, le bonheur. Pour donner au plus grand nombre l'opportunité d'une vie heureuse.

Pour y arriver, il faudra se battre, vraiment, physiquement, moralement, juridiquement, socialement.

Nous en sommes capables.


ENGLISH VERSION :

There's only one question. The Mother of all questions. What are we going to do with the rest of our lives?

Our lives, our parents' lives, our children's lives, our friends' lives, our beloveds’ lives . The lives of every other living thing on this earth.

The Covid crisis has paralyzed part of the population. Today, due to the epidemic, people live in fear of dying, afraid of seeing one’s loved ones die. Fear of dying is everywhere. And as we face there ordeal, neither ideas, nor words, nor concepts matter anymore. The only things that count are the tangible reality of the living moment and the survival. Powerful and money people have understood this and take advantage of it. In the face of a widespread panic when people are struggling, they are proceeding with a strengthening of control measures, without even hide from it, and prepare for the future to come. For their future.

Thousands of people will die from this epidemic. This is terrible. But what are we going to do, We the people who will continue to live? We may still have a few more years to live. A few decades maybe. We obviously want to spend them with our loved ones and our family. We want to be healthy and to be able to live decently. With dignity. There is no shame in wanting that. And there is also the will to live and to create together, collectively, to make great things with others, things that would have never happened without sharing. The desire to devour, to explore, to try, to innovate, to shout, to cry, to enjoy. We can be much more than what political and financial leaders would like to reduce us to.

There is no such thing as chance. There is however no fatality. If today hospitals face serious shortages of equipment, staff and beds, there is one very simple explanation. And, basically everyone knows it. These are choices that have been made for decades by either right- or left-wing governments. Budget reduction choices. Choices made in pursuit of profit for a very few people. For the last 30 years, despite several major crises around the world, the only people who have become massively rich are the ultra-rich. Millionaires and especially billionaires. Those who think that the tragedy of Covid will help raise awareness among the government, or even the opposition parties, are at best naïve, and at worst accomplices.

In 2003, the European heat wave had led to a major public health crisis, and killed more than 20,000 elderly people in France, mainly those who where suffering social and economic deprivation. It’s been 17 years… but nothing has changed. In fact, so far, public service’s destruction, including health care, has been going on. And let there be no doubt that this process will continue in the years to come.

Change, real change, major change is obviously the strengthening of security. We saw it coming, but we never thought it would happen that fast. In just a few days, France has madly accelerated its development of a high-tech control and surveillance society. During the last two years, France has been beset by social protest, and there was no government response. The government has gone through without giving in to neither the yellow jackets’, the unions’, the feminists’ nor the environmentalists’ demands. There was only contempt for their struggles and violences. For now on, the current crisis will only strengthen it and give it additional tools. For now on, it seems very clear that those who want a different world have to work for a revolution. There will be no change from within. Those who take advantage of this system will never make a change. And they control the centres of political, economic and even judicial decision-making.

Defenders of the capitalist society claim that the capitalist system would be steadfast. There would be no other way to live, they say. Except that the world has existed for thousands of years without capitalism. And that it will survive it. It remains to be seen whether we, in our lifetime, will have the pleasure of seeing this inhuman system fall and disappear. Revolutionaries, Yellow jackets and other "radical" environmentalists are consistently portrayed in stereotypical ways by the medias, like people full of hatred, aggressives and violents, which reflect and sustain the government positions. But who will have to take responsibility for these hundreds of thousands people’s lives being destroyed? These deaths from the Covid, these deaths of poverty, these deaths of unemployment, these deaths of misery? They are the ones who are responsible for (the crisis). Those in suits and ties. These people have understood they have only a few years to spend on this earth, and they are ready to do anything to get as much money, houses, cars…they can get. Ready to do anything to provide the most expensive schools for their children. Willing to do anything to provide them better lives before they die. Officially, thanks to the invisible hand (of the market) and it’s natural movement, the choices and the decisions made are supposed to benefit the greatest number. But let’s face it! They make it in their own personal interests: for themselves, for their families, for their friends. They are the criminals. They are responsible for. They are our enemies.

We are still alive. Locked up, isolated, repressed.

But we are still alive. Fully alive and capable of anything. We can bring anything down, change everything, rebuilt everything. We can bring up what’s next. We can change the course of our lives, of our parents' lives, of our children's lives, of our friends' lives, of our beloveds’ lives. Let’s not be afraid to die. Because we’re all gonna die. Let's enjoy our lives ! Let’s take advantage of it to bring beauty, love and happiness.

To provide as many people as possible with opportunity for a happy life. To achieve this, we'll have to fight, truly, physically, morally, legally, socially.

We can do it.


VERSION EN ESPAGNOL :

Y AHORA ¿QUÉ VAMOS A HACER?

Sólo hay una pregunta

La madre de todas las preguntas
¿Qué vamos a hacer el resto de nuestras vidas?

Nuestra vida

la de nuestros padres

la de nuestrxs hijxs

la de nuestrxs amigxs

la de nuestros amores


La crisis del Covid ha paralizado gran parte de la población

La epidemia ha reavivado en todas partes el miedo a morir

y a ver morir a los seres queridos

Ante este miedo

nada vale

ni las ideas

ni las palabras

ni los conceptos


Lxs que tienen el poder y el dinero han comprendido esto y se aprovechan

sin siquiera esconderse, de este pánico individual generalizado

para endurecer los dispositivos de control y prepararse para el después.

¡Para su después!

Miles de personas morirán por esta epidemia.

Esto es algo terrible

¿Pero qué vamos a hacer, los millones de personas que seguiremos viviendo?

Puede que aún nos queden unos cuantos años de vida.

Unas pocas décadas como mucho

Obviamente queremos pasarlos con nuestros seres queridos, con nuestra familia.

Queremos estar sanxs y poder vivir decentemente

Dignamente

No hay que avergonzarse de aspirar a tales deseos

Pero también existe la aspiración de vivir y crear colectivamente

cosas tan grandes que nunca podrían haber nacido sin lxs demás

El deseo de devorar

de explorar

de probar

de innovar

de gritar

de llorar

¡de disfrutar!

No somos nada en este universo, en la inmensidad de la historia de este planeta

Pero podemos ser mucho más que a lo que

los líderes políticos y financieros quisieran reducirnos

No existe el azar

No existe la fatalidad

Si hoy en día en el hospital faltan camas, equipo y personal

hay una explicación muy simple

Y, en el fondo, todo el mundo lo sabe

Son las decisiones

que han sido tomadas durante décadas

por los gobiernos de derecha y de izquierda

Decisiones para recortar los presupuestos

Decisiones tomadas para beneficiar a unas pocas personas

Durante 30 años, a pesar de varias crisis importantes en todo el mundo

los únicos que se han hecho notamblemente más ricos son los ultra-ricos


Quienes piensan que la tragedia del Covid permitirá una toma de consciencia

de parte del gobierno, o incluso de los partidos de oposición

son en el mejor de los casos ingenuos, y en el peor, cómplices

En 2003, vivimos un drama sanitario con una oleada de calor

que mató a más de 20.000 ancianos en Francia

especialmente a los más desfavorecidos social y económicamente

Nada ha cambiado en 17 años y por el contrario

hemos seguido destruyendo los servicios públicos, especialmente la salud

Esto continuará en los años venideros, no hay duda

El cambio, el verdadero cambio

es el fortalecimiento de la seguridad

Lo vimos venir, pero no pensamos que pasaría tan rápido

En pocos días, Francia ha acelerado de manera impresionante el desarrollo

de una sociedad de control y vigilancia de alta tecnología.

El gobierno ha conocido dos años de protesta social

sin ceder a las demandas de los Chalecos Amarillos

de los sindicatos, de lxs feministxs o de lxs ecologistas

La única respuesta ha sido el desprecio y la violencia

La crisis actual no hará sino fortalecerlo y darle herramientas adicionales.

Las cosas están más que claras

Quienes quieren un mundo diferente deben trabajar por una revolución

No habrá ningún cambio desde adentro

Lxs que se aprovechan de este sistema nunca cambiarán

Y controlan los centros de decisión política, económica e incluso judicial.

El sistema capitalista afirma ser inquebrantable

No habría otra manera de vivir

Salvo que el mundo ha existido durante miles de años sin capitalismo.

Y que sobrevivirá

Queda por ver si nosotrxs, en nuestra vida, tendremos el placer

de ver caer y desaparecer este sistema inhumano.

El poder y los medios presentan constantemente a los revolucionarios

a los Chalecos Amarillos y otrxs ecologistas "radicales"

como personas sedientas de violencia, destrucción e incluso muerte

¿Pero, y quién es responsable de cientos de miles de vidas destruidas?

Los muertos por el Covid

los muertos por la pobreza

los muertos por el desempleo

los muertos de miseria...?

Los responsables van de traje y corbata

Esa gente ha entendido que tiene unos pocos años para pasar en esta tierra

y están dispuestos a hacer cualquier cosa para conseguir mucho dinero, casas, autos... dispuestos a hacer cualquier cosa para dar las escuelas más caras para sus hijos

Sus elecciones

sus decisiones

tomadas oficialmente en el altar del pensamiento ultraliberal

con la famosa mano invisible del mercado

y el flujo de capital que supuestamente sirve a la mayoría

sus decisiones están en realidad dictadas por sus intereses personales:

para ellxs

para sus familias

para sus amigxs


Ellos son los criminales

Ellos son los responsables

Ellos son nuestros enemigos.
Todavía estamos vivxs

Encerrados

aislados

reprimidos

Pero seguimos vivxs.

Vivxs y capaces de cualquier cosa

capaces de tumbar todo

de cambiar todo

y de reconstruir todo.

Capaces de hacer surgir un después

capaces de cambiar el curso de nuestras vidas

la de nuestros padres

la de nuestrxs hijxs

la de nuestrxs amigxs

la de nuestros amores

No tengamos miedo a morir

porque todxs vamos a morir

pero aprovechemos nuestra vida para que surja lo bello, el amor, la felicidad

para brindarle a la mayoría la oportunidad de una vida feliz

Y para lograrlo

habrá que pelear

de verdad

físicamente

moralmente

jurídicamente

socialmente

Somos capaces.


Appel à ne plus présenter l'attestation de circulation

L'appel est lancé par plusieurs signataires dans la semaine des Pyrénées : "parce que la normalité de demain qui nous est proposée, et imposée désormais – un monde policier et de contrôle encore plus quotidien – n’est pas celle que nous espérons"

Il est vrai que le confinement est justifié. Et il l'est d'autant plus du fait de l'incurie du gouvernement (absence de masques, indications contradictoires sur la nécessité de le porter, absence de test et de dépistage, etc.). Mais il n'y a aucune raison de supporter la dimension infantilisante de l'attestation et la répression subie par ceux qui n'en ont pas : 480.000 contraventions ont été dressées pour non-respect du confinement.

***

« Il répond à une inquiétude que nombre d’entre nous, peut-être de plus en plus, partageons sur la privation de liberté aujourd’hui, l’instrumentalisation (réflexe et réfléchie, les deux peuvent exister conjointement) de la crise sanitaire actuelle par les pouvoirs en place, sur comment demain se dessinera (rattrapage du temps perdu à produire, consommer, etc ou prise de conscience d’un changement radical nécessaire ?). Ces inquiétudes sont partagées comme en témoignent ces deux documents, l’un du Syndicat de la magistrature, l’autre de l’observatoire des droits de l’Homme. Ce type de réaction n’est peut-être pas dans l’air du temps, ce temps où la peur tant du virus que du « flic », guide nos actes et positions. Néanmoins il faut partager ce questionnement de l’un d’entre nous « la santé ou la liberté, qu’est ce qui est le plus important ? Nous vous prions donc de le publier dans vos médias, car c’est un appel public nécessaire en ces temps de démocratie au ralentie. », explique Renaud de Bellefon.

N’abandonnons pas notre dignité dans une attestation de circulation

Parce que notre parole a autant de valeur que notre stylo ;

parce que nous imposer à chaque contrôle de présenter un papier qui ne dit rien d’autre que ce que nous pouvons déclarer oralement ;

parce que ce contrôle tatillon nie notre responsabilité et notre sens de l’intérêt commun ;

parce que la rédaction quotidienne, ou presque, de cette attestation normalise à terme un contrôle permanent ;

parce que présenter systématiquement ce document aux forces de l’ordre nous fait in-corporer ce geste, tend à en faire une habitude ;

parce que l’absence, l’oubli de ce document ne peut pas faire de nous un délinquant (la ministre de la justice ne voulait-elle pas que la non-présentation de l’attestation soit justement un délit ?)* 1;

parce que stigmatiser une partie des citoyens, c’est instaurer la suspicion généralisée ;

parce que créer des boucs-émissaires, mauvais Français qui sortent sans raison, c’est détourner des vraies responsabilités, des manquements du gouvernement dans cette crise ;

parce que cette obligation va à l’encontre des demandes de plus de transparence, de démocratie qui montent dans la société ;

parce qu’instaurer un Etat policier n’incite pas à la responsabilisation mais à l’évitement, au « jeu » du chat et de la souris, aux réactions mesquines et individualistes ;

parce que la normalité de demain qui nous est proposée, et imposée désormais – un monde policier et de contrôle encore plus quotidien – n’est pas celle que nous espérons;

parce qu’accepter de se soumettre, c’est cautionner un autoritarisme aveugle, et les dérives usurpant nos codes de valeurs ;

parce que c’est une manière de dire que nous refusons la soumission, la servitude volontaire, et de le dire en acte, de prendre conscience et refuser d’être la grenouille dans l’eau qui chauffe ;

parce que ce refus participe à l’ébauche d’une autre normalité demain, une normalité d’après la crise ;

parce qu’aussi il y a aujourd’hui de nombreuses personnes, notamment parmi les populations les plus en difficulté déjà, qui sont devenues des délinquantes pour rien ;

parce que refuser de présenter une attestation n’est pas refuser un confinement responsable ;

Refusons en nombre, au moins une fois, de présenter l’attestation de circulation.

Contestons l’amende et nous défendrons notre position devant les tribunaux. Plus nous serons nombreux, plus notre démarche sera entendue, et plus nous regagnerons notre dignité.

Renaud de Bellefon, Alain Bonneau, Anne de Brouwer , Merilu Solito, Michèle Setti


attestation de sortie QR code

ATTESTATION SMARTPHONE AVEC QR CODE

Le gouvernement vient de sortir un générateur d’attestations avec l’introduction d’un QR code. Rappelons qu’au départ l’idée qui intéressait les gens était simplement de pouvoir remplir un PDF sur son smartphone. Mais l’Etat a subrepticement imposé le QR code dans ce qui pour l’instant reste une option car nous pouvons toujours utiliser la version papier.

Si le gouvernement se veut rassurant pour le moment en indiquant qu’aucune donnée personnelle ne sera stockée, il est plus que conseillé de douter de la mise en place d’une telle technologie de surveillance. Car potentiellement tout est en place pour le permettre.

Cette introduction du QR code est censée simplifier les contrôles effectués par les policiers, mais elle ne simplifie en rien notre quotidien de confiné et pire elle n’améliore en rien la propagation du virus et les capacités de soin pour le personnel hospitalier. 

L’argument qui pouvait être le plus recevable était celui de ne pas échanger un papier qui potentiellement pouvait véhiculer le covid 19 par le toucher. Mais le simple fait de montrer le papier à distance est un geste barrière suffisant si en plus les policiers portaient des masques. 

La seule logique du QR code est donc de fluidifier les capacités de contrôles policiers et technologiques en investissant dans un couteux système de logiciel et de matériel pour scanner.

Le gouvernement se défend de tout système de surveillance généralisée par ce biais mais alors pourquoi mettre en place toute la technologie qui le permet ?

A Wuhan, un système de QR code existe déjà. Chaque citoyen a le sien par le biais de son smartphone dont l’usage est quasiment obligatoire. Quand tout va bien pour les autorités, votre QR code est vert. L’angoisse c’est que le QR code change de couleur et indique ainsi des restrictions de circulation en plus d’être déjà le mouchard qui stocke vos données de géolocalisation. Si vous avait croisé une personne atteinte du covid, les données sont croisées et votre QR code change, indiquant que vous même êtes peut-être contaminé. Vous êtes alors signalé aux autorités.

Pour le moment nous n’en sommes pas là en France bien que Castaner a déjà commencé à parler de tracking et que l’Association Professionnelle Nationale Militaire Gendarmes et Citoyens a déjà émis des critiques pour que l'application permette d'aider à la répression. Ce choix unilatéralement introduit par le pouvoir exécutif n’est pas anodin et dit à quel point il ne peut s'empêcher de tout ramener au contrôle et de réduire nos alternatives face à la pandémie : soit la mort, soit la privation de liberté et la surveillance. Voici un bout d’argumentation développé par La Quadrature du Net qui pose les bonnes questions :

"Les mesures de surveillance, via nos usages des technologies, que suggèrent nos gouvernants relèvent en réalité d’une stratégie pour détourner notre attention de la cause réelle du problème que constitue l’abandon de l’hôpital public. [...] Plutôt que d’assumer les conséquences désastreuses d’une politique de santé défaillante, leur diversion consiste à inverser les rôles, à nous faire passer, nous, pour ceux qui refuseront d’aider les autres. Comme si nous devions être coupable de vouloir protéger notre vie privée, d’exprimer notre colère, ou simplement de suggérer des alternatives."

 

attestation QR code


Réponse à la tribune "Plus jamais ça !"

"Plus jamais ça ! Lorsque la fin de la pandémie le permettra, nous nous donnons rendez-vous pour réinvestir les lieux publics et construire notre "jour d’après". Nous en appelons à toutes les forces progressistes et humanistes, et plus largement à toute la société, pour reconstruire ensemble un futur, écologique, féministe et social, en rupture avec les politiques menées jusque-là et le désordre néolibéral."

Par ces mots se termine une tribune signée par 18 responsables d'organisations syndicales, associatives et environnementales.

Selon eux, la crise sanitaire actuelle oblige à un "jour d'après" à la hauteur des enjeux, avec une lutte commune pour des changements radicaux. On aimerait se satisfaire d'une telle tribune. On aimerait y croire. Mais comment est-ce encore possible ?

La situation actuelle, et l'expérience des dernières luttes, nous donne plutôt envie de répondre "Plus jamais de tribune comme celle-ci". Car combien en a-t-on lu, et même signé, des tribunes collectives de ce genre ? Nous même en avons écrit.

Mais aujourd’hui, continuer sur cette voie de la communication du "plus jamais ça" tout en tentant de négocier avec le pouvoir et les structures financières, relève au mieux d'une naïveté qu'on ne peut plus se permettre, au pire d'une complicité avec le système actuel.

Macron, son pouvoir et son monde, n'ont strictement rien appris de cette crise. Sous une façade d'unité et de solidarité avec le personnel de santé (la bonne blague), ils utilisent ce drame pour détruire encore un peu plus le droit du travail et pour passer des mesures encore plus liberticides.

Il n'y aura pas de "prise de conscience" des puissants que le système actuel nous amène à une catastrophe humaine et écologique. Si changement il y a, il se fera parce que ces personnes auront été poussées vers la sortie et ne tiendront plus les rênes du système.

La planète brule, littéralement. Et certains pensent encore pouvoir raisonner les incendiaires.

En deux ans, le pouvoir a été totalement sourd à l'un des mouvement les plus insurrectionnels depuis 68 (les Gilets jaunes) et à l'une des grèves les plus importante (par sa durée et son ampleur) depuis un quart de siècle. Il a également été sourd au mouvement climatique le plus important que le pays n'ait jamais connu. Et bien sûr, sourd à toutes les revendications sectorielles : pompiers, hôpitaux, profs, avocats....

Qui peut aujourd'hui croire que le drame du Covid19 va faire changer quelque chose à leur façon d'appréhender le gestion du monde ? Ces gens ne sont pas aux services des "citoyens" mais bien d'une petite élite d'ultras riches.

Nous n'avons qu'une vie. Nous n'avons qu'un père, qu'une mère. Nous n'avons qu'une planète. Et nous n'avons que trop tardé pour arrêter le carnage en cours.

Pour certains, la ligne infranchissable dans la lutte est celle de la pseudo "violence".
Pour nous, c'est celle de la compromission avec le pouvoir.

Macron, sous une façade bien présentable, moderne et ouverte, a construit en quelque mois une société totalitaire où les seules libertés encore permises sont celles offertes aux capitaux et aux riches. La crise du Covid ne va qu'accélérer cette chute dans le totalitarisme 2.0

Macron a mutilé des milliers de manifestants : Gilets jaunes, pompiers, infirmières, profs. Il a réduit le droit de manifestation pour en faire une farce "pseudo démocratique" où il n'est désormais possible de manifester que dans une nasse policière géante. Il a verbalisé et condamné des personnes pour leur simple présence dans un lieu public, pour leur simple adhésion supposée à un mouvement (GJ). Les exemples sont malheureusement encore nombreux et ne vont que s'accumuler dans les mois à venir.

Face à cela, deux options : négocier ou se battre. Pour nous, on ne négocie pas avec un pouvoir totalitaire. On se bat pour le détruire.

Cela n’empêche pas d'écrire des tribunes. Mais cela engage à faire bien plus que ça, le fameux "jour d'après".

Car rien ne serait pire que de déclamer "plus jamais ça", et, le jour d'après, continuer la lutte comme "avant", pour le résultat que l'on connait d'avance.


journal de guerre coronavirus cléone lettre 4

JOURNAL DE GUERRE, Cléone lettre 4

On n'oubliera jamais qu'ils ont commencé par nous inviter à faire de « bonnes affaires en bourse » au moment où le COVID-19 devenait endémique, à nous adresser des sourires condescendants, sûrs de leurs informations « scientifiquement prouvées » sur une simple grippe hivernale, sur leurs stocks fantômes de millions de gels hydroalcooliques et de masques fpp2 à jour, à parler « unité nationale » sur l'air de mais oui, mais oui l'école est finie !, pour en venir à leur saloperie de « guerre contre le virus » qui s'est immédiatement traduite par matraquer une mère de famille avec son caddy sur le marché de Château rouge.

Les épistolaires de la bourgeoisie contaient leur confortable et bucolique retraite en écoutant le chant des oiseaux en sursis. Confiné.es dans leur résidence secondaire de Normandie, du Lubéron ou d'ailleurs, leur correspondance a cessé quelques semaines après le déclenchement de ce nouvel État d'urgence.

Ont-elles été décimées, ces familles privilégiées ? Auront-elles pu rejoindre Paris à temps pour être prises en charge à l'arrivée des premiers symptômes sérieux ? Les hôpitaux étaient saturés d'agonisants, personnes âgées bien sûr, mais aussi plus jeunes en « bonne santé » qui, faute d'être allé.es bronzer aux Buttes Chaumont en ce dimanche fatidique, s'étaient surtout docilement déplacé.es pour remplir leur devoir civique. Comme les nuages de Tchernobyl à Lubrizol, on nous avait laissé entendre que le Covid-19 s'évaporait à la seule vue de l'urne et de la feuille d'émargement.

Le virus se moque des frontières. En revanche, le checkpoint néolibéral est depuis longtemps une sale affaire de genre, de race et de classe.

Les rappels à l'ordre au télétravail n'ont jamais été destinés aux élites en évasion sanitaire : une aubaine pour la « flexibilité », manière polie de parler de capitalisation de l'humain, de la vie, de nos épuisements et d'exploitation de la force de travail jusque dans les recoins du foyer. Le confinement n'est autre qu'une belle occasion d'auto-formation continue, contrainte, pour ingurgiter de nouvelles compétences (les « soft skills – soft kills ») – évangile du management. Mais pour les confiné.es, on entrevoyait juste un peu mieux à quoi ressemblait la vie de celles et ceux qui sont déjà assigné.es à résidence, en prison, en fauteuil, en phase terminale, en camp, en colonie, en hlm délabré, en fin de droits... Quant à celles qui se tapent depuis bien longtemps une triple journée de travail, elles ont juste morflé un peu plus 24h sur 24h, 7j sur 7j.

Évidemment, les rappels à l'ordre au travail « tout court » ont d'emblée opéré une franche sélection face à la valeur de la vie. Un jour, on reparlera pénibilité du travail. Pour assurer la survie d'une minorité, il fallait continuer à l'alimenter, à la servir, à construire ses maisons et ses immeubles, ses voitures et ses routes, à conduire ses trains, à distribuer son courrier ou sa commande Amazon et à ramasser ses ordures.

Enfin, devant nos coquillettes au thon à compter nos jours de chômage partiel ou nos congés payés imposés, nous avons au moins pu échapper aux litanies romantiques comme aux pornos culinaire, culturel, animalier dans lesquels une caste s'était vautrée. Les odes à la décélération à l'ennui dans son canapé d'angle à relire Camus, les plaintes sur l'avenir des héritiers et la continuité pédagogique, les séances de yoga avec les enfants qui devenaient à moitié dingues malgré le luxe de pouvoir déprimer dans leur chambre à bouffer en loucedé leurs chips bios aux légumes, (eux, au moins, avaient une chambre à soi) ... ont finalement été étouffées par les quintes de toux, l'asphyxie, la panique, le deuil : obscénité des vies épargnées et démocratisation brutale de l'exposition au risque de mort.

Les hôpitaux des grandes métropoles françaises étaient dévastés – une médecine de guerre n'offre que des scènes de guerre en effet : lits entassés dans les couloirs, corps déshumanisés appelant à l'aide. Le matériel d'intubation usagé qui jonchait le sol et la danse des chariots de réanimation en nombre bien trop insuffisant qui passaient d'un.e patient.e à un.e autre comme seule musique d'ambiance.

Le personnel soignant n'avait que faire des scènes de communion nationale qui ont remplacé le journal de 20h dans les premières semaines. En première ligne, il est Cassandre à visage découvert ; la rage épuisée, chevillée au corps, devenant le collabo de la grande faucheuse ou le bourreau qui assène le coup fatal à décider qui de celui ou de celle-là devait être débranché.e pour tenter de sauver la caissière, le livreur ou l'éboueur, le père de famille ouvrier dans le bâtiment, l'assistante maternelle... ou même le nième de leurs collègues dont les poumons étaient troués par le virus – infirmière, interne, ambulancier, femme de ménage... Qui s'occupait de sauver le mineur isolé en situation « illégale », le sdf ou la grand-mère en EPHAD contre le Ministre de la Culture, Martine Vassal ou autre vie réputée digne d'être soignée ?

Parmi les 250 000 personnes à la rue en France, on jouait à Am, stram, gram...

En France, il n'y avait plus que 7000 lits en soins intensifs avec assistance respiratoire (5000 en Italie avec les conséquences dont on avait été témoin) : conséquence mathématique de plus de trente ans d'algorithmes comptables qui spéculent sur le nombre de morts « acceptables ».

Bienvenue dans le nécrolibéralisme.

525 millions d'augmentation du budget pour la police et l'armée avait été votée à l'automne 2019 soit 13, 8 milliards d'euros de crédits ; le tout, puisé partout ailleurs : 3 milliards pris depuis 2017 au budget de la santé et en particulier à l'hôpital public- suppression de 22 000 postes, plus de 5000 lits et injonction à 100% d'occupation pour rentabiliser les établissements quand tous les signaux sont au rouge pour prévenir de l'effondrement et les conséquences sanitaires que cela implique).

En pleine crise, la côte de popularité remontait pourtant pour un chef autoproclamé s'octroyant les pleins pouvoirs, celui-là même qui a ouvert les hostilités. Est-ce le virus qui rend amnésique ou la peur qui fait éclore l'amour de l'autoritarisme viriliste quand on se découvre menacé jusque dans ses rangs, son clan, sa famille, son corps ?

19 mars 2020 : la BCE débloque 750 milliards d'euros pour sauver les banques européennes, éponger une dette publique qu'elle a elle-même créée de toute pièce et... relancer l'emprunt des ménages ; du moins, ceux qui n'auront pas fait les frais de la médecine de guerre en temps de guerre sociale, ceux qui seront encore vivants, donc. 1

Solidarité, entraide, heures supplémentaires, travail gratuit des collectifs, des associations... c'est ce qui nous permet de tenir depuis longtemps déjà contre un Etat qui nous fait la guerre, défait tout ce dont nous avons besoin.

La vie tient avec des bouts de ficelle.

Les journaux de confinement se sont vite transformés, pour nous, en chronique de survie : perdre l'usage d'un, de deux poumons, après les yeux, les mains, ... Le souffle déjà coupé par la conscience que les siens ou soi-même ne nous en sortions pas, on n'a pas mis longtemps à comprendre que là, dans cette situation « exceptionnelle », prendre soin signifie aussi, toujours, autodéfense. Et, en la matière, on avait un coup d'avance après s'être tapé depuis si longtemps les gaz lacrymogènes et les balles de la République.

Nos masques, nos lunettes, nos kits de premiers secours avaient été sacrément mis à contribution durant ces années de saccage social, mais on savait les fabriquer et on a continué à le faire. On s'est équipé et on ne s'est pas arrêté là : on a commencé à s'organiser de proche en proche – quand d'autres continuaient à tergiverser sur la réforme du capitalisme, la transition et le revenu universel dans leur salon en écoutant les postcast de La Guerre de Troie n'aura pas lieu sur France Culture. On a renforcé les maraudes et l'entre-aide entre crevard.es pour se ravitailler, se mettre à l'abri, pour squatter vos logements vides, pour nous soigner, pour faire et refaire communautés et les relais qui les lient entre elles. On a été de plus en plus à mettre, en guise de drapeaux noirs, nos gilets jaunes aux fenêtres et on a recommencé le samedi à faire du tapage nous aussi : oui merci les hospitaliers, mais bande de « connards », non... meurtriers, on est là, on est toujours là, on le sera toujours.

Sound system, casseroles, cris, hurlements, huées, sifflets : comme on vous avait empêché de tenir vos mascarades de vœux de fin d'année, vos cérémonies de bouffons, vos réunions de campagne, de vous rendre au théâtre ou au restaurant, on vous empêchera de nous faire crever. Qu'importe comment : enceintes, mégaphones, vidéoprojecteurs, pour diffuser dans les rues désertées, mais avec du monde au balcon, vos discours, vos mensonges, les images de vos exactions. Nous avions déjà nos slogans, nos chants de lutte, nos réflexions, nos archives et nos imaginaires, nous en avons inventés d'autres. On a pris au sérieux la toile, on en tissera partout.

Ici et là, on sera ensemble, attentive et attentif les un.es aux autres, on aura nos radios clandestines. Harnaché.es de baudriers, de cordes, de poulies, on construira, des passerelles, des ponts : là-haut, d'autres villes apparaîtront entre les immeubles, entre les tours, sur les toits, dans les greniers et les mansardes. On plantera des jardins et des potagers sur les terrasses, dans nos cours, sur nos fenêtres, dans les halls, entre les fissures du bitume, au milieu des friches et des ruines... Partout, nous prendrons de nouvelles zones pour en faire des quartiers, des terres, des continents à défendre. Tout un réseau d'informations se trame, des avions de papiers qui iront plus vite que vos mouchards dans nos fils et messageries ; un système de distribution solidaire aussi, du panier de victuailles en tout genre aux armes contre vos milices : les plans des catapultes de Hong Kong en copyleft entre les mains, des lance-pierres et des arcs contre vos drones, le savoir-faire de Notre-Dame-des-Landes et de Bure en tête. Et alors qui protégera vos supermarchés, vos entrepôts, vos silos ?

Jamais le « rester chez soi » n'aura été un tel appel à l'insurrection. Nos grèves consistent désormais à ne plus avoir besoin de vous : on a arrêté de vous regarder, de vous écouter... ce sera notre 49.3, on s'auto-atteste en guerre contre la mort, celle que vous quantifiez à base de prime chichement accordée pour les plus précaires contraint.es de continuer à faire tourner la machine ; mais la mort, c'est vous. On ne reprendra pas le travail cette fois, ni dedans, ni dehors. On ne reviendra pas pour se faire tanner cet été, « non, moi je ne rentrerai pas, je rentrerai pas la dedans ; ça, je ne mettrai plus les pieds dans cette taule... » 2

On n'y retournera pas au travail : si comme une traînée de poudre, on arrête tout, de produire, de consommer, de payer les loyers, les emprunts, les factures, ... leur dette, leurs dividendes, qui pourra venir nous arrêter ? Le confinement est une mesure pour discipliner, prendre un peu plus le contrôle de nos survies : là où on se repose, où on se reconstitue, le territoire privilégié de la division sexuelle et raciale du travail (reproduire, nourrir, soigner, éduquer, nettoyer, consommer), du patriarcat, puisque le foyer a été créé pour ça ; il est donc cet espace-temps à reprendre, à prendre pour tout.es, et à défendre. Le territoire depuis lequel on peut tout saboter. L'abrisme révolutionnaire – non pas un « chez soi » mais un « chez nous » – porté par les mouvements de grève de loyer à Barcelone, à Paris,... est porté au sein des syndicats de locataires à Los Angeles, à San Francisco, à Melbourne, à Londres...

Ce qui est inédit, ce n'est pas la pandémie ; c'est le refus radical.

Dépose totale a casa. Se tenir à distance, c'est être à l'abri du brouillard mortifère dans lequel vous nous asphyxiez. Loin de vous, c'est nous rapprocher les un.es, les autres. Vous êtes à l'agonie, nous sommes vivants. Pour qui chantent les oiseaux qui reviennent au printemps ? Pour nous.

Notes :

1. [Visite présidentielle le 4 avril 2018 au CHU de Rouen : "Il n'y a pas d'argent magique."]

2. [Reprise du travail aux usines Wonder, mai 68
« non, moi je ne rentrerai pas, je rentrerai pas la dedans ; ça, je ne mettrai plus les pieds dans cette taule... »]


Faire culpabiliser les citoyens

Une des stratégies les plus efficaces mises en œuvre dans toute situation d’urgence par les pouvoirs forts consiste à culpabiliser les individus pour obtenir d’eux qu’ils intériorisent la narration dominante sur les événements en cours, afin d’éviter toute forme de rébellion envers l’ordre constitué.

Texte de Marco Bersani (Attac Italie)

Cette stratégie a été largement mise en œuvre dans la dernière décennie avec le choc de la dette publique, présenté comme la conséquence de modes de vie déraisonnables, où l’on vivait au-dessus de ses moyens sans faire preuve de responsabilité envers les générations futures.

L’objectif était d’éviter que la frustration due à la dégradation des conditions de vie de larges couches de la population ne se transforme en rage contre un modèle qui avait donné la priorité aux intérêts des lobbies financiers et des banques sur les droits des individus.

C’est bien cette stratégie qu’on est est en train de déployer dans la phase la plus critique de l’épidémie de coronavirus.

L’épidémie a mis le roi à nu et fait ressortir toutes les impostures de la doctrine libérale.
Un système sanitaire comme celui de l’Italie, qui jusqu’il y a dix ans était l’un des meilleurs du monde, a été sacrifié sur l’autel du pacte de stabilité : des coupes budgétaires d’un montant global de 37 milliards et une réduction drastique du personnel (moins 46.500 personnes, entre médecins et infirmièr.e.s), avec pour brillant résultat la disparition de plus de 70.000 lits d’hôpital – ce qui veut dire, s’agissant de la thérapie intensive de dramatique actualité, qu’on est passé de 922 lits pour 100.000 habitants en 1980 à 275 en 2015.

Tout cela dans le cadre d’un système sanitaire progressivement privatisé, et soumis, lorsqu’il est encore public, à une torsion entrepreneuriale obsédée par l’équilibre financier.

Que la mise à nu du roi soit partie de la Lombardie est on ne peut plus illustratif : cette région considérée comme le lieu de l’excellence sanitaire italienne est aujourd’hui renvoyée dans les cordes par une épidémie qui, au cours du drame de ces dernières semaines, a prouvé la fragilité intrinsèque d’un modèle économico-social entièrement fondé sur la priorité aux profits d’entreprise et sur la prééminence de l’initiative privée.

Peut-on remettre en question ce modèle, et courir ainsi le risque que ce soit tout le château de cartes de la doctrine libérale qui s’écroule en cascade ? Du point de vue des pouvoirs forts, c’est inacceptable.

Et ainsi démarre la phase de culpabilisation des citoyens.
Ce n’est pas le système sanitaire, dé-financé et privatisé qui ne fonctionne pas ; ce ne sont pas les décrets insensés qui d’un côté laissent les usines ouvertes (et encouragent même la présence au travail par des primes) et de l’autre réduisent les transports, transformant les unes et les autres en lieux de propagation du virus ; ce sont les citoyens irresponsables qui se comportent mal, en sortant se promener ou courir au parc, qui mettent en péril la résistance d’un système efficace par lui-même.

Cette chasse moderne, mais très ancienne, au semeur de peste est particulièrement puissante, car elle interfère avec le besoin individuel de donner un nom à l’angoisse de devoir combattre un ennemi invisible ; voilà pourquoi désigner un coupable (« les irresponsables »), en construisant autour une campagne médiatique qui ne répond à aucune réalité évidente, permet de détourner une colère destinée à grandir avec le prolongement des mesures de restriction, en évitant qu’elle ne se transforme en révolte politique contre un modèle qui nous a contraints à la compétition jusqu’à épuisement sans garantir de protection à aucun de nous.

Continuons à nous comporter de façon responsable et faisons-le avec la détermination de qui a toujours à l’esprit et dans le cœur une société meilleure.

Mais commençons à écrire sur tous les balcons : « Nous ne reviendrons pas à la normalité, car la normalité, c’était le problème. »


COVID : Questions/Réponses avec Karim Khelfaoui, médecin généraliste libéral, volontaire au Samu de Marseille

COVID19 : Questions Réponses avec Karim Khelfaoui, médecin généraliste libéral, volontaire au Samu de Marseille

Karim Khelfaoui, médecin généraliste libéral, volontaire au Samu de Marseille a répondu aux questions des abonnés de Cerveaux non disponibles sur Facebook. Sous la vidéo retrouvez le time code des questions.

00:00 Quels sont les symptômes ?
03:38 Résumé de la précédente vidéo
04:45 Les différentes stratégies face au Coronavirus (Corée du Sud, France, Italie)
10:40 Est-ce que le Coronavirus est grave pour les enfants ?
13:15 Est-ce que le message du gouvernement qui demande à la population de ne pas porter de masques est justifié ?
16:15 Conseil avant/après sortie du domicile
18:44 A propos des tests
20:30 Est-ce qu’une personne peut-être contagieuse après la guérison ?
22:55 Est-ce que le confinement partiel suffit ou est-ce que le confinement total est inéluctable ?
25:38 A propos du gouvernement qui préconise de continuer à aller travailler (notamment pour les ouvriers du BTP, les usines, Amazon…)
30:00 A propos de la Chloroquine


Etat d'urgence sanitaire et gestion coloniale

ETAT D’URGENCE SANITAIRE: UN NOM ET DES MESURES PUNITIVES QUI CONVOQUENT L’HISTOIRE COLONIALE

A l’heure ou j'écris, l'Assemblée nationale française est appelée à débattre sur un projet de loi permettant au gouvernement de déclarer “l’état d’urgence sanitaire” pour répondre à la pandémie globale du COVID 19 qui met en danger les plus vulnérables d’entre nous. Ce texte permettrait trois choses: le report légal des élections municipales, les dispositions concernant les entreprises mises à mal par la situation de confinement d’une partie de la population, ainsi que les différentes mesures permises par l’état d’urgence sanitaire lui-même. Je n’ai aucune autorité pour discuter ces deux premiers points, mais peut peut-être partager quelques réflexions tatonantes et incertaines à propos du troisième, étant engagé depuis quatre ans dans un travail (toujours en cours) de recherches et rédaction d’une histoire spatiale de l'état d’urgence français.

(un texte de Léopold Lambert)

Bien entendu, l'état d’urgence et l'état d’urgence sanitaire sont des lois sensiblement différentes. La première a été créée en avril 1955 afin d'écraser la Révolution algérienne ou, pour être plus précis, afin de légaliser la violence contre-révolutionnaire française déployée immédiatement après l’offensive du Front de libération nationale algérien le 1er novembre 1954. Celle-ci fut déclarée trois fois durant la Révolution algérienne (1954-1962) en Algérie et en France en complément des six épisodes des “pouvoirs spéciaux” et des deux applications de l’article 16 de la Constitution de la Vème République qui permit à De Gaulle de s’accaparer les pleins pouvoirs. Elle fut ensuite utilisée trois fois dans le Pacifique; à Wallis-et-Futuna en 1986 et à Tahiti-Nui en 1987, mais plus particulièrement en Kanaky durant l'insurrection autochtone kanak de 1984-1988 qui aurait sans doute permis l’accession du pays à la pleine souveraineté si la team Chirac-Pasqua-Pons-Flosse n'était pas arrivée au pouvoir en 1986 — le massacre des 19 d'Ouvéa en 1988 n'est que la tragique conclusion de leurs mesures contre-révolutionnaires. Enfin, elle fut appliquée dans les quartiers populaires de France et des colonies départementalisées d’abord à l’encontre du soulèvement de 2005, puis en 2015-2017 lors de milliers de perquisitions et d’assignation à résidence sur la base hasardeuse de note blanches dans un déchaînement de violence policière, administrative et judiciaire islamophobe.

L'état d’urgence sanitaire, quant-à-lui, naît d’une situation au sein de laquelle l’action de l’état est non seulement nécessaire, elle requiert en effet également des capacités exceptionnelles. C’est d’ailleurs ce que propose l’une des mesures du projet de loi qui permettra de “procéder aux réquisitions de tout bien et services nécessaires afin de lutter contre la catastrophe sanitaire”. On se prend à rêver à un grand virage du macronisme! Réquisitions des logements de la spéculation immobilière infâme pour les personnes qui connaissent tout du confinement en temps soi-disant “normal”: celui de la rue ou bien celui des prisons ou centres de rétention. Réquisitions d’usines pour fabriquer masques et autres objets de protection pour cellleux que ce même gouvernement oblige à prendre le risque d'être celleux qui permettent aux autres d'être confiné.e.s.: caissier.e.s, ouvrier.e.s, éboueurs.es, livreur.ses, etc. Réquisitions des hôtels de luxe pour alléger la charge des hôpitaux en les transformant en centres de convalescence pour les personnes se remettant peu à peu des effets du virus… Difficile de croire cependant que ce sont là les réquisitions pensées par le gouvernement.

Pourquoi ce nom alors qui évoque la violence des grande contre-révolutions coloniales — au delà du manque d’imagination des technocrates énarques qui n’est plus à prouver? Il y a bien-sur les tentatives grotesques de Macron à se rêver en De Gaulle avec son histoire de “nous sommes en guerre”. De Gaulle, la contre-révolution, il connaît! Mais regardons le texte lui-même. L'état d’urgence sanitaire emprunte d’abord à son aîné colonial son mode de fonctionnement institutionnel: Le gouvernement peut le déclarer unilatéralement pendant 12 jours, au terme desquels il doit devenir une loi, c’est-à-dire être votée au parlement, afin de pouvoir continuer à être opérant. Il reprend ensuite la seule mesure majeure à ne pas avoir été transférée de l'état d’urgence à la loi du 30 octobre 2017 “renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme” (SILT) que le gouvernement Macron-Philippe avait passé comme une lettre à la poste — big up aux postier.e.s! — afin de terminer deux ans d'état d’urgence en inscrivant la grande majorité de ces mesures dans le droit commun. Cette mesure majeure est la possibilité d’instaurer des couvres-feux qui avait été utilisée de manière extrêmement ciblée à l’encontre des quartiers populaires lors du soulèvement de 2005. Nous avons pourtant vu durant les premiers jours de révoltes des Gilets jaunes réunionnais en novembre 2018 qu’un préfet n’avait aucun mal à déclarer un tel couvre-feu en utilisant le code général des collectivités territoriales, chose d’autant plus aisée qu’elle se produisait dans une colonie départementalisée comme la Réunion — mais le préfet en question est désormais préfet du Val-d’Oise et de ses nombreux quartiers populaires. C’est ainsi que l'état d’urgence permettra des “mesures générales limitant la liberté d’aller et venir [la définition légale du couvre-feu], la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion”.

On pourrait se dire “Après tout, pourquoi pas?”; le confinement semble être la stratégie la plus efficace pour affronter cette pandémie et il semble normal que le gouvernement puisse demander à chaque personne qui le puisse de rester chez elle. Néanmoins, il ne vous a peut-être pas échappé que c’est d’ores et déjà ce qui a été fait dimanche dernier durant l’allocation télévisuelle de Macron transformée en un décret (décret du 16 mars 2020). La différence se trouve principalement dans les moyens pouvant être pris afin de punir les personnes ne respectant pas les limitations de déplacement et augmentant le risque de contagion. Néanmoins, la dimension punitive d’une action gouvernementale implique toujours la même chose: l’augmentation du degré discrétionnaire de la police et de ses dirigeant.e.s. Ce degré discrétionnaire est mû à la fois par le positionnement politique et autres biais de chaque policier.e.s, ainsi que par les structures racistes et classistes de l’état français. Cette semaine nous l’a rappelé: d’un côté nous avons pu observer à quel point l’une des caractéristiques de la bourgeoisie (classe de laquelle je suis moi-même issu par ailleurs) correspond à l'idée profondément ancrée que les lois, ou du moins la pleine étendue des lois, ne la concerne pas. C’est ce qu’on a vu lorsque Paris s’est vidée de sa bourgeoisie (comme en mars 1871!) ce weekend et lundi alors qu’une telle fuite comportait nécessairement un risque de propagation du virus à plus grande échelle encore. Il est vrai que le décret n'était alors pas encore entré en action, mais chaque personne ayant fuit la ville l’a fait en sachant pertinemment qu’elle mettait potentiellement en danger de nombreuses autres qu’elle-même. A l'opposé, nous avons pu voir des scènes dignes d’une reconstitution de l’histoire coloniale (mais bien-sûr, c’est le cas de la majorité des interactions policières avec les habitant.e.s racisé.e.s des quartiers populaires) dans le quartier de la Goutte d’or à Paris: mépris verbal, cris, humiliations et arrestations d’une très grande violence. Nul doute que ces scènes ont eu lieu dans de nombreuses autres villes de France ces derniers jours.

En définitive, il faut reconnaître que le projet de loi pour la création d’un état d’urgence sanitaire ne permet pas encore de se rendre compte de sa violence potentielle puisque celui-ci permet surtout au Premier ministre de prendre des décrets dont le contenu sera celui qui nécessitera toute notre vigilance — à cet égard, l’état d’urgence sanitaire fonctionne davantage comme les pouvoirs spéciaux durant la contre-révolution en Algérie que comme l'état d’urgence lui-même. Néanmoins, il ne fait nul doute que celleux qui seront visé.e.s par les mesures punitives de cette loi en dehors des mesures relatives aux réquisitions sont toujours les mêmes: celleux dont les parents ou grands parents ont subit la contre-révolution coloniale française qu'iels soient de la Caraïbe (Déc 59 en Martinique, Mé 67 en Guadeloupe, répression du mouvement autochtone et créole en Guyane), du Maghreb (contre-révolutions des années 1950), de l'Afrique subsaharienne (FrançAfrique, guerre économique contre la Guinée, contre-révolution au Cameroun...) de l'Océan Indien (occupation de Mayotte, répression du mouvement réunionnais), du Pacifique (états d'urgence en Kanaky, à Wallis-et-Futuna et à Tahiti) ou de l'Asie du Sud-Est (guerre coloniale en Indochine).

Les abolitionnistes du système pénal et carcéral nous l’ont appris: punir ne résout rien et, plus grave encore, les personnes qui en font le plus les frais sont presque toujours celles que les structures sociales, raciales et coloniales place d’ores et déjà dans un état de vulnérabilité quotidien. A défaut que les gouvernements inventent des mesures d’information (saluons l’initiative de Santé publique France d’avoir traduit les mesures sanitaires en 22 langues par exemple), de prévention, de responsabilisation et de solidarité afin de faire en sorte que la stratégie engagée soit efficace, c’est à nous de les inventer à un niveau communautaire que ca soit a l’échelle d’un immeuble, d’un quartier ou bien d’une ville entière. Le monde qu’iels veulent à nouveau imposer est le leur, toujours plus décomplexé dans sa violence. Tâchons d’en inventer d’autres au sein desquels créativité, solidarité et bienveillance sont la source de toute interaction.

Léopold Lambert est architecte de formation, chercheur indépendant et le rédacteur-en-chef du magazine anglophone The Funambulist qui tente de formuler des perspectives spatiales autour des luttes.

Source du projet de loi: https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/document-etat-d-urgence-sanitaire-libertes-individuelles-municipales-ce-que


Nous ne sommes pas en guerre

NOUS NE SOMMES PAS EN GUERRE, par Sophie Mainguy, médecin urgentiste

NOUS NE SOMMES PAS EN GUERRE
et n'avons pas à l'être...
Par Sophie Mainguy, médecin urgentiste.

Il est intéressant de constater combien nous ne savons envisager chaque événement qu’à travers un prisme de défense et de domination.
Les mesures décrétées hier soir par notre gouvernement sont, depuis ma sensibilité de médecin, tout à fait adaptées. En revanche, l’effet d’annonce qui l’a accompagné l’est beaucoup moins.
Nous ne sommes pas en guerre et n’avons pas à l'être.
Il n'y a pas besoin d’une idée systématique de lutte pour être performant.
L’ambition ferme d’un service à la vie suffit.
Il n’y a pas d’ennemi.
Il y a un autre organisme vivant en plein flux migratoire et nous devons nous arrêter afin que nos courants respectifs ne s'entrechoquent pas trop.
Nous sommes au passage piéton et le feu est rouge pour nous.
Bien sûr il y aura, à l’échelle de nos milliards d’humains, des traversées en dehors des clous et des accidents qui seront douloureux.
Ils le sont toujours.
Il faut s’y préparer.
Mais il n’y a pas de guerre.
Les formes de vie qui ne servent pas nos intérêts (et qui peut le dire ?) ne sont pas nos ennemis.
Il s’agit d’une énième occasion de réaliser que l’humain n’est pas la seule force de cette planète et qu’il doit - ô combien- parfois faire de la place aux autres.
Il n’y a aucun intérêt à le vivre sur un mode conflictuel ou concurrentiel.
Notre corps et notre immunité aiment la vérité et la PAIX.
Nous ne sommes pas en guerre et nous n’avons pas à l’être pour être efficaces.
Nous ne sommes pas mobilisés par les armes mais par l'Intelligence du vivant qui nous contraint à la pause.
Exceptionnellement nous sommes obligés de nous pousser de coté, de laisser la place.
Ce n’est pas une guerre, c’est une éducation, celle de l’humilité, de l’interrelation et de la solidarité.

Sophie Mainguy, médecin urgentiste


Foodtech : « On est en guerre ou on bouffe des burgers ? »

La situation des livreurs de repas à domicile est alarmante. Pendant que les cadres des plateformes comme Uber Eats, Deliveroo ou Frichti sont confinés au chaud, des milliers de coursiers n’ont d’autres choix que de s’exposer au virus et potentiellement le transmettre pour pouvoir payer leurs loyers et remplir leurs frigos. Un mépris de classe hallucinant pour la flotte des livreurs déjà sur-précarisés qui n’ont aujourd’hui qu’une interrogation : jusqu’à quand ?

Depuis ce mardi 17 mars à midi, un confinement strict a été demandé à tous les français pour lutter contre la propagation du virus. Quoi de mieux qu’un livreur pour vous apporter le COVID-19 jusqu’à votre salon. En plus d’être considérés comme des pestiférés, les coursiers encore en activité vivent avec la peur d’être infectés. Wyssem, livreur parisien ne cache pas sa colère : « On est vraiment pas respectés, pas considérés, ils nous traitent vraiment comme des esclaves, il y a rien d’humain ! ».

Pour sauver le chiffre d’affaire des plateformes, le gouvernement, qui ne cache plus son soutien à ces multinationales qui piétinent le droit du travail sans vergogne, a diffusé dimanche 15 mars un « guide des précautions sanitaires à respecter dans le cadre de la livraison de repas à domicile ». Celui-ci recommandant la livraison sans contact selon laquelle le livreur sonne chez le client avec ses gants, désinfecte le sac, l’ouvre, recule de deux mètres pendant que le client se sert, puis part.
Une façon de continuer à « fournir le meilleur service en cette période », d’après les mots de Louis Lepioufle, porte-parole de Deliveroo France. Pour Uber Eats : « la sécurité de tous les utilisateurs est notre priorité et nous sommes résolus à mettre en œuvre toutes les recommandations du gouvernement afin de limiter la propagation de l’épidémie. » Bla-bla-bla.

Pour Damien, secrétaire général du SCALA (Syndicat des Coursiers Autonomes de Loire-Atlantique), c’est du flan : « Même si on applique la livraison sans contact, le sac est touché par tous les restaurateurs, tous les clients, on a pas le matériel pour désinfecter et on a pas le temps. (…) C’est n’importe quoi, sur une semaine à temps plein on croise environ 200 personnes. ». Clément, coursier et membre de la CGT des coursiers à vélo de la Gironde, est tout aussi inquiet : « On va devoir se sacrifier ».

Si les coursiers étaient réquisitionnés en urgence pour transmettre des dons de sang aux hôpitaux, ces mesures auraient pu être entendues, mais on parle ici de livraison de pizzas et de Big Mac, c’est absurde, « On est en guerre ou on bouffe des burgers ? ». Jérôme Pimot, co-fondateur du CLAP (Collectif des Livreurs Autonomes Parisiens), fustigent les responsables des plateformes tout comme le gouvernement : « ce guide des bonnes conduites ne sert qu’à viabiliser la continuité des plateformes de façon à ce que les coursiers bossent sans qu’on ait besoin de les indemniser ».

De plus, le chiffre d’affaire des coursiers baisse énormément dû à la fermeture des restaurants. Quelques jours après la première décision de confinement samedi 14 mars à minuit, beaucoup de restaurateurs avaient pris la décision de rester ouverts uniquement à la livraison, avec comme objectif de ne pas gâcher leurs stocks. Mais aujourd’hui « Si tu te connectes sur Deliveroo, il y quelques kebab et les macdos, et c’est tout », d’après Damien. Wyssem est également outré : « Hier, j’ai travaillé 2h, j’ai fait 13€ brut. On bosse pour 4€ net de l’heure en ce moment, comment je vais payer mon loyer ? »
*

A Nantes, lundi soir, une dizaine de livreurs patientaient devant le Macdonald’s de la place du Commerce en espérant voir leurs téléphones sonner. Même situation devant le kebab Le Mistral où le restaurateur, solidaire des coursiers, se désole de voir une situation si chaotique.

Damien a donc choisi d’arrêter de livrer même si les conséquences sont lourdes : zéro revenu, aucune compensation, il s’appuie financièrement sur son entourage pour ces quelques semaines sans rémunération. Mais d’autres n’auront pas le choix. Ce n’est plus une surprise, la flotte des livreurs n’est plus composée que d’étudiants de passages, on parle aujourd’hui de personnes noyés dans une grande précarité ou de travailleurs sans-papiers pour qui une journée sans livrer coûte cher. « On n’a pas le choix » conclue Wissem.

Les revendications sont claires pour Jérôme : « On veut que les plateformes arrêtent les livraisons et que les coursiers soient indemnisés », comme n’importe quel salarié ou indépendant. Et tant que les plateformes enverront au charbon tous les travailleurs précaires qui n’ont pas d’alternative ni filet de sécurité, aucun ne pourra prétendre à une compensation financière, stopper l’activité est une urgence absolue.