Le mouvement venu

L'un des repères pour comprendre l'ampleur du changement d'une société, c'est la vitesse à laquelle les lignes bougent. En ce sens, le mouvement des Gilets Jaunes est clairement porteur d'un changement radical que le rouleau répressif ne pourra contenir bien longtemps.

Tout va très vite depuis quatre mois. Les mentalités évoluent. De nombreux Gilets Jaunes totalement hostiles à des actions offensives ont désormais fait le choix de ne plus condamner ce type d'opération, voire même d'y participer.

Le côté le plus subversif de ce changement de mentalité n'est pas l'acceptation des modalités d'actions "violentes" mais bien le fait de ne plus considérer la question de la légalité comme supérieure à celle de la légitimité.

Et ce changement ne vient pas uniquement des échanges avec les GJ les plus "radicaux". C'est aussi, voir surtout, l'attitude du pouvoir, son mutisme social, son arrogance politique et son escalade autoritaire qui ont poussé des milliers de citoyens à se dire que non, cela n'avait plus aucun sens de "respecter toutes les règles" lorsque ces règles sont faites par des personnes immorales ne pensant qu'à protéger leurs privilèges.

La dernière illustration en date est la déclaration indécente et abjecte de Macron concernant Geneviève Légat, 73 ans, militante d'Attac, gravement blessé samedi dernier à Nice.

La situation de Geneviève résume parfaitement le danger actuel en France :
1 - Le pouvoir n'arrive pas à calmer une colère sociale.
2 - Il estime donc de son devoir de modifier la loi et de restreindre les libertés fondamentales pour réussir à retrouver l'ordre.
3 - Une personne décide de s'opposer, pacifiquement, à ces mesures liberticides. Elle en paye le prix fort, physiquement.
4 - Le pouvoir estime que l'erreur vient de cette personne et qu'elle n'avait qu'à respecter les nouvelles "règles".

Le principe d'un état de droit, d'une démocratie, c'est d'utiliser les mêmes outils (judiciaires et répressifs) qu'importe la situation. D'appliquer une justice et d'accorder la liberté et la présomption d’innocence, même à ceux qui dénigrent ces principes.

Le pouvoir commet donc une erreur grave et historique en modifiant les règles démocratiques pour son propre intérêt.

Lorsqu'un citoyen est accusé d'un vol, d'un crime ou d'un viol mais n'est finalement pas condamné pour diverses raisons judiciaires ou policières, change-t-on ces règles ? Non, et on explique aux victimes, légitimement en colère, que le système ne peut pas toujours répondre à leurs attentes. Mais qu'il faut faire avec. Que c'est le jeu de la démocratie et de nos sociétés modernes.

Mais lorsque le pouvoir n'arrive pas à faire arrêter ou condamner des personnes commettant des violences et des actes légalement répréhensibles, celui-ci aurait le droit de changer les règles ? Et de porter atteinte aux libertés de l'ensemble de la population ?

A vrai dire, l'un des points positifs des actions les plus offensives de certains Gilets Jaunes réside dans le fait d'obliger le pouvoir à montrer son vrai visage. Le principe d'une démocratie, c'est de pouvoir gérer les opposants, y compris les plus violents, dans un cadre démocratique. En France en 2019, une voiture brulée ou un Fouquet's défoncé suffisent à briser ce pacte essentiel et justifie l'usage de mesures clairement liberticides et autoritaires.

Face à une contestation radicale et déterminée, Macron et son monde ont donc préféré abandonner leur cape démocratique pour préserver l'essentiel : le système économique, ultra libéral. D'ailleurs, il est assez amusant de constater que le pouvoir politique et médiatique ne cesse de dénigrer les GJ en les affublant du qualificatif "ultra"... tantôt de gauche, tantôt de droite. Tantôt ultra-violents.

Mais au final, la chose qui est la plus "ultra" dans notre société, et qui est totalement acceptée par les puissances politiques et médiatiques, c'est le système économique : ultra libéral. Pour le coup, cela ne pose pas de problème et n'est jamais associé à la violence.

Pourtant, la première des violences, celle qui génère toutes les autres, c'est cette violence libérale qui provoque l'injustice sociale et qui brise des vies.

Macron ne veut pas en entendre parler.
Nous n'écouterons donc plus ses leçons de morale et de sagesse.

La sagesse, c'est celle de Geneviève . C'est celle de Commercy. C'est celle de St Nazaire. La sagesse, c'est nous. Et elle sait aussi se faire colère.

Crédit Photo : Le Désastre / Jérémie Rozier


Et maintenant !

La force d'un mouvement, c'est d'être toujours en mouvement. Ne pas répéter les mêmes pratiques et modalités jours après jours.

C'est en partie pour cette raison que le mouvement syndical a énormément perdu de son attrait et de sa force, notamment sur les actions collectives et dans la rue. C'est pour cela que le cortège de tête a eu un tel attrait pendant plusieurs mois, jusqu'à devenir un rituel qui se singe lui-même, et donc tombe dans les travers d'un mouvement qui ne répète que ses réussites passées.

En ce sens, les Gilets Jaunes ont apporté un souffle nouveau et puissant dans le paysage des luttes. Des occupations de ronds points en passant par les manifs sauvages, les barricades, les blocages de dépôts pétroliers, les cabanes jaunes ou les ouvertures de péages, les GJ ont montré qu'ils n'étaient pas enfermés dans une pratique ritualisée et codifiée de la lutte.

Tout simplement parce que la grande majorité de ces GJ ne sont pas des "professionnels" de l'agitation sociale. Et c'est tant mieux. Et c'est ce qui dérange autant le pouvoir car son caractère imprévisible rend la riposte plus difficile.

Aujourd'hui, le mouvement se trouve à un moment crucial. L'acte 18 a été une réussite dans le sens où la question des Gilets Jaunes a été remise très frontalement dans l'agenda politique et médiatique. Mais, cela peut aussi être vu comme un échec, dans la mesure où cette question n'est abordée par le pouvoir (et les principaux médias) que par le biais des violences et de la façon de les contenir. Les questions sociales, économiques et sociétales n'ont quasiment pas été abordées ces derniers jours.

Face à une répression qui s'annonce encore plus indistincte et aveugle (le pouvoir ne s'en cache même plus), face à un rouleau compresseur médiatique d'indignation face aux vitrines cassées et magasins brulés, il apparaît important de ne pas tomber dans le piège d'une escalade inutile.

Encore une fois, la question n'est pas de savoir s'il faut casser une banque ou le Fouquet's. La question reste de trouver des moyens de lutter radicalement contre un pouvoir et un système politique qui a pour lui tout l'arsenal policier, judiciaire et même médiatique.

Nous savons que les manifs déclarées et totalement nassées du début à la fin par la police n'ont aucun intérêt. Discuter avec la préfecture pour définir comment la journée "se passera bien", c'est accepter que le pouvoir puisse dormir sur ses deux oreilles. Chose impensable dans cette société qui laisse crever de faim des dizaines de milliers de laissés-pour-compte.

Pour les empêcher de dormir tranquillement, mais aussi d'aller dans leurs restaurants de luxe ou sur les pistes de ski, nous n'avons pas énormément d'outils. Mais nous ne sommes pas démunis. Nous savons ce qui compte pour eux : leur portefeuille, leur confort, leur intérêt et leur image médiatique. A nous de trouver comment nuire à ces aspects.

A nous également de remettre les questions de fond sur le devant de la scène : l'injustice sociale, climatique, économique. Cela parait presque évident, et nous pensons que tous les Français sont au courant. Mais il est nécessaire de rappeler sans cesse les conséquences quotidiennes des politiques ultra-libérales sur notre société et sur les laissés-pour-compte, que ce soient ceux des campagnes ou ceux des banlieues.

Le pouvoir espère que le 16 mars était le chant du cygne des Gilets Jaunes, leur dernier baroud d'honneur. Il l'espère tellement qu'il le crie sur tous les toits.

Mais nous savons que les GJ ont encore de la ressource et vont de nouveau surprendre. Reste à savoir quand et comment.

Nous ne sommes plus une classe bien sage. Nous n'avons pas peur d'être hors la loi dans une société où les lois deviennent liberticides et antidémocratiques. Nous n'avons pas peur d'être (mal) jugés par un pouvoir cynique et violent, tout autant que par ses chiens de garde médiatique. Dans plusieurs décennies, l'histoire jugera qui aura été du bon côté.

En attendant, soyons inventifs et motivés. Essayons de faire dérailler le système tout en proposant des actions non violentes. Que la ligne de démarcation ne soit plus celle des gentils manifestants et des méchants casseurs mais de ceux qui veulent changer le système et ceux qui acceptent de vivre dans une société qui laisse crever ses plus faibles.

Ne nous soucions pas du jugement de ceux que l'on combat mais essayons de faire comprendre au plus grand nombre la justesse de notre cause et l'injustice de cette société. Cela passe peut-être par des actions moins clivantes sur l'aspect de la violence. Mais cela ne doit en aucun cas enlever la radicalité du mouvement. Sous peine de le voir devenir docile et indolore pour les puissants.

(Photo : Marion vacca / Macadam Press / Hans Lucas)


Lettre aux Gentils de la République

C'est fait : le 16 mars restera gravé dans les dates importantes du mouvement social des Gilets Jaunes.

Face à la violence des réactions politiques, médiatiques et économiques, il convient de se dire les choses clairement, sans hypocrisie.

Commençons par du factuel : c'est vrai, de nombreux GJ sont venus à Paris pour cet acte 18 dans l'optique de déborder le système et de mettre à mal la gestion de "l’ordre public". Ils n'étaient peut-être pas majoritaires mais ils étaient assez nombreux et déterminés pour parvenir à des résultats. Ces milliers de GJ n'avaient pas tous une tactique de black bloc. Il y avait de nombreux GJ de la première heure, munis simplement de leur gilet, de masque et de lunettes de protection. Il y avait également quelques manifestants en bloc, qu'ils soient en kway noir et/ou en gilet jaune.

Surtout, tous les manifestants étaient totalement partie prenante de la manif du jour. Aucune scission n'est jamais apparue entre groupes de "gentils GJ" et "méchants casseurs". La très grande majorité des manifestants présents soutenait ou, a minima, acceptait les actions offensives, sans forcément vouloir faire pareil.

Plusieurs vidéos montrent qu'au niveau de la place de l’Étoile, en milieu de matinée, l'arrivée d'un bloc d'une trentaine de manifestants a été accueillie par une haie d'honneur et des applaudissements.

Alors oui, cela vous choque et vous dérange peut-être. Mais c'est la réalité de la France de 2019 : des dizaines de milliers de citoyens acceptent aujourd'hui que la lutte se fasse de façon offensive. Vous pouvez leur jeter le discrédit, les traiter de casseurs, de complices, de beaufs ou de racistes. Vous pouvez tenter de leur ôter toute humanité.

Mais la réalité est tout autre : ce n'est pas par plaisir que ces personnes acceptent (et/ou encouragent) les actions violentes. C'est par nécessité. Ce n'est pas pour la violence en elle-même mais pour ses conséquences dans la lutte sociale. Des conséquences, forcément incertaines et parfois dangereuses, mais qui constituent un horizon plus positif que le statut quo social actuel.

Sincèrement, au fond de vous-même, ne voyez-vous pas que c'est en raison de ces débordements l'acte 18 a eu un retentissement très important dans le monde politique et médiatique ? Que le même nombre de manifestants dans un cortège déclaré où il ne se serait "rien passé" aurait été totalement nié et méprisé par ces mêmes politiques et médias ?

Ce ne sont pas les GJ qui ne comprennent que la langue de la violence et du rapport de force, c'est tout le système actuel. Dans cette société où il faut être le plus féroce et le plus puissant possible, comment pourrait-on espérer changer la donne en restant faible et docile ?

Les médias de masse ne s’intéressent au mouvement que lorsqu'il leur offre des images "sensationnelles" pour faire de l'audimat. Deux jours avant l'acte 18, se tenait à la bourse du travail une rencontre entre des figures du mouvement et des intellectuels. La Bourse était pleine à craquer et des centaines de personnes sont restées à l'extérieur. Pourquoi ne pas avoir parlé de cette initiative constructive et apaisée ? Pourquoi, depuis plusieurs semaines, des milliers de GJ se rassemblent-ils dans les villes sans que cela n’intéresse plus les médias ? Parce qu'il n'y a plus rien à "vendre" aux téléspectateurs.

Du côté des politiques, en 17 semaines, la seule période où le pouvoir a semblé faire des concessions fut lors des actes les plus violents de fin novembre et début décembre. Là, comme par hasard, après presque deux mois pendant lesquels le pouvoir a totalement méprisé la question sociale et les Gilets Jaunes, Macron écourte ses vacances pour reprendre les choses en main. Nous savons qu'il ne prendra pas les questions sociales à bras le corps et qu'il abordera la question des GJ par son seul prisme de la violence. Mais au moins, la question revient sur la table.

Soyons lucides : le pouvoir politique se contrefout des raisons profondes de la colère de son peuple. Ce qui l’intéresse, c'est de calmer cette colère, pour sa propre tranquillité et celle de tous les puissants.

Macron affirme que les personnes présentes hier sur les Champs veulent "détruire la République". Parce que la République, c'est le Fouquet's ? Cartier ? Les Banques ?

Ce gouvernement, tout comme les précédents, dénigra des millions de citoyens, les laisse tomber dans une précarité de plus en plus insupportable, alors même que les milliardaires continuent de devenir de plus en plus riches. Depuis 4 mois que les Gilets Jaunes se battent, combien de personnes ont été mises au chômage pour que leur entreprise fasse plus de profits ? Combien de retraités sont tombés encore plus dans la précarité ? Combien de malades n'ont pas pu bénéficier des soins nécessaires faute de moyens ?

Combien de morts cette politique libérale a-t-elle engendrés en quatre mois de lutte ? Le chiffre est impossible à connaitre mais il est évident qu'il est colossal.

L'ultra-libéralisme tue, blesse, détruit des vies et des familles. Il ne s'agit pas de "grandes paroles" pour faire de la poudre de perlimpinpin. C'est totalement factuel. Et de nombreux gilets jaunes de campagne ou de banlieue le savent très bien puisqu'ils le vivent quotidiennement.

Alors, si vous estimez que les citoyens qui détruisent une banque ou construisent une barricade sont des ennemis de la République, mais que ceux qui licencient et s'enrichissent sur la misère de ces même citoyens sont les amis de la République, voire leurs protecteurs, nous avons en effet une vision totalement différente de ce que doit être la République.

Si la violence d'une boutique de luxe ravagée vous dérange bien plus que des personnes qui meurent ou qui sombrent dans la misère, alors oui, nous ne parlons pas le même langage.

Votre morale à œillères n'est pas celle qui nous habite. Car être moral de façon sélective, c'est être immoral. Vous êtes immoraux. Et vous pourrez traiter les GJ d'ennemis de la République, ils resteront bien plus moraux et bien plus proches des valeurs de la République que vous.

Arrêtez de vous offusquer de la violence d'un mouvement social lorsque vous le niez et l'ignorez totalement, sauf en cas de violence.

A ce moment-là seulement, nous pourrons discuter de moralité.


Du 16 mars à Jupiter !

Samedi 16 mars s’annonce comme une date importante pour le mouvement des Gilets Jaunes. Personne ne peut prédire le résultat de cette nouvelle mobilisation nationale à Paris. Ce qui est sûr, c’est qu’elle sera un tournant pour la suite. Il ne tient qu’à nous que ce tournant prenne la bonne direction. Celle de la révolte contre ce système et ceux qui en profitent sur le dos des plus faibles. C’est la fin du grand débat, et le début du grand débarras.

Certains caressent l’espoir de revivre un 17 novembre ou un 1er décembre. Nous pensons que cela n’arrivera pas. En quatre mois, le pouvoir et ses forces armées ont totalement changé leur façon de gérer les rassemblements des GJ. En quatre mois, plus de 15 000 GJ ont été blessés et/ou incarcérés. 15 000 !

Non, le 16 mars doit devenir LE 16 mars. Une des dates importantes dans l’histoire des Gilets Jaunes, et peut être même au delà. Nous ne savons pas où, quand, et comment. Mais nous savons que des milliers de citoyens en colère seront présents et décidés à ne plus enchaîner les manif « bien dociles » qui ont été imposées depuis 4 ou 5 semaines par quelques dizaines de GJ ayant joué le jeu du pouvoir en déclarant les manif et en acceptant que le cortège soit encerclé de CRS.

Ces milliers de GJ déterminés vont tous jouer un rôle ce 16 mars. Chacun à son niveau, chacun à sa manière, mais tous solidaires et tolérants avec les pratiques des autres.

Car nous savons où est l’ennemi : à l’Élysée et dans tous les palais de la République. Dans tous les sièges de banques et de multinationales.

Nous savons que les personnes âgées vivent dans une précarité de plus en plus intolérable. Nous savons que l’éducation nationale est en pleine crise de moyens. Nous savons que les hôpitaux et tous les services de santé sont en sous effectifs, pour raison financière. Nous savons que les millions de français aux revenus les plus modestes ont de plus en plus de mal à vivre. Et même à survivre.

Et nous savons que les quelques milliers d’ultras riches en France sont de plus en plus riches, y compris depuis la crise financière.

Sachant cette injustice, nous ne pouvons plus continuer nos vies comme si tout allait bien. Comme si tout était normal. Ce serait immoral et inhumain.

C’est notre humanité et notre désir d’un monde meilleur pour le plus grand nombre qui va nous pousser samedi à exprimer notre colère, et pas qu’avec des paroles.

Une colère qui sera renforcée par l’insoutenable bilan de la répression de ce mouvement depuis quatre mois : plus de 2 500 blessés, plus de 14 000 tirs de LBD, 22 éborgnés, 5 mains arrachées, un décès, plus de 8 500 arrestations, dont la plupart totalement arbitraires.

La Ligue des droits de l’Homme, Amnesty International, la commission européenne ou encore l’ONU ont lancé des avertissements au gouvernement français. Nous savons que l’histoire retiendra de Macron et de son gouvernement qu’il a répondu à une crise sociale par une ultra violence aveugle mais totalement calculée.

Reste à savoir si cette réponse sera appréhendée dans les cours d’histoire comme une réponse efficace (à défaut d’être morale), ou si elle aura au contraire accéléré le soulèvement de tout un peuple. Le 16 mars va, en ce sens, être un début de réponse. Tout reste encore possible.

Il nous reste 5 jours pour mettre toutes les chances de notre côté, en étant le plus nombreux possible dans les rues de Paris samedi.

A vous tous, il vous appartient de mobiliser votre entourage : amis, familles, collègues. En premier lieu ceux qui ont déjà participé à des rassemblements de GJ depuis quatre mois, et qui auraient peut être perdu la force. S’il n’y a qu’un seul samedi à consacrer à nouveau à la lutte, c’est celui là. Mais également à tous vos amis et familles qui n’ont pas encore franchi le pas mais qui partagent ce sentiment d’injustice sociale et d’indécence des plus riches et des plus puissants. Les tenants du pouvoir s’efforcent par tous les moyens à nous faire croire qu’aucun autre horizon n’est possible, et que le seul mécontentement possible est celui qui s’exprime dans le cadre de leurs règles, elles mêmes faites pour maintenir le système.

Mais leur pouvoir ne tient finalement qu’à un fil. Et sous leur apparence de fermeté et de tranquillité, Macron et son monde espèrent fortement que le mouvement s’essouffle (depuis le temps qu’on vous le dit). Car s’il ne s’essouffle pas, il suffira de souffler sur les braises pour que leur château s’enflamme.

Et si leurs remparts tombent, il sera alors bien plus facile d’aller les chercher.


GJ de Paris, redevenez des loups !

En dehors du soleil et de la forte mobilisation, l'acte 15 parisien ne fut que déception et déconvenue.Sans un changement radical de stratégie, les actes du samedi n'ont plus aucune utilité pour la lutte.

En plus d'une désormais "traditionnelle" déclaration de la manif auprès de la préfecture (et donc d'un tracé décidé par les autorités) les milliers de Gilets Jaunes venus à Paris ont marché dans une "nasse géante et mobile" sur 15km : des forces de l'ordre occupant massivement les rues en début et fin de cortège et entourant totalement les GJ en faisant des cordons de policiers sur les deux côtés.

Cela ressemblait à une manif. Mais cela n'en était plus une. Les Gilets Jaunes étaient totalement parqués. Comme des bêtes. Sans aucune liberté d'action et de mouvement (en dehors de celle décidé par la préfecture).

Le pouvoir avait déjà tenté cette approche très radicale du maintien de l'ordre lors d'une ou deux manif contre la loi travail, mais avait dû renoncer face au côté anxiogène et aux affrontements qui en avaient découlés.

Lors de l'acte 15, les forces de l'ordre ont pu tranquillement tenir en laisse les milliers de manifestants sans être quasi inquiétées.

L'image est forte, terrible. Comment un mouvement social qui a connu autant de victimes (blessures, arrestations arbitraires, humiliations) peut-il se laisser mater aussi docilement par ses propres bourreaux ?

Les Gilets Jaunes clament que les moutons sont devenus des Loups. Mais quel intérêt d'être un loup si l'on accepte d'être tenu en laisse ?

Le problème n'est pas que cette stratégie policière puisse empêcher des violences mais qu'elle empêche tout (en dehors de marcher d'un point A à un point B). Les GJ n'ont ainsi pas pu faire d'arrêt, changer de tracé, occuper une intersection, bloquer la circulation ou faire fermer un magasin...bref aucune action de blocage ou de débordement n'a été possible. Difficile d'envisager quelque mouvement révolutionnaire dans ces conditions.

Or, la plupart des GJ se battent pour un changement radical du système. Un changement qui ne pourra se faire avec les personnes actuellement au pouvoir. On parle donc de renverser un pouvoir que l'on trouve injuste et inhumain.

On ne renverse pas un pouvoir en discutant et en négociant avec lui. Encore moins en lui donnant les clés de la gestion de ses propres rassemblements.

Les organisateurs de ces manif déclarées nous expliquent que ce cadre permet de rassurer le plus grand nombre de GJ et donc d'assurer une mobilisation importante. C'est totalement faux. Pourquoi ces rassemblements sont-ils depuis quatre semaines ceux qui rassemblent le plus sur Paris ? Tout simplement parce que les GJ cherchent un rendez-vous clair pour se réunir. Ce n'est pas le fait que la manif soit déclarée qui les motive, mais la certitude que la plupart des GJ seront à ce point de rdv. Cepedant, une fois pris dans le piège de la nasse géante, impossible d'en sortir.

D'autre part, nous rappellerons que les premiers actes sur Paris furent sans aucun doute les plus violents et insurrectionnels du mouvement, sans commune mesure avec les "violences" de ces dernières semaines.Et pourtant, la mobilisation n'a pas faibli les semaines suivant les actes les plus violents.

Mais une chose a profondément changé : le pouvoir n'a plus du tout peur. Souvenez-vous : le jour de l'acte 4, Macron était retranché dans un "bunker" présidentiel, avec un hélicoptère prêt à l'exfiltrer en cas de complication. Pour l'acte 15, le même Macron se promène au salon de l'agriculture.

Nous espérons un sursaut de la part des GJ qui se rendront aux actes parisiens dans les prochaines semaines. Que les loups refusent de se faire promener en laisse et retrouvent vraiment leur liberté. Ne pas chanter "Paris, debout, soulève toi" ou "tout le monde déteste la police" en restant escorté par les forces de l'ordre.

Nous avons alerté les organisateurs des manif parisiennes déclarées sur le danger de cette stratégie. Si elle permet à ces quelques personnes de s'offrir une visibilité "médiatique" et une pseudo légitimité, elle se révèle dangereuse, voire même mortelle, pour la suite du mouvement.

Nous savons que ces personnes ne changeront pas d'avis et continueront à déclarer les manifs et à travailler "main dans la main" avec la préfecture et le pouvoir.

Reste donc à savoir comment agir collectivement face à cette situation. Cela doit probablement passer par le refus de rejoindre ces manifestations "officielles", et de proposer d'autres points de rdv. Avec le risque de dispersion que le mouvement parisien a connu courant décembre. Mais il en va de la survie du mouvement.

500 loups en liberté et déterminés seront toujours plus dangereux que 5000 loups domestiqués et résignés.

Crédit photo : Samuel Boivin