Le procès du CRS Dominique Caffin : la fabrique de l'impunité

Le CRS Dominique Caffin était jeudi 18 novembre en procès pour avoir matraqué Mélanie à la nuque pendant une manif Gilets Jaunes (acte 23, avril 2019). Provoquant évanouissement et longues séquelles. Son acte barbare est un archétype des violences policières dont la bourgeoisie a besoin et que la justice ne condamne jamais.


En 2019, il est même décoré par Castaner. Sa réputation d’ultra violent ne fait pourtant pas de doute. Et il trimballe quelques casseroles : en 2003, plusieurs faits graves sont identifiés dans l'unité qu'il dirige : agressions sexuelles, violences contre des migrants, chants nazis. (Libération). Mais trois fois rien dans la police…

Dominique Caffin est aussi le CRS qui mène la charge lors du tabassage général du 1er décembre au Burger King (Libération), où les images de quasi tortures infligés par les flics aux Gilets jaunes à terre ont fait le tour des médias.

Hier à son procès, Caffin qui était venu avec sa tenue d'apparat « explique calmement qu'il est choqué d'être visé par une plainte et que le terme violences policières le crispe" (Action Antifasciste Paris banlieue/Twitter/lien du thread)

Bien que dans le dossier IGPN de Mélanie figure expressément qu’elle venait d’un cortège calme, le qualificatif « de situation insurrectionnelle » employé par Caffin fait figure de chèque en blanc pour justifier son arbitraire si lourd de conséquence. Le qualificatif "insurrectionnel" est une boite de pandore dans la bouche de la police et offre un angle mort monumental pour faire du sale tout en sachant que la justice n'aura rien à y redire. C'est une manière aussi de décider à postériori si la police était débordée ou non, pour justifier après coup de l'emploi complétement disproportionné de la force.

« - Je ne sais pas si elle est personnellement violente. Mais elle est dans le groupe. Je ne l'ai pas vu jeter de projectile. Mais elle était là pour entraver notre manœuvre. Et elle a un sac à dos. 
- Et ? Demande à son tour, l’avocat de Caffin.
- Les projectiles ne sortent pas de nulle part. L'individu présentait un danger potentiel.» (live tweet de David Dufresne)

Des termes et accusations totalement subjectives faits par dessus la jambe qui ne seront pas examinés pour en démontrer le caractère d’auto persuasion mensongère, tellement propre au métier de policier.

« L’audience a duré cinq heures. Un cas d'école de la fabrication de l'impunité et du déni, sous l'œil complaisant du Parquet, et d'au moins un des trois juges (sachant qu'un dormait à moitié, ça nous en laisse un, une en l'espèce, à peu près bien). » (David Dufresne)

Ce procès était donc un simulacre de justice. Mais qu’attendre de plus ? Au moins on pourra se dire que ce Caffin aura du trainer sa carcasse pour s’expliquer devant des juges grâce à la persévérance de Mélanie. Au lieu de rester tranquillement chez lui ou même d’aller tabasser des gens comme c’est l’usage qu’il fait de son métier, il a du venir s'expliquer, son costume d'apparat de policier ne trompant que le regard d'une justice partiale et bourgeoise reconnaissant dans la barbarie de Caffin l'expression de la violence qui est nécessaire pour maintenir un ordre inégalitaire.

Le verdict sera donné le 7 décembre.

PS : Pour un portrait plus complet de cet officier des forces de répressions françaises :
https://desarmons.net/2019/10/02/le-zele-agressif-de-dominique-c-alias-go-crs/


Excuses aux gilets jaunes

EXCUSES AUX GJ - Lettre anonyme

Voici une lettre d'un GJ que nous avons reçue hier en messagerie et que nous avons décidé de vous relayer à l'occasion des 3 ans du mouvement

Trois ans.. Si loin, si proche.
Quand je repense aux premiers actes GJ, des frissons me prennent. Ce fut l'un des moments les plus forts de ma vie. Des souvenirs dingues. Des rencontres. Et l'espoir ! Pendant plusieurs semaines, tout nous semblait possible. Changer la société, changer nos vies.

Mais j'ai aussi d'énormes regrets et un vrai sentiment de gâchis : je m'en veux de ne pas avoir été assez loin, de ne pas avoir pris plus de "risques" lors des actes où cela aurait pu basculer.

Quand je pense aux milliers de GJ qui ont été blessés ou qui ont fait de la prison, je me dis que je n'ai pas été à la hauteur. Que j'aurais du engager mon corps et ma vie encore plus.

J'étais présent dès le premier acte. J'ai participé à plus de 100 rassemblements GJ en trois ans. J'ai monté des barricades, j'en ai enflammé. J'ai été en première ligne. J'ai participé à des manif sauvages extrêmement déterminées, à des envahissements de lieux (publics et privés), à des occupations. A plusieurs moments, j'aurais pu être interpellé, condamné et/ou blessé. On pourrait donc considéré que "j'ai fait ma part".

Mais non, à y réfléchir, je n'ai pas fait tout ce que j'aurais pu. Et je le regrette. Et je m'en excuse auprès des milliers de GJ qui eux, sont allés au bout de leur rêve, et l'ont payé au prix fort.

Car aujourd'hui, quand je vois l'état de notre société, comment Macron et sa police ont réussi à écraser l'espoir d'une révolution populaire, et que seules les pulsions réactionnaires semblent encore audibles, je me dit une chose : s'il avait fallu que je fasse quelques mois de prison ou que je sois blessé pour que l'issue du mouvement débouche sur un renversement du système, je l'aurais fait. Sans hésiter.

Évidemment, je n'ai pas la prétention de penser que mes actes auraient changé le cours de l'histoire. Sauf qu'on sait que plus de 4 000 Gilets Jaunes ont été blessés et plus de 3 200 condamnés. On peut donc estimer que près de 10 000 citoyens ont payé, d'une façon ou d'une autre, le prix de cette révolte. 10 000. C'est énorme. Mais on sait aussi qu'on était au moins cinq à dix fois plus à être prêts à presque tout pour voir le mouvement aboutir à la chute du régime et du système. Or, si dans ces 30 000 à 50 000 Gilets Jaunes déters, qui ont eu la chance de ne pas subir les conséquences de la répression, nous avions été 10 000 de plus à pousser d'un cran notre engagement, et ce dans les actes les plus insurrectionnels, alors oui je pense que l’issue aurait pu être différente.

On ne vit pas avec des regrets.
Mais je tenais à profiter de ce troisième anniversaire du plus beau mouvement populaire que j'ai connu de ma vie pour remercier ceux qui y ont participé, qui s'y sont engagés, corps et âme. Les remercier, et m'excuser de ne pas avoir été aussi loin que ce que j'aurais finalement voulu, et pu faire.


Guerre hybride Pologne/Biélorussie : Exilés pris en tenaille, L'innommable déni européen 

Actuellement, entre 3000 et 4000 réfugiés politiques originaires principalement d’Irak et d’Afghanistan  se retrouvent bloqués à la frontière entre la Pologne et Biélorussie et survivent dans des conditions épouvantables. 

Pour le régime polonais et l'Union Européenne, il s'agirait d'une tentative de déstabilisation par la Biélorussie.
Les régimes lituaniens et polonais (globalement hostiles à la Russie et tout aussi anti-immigration) évoquent logiquement une manoeuvre qui viendrait de la Russie, alliée de Minsk.

De son côté, le président Biélorusse, Loukachenko dément et renvoie ces responsabilités à l'Union Européenne, il appelle "à mettre en garde à l'avance la partie polonaise contre l'utilisation de toute provocation", contre elle "pour justifier d'éventuelles actions belliqueuses illégales" contre les migrants (source France info).
Les sanctions économiques, évoquées comme principal facteur de cette "guerre hybride" interviennent suite à la répression violente d'un mouvement social important à la suite de la réélection contestée de l'actuel président. Comme en Ukraine en 2014, ce mouvement a été soutenu par l'OTAN, des manifestants ont évoqué une récupération émanant d'acteurs libéraux et parfois nationalistes.

Toujours est-il que le long de cette zone frontalière de 418 kilomètres, on évoque une situation absolument désastreuse. D'après le site infomigrants, des exilés évitent des tirs croisés émanant des deux côtés de la frontière, celles et ceux qui souhaitent revenir en arrière et rentrer dans leurs pays d'origine seraient piégés et ne peuvent retourner sur le sol biélorusse ou franchir la frontière polonaise.
Entre 400 et 800 personnes tentent de franchir la frontière chaque jour avec les moyens du bord. Des milliers de personnes sont actuellement condamnés à dormir dans la forêt par le froid, le plus souvent privés d'eau et de nourriture.
La Pologne aurait envoyé des dizaines de milliers de SMS depuis sa frontière, afin de dissuader les exilés et les encourager à rebrousser chemin. La Biélorussie, elle, est même accusée d'accorder des visas provisoires, de laisser son aéroport et son sol comme  zone de transit pour y conduire les exilés vers les pays Baltes, la Pologne et plus rarement l'Ukraine.

Les deux camps se renvoient la balle, dur de savoir qui dit la vérité, sachant que les deux pays mènent une politique migratoire dure : la Pologne, gouvernée par l'extrême-droite vient d'ailleurs de débloquer plus de 350 millions d'euros en urgence dans le but de construire un mur équipé de détecteurs de mouvements. Les deux pays ont légiféré sur le refoulement à leurs frontières.
Ursula von der Leyen, présidente de la commission européenne, a annoncé il y a une semaine que l'Europe ferait tout pour que les exilés soient renvoyés dans leurs pays d'origines dans les "meilleures conditions" et prévoit de nouvelles sanctions contre Minsk. Bagdad promet de rapatrier les citoyens qui le veulent et la Turquie demande à la compagnie aérienne Belavia de ne plus prendre d'irakiens, yémenites et syriens.
Ces exilés se retrouvent donc coincés dans l'agenda géopolitique des règlements de compte entre Minsk et Bruxelles.

Cette situation n'est pas sans rappeler celle de la frontière grecquo-turque en février 2020, où le régime d'Ankara avait effectué des manoeuvres similaires menaçant d'ouvrir ses frontières à l'Europe (la Turquie accueille près de trois millions de réfugiés).

L'Union Européenne est particulièrement mal placée pour donner des leçons d'humanité, en particulier sur ce sujet. Elle laisse des familles entières mourir dans la mer Méditerranée, c'est sur son sol qu'on érige des barbelés. C'est elle qui finance Frontex, une agence de garde côtes et gardes frontaliers dont le budget dépasse aujourd'hui les 322 millions d'euros ayant pour but de persécuter et d'interpeller des exilés qui seront par la suite enfermés dans des camps. Pour balayer devant notre porte, c'est en France que l'on a évoqué la possibilité d'un délit de solidarité et que les conditions du droit d'asile sont désormais très restreintes et qu'on harcèle des migrants en proie aux violences systémiques de la police.
De plus, l'UE porte une responsabilité de poids quant à ces crises sur le plan économique, dans le rapport de domination et des déséquilibres entre des pays du Nord du Sud global, mais aussi et surtout à travers ses interventions participant à des guerres impérialistes (Moyen Orient, Afghanistan, Sahel etc.).

On pourrait dire que démographiquement, quelques dizaines de milliers de personnes ne représentent absolument rien, que les pseudos effets d'appel d'air n'existent pas ou pire encore, les arguments type "l'immigration rapporte plus que la lutte contre la clandestinité"... Même si tout ceci est vrai, ces arguments contribuent à la déshumanisation et sont de considération purement libérale pour l'être humain, amené à n'être qu'un objet de plus dans une logique de rentabilité.

S'il est évident que dans l'idéal, personne ne devrait fuir son pays et le quitter à moins de le souhaiter par lui même, cette situation intenable n'est malheureusement pas prête de s'arrêter. Bien sûr que le problème doit être combattu à sa racine. En attendant, il faut agir, aussi saluons toutes les belles âmes, à Calais, à Briançon, de la frontière américano-mexicaine à Lesbos et partout dans le monde qui essayent tant bien que mal de trouver encore un minimum de dignité.


En France, 1,1 milion de logements vides

Un million de logements vides... On squatte qui ?

EN FRANCE, 1,1 MILLION DE LOGEMENTS SONT VIDES DEPUIS AU MOINS DEUX ANS

Il y a quelques jours, les chiffres des logements privés vides des communes françaises ont été mis en ligne en accès libre par le gouvernement.

On y apprend qu'au 1er Janvier 2019 à Toulouse, 29195 habitations n'étaient pas occupées, soit 11.4% du parc privé, dont 3951 d'entre elles depuis plus de deux ans.
24 183 à Lyon (9.4%), 13290 à Nantes (8.9%), 108532 à Paris (9.89%), 46382 à Marseille (12.11%), 13814 à Strasbourg (11.6%), 21571 à Nice (9.9%), 18 440 à Montpellier (12.8%), 17348 à Lilles (15.3%)...

Mais qui peut se permettre de garder ces 1.1 millions de logements vides ?
Dont 300 000 dans les zones tendues, ces zones où l'offre ne peut pas répondre à la demande et où l'on connaît les pires galères de logement.

Des petits propriétaires qui proposent un bien à la vente sans trouver d'acheteur ?
Des héritiers en attente du règlement d'une succession ?
De gros propriétaires suffisamment friqués pour oublier qu'ils pourraient louer ?
Ou de gros bailleurs qui jouent la spéculation immobilière ?

Belle hypocrisie en tout cas du gouvernement, qui pointe du doigt le privé en ne communiquant que les données de leurs parcs.
Pas très joli de la part du premier acteur et réalisateur de la crise du logement...
Car même si l'Etat se fait discret sur le sujet, on se souvient qu'en 2015 les journalistes Denis Boulard et Fabien Piliu avaient dévoilé que l'Etat détenait 11.1 millions de mètres carrés de logements et bureaux vacants.

Bailleurs sociaux, église, état... tous jouent ce petit jeu de la propriété privée inoccupée.
Un jeu sordide et inhumain quand on sait que 4 millions de personnes sont mal logées ou non logées en France.

Selon les chiffres de la Fondation Abbé Pierre
300 mille personnes vivent dans la rue, un chiffre qui a triplé en 20 ans...
En 2020, 587 SDF sont officiellement morts dans la rue ou dans des abris de fortune selon le Collectif les Morts de la rue. Qui admet que ce nombre est loin d'être exhaustif.
Un jeu criminel donc.

Alors, on squatte qui ?


Des acteurs du mouvement Hip-hop se mobilisent contre Rachel Kahn

Au centre culturel Hip-hop La Place, des acteurs du mouvement se mobilisent contre Rachel Kahn, co-directrice du lieu qui revendique idéologiquement un universalisme proche de l'extrême droite.

Cofondé par la mairie de Paris et le Conseil départemental de la Seine Saint Denis, La Place est le premier centre culturel en France voué au hip-hop (rap, djing, beatbox, graffiti, danse, mode...). Situé au nord de la canopée du forum des Halles, il accueille des événements, met à disposition des espaces destinés à la création artistique, la production d'événements et également le développement entrepreneurial et associatif.

La création du centre engendre déjà quelques polémiques concernant l'institutionnalisation d'une culture populaire, autant sur sa présidente d'honneur, la styliste Agnès B, que sur la gestion et les objectifs du lieu qui paraissent tous deux assez éloignés de la réalité de terrain des actrices et acteurs du mouvement.

Pour autant, la vie suit son cours et La Place se développe.

Reste qu'en Janvier 2020, la nomination de Rachel Kahn passe mal. Dès le début, se pose la question de sa légitimité, car sa nomination ressemble à un parachutage plus ou moins forcé de l'équipe municipale de Madame Hidalgo. La mairie de Paris est censée siéger au Conseil d'administration au même titre que les bénévoles.

A ce moment, son livre n'est pas encore publié, elle ne préside pas encore la commission sport de la LICRA et elle n'affirme pas encore vraiment ses engagements au sein du Printemps Républicain et son penchant politique vers l'extrême droite.

En mars 2021 , le conseil d'administration de La Place publiera le communiqué suivant : "Les propos actuellement tenus par Mlle Rachel Khan dans les médias dans le cadre de la promotion de son livre n'engagent qu'elle, et ne reflètent en aucun cas les opinions des membres du conseil d'administration de La Place - Centre Culturel Hip-Hop de la Ville de Paris." Son ancienne amie Agnès B fera parti des signataires et se désolidarisera finalement, après l'avoir quand même félicité pour la sortie de son livre. La mairie de Paris s'énerve et demande la convocation d'un CA exceptionnel, d'après le Figaro)... Une grande partie du CA démissionnera quelques mois plus tard alors qu'elle promotionne son livre "Racée" félicitée depuis par Marine Le Pen. Reste Bruno Laforestie, ancien président de l'association Hip-Hop citoyens qui organise le festival Paris Hip-hop, également directeur de la radio Mouv', dont la soeur était par ailleurs agente artistique de Rachel Kahn, qui choisit de garder son siège.

Depuis, Rachel a fait du chemin, vomissant l'antiracisme au sens large quitte à instrumentaliser l'antisémitisme, elle siège notamment au think-thank de Jean Michel Blanquer dont le but est d'observer les militants antiracistes. Mieux encore, elle fait la promotion d'Alain Finkelkraut, reprenant une citation d'un de ses textes sur une instru d'Eminem durant une émission de radio où elle prétend "rapper". Oui c'est grotesque à lire mais encore plus pathétique à regarder.

Une dernière précision : selon des sources proches du CA, Rachel Kahn serait quasi toujours absente des lieux, avec un salaire de 3500 euros mensuel cumulant déjà de nombreux postes.

Face à elle, un groupe de passionné-e-s rassemblant des actifs dans les milieux du rap, du graffiti, de la danse, de simples amateurs et amatrices ainsi que des journalistes spécialisé-e-s ont décidé de sensibiliser l'opinion publique pour présenter leur pétition dont vous trouverez le lien en commentaire.

Cette pétition a été distribuée samedi dernier, pour la première fois avant le concert de Benjamin Epps et The Alchimist à un public amateur de rap globalement stupéfait se demandant "Comment c'est possible ? ".

Ce n'est pas pour le hip-hop que l'on connaît Rachel Kahn mais bien les idées politiques qu'elle véhicule.

Chez Cerveaux non Disponibles, vous êtes nombreux à aimer tout ce qui touche cette culture, certains d'entre v(n)ous la vivent depuis toujours, aussi le message est clair : casse-toi Rachel, tu as le droit de faire la coupole sur le discours de Zemmour mais garde le pour tes fachos admirateurs !

Le lien de la pétition : https://www.mesopinions.com/petition/art-culture/communaute-hip-hop-se-mobilise/161939


GRAMSCI : CRISES & MONSTRES 

« La crise consiste justement dans le fait que l'ancien [monde] meurt et que le nouveau ne peut pas naître. Pendant cet inter-règne, on observe les phénomènes morbides les plus variés. » Antonio Gramsci

Antonio Gramsci est un philosophe italien marxiste qui a notamment développé la thèse de l'hégémonie culturelle et co-fondé le parti communiste italien. Le philosophe italien a toujours lutté contre les figures et les pouvoirs fascistes. Ceux qui l'ont fait croupir en prison pendant près de 20 ans afin « d'empêcher son cerveau de fonctionner ».

Mais c'est justement en prison que Gramsci a développé la plupart de ses hypothèses. Il a touché du doigt les conditions nécessaires à l'avènement des révolutions en Europe de l'ouest avec le développement des thèses sur l'hégémonie culturelle.
La lutte des classes, dit Gramsci, doit désormais inclure une dimension culturelle ; elle doit se poser la question du consentement des classes subalternes à la révolution. La force et le consentement sont les deux fondements de la conduite des Etats modernes, les deux piliers d’une hégémonie. Quand le consentement vient à manquer, les conditions sont réunies pour le renversement du pouvoir en place.

Gramsci a également fait le constat vérifiable au présent. Du fait de nos temps de crises, économique dans un premier temps (2007), terroriste dans un second (2014), sanitaire et écologiques d'aujourd'hui et de demain.
Que lors de ces périodes, le pouvoir en perdition tente de se maintenir à flot et use pour ça de toutes les stratégies. Il ne lâche rien et empêche ainsi le nouveau monde d'apparaître. Il n'arrive plus à obtenir le consentement de sa population et fait face à des tentatives de débordement, de renversement et entre dans un processus de fascisation.

Ainsi surgissent les monstres.

Alors même que Zemmour tente de récupérer les idées de Gramsci en le citant sans honte là où il le peut, nous devons l'appréhender en tant que symptôme de l'époque, ou pour reprendre l’expression de Gramsci, comme « phénomène morbide ». Il n’est que la face publique du processus de fascisation actuel que seul un antifascisme populaire, solidaire, radical pourra contrer en créant les conditions propices à l'avènement du nouveau monde.


Rencontre internationaliste à Montreuil

Les Peuples Veulent ! 3.0 du 12 au 14 novembre à Montreuil

Les rencontres internationalistes "Les Peuples Veulent” reviennent pour une troisième édition !

Des activistes du monde entier sont attendu.e.s en novembre à Montreuil pour nous raconter leurs expériences, partager leurs idées, analyses et espoirs.

Pendant trois jours, tables rondes, projections, concerts et bien sûr savoureux repas seront proposés dans ce magnifique espace qu'est AERI. Pour nous permettre de nous rencontrer, de se régaler, de danser et de réfléchir ensemble.

En compagnie d'invité.e.s, venu.e.s d'Inde, du Liban, des Etats Unis, de Tunisie, d'Iran, de France, de Grèce et du Chili et à partir des pistes d’ores et déjà creusées ici et ailleurs nous essayerons de dessiner ensemble des horizons émancipateurs à mêmes de traverser frontières et océans.

📍À l'espace AERI au 57 rue Etienne Marcel Montreuil - Metro Croix de Chavaux

Cette édition se déploiera atour de trois thèmes :

🌊 L'Internationale Féministe 🌊

La vague de révolte féministe ne cesse de grossir dans le monde entier. Ces dernières années les combats féministes n'ont cessé de bouleverser l'ordre établi et d'imaginer un futur plus égalitaire pour toutes et tous.
Alors que certaines revendications sont parfois spécifiques aux contextes locaux, il existe plus que des résonances entre les luttes féministes en Amérique Latine, en Europe, au Moyen-Orient ou ailleurs. Ces mobilisations et la circulation des outils, des idées et des formes d’actions peuvent être comprises comme une expérience collective, à la fois locale et transnationale.

Ainsi, l’internationale féministe, ne serait-il pas une hypothèse révolutionnaire à part entier ?

🌎 Internationalismes d'hier et de demain 🌍

Comment traduire et mettre en résonance des situations, des expériences et des soulèvements aux quatre coins du monde ? Comment faire dialoguer des résistances dont les contextes sont très différents mais qui partagent la même volonté de changement radical ? Comment organiser l’entraide transnational depuis l'exil et comment unir plusieurs fronts face aux logiques autoritaires et néo-libérales ? Il existe une diversité d’initiatives, passées et présentes, visant à construire et consolider des liens entre les luttes dans différents pays.

Pour les renforcer et les multiplier, quelles nouvelles stratégies internationalistes pouvons nous imaginer pour aujourd'hui et demain ?

🧭 Les voies du changement 🧭

Entre les partis discrédités et les soulèvements populaires sans chefs, des hypothèses politiques émergent pour proposer des alternatives à la fois au système actuel et aux organisations politiques d'auparavant.
Hypothèses communalistes aux états unis, nouvelles formes d'organisation en France ou au Liban, coordinations féministe au Chili ou au Soudan réseaux affinitaires dans de nombreux territoires… autant de manières de faire pression, d'expérimenter la solidarité et d'avancer sur les chemins de l’émancipation.

Quelles sont les hypothèses en expérimentation ou à élaborer pour arriver à bouleverser régimes autoritaires, systèmes inégalitaires et structures réactionnaires ?

❗ PROGRAMME ❗

🌐 Vendredi 12 novembre 🌐

▶ 18H30 🎥 Projection
Une sélection de courts-métrages qui documentent des luttes passés et contemporaines.
▶ 20H 🥣 Dîner syrien

▶ 21H30 🪕 Concert

🌐 Samedi 13 novembre 🌐

▶14H00 - 16H30 : Internationalismes d'hier et de demain 🌍
avec Longo Maï (Europe), Collectif98 (Iran), Alpha Kappa (Grèce) Crimethinc. (USA) et Buzuruna Juzuruna (Liban)
▶17H30 - 20H00 Les voies du changements 🧭
avec Mégaphone (Liban), Coordinadora Feminista 8M (Chile), Longo Maï (Europe), Alpha Kappa (Grèce), MASA (Inde) et Crimethinc. (USA).
▶20H 🥣 Dîner syrien

▶21H30 🎶 Dj set

🌐 Dimanche 14 novembre 🌐

▶12H 🥣 Brunch Syrien
▶14H 🎥 Projection de « Born in Flames »
De Lizzie Borden, 1h 30 mins, 1983. VOSTF
"Dans un futur où le gouvernement socialiste gagne le pouvoir, un groupe de femmes planifie une révolte."
▶ 16H - 18H30 L'Internationale Féministe 🌊
avec Coordinadora Feminista 8M (Chile), Roula Seghaier (Liban, Tunisie), Arya Thomas (Inde), Somayeh Rostampour (Kurdistan, Iran) - Syrian Feminist Society (Syrie) par vidéo

▶19H Apéro de fin

🎧 Tout au long de l'événement un plateau radio permettra de discuter et de présenter chacun.e.s de nos invité.e.s plus en détail (programme complet des interviews à venir) 🎧

🎪 Espace créatif pour les enfants et les plus grands 🎪

Nous remercions chaleureusement :
▶L'espace AERI
▶La fondation Danielle Mitterrand
▶Le Service International-Via le monde du conseil départemental de Seine-Saint- Denis dans le cadre de l'Appel à Agir 2021

▶ Lizzie Borden et la Film Foundation and the Hollywood Foreign Press

Pour leur soutien précieux dans l'organisation de cette troisième édition des Peuples Veulent ❗

 

À l'espace AERI au 57 rue Etienne Marcel Montreuil - Metro Croix de Chavaux

Évènement initialement publié ici pour les utilisateurs de facebook

 


Révolte Indigène Paraguay

Révolte Indigène au Paraguay

Il y a environ trois semaines, des organisations indigènes ont convergé vers Asunción, capitale du Paraguay pour protester contre une loi visant à criminaliser la reprise de leurs terres, notamment face aux grands propriétaires.
Complice du régime en place, il est important de rappeler le rôle désastreux de l'industrie agro-alimentaire, situé en pleine "route du Soja", le Paraguay paie un lourd tribut des effets dévastateurs de la déforestation, de la pollution des sols, et aussi de l’air dans les villes, nous pouvons aussi citer le braconnage et le trafic d’animaux sauvages qui sont monnaie courante . Quatrième exportateur de soja au monde (à 98% OGM), sixième exportateur de viande, un sol riche en matières premières, surexploité et une déforestation qui se chiffre à plusieurs millions d'hectares perdus, le Paraguay est un exemple quasi caricatural des conséquences du capitalisme, des dérives de l’agrobusiness et de l’impérialisme américain.

Le président paraguayen actuel, Mario Abdo, membre du parti Colorado de droite ultra  conservatrice,  a entrepris d'adopter une loi face aux opposants indigènes bien décidés à reprendre leurs terres confisquées consécutivement par tous les différents dirigeants issus de ce parti. La démarche des indigènes étant par ailleurs de proposer autre chose que la vision de l’agriculture intensive, à l'instar d’autres pays d’Amérique du Sud global (mouvement des sans terres). Les régimes consécutifs ont chassés les paysans de leurs terres au détriment de l'agrobuisness et ses ravages, Oxfam chiffre à environ 900 000 (certains parlent même d’un million) le nombre de paysans expulsés de leur terre sur ces dix dernières années. Ceux ci finissant le plus souvent par vivre en périphérie de la capitale dans des bidonvilles ou des logements délabrés. C’est à dire un septième du pays qui compte un peu plus de 6 millions d’habitants. C’est dans cette dynamique d’opposition au régime coloradiste, qu’ont émergé des appels à bloquer les routes et à la grève.

Pour essayer de comprendre un peu mieux de quoi ces révoltes peuvent être le nom, et dans quel contexte elles interviennent, il est important de souligner le rôle du parti Colorado dans la construction moderne de ce pays. Situé à l'extrême droite, celui-ci gouverne le pays d'une main de fer depuis 1947 à l'exception de la période entre 2008 et 2013, le parti étant en proie de manière récurrente à des luttes internes et des règlements de comptes crapuleux entre hommes d'affaires peu scrupuleux.

Durant son règne, le dictateur Alfredo Stroessner, au pouvoir de 1954 à 1989, a mené une politique d’expropriation des terres : on estime que deux tiers des terres ont été confisquées durant la dictature, aboutissant parallèlement à l’exil forcé de certaines minorités indigènes, notamment les Aché, sédentarisés de force. Comme trop souvent en Amérique, on parle de meurtres, enlèvements d'enfants indigènes et une perspective d'avenir morne en travaillant dans des conditions proches de l'esclavage.
Presque deux millions de personnes auraient choisi l'exil sous le règne de Stroessner, soit presque un tiers du pays.
Si la législation actuelle promet des élections censées être libres depuis 1993, le parti au pouvoir bénéficie d'un appareil politique structurellement très fort, véritable forteresse soutenue par les occidentaux, USA en tête, par des puissances régionales dont les régimes sont proches, notamment le Brésil et le Chili comme durant les années de dictature et du secteur de l'industrie agroalimentaire dont dépend une partie de l'économie.

Le Paraguay est probablement l’un des pays les plus à droite d'Amérique du sud ayant étouffé dans l'oeuf  toute tentative même idéologique tendant vers le progressisme. Cela s’est fait comme partout en Amérique du sud global, par la torture, les enlèvements et les assassinats politques.
Il aura fallu attendre 1994 pour retrouver des mouvements sociaux importants accompagnés de grèves.

Démographiquement, les peuples indigènes (Guaranis, Aché, Ayoero et autres…) représentent 5% de la population, 93% de la population est considérée comme "métisse", ayant des origines indigènes et de conquistadors, pour un pays d'environ 6 millions d'habitants, auquel il faut additionner une diaspora importante notamment en Argentine, parfois appelée de manière péjorative « Paraguas ». Environ 90% de la population parle couramment le Guarani (langue indigène), elle est enseignée au même titre que l'espagnol, la population est très largement bilingue et fière de ses racines autochtones.

Les appels à la grève et aux blocages semblent avoir échoué pour le moment et il y a peu de chances que le pays bascule du jour au lendemain. Cependant, l’actuelle dynamique portée par des révoltes à l'échelle de tout le continent, mais aussi des résultats électoraux d’envergure pour la gauche,  du Mexique au Chili en passant par la Colombie, la Bolivie, l'Equateur ou le Pérou, et l'amplification des mouvements de réhabilitation et de prise de conscience de l'histoire des peuples premiers, auront peut être une influence sur la suite des événements, d'autant plus dans un pays qui a toujours revendiqué une part de l'indigénisme. Enfin, on peut aussi rappeler que des mouvements sociaux assez inhabituels avaient déjà secoué le pays en 2020.


☀️ Du soleil en automne ☀️

Pourquoi il n'y aura pas de saison 2 du mouvement des gilets jaunes, mais bien une nouvelle série, au scénario complètement différent. Un blockbuster qui scotchera tout le monde.

Depuis environ 48h, les appels circulent partout pour un retour massif des gilets jaunes trois ans après le début du mouvement. Des appels à l'aide de certain.e.s, des envies d'y retourner pour d'autres. Le gilet jaune est depuis deux jours devenu la cape du héros déchu qu'il doit revêtir au plus vite. En quelques heures la machine de guerre s'est emballée. Le #GiletsJaunesSaison2 en tendance Twitter, des figures du mouvement invitées sur des plateaux télés, des articles se multipliant dans les médias.

Mais disons le clairement, une « saison 2 » des gilets jaunes n'est ni possible, ni souhaitable.

🔶 PLUS RIEN NE SERA JAMAIS COMME AVANT

Depuis le mouvement des gilets jaunes, et dans un régime sanitaire écrasant, les mouvements se sont multipliés dès qu’ils le pouvaient, comme ils le pouvaient. En 3 ans nous avons connu pas moins de 6 mouvements massifs, aux formes et aspirations diverses. Du jamais vu.

▶️ Les mouvements antiracistes (islamophobie et négrophobie) et contre les lois liberticides ont ramené dans la rue des dizaines de milliers de jeunes, manifestant parfois pour la première fois et avec une détermination rare contre le racisme, la police et la surveillance de masse. Qui ne se souvient pas de cette foule devant le tribunal de grande instance, ou cette manifestation terminant place de la bastille, quand la BRAV-M fut complètement acculée.

▶️ Le mouvement contre la réforme des retraites a réussi a réactiver les machines syndicales et à les réinscrire dans la volonté du mouvement de masse. Bien que celui-ci fut stoppé avec l’arrivée inévitable du confinement, il a été une période où beaucoup ont renoué avec la grève, les blocages, les démonstrations de force. Tous les corps de métiers y étaient représentés. On se souvient notamment des pompiers en grève, des mois durant en première ligne, et dont la détermination a permis de dévoiler le vrai visage de leur corporation voisine : les flics.

▶️ Le mouvement des occupations de théâtres qui a eu lieu partout en France, jusque dans les théâtres les plus reculés de la Drome, il a permis de mettre en évidence la nécessité d’avoir des espaces où s’organiser. Les théâtres ont essayé de devenir les ronds-points de 2018. Des lieux où l’on se retrouve, où l’on mange, où l’on s’organise, où l’on échange, où l’on crée du commun. Des lieux désirables où l’on se confronte au réel.

▶️ Le mouvement contre le pass-sanitaire lui, a réussi à mettre dans le mouvement tout un tas de gens que personne n’attendait. Parfois des indésirables disons-le clairement. Mais aussi beaucoup de confusions qui auraient le mérite d’être clarifiées. Le pass-sanitaire comme dispositif de contrôle, comme outil de précarisation de beaucoup de professions. C’est ce que nous devons retenir.

▶️ Les derniers rapports du GIEC n’ont fait que grossir les rangs des militant.e.s défendant le vivant. Contre l’artificialisation des terres, les projet écocides à l’image des aménagements pour les JO 2024.

▶️ Les luttes féministes n'ont cessé de s'opposer au système patriarcal, aux violences sexistes et sexuelles dont la nomination du ministre de l'intérieur, Darmanin en a été le visage le plus exacerbé.

▶️ Les luttes LGBTQ ont continué de se diffuser, dans des prides radicales et sur les réseaux sociaux.

Toutes ces luttes se font échos entre elles, elles s'entremêlent et font face à un état et une police qui perpétue et accentue aussi bien les oppressions racistes, sexistes, LGBTophobes et précarise une population déjà à genoux

🔶 TENIR ENSEMBLE

Ces mouvements ont tous eu lieu en temps de pandémie, d'état d'urgence, de confinement, de couvre-feu. Alors que nos vies sont dictées par les discours napoléoniens d’un Macron plus arrogant encore que n’importe quelle star d’Hollywood.

Nous avons tenu la pandémie, maintenu et consolidé les liens sociaux là où le pouvoir cherchait à nous isoler.

Alliant la réalité du risque sanitaire et la nécessité de résister aux attaques anti-sociales et liberticides. Nous avons tenu, il est désormais temps de déborder.

A ce stade du texte, vous devez sûrement voir ou je veux en venir. Il serait inutile et prétentieux de croire que le mouvement des gilets jaunes reviendraient comme ça, en claquant des doigts, à l’appel de quelques figures et quelques comptes Twitter. Il ne peut y avoir de saison 2, car les suites sont toujours plus fades. Même si le gilet reviendra sur les épaules de nombreuses personnes dans le mouvement qui vient. Même si les ronds-points redeviennent les points centraux de la mobilisation, celle-ci ne pourra être « le mouvement des gilets jaunes ». Il sera et doit être plus vaste, plus diversifié, sans doute plus déterminé.

Il y aura les gilets verts, les gilets noirs, les gilets rouges dans un mouvement arc-en-ciel, ingouvernable. Il y aura du partage de pratiques, de modes d’actions. Certain.e.s occuperont quand d’autres bloqueront. Certain.e.s feront de grandes cantines et de délicieux barbecues ravitaillant les émeutiers fatigués. Tout ce que nous avons appris ces dernières années, qui que nous soyons, nous en tirerons profit. Nous avons tissé des liens. Faisons-en des nœuds.

L'économiste Frédéric Lordon disait déjà au printemps 2018, quelques mois avant le mouvement des gilets jaunes et pendant la grève des cheminots et l'occupation des universités :

💬 « Il faut que tous sachent qu’ils ont les moyens de faire dérailler le convoi. Ce que nous voulons ? C’est le mouvement de masse. Si l’offensive est générale, nous voulons le débordement général. Il faut dire à tous ceux qui se sentent dans le malheur qu'il y a une issue. Luttez, luttons, c'est le moment. »

🔶 MOURIR PEUT ATTENDRE

Les raisons du mouvement qui s’annonce sont multiples, et recoupent les raisons des différents mouvements sociaux de ces trois dernières années. Pour beaucoup, pris à la gorge par l’austérité, la précarité, les multiples oppressions systémiques ou la destruction des libertés, il s’agit bien de prendre la rue ou de mourir. Et comme nous le dit si bien le dernier 007, Mourir peut attendre, alors prenons la rue.

▶️ Les augmentations des carburants, du gaz, de l’électricité, mais également du blé et des matériaux comme le bois ou l’acier.

▶️ Les réformes anti-sociales, précarisant d’avantage. (Assurance chômage / Retraites)

▶️ Les lois liberticides : séparatisme, sécurité globale, état d’urgence et pass sanitaire

▶️ Les pleins pouvoir à une police et un Etat de toute les répressions, de toutes les oppressions

▶️ La multiplication des projets d’artificialisation des terres (JO 2024, Port du Carnet, Triangle de Gonesse)

A qui ne voit pas du commun dans le combat à mener contre les gestes du pouvoir devrait lui être offert une consultation chez l’ophtalmo. Le simple fait que ce soit les mêmes qui aient le pouvoir de décision sur l’ensemble de ce qui vient d’être évoqué devrait suffire. Mais il y a bien du commun entre le social, le vivant, et les libertés. Tryptique interconnectée. Car affectant directement nos corps.

🔶 EN FINIR AVEC LA MASCARADE

Pour couronner le tout, nous rentrons dans la grande mascarade de 2022 et soyons en assurés, il n’y a à chercher en aucun.e des candidat.e.s une alternative désirable à ce que nous vivons.

La classe politique est à bout de souffle, elle gesticule. Regardons-la de loin, pour pouffer de rire de temps en temps lors d’un débat folklorique entre un Zemmour et un Mélenchon.

Mais ne tombons pas dans le piège qu’imposent ces moments de bouffonnerie. La seule chose qui peut nous sortir d’une telle situation, c’est Nous, ensemble et dans la rue.

💬 « L’évidence a changé de camp – on se demande comment on a pu y croire. Ils n’ont plus pour eux que le vacarme de la télé et les bottes des CRS. Presque rien n’a changé, mais ce n’est plus comme avant. […]

Ce n’est qu’à partir de l’intelligence de ta situation que tu trouveras les prises pour t’emparer de 2022, pour inventer les milles agencements insoupçonnables, intimes, collectifs, langagiers, un souffle, un refus, une foule, qui tenteront d’enrailler effectivement cette mauvaise farce. Si c’est pas pour cette fois-ci, ce sera pour l’après, ou pour la prochaine. Tu ne seras pas seul, car l’évidence que cette mauvaise farce en est bien une rend infiniment plus partageables toutes les tentatives pour la déjouer. Frappe au hasard, tu trouveras. », En finir avec 2022, Lundi Matin

Il n'y aura pas de saison 2 des gilets jaunes. Il y a une nouvelle série qui va sortir, au scénario complètement différent. Un blockbuster qui scotchera tout le monde. Pour y prendre part, il va falloir arrêter de regarder Squid Game et foncer sur le plateau de tournage le plus proche de chez toi. En bas de chez toi. Dans la rue.

Nous n'avons pas la date de sortie précise. Certaines disent que c'est mieux de garder la surprise. Tenons nous prêts, il y aura peut-être un beau soleil cet automne ou cet hiver.


La question identitaire : le grand hold up

A l'heure où les prix de l'essence, du gaz et des matières premières ne cessent de flamber, où les étudiants recommencent à aller pointer à la banque alimentaire, il parait complètement fou qu'une grande part de la population continue de se laisser berner par les questions identitaires alors qu'on se fait littéralement plumer par les politiques néo-libérales autoritaires. 

Il parait fou qu'on doive encore se battre contre ceux qui en redemandent et qui en plus réclament le supplément raciste ! Comment continuer de croire que c'est en expulsant les immigrés et en réduisant les allocations des plus pauvres qu'on sortira des crises engendrées par le capitalisme ? Comment donner crédit à la préférence nationale alors qu’il est d’une plate évidence que la discrimination des non français de papier ne rendra jamais la misère et la précarité ambiante plus soutenable. Pas même une seule seconde.

Nous pensons que la question identitaire est une peur que le bourgeois en voie de déclassement essaye de transmettre au plus grand nombre. Le but : retrouver son emprise capitaliste d’antan, sa petite baronnie locale, son petit pouvoir seigneurial, son influence perdue qu’il avait sur tout un tas de moeurs. Pour résumer, il veut retrouver la peur qu’il incarnait autrefois.

Là où le capitalisme mondialisé ne lui a laissé que les miettes du pouvoir et la seule gestion de la flicaille, l’identitaire se sent lésé et cherche une manière de redorer son blason. Il n'a alors de cesse de parler de déclin civilisationnel. Un concept assez fourre tout qui pourra toucher monsieur et madame toutlemonde qui sent bien que tout fout le camp, qu'on marche sur la tête, ou que le monde ne tourne pas rond.

La vision décliniste donne une lecture simpliste dans un monde où on ne comprend plus rien : "si rien ne va plus, c'est à cause des étrangers qui nous grandremplacent et nous font perdre notre identité". A ce délire, il faut rajouter la phobie des homosexuels, lesbiennes, transgenres, queers ou intersexes. Et la détestation des femmes qui dénoncent une société encore inégalitaire basée sur le patriarcat. Bref, l'identitaire est une bête agonisante et donc dangereuse. Doublé d'un coté par ses amis capitalistes qui gomment les frontières pour le business et doublé de l'autre par les minorités qu'il ne peut plus empêcher de parler comme jadis. Pour se dépatouiller de ça, l'identitaire a hérité d'une bonne vieille technique, celle par laquelle toutes les révolutions ont mal tourné : La contre révolution.

Bientôt trois ans après le soulèvement populaire des Gilets Jaunes qui a fait date dans l’Histoire, il est plus qu’utile de rappeler qu’après les tentatives insurrectionnelles émancipatrices, vient ensuite le temps de la contre révolution. Celle qui fit naître Napoléon après 1789, celle qui accoucha de Staline après la révolution bolchevique, celle qui débrida le capitalisme après 68. Si on suit ce fil de l'Histoire, on peut se demander si après les Gilets Jaunes, nous allons devoir nous fader Zemmour ou Le Pen...

L’Histoire est parcourue d’une volonté d’émancipation toujours trahie. Pour l’instant, les révolutions ont toujours fini cocues.

Il est plus que temps de se ressaisir et d’enrayer ce hold up à ciel ouvert. Non, on ne vivra pas dans le bonheur en laissant les identitaires museler les minorités et faire du capitalisme à la papa. Vu les enjeux devant nous, l'extrême droite devrait systématiquement se faire dégager du chemin pour que nous puissions aller droit au but boxer la politique de Macron.

De la crise du covid, nous avons tiré un enseignement, celui que notre liberté était indexée sur notre productivité. Dès lors que nous n'étions plus utiles à l'économie pour cause de pandémie et de confinement, nous avons vu les couvres feux, les attestations d'auto-flicage et les interdictions de se balader en forêt ou sur la plage rendre coupable notre liberté de circuler. Nous avons vu que les principes fondamentaux de la démocratie et des droits humains étaient une fine couche de vernis, quelque chose que l’économie se réservait le droit de suspendre. Surement par peur qu’un monde auto-organisé surgisse. Un monde qui fait sans cette économie, ou qui la détourne.

Si nous nous étions sentis libres par le passé de pouvoir voyager, rien qu’hors de sa ville ou de son département ou libres en ayant des week ends, il faut nous rendre à l’évidence que cela dépendait avant tout de notre aptitude à être des portefeuilles en mouvement. Pendant le premier confinement, même ceux qui s’étaient affranchis de cette cruelle réalité en vivant en camion sans beaucoup dépenser ont vite été rattrapés par la réalité répressive.

Gouverner, que ça soit pour la droite ou « la gauche », ça a toujours consisté à faire de nous des facilitateurs de flux. Si toutes les contestations sérieuses en arrivent à bloquer les flux, par des grèves, des blocages ou des sabotages, ce n’est pas un hasard. Ceux qui s’en plaignent finiront un jour ou l’autre par s’apercevoir que leurs chaines se raccourcissent.

Nous avons acté que le capitalisme et la gestion des crises qu'il produit a encore beaucoup de misère et d'entrave à nous imposer. Au rythme où il se contracte, par sa perte de croissance et la raréfaction des ressources qu’il pille, il ne faut pas douter une seule seconde que ses restructurations à venir seront violentes. Aussi, il parait  évident que les pénuries à venir, qu'elles soient dues au climat, à l'économie de marché, ou à d'autres pandémies, occasionneront des rationnements, et des mesures liberticides tout autant, voire plus violentes que celles qu'on a connues. Les stratégies du capitalisme consisteront toujours à nous tenir la tête sous l'eau pour que surtout, nous ne puissions nous organiser sans lui. Et nous entendrons toujours la même chanson à chaque élection : "soit moi, soit le fascisme".

Le présent et l'avenir du concept de gouvernement est un tandem entre le néo-libéralisme et le fascisme. Le capitalisme, aujourd'hui seul au monde, ne permet que ce coté là de l'échiquier. Il nous parait impossible qu'un jour, nous voyions arriver un gouvernement de vraie gauche ayant comme programmatique la chute du capitalisme et l'égalité entre tous les êtres humains.

Il paraît par contre plus probable qu'un jour, nous éliminions les tentatives identitaires qui divisent les gens qui pourtant partagent les mêmes galères et que ce jour, nous allions toutes et tous remettre le couvert pour faire une révolution qui finira véritablement d'abolir les privilèges, d'abolir les inégalités. Nous ne sommes pas des stratèges politiques et n'avons par conséquent que des rêves. Mais la certitude qu'on peut s'organiser à grande échelle et au delà des frontières sans se laisser crever de faim, sans se faire la guerre civile, tout en assurant des logements pour tous et le partage des savoirs et des cultures... Cette certitude est grande. 

Et non, abolir le capitalisme ne nous fera pas revenir à l'âge de pierre. Il est évident que nous pourrons subvenir dignement à tous nos besoins sans recourir à un système d'enrichissement massif de quelques uns au détriment de tous les autres.

Ayant fait ce constat, il est hors de question de laisser prospérer ceux qui incitent à se regarder le nombril de l’identité pendant que le train d’une mort sociale nous fonce droit dessus.

Ceci est un message destiné à toutes celles et ceux qui doutent. Nous les invitons à faire un pas de coté. A prendre de la hauteur et à s’organiser pour que l’Histoire ne se répète pas inlassablement à la faveur des salauds. Il nous revient la tâche de créer un monde auto-organisé, qui ne soit pas gouverné, dans lequel "être un puissant de ce monde" ne veut rien dire. Sinon, il y a fort à parier que notre futur sera un monde à la Mad Max.