Macron, start-up fasciste

Les mots sont importants. Dans une période où les termes sont dévoyés, où plus rien ne semble vrai ou faux, il nous est toujours apparu important de tenter de laisser chaque mot à sa place et de les utiliser avec la plus grande attention. Aussi, alors qu'Emmanuel Macron arrive à la moitié de son mandat de Président, il nous apparaît crucial de nommer avec précision le régime actuellement en place et qui pourrait influer pour de nombreuses années sur l'avenir de notre société.

Dans une période où les USA sont dirigés par Trump, le Brésil par Bolsonaro et le Royaume-Uni par Boris Johnson, on pourrait s'estimer "heureux" d'avoir comme chef d'Etat une personne comme Macron, celui-ci pouvant apparaitre comme moderne et mesuré face aux caricatures précédemment citées  .

Mais c'est en cela qu'il est si dangereux. Car oui, depuis deux ans et demi, Macron mène une politique ultra-autoritaire : opposants politiques mutilés, tués ou emprisonnés, journalistes et observateurs des droits de l'Homme agressés et persécutés juridiquement, lycéens humiliés, installation de milices ultra violentes et sans compte à rendre. De semaine en semaine, la France plonge, sans même s'en offusquer, dans un état autoritaire. Plus personne ne s'étonne de voir des centaines de policiers équipés d'armes de guerre dans les rues de nos villes. La norme est désormais placée du côté d'une vie régie par des cadres autoritaires.

Définition de l'autoritarisme ? Système politique où l'autorité est érigée en valeur suprême.  Un régime politique autoritaire est celui qui par divers moyens (propagande, encadrement de la population, répression) cherche la soumission et l'obéissance des individus composant  la société.

Comment ne pas considérer la France comme répondant parfaitement à ces termes ? Désormais, le préfet de Paris parle d'être dans un camp, et assume que son parti est celui de l'ordre. Le bruit des bottes est déjà derrière nous.

Dans plusieurs décennies, on regardera notre période en se disant qu'en quelques mois, les citoyens français ont vu leur liberté se réduire, avec le silence complice du plus grand nombre des secteurs qui auraient pu s'y opposer (politiques, associatifs, médiatiques...). Une période où il aura été accepté que des personnes soient arrêtées pour simple port d'un gilet jaune. Où des milliers de citoyens se sont vus privés de leur droit de manifester. Ou une personne en fauteuil roulant s'est vue condamnée à de la prison parce que présente en manif avec une arme (son fauteuil). Où deux jeunes allemands ont été emprisonnés pour possession de livres jugés "trop radicaux" (mais pourtant en vente libre).

C'est également ce moment de l'histoire où la force aura tué, de Steve à Zineb en passant par Aboubacar. Et ce, sans jamais être inquiétée puisque faisant partie d'une stratégie claire de l'état. Il n'y a pas eu de bavure pour toutes ces victimes. Elles étaient nécessaires pour le pouvoir.

Alors oui, depuis plusieurs mois, nous utilisons le terme d'autoritarisme pour parler du système politique français de 2019. Il ne s'agit pas de totalitarisme puisque la pluralité de partis et de syndicats est toujours présente. Mais il s'agit bien d'autoritarisme. Et c'est déjà énorme, et trop pour être compatible avec la démocratie. Pire. Nous estimons aujourd'hui que le pouvoir actuel prend la direction d'un post fascisme, celui d'un système économique ultra libéral qui use de tous les coups possibles pour se maintenir.

Le pouvoir actuel est tolérant, ouvert et moderne... tant qu'il n'est pas remis en cause. En cela, il rappelle certains dictateurs récemment tombés lors des révolutions arabes. En Tunisie, tant qu'on ne remettait pas en cause Ben Ali, tout semblait aller très bien. Mais on ne peut être libre partiellement. On est libre. Ou on ne l'est pas. Et les "démocraties" actuelles nous disent ceci : "vous êtes libres, tant que vous ne remettez pas en cause le système".

En France, l'inattendu mouvement des Gilets Jaunes a permis de révéler le véritable visage du pouvoir. Si sa violence s'était déjà manifestée lors des mouvements contre la Loi Travail, avec déjà des milices hors de tout contrôle (Benalla power), tout a éclaté au grand jour et de façon évidente avec le mouvement GJ. Jamais depuis 60 ans la France n'avait connu une telle régression autoritaire.Les opposants politiques de 2020 se savent traqués , virtuellement et sur le terrain. Des centaines de citoyens sont derrière les barreaux pour simple participation à des mouvements sociaux. D'autres ont perdu un œil, une main ou une jambe. Les chiffres ressemblent à ceux d'une guerre civile. Parce que le pouvoir en a voulu ainsi.

Peut-on malgré tout parler de fascisme en France ? Le fascisme "originel" se définissait, selon la propre formule de Mussolini par : « Tout dans l'État, rien hors de l'État, rien contre l'État ! »  L’État est ainsi érigé comme la structure ultime à protéger, bien plus que la démocratie, ou, hérésie, l'humanisme, l'égalité, la fraternité.  A l'époque, le fascisme se définissait comme une réaction aux valeurs de l'humanisme démocratique du siècle des Lumières et rejetait les droits de l'homme, le communisme, l'anarchisme, les libertés individuelles et le libéralisme.

Évidemment que le pouvoir actuel en France est très éloigné de ce qu'a pu mettre en œuvre Mussolini. Mais il révèle de plus en plus une couleur objectivement fasciste dans sa criminalisation de tous ses opposants, dans sa volonté de contrôle absolu de la vie des citoyens, dans la terreur quotidienne imposée, dans sa volonté de faire de l'état une structure au-dessus de la justice, au-dessus de tout contrôle, ayant tous les droits.

Si on enlève le décorum de la Ve république, les belles images d'un gouvernement moderne, jeune et à l'écoute, si l'on regarde les faits, les chiffres (d'arrestations, de blessés, de morts) la France n'a plus grand chose d'une démocratie. Si ce n'est ses élections (où gagne celui ou celle qui a le plus d'argent et de médias dans sa poche). Car la démocratie, ce n'est pas pouvoir voter tous les cinq ans.

Définition de la démocratie ? Prenons trois définitions :

Selon Paul Ricoeur : « une société qui se reconnaît divisée, c'est-à-dire traversée par des contradictions d'intérêt et qui se fixe comme modalité, d'associer à parts égales, chaque citoyen dans l'expression de ces contradictions, l'analyse de ces contradictions et la mise en délibération de ces contradictions, en vue d'arriver à un arbitrage ». La France n'y est clairement pas.

Selon Alexis de Tocqueville, la démocratie est un Etat social dans lequel les citoyens sont égaux : l'égalité devant la loi, l'égalité des chances, l'égalité de considération.

Selon Montesquieu, la démocratie est un système politique basé sur la vertu et dans lequel le peuple est sujet et souverain. Tous les citoyens sont égaux et leurs représentants sont choisis par tirage au sort.

Clairement, sur aucune de ces définitions, la France ne peut se prétendre aujourd'hui une démocratie.

Alors oui, les mots sont importants. Très importants. Et c'est pour ça que nous affirmons qu'il n'est plus possible de parler d'un état démocratique en France. Et qu'il est désormais essentiel de l’appeler selon les termes qui conviennent : un état autoritaire, en voie de fascisation.

Dire cela n'est pas une posture provocatrice ou militante mais l'unique possibilité pour celles et ceux qui respectent vraiment la démocratie et qui se battent pour elle. Dire cela, c'est aussi prendre acte de la situation et en tirer les conséquences dans nos vies quotidiennes. On ne vit pas pareil si on se sait dans un état fasciste. On résiste différemment. On fait des choix différents. Et c'est pour cela qu'il est important de ne plus laisser passer l'imposture du voile médiatique d'une démocratie en France.

Ce fascisme particulier qui nous pend au nez, dont on ne sait pas si on est déjà dedans ou non, c'est aussi celui qui s'organise autour des "innovations" technologiques. Après l'arsenal de lois "renseignement" et antiterroristes de ces dernières années, la France se situe clairement à la pointe des pays dits démocratiques par ses moyens juridiques et policiers de surveillance et de contrôle de sa population civile. Loin de questionner cette singularité et d'en évaluer les risques en termes d'atteintes aux libertés publiques, et sous l'impulsion des acteurs économiques du secteur, ce gouvernement semble lancé, sans aucun débat public sérieux, dans une course aveugle au déploiement de technologies de surveillance de masse.

On constate par exemple aujourd'hui la mise en place de nombreux dispositifs locaux de type "Smart City" : « Observatoire de la tranquillité publique » à Marseille, « Safe City » de Thalès à Nice et à La Défense, portiques de reconnaissance faciale dans deux lycées de la région Sud, vidéosurveillance intelligente à Toulouse, Valenciennes, dans les Yvelines ou dans les couloirs du métro à Paris, capteurs sonores à Saint-Etienne, déploiement de drones à Istres (cf. projet Technopolice). Derrière cette dénomination inoffensive de "Smart City" se cache en réalité le projet de mise sous surveillance totale de l’espace urbain à des fins policières.

Au niveau national, le Fisc peut désormais procéder à la captation et l'analyse de masse des données des réseaux sociaux. Et le gouvernement veut donner à la police l'accès à l'ensemble des données nominatives de voyage en train, avion ou bateau. Par ailleurs le projet Alicem poussé par le gouvernement constitue clairement la première pierre d'une identification administrative par reconnaissance faciale.

De manière insidieuse, des cadenas se verrouillent donc autour de nous.  Petit à petit, à coup de "il n'y a pas d'alternative", à coups de conflits d'intérêts privés, l'Etat, qui n'est plus qu'un gouvernement technique doté d'une police, nous amène dans une voie qui entrave nos libertés fondamentales en appelant ça le progrès. Mais ça n'est pas le progrès. La Chine et son effrayant système de "crédit social" sont là pour nous rappeler à quel point l'idée - qui nous est vendue par la start-up nation - que le progrès technologique serait nécessairement porteur de progrès social  constitue un leurre fécond d'une dystopie technologique de marché, une tyrannie de ceux qui détiennent les moyens de contrôle sur l'ensemble de la population.

Le pouvoir politique peut évidemment continuer d'arborer ses fétiches démocratiques - suffrage universel, pluralité des partis politiques, séparation des pouvoirs, laïcité - mais si l'état néolibéral moderne est, par certains côtés, très éloigné du fascisme historique du 20è siècle, il dispose de moyens de contrôle et de coercition arbitraires incomparables qu'il mobilise déjà contre ses opposants. Après deux ans et demi de pouvoir Macron, le fameux barrage du second tour de l'élection présidentielle apparaît de plus en plus comme un mariage.


18 janvier la France entière à Paris

NE PERDONS PLUS ! 18 janvier La France entière à Paris

NE PERDONS PLUS !

Le bilan est simple : nous régressons à tous les niveaux. Excepté en matière de surveillance et de répression policière. Mais sinon : la nature et les espèces meurent, les pollutions augmentent, l’espérance de vie a commencé à stagner, les services publics sont à genoux et les travailleurs du privé sont sur les rotules avec des jobs de plus en plus précaires et mal payés.

L’État dans tout ça n’est qu’un orchestre de techniciens hors sol au service de l’argent. Et à ce niveau de bureaucratie, il ne pourra jamais en être autrement.

Il est temps de ne plus perdre, ne plus accepter les régressions sociales qui vont avec leur lot de politiques autoritaires et discriminantes. Il est temps de se lever. Toutes et tous ! Citoyens français ou non, tout le monde est concerné, car cet ennemi qui nous fait la guerre, lui, n’a pas de frontière.

Le 18 janvier est un samedi. Cette date va de pair avec le jeudi 9 janvier. A la différence que tous les plus précaires qui n’auront pas pu faire grève pourront venir manifester. C’est l’occasion d’être massif dans la rue pour exprimer notre refus de la réforme des retraites et du monde de Macron.

La réforme des retraites devrait être présentée au conseil des ministres le 24 janvier. Faisons en sorte qu'elle ne le soit jamais et que tout comme ses scribes elle parte à la poubelle de l’Histoire.

Passez le mot. Le 18, la France entière à Paris !

Un événement a déjà été crée pour être diffuser massivement : https://www.facebook.com/events/3149928615034973/

Groupe de covoiturages solidaire : https://www.facebook.com/groups/377822533019608/

Signataires :

- Action Climat
- Article 35
- AG interpro d'Aubervilliers
- AG interpro St Denis 93
- AG des personnels du collège Marx Dormoy
- Bruno Gaccio
- Cabane Gilets Jaunes de Champigny
- Cemil Choses A Te Dire
- Cerveaux non Disponibles
- CGT Geodis Calberson filiale SNCF Île-de-France
- Collectif Act
- Collectif agents RATP l’union fait la force
- Combat Lyonnais
- Comité de Libération et d’Autonomie Queer (CLAQ)
- Cortège de tête
- Désobéissance Ecolo Paris
- Dijon DTR
- Eric Drouet
- Fac de philo en lutte - Lyon 3
- Femmes En Lutte 93
- Femmes Gilets Jaunes
- Femmes Gilets Jaunes Île-de-France
- Gilets Jaunes Argenteuil
- Gilets Jaunes Gennevilliers
- Gilets Jaunes Loiret 45
- Gilets Jaunes Lyon
- Gilets Jaunes Place des Fêtes
- Gilets Jaunes Poitiers
- Gilets Jaunes Réfractaires du 80
- Gilets Jaunes Rungis
- Gilets Jaunes de St Ouen
- Gilets Jaunes Toulouse
- Gilets Jaunes union Île-de-France (groupe)
- Gilets Verts
- Grève Jaunérale : Riposte Générale
- Journal l’Autre Quotidien
- Kurdistan au Féminin
- La France en colère (groupe)
- La France en Colère Carte de Rassemblement (groupe)
- Le Peuple Uni
- Le pouvoir du peuple 22 (groupe)
- Le printemps du changement
- Le Tour des Femmes
- Lille Insurgée
- Les AinDisponibles
- Les Jeunes Gilets Jaunes
- Lyon en lutte
- Lyon Insurrection Civile
- Lyon Rébellion
- Lyon Résistance
- Maison du peuple-Marseille
- Marseille en lutte
- Mouloud Sahraoui - Syndicaliste CGT Geodis
- Nantes Révoltée
- NnoMan
- Ossama
- Parisiens et Banlieusards Gilets Jaunes depuis 40 ans
- Paris 8 en Lutte
- Peuple Révolté
- Plateforme d’Enquêtes Militantes
- Priscillia Ludosky
- Rennes DTR
- Syndicat Sud CT Mairie de Saint-Denis
- Sud éducation 93
- Teleia Les Luttes
- Toulouse en action
- Toulouse en lutte
- Union Juive Française pour la paix (UJFP)
- Vieilles et Pas Sages
- Youth For Climate Lozère
- Youth For Climate Paris
- Youth For Climate France

Affiche à diffuser :

18 janvier la France entière à Paris


Légion d'honneur pour BlackRock !

Comme s'il fallait une preuve supplémentaire que ce gouvernement est aux ordres des milliardaires et des puissances financières !
Ce 1er janvier, Jean-François Cirelli, actuel dirigeant de BlackRock France, a été élevé par le premier ministre au rang d'officier de la Légion d'Honneur.

Blackrock, c'est le premier gestionnaire d’actifs au monde, il gère près de 7 000 milliards d’euros et finance la plupart des fonds de pension.
Un monstre bien plus puissant que de nombreux pays !

Et Blackrock serait l'un des grands gagnants de la réforme des retraites dont rêve Macron. Jean-François Cirelli a d'ailleurs rencontré plusieurs fois le président ces derniers mois pour discuter de cette réforme et pour faire un lobbying de moins en moins caché.

Certains députés s'en sont inquiétés et ont demandé au gouvernement une plus grande transparence dans leur liens avec ce monstre de la finance.

Mais quand Blackrock parle, les gouvernements suivent.

La loi Pacte, adoptée en avril 2019, était un des premiers requis pour les fondations de cette réforme, qui, quoi qu'en dise Macron, signe l'abandon du système par répartition, au profit de la capitalisation des retraites, système fortement prôné par Blackrock, puisqu'il lui permettrait de gérer ces milliards d'euros.

Nous produisons ici un extrait tiré du site de Blackrock.

"Elle ( la loi pacte) vise à combler les lacunes structurelles des régimes d'épargne retraite volontaire existants. Elle permet à l'épargnant : de bénéficier d'un allègement fiscal pour les cotisations versées en réduisant sa base imposable sur le revenu, d’accéder à son capital avant la retraite dans certains cas prédéfinis […], de transférer son patrimoine à une entité plus concurrentielle sans frais de transfert après cinq ans »

Ainsi, sur le même site, on retrouve, au calme, toutes les directives données au gouvernement pour réussir une belle réforme.

On citera pour anecdote, celui ci :
Dans les "Dispositifs indispensables pour réussir la réforme de l’épargne-retraite"...et une sous rubrique intitulée "Mesures complémentaires envisageables pour améliorer la qualité du dispositif et lui permettre de dépasser ses objectifs" on trouve notamment:
"Imposer à terme la mise en place des dispositifs d’épargne-retraite de type auto-enrolment (adhésion automatique)"...

En gros, aller au delà de l'objectif serait donc d'imposer aux français une adhésion à ces dispositifs, sans plus de possibilité de choix.

Fabuleux et tellement Orwellien!

On conçoit aisément que la loi Pacte ne fût donc qu'un début, et que cette réforme de retraites n'en est finalement que le carburant destiné à générer un maximum de profits, sachant qu'en France ou Blackrock est très bien implanté, le montant des profits ( 130 milliards d'euros en 2017, d'après Médiapart) reste largement insuffisant pour ce mastodonte.

Les accointances du monstre financier avec Emmanuel Macron, ne datent pas de peu, et en l'occurrence la bienveillante attention de Larry Fink, co-fondateur et président de BlackRock, envers le futur président français, était connue dès la campagne électorale de 2017.

Finalement cette promotion n'est pas une grosse surprise. Dans leur arrogance coutumière, les élites dirigeantes estiment qu'elles n'ont même plus à se cacher et pensent jouir d'une totale impunité.

2020 leur donnera raison... ou pas !


au delà des retraites

PRENDRE LE GOUVERNEMENT A CONTRE-PIED

Voici un texte reçu aujourd'hui qui questionne notre rapport à cette grève et à ses revendications

On aura été des milliers de personnes à manifester pour ne pas travaillez plus longtemps et pour une allocation retraite digne. Mais, quelle est cette frontière magique qui retient cette grève à mettre en discussion le temps de travail tout au long de la vie et le montant de l'allocation chômage ? Ne pas travaillez plus longtemps, n'est-ce pas aussi travaillez moins. Il serait donc utile de parler de la réduction du temps de travail et du partage du travail. Lutter pour une allocation de retraite digne, n'est-ce pas aussi lutter pour une allocation digne quand on ne travaille pas ? Pourquoi ne parle-t-on pas de l'allocation chômage, de minima sociaux, voir même d'un revenu minimum ?

Étrange frontière encore, entre la volonté de "ne pas travailler plus longtemps" et l'absence de la critique de la valeur travail. Quand des milliers de personnes luttent pour ne pas travailler plus longtemps, c'est donc que travailler, ce n'est peut-être pas si bien que ça, que le travail comme centralité se discute et que peut-être, il serait bon d'en parler. Étrange frontière aussi, entre la volonté de "ne pas travailler plus longtemps" et l'absence de critiques des formes que prend le travail.

Si beaucoup ne veulent pas travailler plus longtemps, n'est-ce pas aussi parce que leur travail n'a pas beaucoup de sens ou que la forme dans lequel il s'exerce - salariat, autoentrepreneur... - n'est peut-être pas très agréable, ou que leur travail est tout simplement pénible, nul, bête.

Bref, c'est assez étrange cette grève massive sur les retraites sans que partout ne se multiplient des meetings sur le travail et sa place dans nos vies. C'est aussi à ça qu'on mesure la richesse d'un mouvement dans sa capacité à faire avancer le dit "progrès social". En quoi les centrales syndicales sont-elles réellement débordées par la grève en cours ? En presque rien. Car rien ne vient dans ce mouvement déborder le mouvement - non pas seulement au niveau des actions - mais au niveau des énoncés. Et ce faisant la maîtrise reste toujours du côté du gouvernement. C'est lui, qui continue d'imposer les sujets, les énoncés. Et notre imaginaire n'aura pas beaucoup bougé. Et on aura sans doute gagner à travailler moins longtemps mais on travaillera toujours davantage, et ainsi, ce qui aura été gagné là, aura immédiatement été perdu ailleurs.

Alors, toi qui dépend financièrement d'une allocation chômage ou du RSA, toi qui ne veux pas construire ta vie autour de ton travail, toi qui envisage la richesse autrement qu'en monnaie... Rejoins la grève et fais ce lien entre le montant des retraites et le montant des allocations chômage, des minima sociaux. Toi qui est en surcharge de travail, rejoins la grève et fais ce lien entre travailler moins longtemps et travailler moins. Réduire le temps de travail, augmenter les allocations, questionner le travail, questionner le revenu en dehors du travail, c'est le sujet de cette grève.

Prendre le gouvernement à contre pied, sur l'une de ces réformes, c'est l'enjeu d'une lutte. Politiser la retraite c'est déborder les centrales syndicales et se ré-approprier la grève et la lutte sociale. Et quand on aura fait le chemin qui va de la retraite à l'allocation chômage et de l'âge de la retraite à la réduction du temps de travail et qu'on sera tout aussi nombreux et peut-être même plus, alors le caractère plan plan des manifs sera bien secondaire, au regard de ce qu'on aura réussi à énoncer collectivement et à hisser à l'ordre du jour.

Gagner, c'est faire la connexion entre la retraite et le chômage. Gagner, c'est faire la connexion entre travailler moins longtemps et travaillez moins tout court. Gagner, c'est connecter ce qui est tenu séparé. C'est conquérir des droits.


réaction en chaine

LA RÉACTION EN CHAINE

Un petit cours de physique nucléaire ne nous fera pas de mal pour la manif nationale de demain. Le texte qui suit a été glané sur les internets et répond à l’étouffement que connait chaque manif qui s’engouffre dans le dispositif sur-armé de la police et qui transforme chaque manifestant en chiffre, à l’instar de ce qu’on connait déjà dans notre quotidien : 

"Plusieurs manifs à 200 dans une ville c'est mieux qu'une seule manif à plusieurs milliers."

Il est urgent de changer de stratégie si nous voulons gagner cette lutte :

Plusieurs manifs à 200 c'est une désorganisation du dispositif policier, une capacité de mouvement retrouvée et une autonomie plus grande dans l'action. Et c'est dans le désordre qu'une lutte se gagne. Alors plusieurs cortèges avec différents points de départs pourraient ne jamais rejoindre le cortège principal.

Le désordre c'est joyeux. Et ce n'est pas nécessairement briser des glaces, ou brûler des poubelles, c'est aussi : (EDIT : La nous pensons qu’il s’agit d’un fin stratagème pour palier la censure, mais la liste est bien plus infinie et croustillante en vrai ;) )

- jouer à 1.2.3 soleil à un feu rouge
- jouer à la marelle sur un passage piéton
- s'assoir à un carrefour
- aller faire coucou à ceux qui prennent le trains
- prendre la ligne 14 ou la ligne 1
- débrayer les facs
- chanter sous les balcons
- aller saluer les partis politiques
- faire du lèche-vitrine aux grands magasins
- pique-niquer sur la voie de bus

La manif est une action et pas une opération de communication. Cela ne sert à rien de se plaindre des centrales syndicales et ensuite aller s'agglutiner dans un même cortège, hyper-canalisé, qui a une capacité de perturbation très limité. Il ne faut pas confondre l'unité dans la grève avec l'unité du cortège.

Le matin il y a plusieurs départs de cortèges, qui tous convergent vers la manif principale, pour ensuite s'y trouver bloqués et c'est l'erreur. S'il n'y a pas assez de monde pour un cortège unitaire, réellement efficace, il y a assez de monde pour plusieurs cortèges. A paris, par exemple, jeudi dernier, 800 personnes ont marché de Mairie de Montreuil à Gare de l'est, ils auraient pu continuer leur trajectoire et ne pas rejoindre le cortège principal où ils se sont retrouvés bloqués.

réaction en chaine


manifestation 17 décembre grève générale contre la réforme des retraites et son monde

Ni derrière ni devant, au milieu

Et si la meilleure tactique qu’on pouvait apporter à la manif nationale de mardi c’était de n’être ni devant ni derrière, mais au milieu. Toutes et tous dans le même bateau. Faire bloc commun plutôt que cortège de tête, pour que puissent jaillir toutes les potentialités. Voici une contribution qu’on publie volontiers, un appel à renouveler la configuration des manifs et qui sait, permettrait de créer la surprise qui saura faire reculer l’Etat sur sa réforme phare tous ensemble, d’un même pas, d’un même bloc.

Ni derrière ni devant, au milieu

Dans l’histoire des manifs, les plus radicaux étaient normalement relégués en queue de cortège. Depuis 2016, en France, lassés de suivre des ballons-rond-ronron, des travailleurs, des précaires, des chômeurs, des étudiants ont inventé le cortège de tête. A savoir, casser les codes établis par les Centrales Syndicales et leurs services d’ordre, rompre avec le rituel des manifs encadrées, gnangnan et aux slogans surannés.

Cette idée, cette dynamique collective a eu de l’effet et s’est démontrée gagnante au printemps 2016, comme elle a connu quelques succès dans certains moments de lutte dans les années suivantes. Mais elle a aussi montré ses limites : face à un cortège de tête déterminé, l’Etat déploie désormais un arsenal répressif absolument démesuré, impossible à contrecarrer dans un face-à-face ou un côte-à-côte. Surtout sur des avenues vidées de voitures et de passants, les commerces fermés, laissant face à face dans ce désert urbain policiers et manifestants.

Alors, que faire ? Dans l’histoire des mouvements populaires insurrectionnels, il apparaît que ce sont les masses qui font l’histoire. Les personnes qui prennent conscience des grands enjeux de société, qui s’organisent entre eux, qui prônent et mènent le combat ne peuvent pas gagner sans un soutien massif de la population, y compris dans la rue.

Ni derrière ni devant, au milieu, fondus parmi les masses. Politiquement, stratégiquement, pratiquement. Depuis 2016 en France, c’est quand des masses, des foules, des milliers et des milliers de grévistes et de manifestants se sont exprimés pour dire leur ras-le-bol de cette société classiste, sexiste, raciste, que le Pouvoir a vacillé. C’est quand des milliers et des milliers de personnes n’ont pas reculé devant les CRS au printemps 2016 contre la réforme du droit des travailleurs que le Pouvoir a pris peur. C’est quand des milliers de Gilets Jaunes ont envahi les Champs Elysées et les beaux-quartiers en décembre 2018, parmi les bourgeois résidants et les touristes ahuris, que le Pouvoir a paniqué. C’est quand des milliers et des milliers de Gilets Jaunes, le 16 mars 2019, ont fait bouclier face aux CRS pour les empêcher d’attraper les « casseurs » que le Peuple a triomphé. Aussi, c’est quand des perturbateurs se sont fondus dans la foule des Halles, le 16 novembre et le 7 décembre 2019 derniers, que le dispositif policier a été dépassé (mais pas le jeudi 12 décembre, téléphoné).

La surprise. Quand les révolutionnaires arrivent à niquer le Pouvoir, c’est quand les salopards n’ont pas vu venir précisément. Un constat et peut-être une règle de comportement : se fondre dans la masse, agir avec les masses. De toute façon, ce sont les ouvriers de la RATP, de la SNCF, des transports, des raffineries, des hôpitaux, des plateformes de distribution, et tous les précaires, étudiants et chômeurs qui peuvent faire plier ce Gouvernement et abattre le système capitaliste et inhumain que nous subissons. Comme avec le mouvement des Gilets Jaunes, il faut être dedans, intérieur au mouvement, au milieu des manifestants.

Le mardi 17 décembre, comme depuis le 5 décembre et la grève illimitée déclenchée par les ouvriers RATP, SNCF, Education Nationale et autres travailleuses et travailleurs en lutte, ce n’est pas seulement pour défendre un régime de retraite juste et digne qu’il s’agit de lutter, mais pour un autre système social, d’autres temps et formes de vie désirables.

Soyons parmi nos collègues, nos amis, nos camarades, pour revendiquer « un monde meilleur pour l’honneur des travailleurs ». Et si des groupes plus déter que d’autres feront de l’autodéfense anticapitaliste et antiautoritaire, le Peuple pourra les protéger.

Venez comme vous êtes, en jaune, en rouge, en mauve, en noir ou en vert. Des slogans, des regards, des sifflotements, des connaissances nous rassembleront.

Un grève qui rêve déjà grave de son Noël...

Sur Paris le rdv est donné mardi à 11H30 à République, départ 13H30


Mouvement lycéen dans le Nord : imprévisible et déterminé ! via Lille Insurgée

La métropole Lilloise connait un important mouvement lycéen depuis deux semaines.

Contre Parcoursup, la réforme du baccalauréat, la réforme des retraites, la précarité étudiante, ainsi que le désastre environnemental actuel et à venir : tous les jours, plusieurs lycées de la métropole sont bloqués. Mardi dernier, on comptait au moins 13 établissements mobilisés. Tout comme ce jeudi 12 décembre. Des centaines de lycéen-ne-s se réunissent dans le centre-ville et manifestent spontanément, massivement et sauvagement. À Roubaix, Tourcoing, Marcq-en-Baroeul, Villeneuve d'Ascq, La Madeleine, Lambersart, Lille, les lycées se soulèvent. Chaque matin, vers 7h, les lycéen-ne-s se retrouvent devant leurs bahuts pour bloquer afin d'empêcher la tenue des cours, libérer du temps et manifester.

🔸FAIRE CORPS : L'ESSENCE DU MOUVEMENT 🔸

Ce mouvement s'est rapidement amplifié. En deux semaines, on est passé de 3 lycées mobilisés à 13. De quelques dizaines de lycéen-ne-s mobilisé.e.s à plus d'un millier. Il s'organise rapidement, et multiplient les initiatives. Ce mouvement s'est amplifié car les revendications qu'il porte font écho à une réalité partagée par chacun.e de celles et ceux qui le font vivre. Cette société tue, des lycéen-ne-s sont tués ou tentent de se suicider.

Hier, un jeune sautait du 2eme étage de son lycée dans un élan de désespoir, éminemment politique. Le gouvernement refuse d'admettre cette réalité terrifiante qui pourrait soulever l'ensemble d'une génération délaissée, méprisée, dont la puissance pourrait se révéler indomptable.

Parcoursup est un processus de sélection infâme qui montre sa cruauté depuis 2 ans. Il en est de même pour la réforme du bac encore en cours d'application. Le désastre environnemental qui vient ne laisse aucune perspective d'avenir viable à une génération qui devra composer avec un monde de moins en moins vivable dont les seules responsables sont les riches capitalistes et les dirigeant.e.s autoritaires. La répression policière s'intensifie et tout.e.s les lycéen-ne-s se souviennent des images de Mantes-la-Jolie, il y a un an. Tout les lycéen-ne-s lillois.e.s se souviennent des violences policières au lycée Montebello ou lors des manifestations au Rectorat de décembre dernier.

🔸 RÉPRESSION POLICIÈRE 🔸

La police joue très vite le jeu de la provocation en réprimant salement et lâchement les lycéen-ne-s dès les premiers jours de blocages. Des dizaines de jeunes ont été interpellé.e.s sans motif légitime et placé.e.s en garde-à-vue.

La police vient, dès 7h du matin les premiers jours, empêcher les blocages. Comme à Queneau (Villeneuve d'Ascq) ou Montebello (Porte des Postes). La BAC vient jouer les gros bras pour faire peur à celles et ceux qui feraient ici leurs premières manifestations. Elle n'hésite pas à matraquer, gazer, interpeller. En bref, faire pleinement leur boulot de raclures.

La FCPE dénonce dans un communiqué l'usage disproportionné de la force. La police multiplie les provocations et les insultes, notamment "homophobes et à caractère sexuels". Elle interpelle violemment les lycéen-ne-s. Plusieurs ont été passé à tabac.

🔸 RIPOSTE IMMÉDIATE 🔸

Mais les lycéen-ne-s ne se laissent pas faire. Loin de là.

Dès les premières photos et vidéos montrant la répression, les jeunes ont commencé à s'organiser. Et pas qu'un peu.

Sur certains réseaux, les appels à bloquer se multiplient. Les jeunes se font tourner le mot. "Venez en noir, masque, lunettes de piscine. Ramenez tout ce que vous pouvez. On va pas se laisser faire comme l'année dernière."

La police gaze le premier jour, les lycéen-ne-s s'équipent de masques à gaz et de sérum physiologique le deuxième. La BAC tabasse et interpelle le troisième jour, les jeunes ripostent le quatrième.

Très vite, après les premiers contacts avec les forces de l'ordre, les premiers blocages et les premières nasses (qui ont parfois duré jusqu'à 1h30). Nous avons pu observer une solidarité très spontanée !

Alors que certain.e.s font reculer les forces de l'ordre, d'autres distribuent du sérum physiologique, de la nourriture, de l'eau. D'autres, encore, se chargent du dialogue avec les proviseur.e.s pour obtenir des assemblées générales ou autres permissions.

Nous avons également observé des profs sortir dans la rue et soutenir les lycéen-ne-s ou rédiger des courriers à l'administration afin de dénoncer le comportement de certain.e.s proviseur.e.s à l'égard du mouvement.

🔸 PANIQUE LA POLICE 🔸

Les blocages se transforment doucement en zone de maintien à distance des forces de l'ordre. C'est ainsi que les barricades enflammées se multiplient, comme ce vendredi matin au Lycée Gaston Bergé. Face à la répression, la riposte est incroyablement déterminée. C'est ainsi que les policiers essuient des tirs de projectiles, comme ce tir de mortier au lycée Valentine Labbé, ou comme ce projectile envoyé sur Papineau - le shérif de la ville. Deux établissements de la métropole ont décidé de fermer en fin de semaine. Ils rouvriront leurs portes lundi si la situation se calme. Nous en doutons fortement.

Les lycéen-ne-s s'organisent aussi pour ne pas se faire choper. Les caméras des établissements se font fracasser. Les jeunes se font tourner des mots. Sont particulièrement attentif-ve-s aux déplacements des flics, aux personnes qu'ils recherchent. La répression du mouvement ne passe pas et les lycéen-ne-s sont particulièrement vener. C'est ainsi que nous avons vu le "commissaire" Lejeune, se faire salement rembarrer par les lycéen-ne-s quand il leur a dit qu'ils n'avaient pas le droit de manifester - ce qui est faux.

 

Les manifestations sauvages mettent en déroute les forces de l'ordre, qui ont beaucoup plus de mal à gérer ces moments spontanés.Le mouvement lycéen en cours a beaucoup à apprendre aux autres mouvements. Sa spontanéité, sa détermination, l'organisation rapide, simple et efficace, sa capacité à riposter doit inspirer dans des pratiques que beaucoup sont de moins en moins habitué.e.s à employer. Pas besoin d'aller à Hong-Kong pour trouver des pratiques efficaces : il y en a en bas de chez nous.

Aujourd'hui les lycéen-ne-s sont capables de s'entraider dans des situations dangereuses imposées par l'Etat, destinées à mater toute forme d'expression qui ne va pas dans son sens, et la jeunesse résiste mieux que jamais. Et c'est pour une bonne raison, cette jeunesse n'a rien à perdre. Elle a tout à gagner. Elle ne désire désormais qu'une seule chose : le Monde.

Ou rien.

Comme ce jeune, arreté et matraqué à coté d'Euralille.

Vidéo d'une barricade enflammé au Blocus de Gaston Bergé le vendredi 13 décembre.

Tir de mortier (feu d'artifice) au lycée Valentine Labbé le 12 décembre.

Au Lycée Fenelon, une caméra est arraché le jeudi 12 décembre.

 


la révolte domestiquée ?

LA RÉVOLTE DOMESTIQUÉE ?

Mardi dans Paris, le mouvement social a connu une journée très étrange. Bien que plus faible que la journée historique du 05 décembre, la mobilisation était encore exceptionnellement forte (plus de 100 000 personnes dans la capitale). La détermination plus que jamais présente. L'espoir aussi. Un cortège de tête de plusieurs milliers de personnes. Et pourtant.... mardi, le pouvoir n'a pas tremblé. Il n'a même pas semblé sous pression. En témoigne la réponse d'Edouard Phillipe le lendemain, qui, non seulement confirme la réforme mais va même encore plus loin.

Mardi, pour la première fois, on a vu un black bloc de plusieurs centaines de manifestants marchant tranquillement de Montparnasse à Denfert en étant constamment entouré de policiers. Une nasse mobile. Si la tactique avait déjà été éprouvée sur la fin des manif contre la loi Travail en 2016, c'est la première fois qu'elle a été aussi imposante et qu'elle s'est passée sans la moindre contestation. Un an plus tôt, pour l'acte 3, les Gilets Jaunes étaient deux fois moins nombreux dans Paris (8 000 selon la préfecture mais probablement 30 à 40 000). Mais ce jour là, le gouvernement était en alerte maximale. Voire en panique.

On se rappelle que c'est entre autre le fait de n'avoir pas voulu se faire fouiller aux check points de la police qui avait permis de sortir du cadre prévu par la préfecture et de regrouper puis d'éparpiller ainsi plein de groupes révoltés dans les quartiers bourgeois.

Ce n'est pas tant le degré de violence qui interroge que le respect bien sage des règles édictées par le pouvoir pour exprimer sa contestation. Car ces règles sont évidemment faites pour que le pouvoir ne soit pas dérangé. Or, depuis plusieurs mois, l'envie est claire de déranger le système, de le faire dérailler, de le changer. De plus en plus de personnes se lèvent face à ce monde abject qui se construit pour le compte de quelques privilégiés au détriment des autres et de la planète.

Gj, écolos, étudiants et même syndicalistes : rarement il n'y avait eu en France et dans le monde autant d'appel à la rébellion. Difficile dans ce paysage là de comprendre l'apathie de la manif parisienne du 10 décembre.

Bien sûr, la répression ultra violente et aveugle du pouvoir peut être une des raisons. Bien sûr que le cordon de policiers qui entoure tout le cortège de tête a dû refroidir certains manifestants. Aussi, deux éléments clés ont fait récemment leur entrée du coté de la répression : La reconstitution des équipes de voltigeurs (appelés les bravm) qui avaient été dissouts après le meurtre de Malik Oussekine et la promulgation de la loi dite "anti-casseur" qui punit le simple fait d'avoir sur soi un masque de protection pour les gaz. D'un coté une tactique meurtrière offensive et de l'autre la soustraction des moyens de défense des manifestants face aux attaques de la police.

Il n’empêche : être des dizaines de milliers ensemble, dans la rue, et dans une colère commune, devrait donner la force de refuser d'être traités comme des moutons qu'on amène d'un point A à un point B. Laisser la police entourer et guider les manifestants, c'est leur accorder une ascendance sur nos vies et nos luttes.

Comment un cortège qui combat l'oppression et la répression policière peut se laisser guider par ces mêmes policiers qui ont autant mutilé, blessé et tué ?

On l'a encore vu mercredi avec les annonces d'Edouard Phillipe, ce pouvoir ne jure que par et pour les plus forts. Ils ne donnera rien au plus faible.

Ce que les plus faibles obtiendront, ce sera en le prenant et non en le réclamant gentiment. Au Chili ou à Hong Kong, les manifestants ne suivent pas les ordres de la police qui leur dirait quelle rue emprunter et à quel rythme marcher. Si nous laissons ces agressions permanentes faire loi et les bottes policières s'essuyer sur nos libertés fondamentales le futur sera terrible.

En tout cas, si cette pratique de la nasse mobile du cortège de tête persiste, c'est probablement la fin même du cortège de tête. Car mardi, il y avait souvent plus de vie et de joie à l'arrière du cortège de tête, voir même au début du cortège syndical, là où il n'y avait pas de policiers. Et c'est assez logique : comment être léger et joyeux quand on marche juste à côté de policiers ultra armés et menaçants. Ces mêmes policiers ayant blessés et mutilés des manifestants depuis des mois. On ne peut pas manifester dignement en étant en permanence menacé de leur LBD et lacrymo.

A travers ce constat, l'idée n'est pas d'inciter à la violence. Mais c'est un constat : ce cortège de tête était l'un des plus apathique et triste de l'histoire. Et la présence proche et intrusive de la police y est sans aucun doute pour beaucoup. La préfecture a été totalement satisfaite de cette journée du 10 décembre. Il y a donc fort à parier qu'elle reconduira cette technique. Manif après manif, le cortège de tête pourrait devenir de moins en moins un espace de liberté et d'expression, mais l'endroit où on marche entouré de policiers. Jusqu'à n'être plus assez massif pour exister.

Mardi, il y aurait pourtant eu des espaces d'expressions et de rebellions possibles pour empêcher cette marche mortifère : refuser d'avancer tant que la police ne se retire pas, ou encore entourer les policiers de manifestants les mains levés, comme l'ont fait les pompiers le 05 décembre, décider de repartir en sens inverse ou même refuser de rentrer dans le parcours et continuer à manifester par groupe tout autour... En bref, trouver un moyen de faire l'inverse de ce que le dispositif attendait des manifestants.

Qu'on se le dise. Ce gouvernement n'est pas impressionné par les manifestations de masse. Il peut très bien attendre qu'elles se tassent, que les gens s'épuisent et qu'ils n'aient plus suffisamment d'argent pour continuer les jours de grève. Nous vivons un moment historique de convergence des ras le bol. Nous avons le nombre, nous tenons la grève, nous ne pouvons pas tout laisser filer dans le calme et l'apathie. Le moment est idéal pour libérer nos passions, pour faire exploser nos désirs qui sont jour après jour gommés par le mode de vie capitaliste. Réinventer ce monde ne se fera pas sans exulter, pas sans se laisser la place pour rêver et pas sans détruire le système garant de l'ordre bourgeois.

Nous entendions récemment un gréviste dire au secrétaire d’Etat aux Transports venu sur un piquet de grève : "Vous bossez pour le CAC 40, et ceux qui produisent les richesses vous les laissez crever". Sauf que si l'on continue de produire des richesses ainsi tels des machines, si nous continuons tranquillement à revendiquer des améliorations de travail ou de retraite, nous n'obtiendrons rien, car nous continueront à jouer à la table de ceux qui ont les cartes en mains. Afin de rebattre le jeu, nous devons avoir un coup d'avance, être là où on ne nous attend pas. Ce mouvement social doit dépasser la simple question de la sauvegarde du système de retraite. Honnêtement... Si nous sommes là c'est pour un tas de raisons, et la réforme n'est que la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Comme la taxe carburant en novembre dernier qui entraina le mouvement des gilets jaunes. Alors débordons, sinon nous coulerons.

"Il n'y aura pas de retour à la normale car la normalité était le problème". (Slogan vu au Chili, où la contestation sociale et la répression barbare a complétement changé les mentalités)


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Nous, lycéen.nes, étudiant.es, travailleur.se.s, précaires, chomeur.se.s, syndicalistes, Gilets Jaunes, médias indépendants et collectifs autonomes, écologistes, anti-racistes et queer appelons à nous coordonner et créer des espaces où faire circuler les informations, partager les initiatives, pouvoir se greffer les uns sur les propositions des autres en donnant lieu à des processus d'auto-organisation communs.

Après un an de soulèvement gilet jaune et en plein milieu du mouvement de grèves enclenché par les bases syndicales, nous avons l'intention de travailler en direction de la prolongation de la mobilisation en cours, de l'élargissement des fronts de lutte et de la diversification des formes d'action, en essayant de renforcer les liens déjà existants aujourd'hui dans la région parisienne et d'en constituer des nouveaux. Pour amplifier et intensifier la dynamique de lutte, cette démarche nous paraît fondamentale. Seulement ainsi nous pourrons imposer notre agenda et soutenir la reconduction de la grève et sa généralisation, contre la réforme des retraites et, plus largement, contre Macron et son monde.

C'est pourquoi, après l'occupation de Place de la République de la part des pompiers, l'action des Gilets Noirs hier après-midi contre Elior et la manifestation de ce matin des lycéen.ne.s qui ont marché sans préavis de Les Halles au Panthéon, nous appellons à rejoindre les rendez-vous suivants :

Les différentes assemblées générales de jeudi matin se tiendront sur les piquets de grève et dans les lieux de travail (gares etc.) ;
La manifestation de jeudi après-midi qui partira à 14h de Gare de l'Est ;
L'assemblée interpro et fronts de lutte de jeudi, 19h30 dans l'annexe de la Mairie du 14ème, 12 rue Pierre Castagnou (Denfert-Rochereau) ;
Coordination de grève vendredi, 15h, à la Bourse du Travail au 3, rue du Chateau d'Eau
l'Acte 56 des Gilets Jaunes de samedi 7 décembre
La manifestation des Mères de Mantes-la-Jolie, dimanche 8 décembre, 14h à Barbès.

Les expériences communes acquises depuis 2016 doivent se renforcer et s’amplifier.
Ne laissons pas passer cette occasion.
Nous pouvons gagner !


l'heure de nous memes a sonné

L'HEURE DE NOUS-MÊMES A SONNÉ

Un an après, on n’a pas oublié la violence d’Etat que se sont pris 151 jeunes mis à genoux, les mains sur la tête, dans une ambiance dictatoriale à Mantes la Jolie. Dimanche 8 aura lieu une manifestation d’autodéfense populaire à 14H à Barbès. Plus qu’un hommage, une réponse et un après !

Si pour la cheffe de l’IGPN il n’y a pas eu de comportement anormal de la police, pour nous c’est un scandale d’Etat de plus dans un régime qui s’effondre et ne tient plus que par sa police.

Alors qu’un autre mouvement lycéen et étudiant est en train de prendre et qu’on arrive en pleine grève, on est allé interviewer Yessa, une des mamans du Collectif de Défense des Jeunes du Mantois qui organise cette manifestation.

« L’heure de nous-mêmes a sonné ». Interview avec Yessa, une maman du Collectif de Défense des Jeunes du Mantois.


Raconte-nous cet appel pour le 8 décembre 14h à Barbès, comment vous l’avez organisé ?

On a longtemps hésité. On s’est dit : souvent quand il y a une grosse mobilisation autour des violences policières c’est quand il y a eu un mort. Nous ce qu’on dit c’est qu’on ne va pas attendre qu’il y ait un mort. On ne veut plus entrer en lutte uniquement quand il y a un drame. Il faut prévenir et se mobiliser contre toutes les injustices et contre toutes les violences, qu’elles soient systémique, qu’elles soient policières, les violences sociales aussi. Prenons ça tous ensemble à bras le corps. On n’attendra plus le prochain drame. Aujourd’hui les femmes dans le Collectif de Défense des Jeunes du Mantois, si elles ont la force de porter le combat c’est parce que leur enfant est toujours en vie et qu’elles savent les violences policières qu’ils subissent, elles avaient pour certaines déjà porté plainte contre des violences policières parce que leur gamin avait été tabassé dans le commissariat de Mantes la Jolie. Quand il y a un drame, quand les mères perdent la chair de leur chair souvent elles n’ont plus la force et c’est les frères ou les soeurs qui mènent le combat.

Ces mères elles ont encore la force parce que leur enfant est encore là. Elles ont encore l’instinct de protection et l’utilisent à ce moment là pour lutter. Qu’on nous fasse de la place !

Je le dis parce que c’est compliqué face à la machine étatique, le rapport de force il est dur. On le voit avec les gilets jaunes qui bataillent depuis plus d’un an. Avant ça il y a eu toutes les mobilisations, ça part de 1983, la marche pour l’égalité. Ensuite il y a eu toutes les marches à chaque fois qu’il y a eu un mort entre les mains de la police.
Les mouvements sociaux, les manifs loi travail, les luttes portées par l’antiracisme politique et le mouvement décolonial tout ça cumulé, on arrive à un moment ou là - je vais citer Césaire :

« l’heure de nous-mêmes a sonné » à tous. Le 5 c’est important d’être dans la rue. Parce que cette question des retraites nous touchent tous, habitants des quartiers, pas des quartiers, arabes, noirs, musulmans… Les retraites ce n’est que la partie visible de l’iceberg, mais ça va avec cette montée du tout sécuritaire.

Quelque chose doit se jouer au cœur de cet hiver. Il y a des rendez-vous à ne pas louper : celui du 5, mais aussi les mobilisations contre la précarité des étudiants, les mobilisations de sans papier, et lorsque nos migrants sont chassés aux frontières. Mais aussi lorsqu’une partie de la société civile fait corps avec le gouvernement pour asseoir une légitimité de classe contre les plus fragiles, il faut se mobiliser. Et là on ne pourra pas parler de lutte sociale en occultant l’antiracisme politique, parce que la précarité elle touche un bon nombre de français aujourd’hui, mais lorsqu’on cumule, qu’on est un jeune homme noir ou arabe et qu’on vit dans un quartier comme celui du Val Fourré, qu’on se mange les violences sociales et racistes… On parle même pas du racisme ordinaire, mais bien du racisme d’Etat qui permet ensuite à des chroniqueurs de tenir des propos violents à l’antenne. Comme se fut le cas de Zineb El Rhazoui qui a dit qu’il faudrait que la police tire à balle réelle sur les jeunes. Comment cela est permis ? Si on en arrive là, la responsabilité elle vient de là haut.
Notre ennemi à tous c’est l’Etat. On nous a reproché que notre appel était trop politique, et même que c’était bizarre que ça soit des mamans qui l’aient écrit. Donc le mépris il vient même d’ici, de certains milieux militants, sous prétexte qu’on est des mamans, on ne serait pas capable d’avoir un discours politique. Donc nous avons introduit volontairement notre appel par « nous sommes en guerre » et cette guerre que les différents prédécesseurs de Macron ont initiée, lui il la perpétue.

C'est une guerre intérieure, une guerre qui cache son nom derrière des lois liberticides, derrière des réformes assassinent…etc

On n’a pas vécu de guerre civile, mais on a vu des choses, on a lu et on voit ce qui se joue sur la scène internationale : au Chili, en Algérie, à Hong Kong. Tout ça est lié. Le fil rouge c’est l’impérialisme et le capitalisme. C'est ce rapport de domination du Nord sur le Sud. Cette volonté des puissants, des gouvernements et des institutions d’assoir leur pouvoir par la violence ne présage rien de bon pour nous tous. Donc nous ce qu’on dira le 8 décembre c’est que nous sommes en guerre contre tout cela. Mais nous disons surtout que nous voulons la paix ! Tout a été fait pour qu’on en soit là aujourd’hui. Cette conscience politique, nous la vivons au quotidien à différents moment : Premièrement, dans notre rapport aux institutions. Deuxièmement, quand nous retournons dans nos pays d’origine et que nous voyons les dégâts de l’impérialisme. Et troisièmement, au repas en famille quand il y a les grands pères qui nous parlent de ce qu’ils ont vécu pendant la guerre d’Algérie avec les pratiques policières. Aujourd’hui, qu’est ce qui a changé ? Il y a juste une transposition géographique. Mais les arabes et les noirs aujourd’hui sont traités de la même manière que leur aïeux. Rien a changé. Donc les différents champs qui composent la lutte aujourd’hui doivent prendre conscience qu’on ne peut pas lutter uniquement contre le capitalisme sans se soucier du racisme, c’est pareil pour les luttes contre l’impérialisme ou les luttes féministes. Prenons conscience de ça ensemble, on invite celles et ceux qui vont manifester le 5 à nous rejoindre le 8 décembre. L’année dernière quand il y avait les gilets jaunes et que les lycéens ont commencé à faire blocus ça a fait flipper l’Etat.

Les prochaines étapes c’est le 5, le 7 avec les gilets jaunes qui seront massivement présents dans les rues, et nous on a choisi le 8 pour permettre aux gilets jaunes de nous rejoindre.

Depuis un an, on s’est rapproché de différents collectifs en lutte. Ces convergences qui n’étaient pas d’actualité il y a un an, elles le sont plus que jamais aujourd’hui. Donc l’heure de nous-mêmes a sonné. A toutes et tous.


Est-ce que d’une certaine manière il ne faut pas « institutionnaliser » la défense populaire ?

Je dirais plutôt qu'il faut l'organiser, mais avec beaucoup de souplesse, car tout est muable et surtout les spécificités des uns et des autres sont multiples. Quand j’entends parlé de « méthode » de lutte à suivre dans le milieu militant ça me fait marrer. Dire cela c'est vouloir imposer une manière de faire et nous on est contre ça. On s'inspire des luttes passées certes mais on improvise surtout avec nos réalités.
Enfin on se dit qu’entrer dans la lutte politique c'est aussi faire de belles rencontres.

Au départ on pensait être isolées, et on s’est rendues compte que partout en France il y a des femmes qui sont entrées dans la lutte des mères de familles.

Il y a les femmes en luttes du 93, il y a le comité de vigilance des violences policières à Pantin, il y a les femmes de Villeneuve Saint Georges, les very bad mothers du coté de Nantes. Pour préparer le 8/12 nous avons pu compter sur la solidarité et le soutien actif du Collectif des mères solidaires co-fondé par Geneviève Bernanos. A l'internationale également des collectifs de mères et de femmes nous soutiennent, les Omas gegen Rechts qui nous rejoignent (les grands mères autrichiennes et allemandes opposées à l’extrême droite et la droitisation de la société), des mères italiennes qui vont venir de Turin, les Madres Contra la Represion, des femmes belges qui ont l’intention de venir. Il y a eu une manifestation de solidarité dès le départ lorsqu’on a lancé la marche au mois de septembre. Toutes ces alliances qu’on a faites depuis le 6 décembre dernier compte beaucoup.
Il y aura un après 8 décembre. Ça ne sera pas qu’un one shot. Là on a préparé des choses concrètes qu’on dira le 8 décembre parce qu’on a réfléchi à l’après.

Comment avez-vous réagi en apprenant ce qu’il s’était passé à Massy où des policiers ont tiré aux flashball sur des lycéens suite à un blocus ?

Quand on a vu la vidéo à Massy c’était fou. Ça s’est passé aussi à Toulouse et à Creil.

A partir du moment où on est capable de tirer à bout portant sur un gamin, il faut se dire que plus personne ne sera épargné.

C’est grave. Le 8 décembre ça sera ça aussi.
Quand on a un étudiant qui s'immole, épuisé par la précarité, quand un autre étudiant s’étouffe avec un sac plastique dans sa chambre de Crous et qu’il y a zéro réaction de la part du gouvernement. Ou quasi rien. Ils ne sont plus capable de regarder la population en face. Et ça c’est grave. Donc on va marcher le 8 décembre contre ça aussi. Mais aussi contre la répression qui s'abat contre les militants antifas, comme on a pu le voir dans le cas d'Antonin Bernanos, cet acharnement judiciaire dont il est victime est à dénoncer avec autant de ferveur que lorsqu’on lutte contre les violences étatiques plus visibles, la répression par l'enfermement est une violence. On pense aussi à Dan, cet étudiant italien, qui aujourd'hui est enfermé dans un CRA pour délit d'opinion, menacé d'expulsion. Aujourd'hui en France on en là. Que la France arrête de donner des leçons de droit de l'hommisme !

Raconte-nous ce 6 décembre à Mantes le Jolie et le contexte de mouvement lycéen dans lequel cette journée s’inscrivait.

Le blocus avait commencé dès le début de la semaine. Dès le départ ce qu’on a répondu à cette mobilisation lycéenne naissante ça a été une réponse répressive. Dès le départ les forces de l’ordre étaient présentes aux abords des établissements. C’est allé crescendo jusqu’au 6 décembre. Les lycéens ne comprenaient pas l’usage de la force ; les policiers ont très vite lancé des grenades lacrymogènes, ils ont très vite utilisé leurs LBD et évidemment la violence répond à la violence. C’est à dire que ces gamins là qui s’étaient préparés à faire blocus, à l’instar des différentes mobilisations lycéennes partout en France, ils se sont retrouvés face à la violence étatique.
Je fais partie de ces parents, de ces adultes, qui trouvent légitime que la colère, que le sentiment de révolte ne trouve parfois pas d’autres choix que de s’exprimer par la violence à un instant T. Et notamment dans le cas de Mantes la Jolie, la violence de nos gamins, lorsqu’ils répondent par des jets de pierres, ils répondent à une violence qui leur fait face. C’est une manière de dire nous existons. Ils nous l’ont expliqué de cette manière. « On en est venu à la violence parce que c’était tout à fait légitime, on était en droit de manifester, on a voulu nous priver de ce droit, donc on a répondu de la même manière. »

Est-ce que les lycéens avaient en tête le contexte gilets jaunes et sa violence répressive à ce moment là ?

 

C’était clairement dans la tête des lycéens. J’ai encore ce fameux screenshot qui était touchant d’une adolescente, c’était sur Insta, elle avait lancé le truc en disant : « venez on fait comme les gilets Jaunes ». insta qui pour faire les jaunes devant rostand ?

Ça se poursuit sur Snapchat dans les appels à blocus et ça c’est un truc sur lequel les médias mainstream sont complètement passés à coté. Ils ont repris la version de la préfecture qui a légitimé les interpellations du 6 par un climat de violences urbaines, de climat émeutier… Mais personne avant le 6 n’est allé trouver les lycéens pour leur demander pourquoi ils étaient dans la rue.

La presse classique n’a pas pris la peine de rencontrer les lycéens qui non seulement emboitaient le pas aux gilets jaunes, mais avaient aussi des revendications claires. En tant que jeunes des quartiers, noirs, arabes, ils avaient conscience que Parcoursup allait impacter leur avenir scolaire et professionnel.

Ils n’auront plus accès de manière démocratique aux études universitaires parce que quand on regarde les établissements qu’on a ici, sur un CV ça ne le fait déjà pas, mais pour entrer maintenant avec la sélection dans les universités, clairement ça devient encore plus dur. Ils ont conscience de ça.
En tant qu’adulte, ça me chiffonne de voir qu’on occulte trop souvent leur conscience politique, l’acuité qu’ils ont à comprendre les choses même s’ils ne le verbalisent pas de la même manière qu’un adulte. Et c’est tant mieux, parce que les discours très carrés des gens qui maitrisent tout, ça enlève de l’authenticité parfois à certains combats. D’ailleurs c’est pour ça que le mouvement des gilets jaunes est beau, parce qu’il est à l’image de la société. Le peuple à des choses à dire, ceux dont on n’entend pas les voix parce que ces discours là sont loin des codes de l'oralité dite « académique », c’est pareil pour les gamins de Mantes, ou les lycéens en général. On leur enlève de fait la possibilité de s’exprimer sur la scène politique, ou là dans la rue parce qu’on estime souvent que les revendications ne sont pas claires, voire même qu’il n’en existe pas.

Comment les jeunes ont vécu ça ? Comment ils en parlent ? Y a-t-il des traumatismes ?

La chose sur laquelle ils reviennent souvent, c’est le sentiment d’humiliation. Cette vidéo elle va rester; ils sont à un âge où ils se construisent, aussi à travers le regard de l’autre. Ce qui les a marqués c’est l’humiliation collective. Surtout les jeunes hommes noirs, arabes, turcs qui habitent le quartier du Val Fourré, à quelques centaines de mètres de ces 2 lycées, (Jean Rostand et St Exupéry), qui ont l’habitude d’être confrontés de manière individuelle à la police dans leur quotidien (du contrôle au faciès à la palpation), mais là ils étaient 151, donc cette volonté de les humilier, elle les a marqués d’autant plus qu’après, ils sont retournés en cours, et pour ceux qui vont poursuivre leurs études, dans les programmes scolaires, ils vont être confrontés à des images d’archives, par exemple celles de la guerre d’Algérie, ou par exemple du Chili sous Pinochet, la guerre du Viêtnam, d’Indochine.

Ils vont être confrontés à une iconographie qui va leur rappeler que, eux aussi, en France, en décembre 2018, à Mantes-La-Jolie, sous Macron, sous Castaner, ils ont été mis à genoux…

C’est fou, hein, mais c’est ce qu’ils nous disent, quand on les rencontre avec le collectif: « Madame, on a étudié un texte, qui était accompagné d’une photo, et ben on a été mis dans la même position… »

Quel est le bilan de cette journée en terme de blessés, d’arrestations et de signification ?

151 interpellations, des blessés. Il y a eu beaucoup de tirs de flashball. Des lycéens ont été touchés mais sans blessures graves, à la joue, à la cuisse, suite aux tirs de LBD. Les témoignages qui ont été recueillis à chaud, quand les lycéens sont sortis de garde à vue sont glaçants. Ceux qui avaient plus de 16 ans, ont fait automatiquement 48 heures.
Puis il y a la vidéo filmée par un policier qui circule, elle ne dure que quelques secondes, mais c’est déjà un condensé de violence, symbolique parce qu’il n’y a pas de geste violent à ce moment là, mais la posture, le maintien tête baissée, l’humiliation c’est une pratique violente.
Les plus « chanceux » sont embarqués au bout d’une quart d’heure, ils n’ont pas eu à subir cette position non seulement humiliante, mais aussi douloureuse: on est au mois de décembre, il fait froid, il pleut, ils sont agenouillés dans la boue, les cailloux, ils n’ont pas le droit de se mouvoir, de se regarder, de parler.
Les violences individuelles n’ont pas pu être toutes recensées, mais on a 151 gamins qui ont subi, pour paraphraser un peu Fanon, un langage de pure violence, physique et verbale, de la part des autorités. Parce qu’à ce moment là les forces de l’ordre obéissent à des ordres, qui viennent du ministère,

donc les responsables de l’affaire de Mantes-la-Jolie ce ne sont pas uniquement les policiers, ce serait trop facile! C’est tout un gouvernement qui, en décembre 2018, a permis ça. C’est tout un gouvernement qui, depuis l’automne dernier, massacre sa population.

C’est tout un gouvernement qui, aujourd’hui, tient sa population par le taser, les lacrymos, la matraque et le LBD. Il y a vraiment un langage de pure violence, un usage de plus en plus accru de ce qu'on appelle la violence légitime celle dont l'Etat a le monopole.

Ce qui s’est passé à Mantes-la-Jolie, c’est pas tellement une montée de la violence policière, ça résulte de décennies d’histoires de violences policières dans les quartiers d’immigration, c’est plutôt une extension.

A l’automne dernier, cette violence franchit le périph et touche une autre frange de la population, celle des gilets jaunes. Il y a évidemment des gilets jaunes qui viennent des quartiers populaires, il y a des gilets jaunes noirs, arabes, musulmans, qui eux connaissent déjà ou ont connu les violences policières.
Le 6 décembre dernier, la volonté de l’Etat était qu’il ne fallait surtout pas que vienne s’ajouter au mouvement des gilets jaunes, un mouvement lycéen. Et ça a fonctionné. On parle beaucoup de Mantes-la-Jolie, mais ailleurs aussi il y a des lycéens qui ont été violentés, voire blessés. Mais l’affaire de Mantes est vraiment venue couper l’herbe sous le pied à ce mouvement naissant, qui était celui de la jeunesse; en tous cas, nous, c’est comme ça qu’on l’analyse.

Ça en est où du côté de la justice ?

Il faut voir la réponse de Brigitte Julien, cheffe de l’IGPN. Elle est interpellée à l’assemblée nationale dans le cadre d’une enquête parlementaire en mai sur les violences policières. A propos de Mantes la Jolie elle dit que l’enquête de l’IGPN est bouclée et sa phrase c’est « il n’y a pas eu de comportement déviant de la part des policiers ce jour là à Mantes la Jolie. » Bien qu’on sache que l’IGPN n’est en aucun cas un corps indépendant de la machine policière et judiciaire, on reste stupéfaites. Il y a quand même une vidéo. Rien qu’en se focalisant sur le droit, ce policier qui filme 151 gamins entravés (même si lui dit qu’il a mis cette vidéo sur un groupe whatsapp et qu’ensuite c’est quelqu’un d’autre qui l’a mise sur les réseaux sociaux) ça ne va pas, il y a quand même des histoires de droit à l’image et là c’est des mineurs en plus.

Brigitte Julien qui a certainement quelques notions de droit doit savoir qu’on ne peut pas filmer et diffuser les images d'une personne dans le cadre d’une procédure ou d’une interpellation et qu’on ne peut pas filmer et diffuser les images de personnes entravées parce qu’il y a cette fameuse présomption d’innocence, et il s’agit d’autant plus de personnes mineures.

Elle ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu de comportements déviants. Cette vidéo elle contient à elle seule toutes les déviances dont sont capables les forces de l’ordre qui œuvrent en toute impunité.
Ensuite, la procureur de Nanterre classe sans suite 4 plaintes durant l’Eté. Comment peut-on classer sans suite une affaire comme celle-ci après avoir auditionné 4 lycéens sachant que dans cette affaire il y a autant de victimes que de témoins, ils sont 151! Elle ne se base que sur 4 plaintes.
Alors, on avait été préparées, on savait que des violences plus graves ont déjà été commises, des violences policières qui ont entrainé la mort on les comptent par centaines depuis des décennie, des éborgnés et des mutilés, notamment dans le cadre des gilets jaunes. Alors nous, on se dit qu’on va pas lâcher l’affaire. Elle classe sans suite, mais nous on ne classe rien du tout.
Au mois de septembre, les familles se portent partie civile et l’UNL suit également. Il y a eu les premiers dépôts de consignation il y a quelques semaines. On poursuit de cette manière.

Note : L’UNL a porté plainte pour « violences sur mineurs de 15 ans et plus par personne dépositaire de l'autorité publique », « actes de torture et de barbarie sur mineurs par personne dépositaire de l'autorité publique et en réunion », « violations de libertés individuelles » et « diffusion illégale d'images de personnes identifiables mises en cause dans une procédure pénale ».

Comment ça s’est passé au niveau des soutiens ?

Au moment où la vidéo est diffusée, évidemment l’indignation est générale sur les réseaux, et même avec des grosses organisations comme Amnesty international ou la LDH, donc les images suscitent l’indignation. Point. Mais après c’est le propre des réseaux sociaux et de l’instantanéité de l’info. Tout vas trop vite parfois. Mais il y a l’après. Il y a une solidarité qui est là et qui était presque naturelle, d’abord de la part le milieu de l'antiracisme politique et la plupart des collectifs de lutte contre les violences policières, notamment Urgence Notre Police Assassine, les antifas aussi, et bien évidemment, les Gilets Jaunes. Jusqu’à présent il faut savoir que la page du collectif reçoit énormément de messages de soutien de la part des gilets jaunes. Nous, on a nos gilets jaunes locaux, les gilets jaunes de Buchelay, mais il y a des gilets jaunes de par la France qui nous envoient des messages de soutien. Souvent on reçoit des photos de cette posture qui avait été imposée aux gamins de Mantes la Jolie et par laquelle les forces de l'ordre ont essayer d’humilier, de porter atteinte à la dignité de nos enfants.

Dès le lendemain c’est une posture qui est devenue un acte militant. C’est devenu un symbole contre les violences policières.

hommages aux lycéens de mantes la jolie
Voilà pour les solidarités fortes qu’on a depuis le départ. Le collectif a essayé tant bien que mal de tenir l’opinion publique en alerte, mais c’est hyper compliqué parce qu’une actualité en chasse une autre. Mais jusqu’à présent on tente de le faire malgré tout. Même si certaines membres du collectif sont essoufflées. Ce ne sont pas des militantes. Forcément l’investissement s’est un peu amoindri au fil du temps, même si on reste un bon petit groupe actif localement. Parfois on est sollicitées ailleurs et on le fait parce qu’on se dit que pour tenir la distance sur le marathon juridique et judiciaire il faut aussi asseoir une place dans l’espace militant, dans les espaces de lutte contre les violences d'état.
Ce qu’on dit aujourd’hui et c’est une des raisons pour lesquelles on a décidé d’organiser une marche pour la date anniversaire, c’est que les mamans sont souvent fantasmées comme des sujets politiques passifs et dociles. Et il y a aussi un côté hyper infantilisant de la société en général. Les institutions, l’école. On nous a assignées à un rôle auquel il faudrait se cantonner. Sortir de ce rôle c’est être considérées comme des mères inconscientes « occupez-vous d’abord de l’éducation de vos enfants et nous on s’occupera du reste ». Mais l’éducation de nos enfants elle se fait à la maison et à l’extérieur. Quand on envoie nos enfants à l’école on ne laisse pas notre rôle qui est d’éduquer et d’accompagner à la porte de l’établissement. Ce qu’on demande surtout aux enseignants c’est de transmettre des apprentissages, mais on ne leur demande pas d’éduquer nos enfants. On ne veut plus répondre à ces injonctions sur l’éducation. Les mères dont les gamins ont subi des violences physiques et verbales, souvent on leur dit « mais enfin c’est un peu de votre faute ». Ça c’est d’une violence…!
Là on a touché à la chair de leur chair, il y a des gamins qui se sont pris des coups en garde à vue, qui ont été insultés de sales arabes, de sales noirs, il y a des jeunes filles qui ont reçu des insultes sexistes de la part de policiers hommes, envers des mineurs. Et on voudrait que ces mères restent dans leur cuisine ? Parce que c’est de cette manière qu’on voudrait nous assigner. On est des femmes d’origines maghrébines, africaines, musulmanes, ou ne nous imagine pas ailleurs que dans nos cuisines.

Cette interview a été réalisée avant le 1 décembre et il semblait important de rappeler des dates de mobilisation contre les violences policières. Certaines sont passées depuis et d'autres sont à venir, mais nous les énumérons toutes ici quand même :

- Le 1er décembre avait lieu un hommage à Zineb Redouane, morte par un tir tendu de lacrymogène d’un CRS à Marseille alors qu’elle fermait ses volets.
- Le 3 décembre a eu lieu à Paris une campagne de soutien à Assa Traoré dont le frère Adama est mort sous le poids de trois gendarmes en aout 2016. Assa Traoré comme le reste de sa famille subit depuis un acharnement judiciaire.
- Le 7 décembre à 14H à Rennes aura lieu la marche pour Babacar Gueye tué en 2015 par un agent de la BAC de 5 balles.
- Le 8 décembre à 14H à Barbès (Paris) aura lieu la marche des mamans pour la justice et la dignité.

Marche des mamans