Attentat raciste : indignité jusqu'au sommet de l'État

Vendredi 23 décembre, ce n'est pas que la communauté kurde qui a été frappée, c'est tous ceux qui partagent des valeurs de liberté et de tolérance. Malheureusement, les heures qui ont suivi le drame n'ont pas fait honneur à ces valeurs et aux victimes de cet attentat.

Après le choc de l'attentat, et une fois les éléments assez clairement établis, il nous semble important de remettre les pendules à l'heure. Pour malheureusement constater les défaillances de l'État français et du monde occidental, qui ne cesse d'être complaisant avec l'extrême droite, et qui n'arrive pas à se détacher de la pression du pouvoir turc sur la question kurde.

La presse mainstream et l’État Français sont fidèles à leur indécence en refusant de qualifier ce crime raciste d'attentat, préférant évoquer une « attaque » par balles, et ce, malgré la revendication ouverte du terroriste d’avoir agi par racisme et délibérément visé la communauté kurde.

Nous partageons ce sentiment de colère et souhaitons revenir encore une fois sur cette affaire et les interrogations qu’elle suscite dans un contexte où se multiplient les tentatives d’attentats imputées à l’extrême-droite.

Aussi l’équipe de CND tient une fois de plus à adresser ses condoléances et son soutien aux familles et proches des victimes.

 

Les faits

Vendredi dernier, en fin de matinée, un homme âgé ouvre le feu devant l’entrée du Centre Démocratique Kurde Français, situé au 16 rue d’Enghien, dans le 10ème arrondissement de Paris, où réside une part importante de la diaspora. Des commerces kurdes divers sont ensuite pris pour cible, notamment un restaurant, puis un salon de coiffure.

Le terroriste, armé d’un Colt 45 1911 de l’US Army, tire neuf fois et sera finalement interpellé.

Mis en garde à vue, il sera arrêté avec une mallette contenant « deux ou trois chargeurs approvisionnés, une boîte de cartouches calibre 45 avec au moins 25 cartouches à l'intérieur. ».

L’assassin, William Mallet, est un Français âgé de 69 ans, conducteur de train qui avait déjà été arrêté l’année précédente pour avoir attaqué des migrants à l’arme blanche en lacérant des tentes muni d’un sabre, puis en tentant de tuer un exilé qui s’était défendu avec cette même arme.

Placé un an en détention provisoire et tout juste relâché le 12 décembre dernier, l’homme n’a pas été fiché malgré plusieurs condamnations pour détention d’armes illégales en 2016 et 2017.

Le mobile raciste est revendiqué, l’assassin assume une haine viscérale vis à vis des populations racisées.

Il explique en vouloir à tous les migrants et spécifiquement aux kurdes pour le fait d’avoir faits prisonniers des soldats de Daesh, au lieu de les exécuter.

Le Monde rapporte que le suspect a déclaré aux enquêteurs que, le matin de l’attaque, il s’était d’abord rendu à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) muni de son arme « pour commettre des meurtres sur des personnes étrangères », selon le parquet. Il a finalement renoncé « compte tenu du peu de monde présent et en raison de sa tenue vestimentaire l’empêchant de recharger son arme facilement ».

Conduit en psychiatrie, sa garde à vue a été levée.

 

Les victimes

Le Centre Démocratique Kurde Ahmet-Kaya, un lieu de vie important pour les communautés du peuple kurde, accueille 24 associations et regroupe des activités en lien avec la culture et la vie politique. Trois personnes y ont été assassinées :

Emine Kara est une responsable du Mouvement des Femmes Kurdes en France. Combattante du Nord-Est de la Syrie, elle était initialement venue en France pour se faire soigner après avoir été blessée par Daesh.

Mir Pewer, réfugié politique, était un artiste, poète et chanteur kurde dont les paroles engagées dérangeaient profondément le pouvoir turc.

D’après Berivan Firat, porte-parole du CDKF, le dictateur Erdogan en personne redoutait ses compositions.

Abdullah Kizil, était un homme âgé qui avait pour habitude de venir quotidiennement dans ce centre. Il aurait dévoué sa vie aux combats des Kurdes.

 

La répression comme réponse d'État

Une fois de plus, l’ordre républicain se distingue par son mépris odieux.

Le ministre l’intérieur exclut immédiatement le mobile politique de cet attentat, ce qui rajoute de l’huile sur le feu et attise naturellement la colère de la population kurde.

Pour en rajouter une couche, Gérald Darmanin n'a pas hésité à laisser la police française attaquer une population endeuillée qui se recueille le soir-même d’un attentat. Un manifestant a été grièvement blessé à l’œil par un tir de lacrymogène.

Cette manière de procéder rappelle que le départ du préfet Lallement, remplacé par Laurent Nunes ne change rien et que l’ère du tout répressif ne fait que commencer.

Toutefois, la dignité kurde a su tenir tête à la honte républicaine et a prouvé sa détermination partout en France, notamment à Paris et Marseille.

 

Un sentiment de colère et des questions

Outre l’attitude tout bonnement irresponsable des forces de l’ordre, que dire une fois de plus de la piteuse couverture médiatique des grands groupes de presse ? Est-il si difficile d’utiliser les mots « terrorisme » ou « attentat » dans une situation appropriée ?

Rien n’évolue a ce sujet, mais ce n’est pas une surprise. Pas plus que le peu de temps accordé à interroger les motifs du terroriste et surtout les conditions, l’ambiance générale et les discours qui ont inspiré son acte et sa manière de penser.

Évidemment, nous retrouvons aussi cette géométrie variable qui refuse de s’attarder sur les violences policières et la volonté délibérée d’attaquer des manifestants à Paris et Marseille.

Nous n’attendons rien ni de ces médias, ni de la classe politique et évidemment encore moins de l’État français. Il y a cependant matière à être inquiet et à s’interroger.

La classification immédiate en tant qu’irresponsable du meurtrier qui a pourtant revendiqué fermement son acte en tant que raciste et dit avoir ciblé spécifiquement la communauté kurde laisse songeur.

L’immense majorité des auteurs d’attentats d’extrême-droite sont immédiatement considérés comme « fous » et ne seraient donc pas responsables de leurs actes, et la France n’est pas une exception. Nous devons nous questionner sur les qualifications à géométrie variable concernant les actes terroristes.

On retrouve des cas similaires partout dans le monde occidental. Faut-il rappeler qu’il a fallu plusieurs contre-expertises obtenues sous la pression pour prouver que Anders Behring Breivik, auteur d’un attentat épouvantable en Norvège en 2012 n’a pas agi par « pulsions délirantes » ?

Le racisme est le produit d’une construction sociale et un système de domination politique, pas une pathologie liée à des troubles d’ordre psychiatrique.

Comment et surtout pourquoi peut-on bâcler la possibilité d’une enquête aussi rapidement, 24 heures après les faits alors que des militants nationalistes et racistes sont ces derniers temps régulièrement arrêtés pour projeter des attentats ? La personne revendique clairement son acte.

Nous savons aussi que le peuple kurde est la cible de tous les impérialismes régionaux au Kurdistan et donc que ses ennemis sont nombreux allant de l’État turc à Daesh en passant par l’extrême-droite mais aussi l’État iranien où la communauté kurde joue un rôle phare dans les révoltes actuellement en cours.

Il paraît tout de même invraisemblable d’exclure d’office la possibilité que l’assassin aurait pu agir pour le compte de quelqu’un en y trouvant ses intérêts. Le profil des victimes ainsi que leurs engagements respectifs laisse tout aussi songeur. Pour finir, qui était le conducteur du tireur ?

Les soupçons envers les sbires d’Erdogan, plus particulièrement la mafia des Loups Gris paraissent tout à fait justifiés même si nous ne connaîtrons malheureusement peut-être jamais la vérité.

Nous rappelons aussi que cet attentat survient, quasi jour pour jour, presque dix ans après un autre attentat qui avait causé la mort de trois militantes kurdes : Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez, tuées par Ömer Güney, agent du renseignement turc (MIT) surnommé « la source ».

Ce dernier, décédé d’un cancer du cerveau en 2016 dans un hôpital parisien, était membre des Loups gris : une organisation paramilitaire d’extrême-droite ouvertement mafieuse, dont la branche politique, le MHP, est actuellement alliée à l’AKP du dictateur Erdogan pour lequel il sert de milice.

L’enquête avait été classée sans suite et les familles n’avaient pas été reçues par les chefs d'État ou leur ministres. Et l'enquête suite à une deuxième plainte visant les commanditaires demeure obstruée par le secret-défense.

L’État français n’avait pas souhaité froisser son homologue turc, également membre de l’OTAN.

Pour en revenir à cette affaire, comme souvent les obstacles à la manifestation de la vérité et de la justice seront des facteurs parmi les plus rageants, que le terroriste ait agi seul ou pas.

Car c’est aussi de ça dont il s’agit lorsqu’il s’agit de justice sociale, d’honorer la mémoire des martyrs et de pouvoir faire intégralement son deuil.


Froid, restrictions : l'école va mal

L'école va mal : entre 10 et 14 degrés dans certaines classes, distribution de polaires, économies à la cantine

Marquée par une reprise difficile où se multiplient les annonces de fermetures d’établissements scolaires faute de personnel et de moyens, l’Éducation Nationale continue sa chute vertigineuse dans le précipice, et l’atterrissage pourrait être dramatique.

Des collectivités territoriales ont fait leur choix, et elles estiment que les bâtiments coûtent trop cher pour être chauffés. Il faut faire des économies en priorité là où nous avons le plus besoin de moyens : l’éducation et la santé.

On remarque que le gouvernement n’a pas les mêmes difficultés quand il s’agit de débloquer des fonds pour équiper la répression et recruter des policiers et que lutter contre l’évasion fiscale ou rétablir l’ISF n’est pas à l’ordre du jour.

Ainsi, dans plusieurs écoles, on fait cours dans le froid.

Dans l’Oise, à Laigneville, il est dorénavant interdit d’ouvrir les fenêtres pour économiser la chaleur (source Courrier Picard).

Un comble sachant que c’est en hiver que risquent de revenir à la hausse les épidémies de type Covid-19 ou encore de grippe.

À Rouen, les écoles n’avaient pas rallumé le chauffage trois jours après la rentrée et certaines allaient jusqu’à inciter les parents à venir récupérer leurs enfants évoluant entre 11 et 15 degrés. Le problème semble cependant avoir été résolu depuis.

Dans la commune de Périers (située dans la Manche), l’école est allée jusqu’à investir dans l’achat de 6000 euros en polaires distribués aux élèves (source Le Parisien).

De la Seine et Marne à la Dordogne, en passant par la Vendée, le Conseil Départemental réduit et limite la température à 19°C en salle de classe et 17°C dans les couloirs. Et il est de plus en plus envisagé d'en faire une norme au niveau national.

Un collège d’Avignon dans la Vaucluse (le collège Lavarin), avait récemment décidé de fermer tout l’hiver sa section SEGPA et de se délocaliser à trois kilomètres faute de moyens.

Finalement, à la suite d’une mobilisation importante des parents d’élèves, cette décision a été annulée.

Pas de quoi se réjouir pour autant, cet exemple en dit long sur l’état de nos institutions et leur futur proche. Cela témoignera peut-être aussi bientôt aussi des disparités et inégalités entre les communes, départements et régions, car tous n’ont pas les mêmes moyens.

Autre exemple concernant les lycées, dans la ville de Toulouse, France Bleu rapporte que la région Occitanie a demandé à des lycées d’économiser sur les menus dans les cantines. Au lycée international de Colomiers par exemple, on devra vraisemblablement choisir entre l’entrée et le dessert, à Déodat on doit déjà choisir entre le fromage et le fruit.

Même son de cloche dans la plupart des universités, avec toujours cette réduction de 1°C.

Nous pouvons également citer un fait notable : l’Université de Strasbourg fermera deux semaines supplémentaires cet hiver.

Être classée en tant que 8ème puissance mondiale et parmi les premières du continent soi-disant le plus « développé » n’empêche définitivement pas d’être confrontés à des choix politiques contre sa propre population, en la contraignant à être conditionnée par la précarité dès le plus jeune âge.

C’est une volonté délibérée de préférer faire souffrir celles et ceux qui vont à l’école que de taxer les ultras riches.

Du plus jeune âge à la vie d’adulte en passant par l’adolescence, tous vont en pâtir.

Le corps enseignant doit absolument prendre ses responsabilités sachant qu’il est déjà trop tard. Nous n’avons donné que quelques exemples à un mois et demi du début de l’hiver.


🇹🇿 Tanzanie : soulèvement Massaï contre leur expulsion de la réserve de Ngorongoro

Située dans le nord de la Tanzanie, la réserve naturelle du parc de Ngorongoro s’étend sur 8288 kilomètres carrés. Faiblement peuplée, sa population y est majoritairement Massaï, vivant entre le Nord de la Tanzanie et le Sud-Ouest du Kenya. Estimée d’environ 8000 habitants dans les années 50, le nombre d'habitants vivant dans cette zone serait composée aujourd’hui de plus de 100 000 personnes.

D’après le magazine Géo, la quantité de têtes de bétail serait passé d’environ 260 000 en 2017 à plus d’un million aujourd’hui, majoritairement des bovins.

Jusqu’à présent, les gouvernements successifs de Tanzanie ont toujours autorisé les populations autochtones à rester vivre sur leurs terres, (oui la lecture de cette phrase est scandaleuse).

A cause du réchauffement climatique, la saison sèche dure dorénavant plus longtemps.

Celles et ceux qui vivent dans cette réserve, se retrouveraient parfois en concurrence avec la faune sauvage à la recherche d’eau. La cohabitation avec les animaux sauvages, avait jusqu’ici toujours été optimale.

Il serait dorénavant moins rare d’y voir des accidents : attaques sur le bétail et parfois même sur les humains.

C’est sur cet étrange prétexte, réfuté par la population Massaï, que s’appuie le gouvernement tanzanien, dirigé par la présidente Samia Suluhu Hassan et le premier ministre Kassim Majaliwa pour faire appliquer “un plan de conservation.” Le son des cloches porté par les vaches est accusé de faire fuir les animaux sauvages et de nuire au tourisme, secteur qui représente 18% du PIB tanzanien. En plus de déplacer des populations, l’Etat propose l’instauration d’un système de balises qui séparerait les animaux sauvages des hommes. Sauf que la vraie raison semble être toute autre.

D’après Mr Mondialisation : “l’entreprise Otterlo Business Company (OBC), basée aux Émirats arabes unis (EAU) qui organise des excursions de chasse pour la famille royale de son pays et ses invités devrait obtenir le contrôle de la chasse commerciale dans la région.” L’Allemagne serait également engagée dans ce processus au nom de l’écologie. “La Zoologische Gesellschaft Frankfurt (Société zoologique de Francfort) finance des gardes forestiers et des agents de protection de la nature, dont certains, selon les Massaï, ont été impliqués dans les récentes expulsions.” Fiore Longo (Survival France) alerte “Les conservationnistes qui travaillent en Tanzanie, comme la Société zoologique de Francfort (FZS), basée en Allemagne, prônent un modèle de conservation raciste et colonial qui est celui de la conservation-forteresse. La FZS considère la population locale et son bétail comme l'une des principales menaces à la survie de l'écosystème, promouvant ainsi le mythe d'une "nature sauvage" sans population, qui a depuis le début servi de philosophie sous-jacente aux expulsions des Massaï."

L'État tanzanien est donc accusé de vouloir transformer les parcs naturels en zones uniquement réservées à l’usage touristique pour des safaris et même destinées à la chasse aux trophées. Héritière caricaturale de la domination coloniale, cette pratique est ainsi très éloignée des prétentions écologistes.

Des compensations seraient proposées à celles et ceux qui acceptent un déplacement 370 kilomètres plus loin.

A la clé : des promesses de meilleures conditions de vie, d’écoles et hôpitaux à proximité, ou encore un accès à l’électricité. Problème : en plus de forcer ce mouvement, par le passé, les déplacés n’ont que rarement reçu des compensations, se retrouvant parfois dans la misère.

La majorité des autochtones semble rester méfiante et hostile quant à cette décision d'exil, et bien décidée à y faire face. D’autant que les précédents ne vont pas dans ses intérêts. En 2018, après trois ans d’enquête, un rapport publié par Anuradha Mittal pour la Oakland Institut, témoigne de nombreuses exactions répressives de la part de l’armée tanzanienne à l’encontre des Massaï : après les déplacements forcés, 20 000 personnes se seraient retrouvés SDF dépourvus de biens et de bétails. « Les entreprises touristiques veulent une savane immaculée, le genre d’image qu’on voit dans National Geographic ou à la télévision, la savane avec les lions, les bêtes sauvages... Ils ne veulent pas voir d’êtres humains. Ils nient l’existence de cette population, qui vit pourtant sur cette terre depuis toujours. ». (...) “« L’armée affirme qu’elle protège le parc national du Serengeti, mais les villageois ont été battus sur le territoire de leur village, et pas dans le parc. C’est un vrai climat de répression, on leur dit "comment osez-vous aller devant la Cour de justice régionale ?" ». (Oakland Institut)

 

 

Les tensions semblent s’amplifier et atteindre un nouveau tournant après une nouvelle offensive de l’Etat. La police aurait blessé plus de 40 personnes par balles et dans ces affrontements, un policier aurait été tué par des flèches. Le militant des droits de l’homme Joseph Moses Oleshangay rapporte que « La police, les militaires sont arrivés dans le village, sans prévenir. Ils ont commencé à installer des balises de démarcation. Les villageois ont résisté. Les policiers ont commencé à utiliser des gaz lacrymogènes et des munitions. Beaucoup de gens ont été frappés, blessés. Des habitants ont commencé à tirer des flèches et je pense que c'est comme ça que le policier a été touché.”

De son côté, le commissaire de police rétorque « Il est très regrettable qu'un policier ait été tué par des flèches tirées par un groupe de personnes qui voulaient bloquer la pose de balises et a même voulu attaquer ceux qui menaient ces opérations ». (Source RFI)

D’après Reporterre, le 10 Juin dernier, “au moins 18 hommes et 13 femmes ont été la cible de coups de feu, tandis que 13 autres ont été blessés à coups de machette”.

Aux quatre coins du globe, le droit à la terre est bafoué et les populations autochtones chassées et humiliées alors qu’ils sont les vrais gardiens garants de la faune de ces zones que les programmes qui les chassent ne parviennent pas à sauvegarder. Il y a le plus souvent non seulement des intérêts économiques mais aussi le désir de s’accaparer une terre pour s’y sentir comme dans son jardin. Il s’agit ici, encore une fois d’un cas d’école du néo-colonialisme vert.

Source vidéo : Anonyme citoyen, Survival France


Et maintenant ? Une "victoire" relative au milieu des défaites.

Avant propos : ce texte comme le précédent reflète une vision de membres de CND. Nous avons des débats internes et nous avons fait le choix de publier deux textes dont les conclusions parfois se rapprochent, d'autres fois s'éloignent. L'équipe n'incite pas à voter ou s'abstenir car nous estimons que ce n'est pas notre rôle. Nous ne prenons pas les urnes comme une solution à tout, juste un moindre mal. Voter, même dans ce contexte, incarne un acte militant assez désespéré pas si significatif, mais qui ne coûte rien. Voici de quoi ce choix est le nom, pour une partie de l'équipe ayant décidé d'y prendre part. Le système que l'on veut détruire existe, nous faisons avec. Qui plus est dans une séquence vide en termes de mobilisations.

 

Pas de remède miracle dans une époque merdique

Dans ce scrutin marqué par une abstention écrasante, une extrême-droite propulsée par Macron qui réalise un score auquel elle-même ne croyait pas, beaucoup de choses ont déjà été dites. L'assemblée est bien à droite.

Toutefois, dans ce chaos, il paraissait important de revenir sur les quelques aspects plutôt positifs aussi minimes soient-ils.

Ce texte écrit à chaud, n’a pas vocation à surestimer l’UP et la NUPES, encore moins faire sa promotion, ni à la descendre volontairement. Plutôt à entamer un début de réflexion sur les perspectives à venir maintenant que la séquence électorale se termine.

Il ne nous a pas échappé qu’un nombre important de sympathisants aux idées révolutionnaires, antifascistes, antiracistes, féministes, écologistes, sensibles aux inégalités sociales ont décidé de prendre part au vote.

Parmi ces soutiens, on retrouve une multitude de profils avec des postures différentes : méfiance, scepticisme, désespérance, confiance, enthousiasme, convaincus, peu importe : chacun(e), ses raisons personnelles d’y trouver un intérêt collectif.

Il faut reconnaître que pour une fois, le curseur a été placé à gauche et cela a fonctionné.

Toutes les social-démocraties ne se valent pas, Mélenchon n'est pas Valls quoi qu'on pense de lui.

L’Union Populaire a choisi une ligne de “rupture” sur un certain nombre de sujets, y compris là où ou ses positions étaient inexistantes en 2017. Cette prise de position a été payante quand on voit d'où elle part.

En plus de l’aspect social, de l'islamophobie aux violences policières, en passant par la sortie de l’OTAN, ou encore un programme écologique à la hauteur des enjeux vis-à-vis de l’urgence de la situation, la gauche a pris ses responsabilités.

Cette étape politique témoigne aussi de l'influence de l’autonomie des luttes : Gjs, anti-racisme, écologie, et d’une certaine manière syndicale, après la réforme des retraites qui émane plutôt des bases syndicales que des directions. C’est aussi notre incapacité à organiser et structurer nos luttes sur la durée, qui font que ce vote apparaît comme la solution la plus viable. Pour beaucoup, c’est tout ce qui reste après trois ans de mouvements sociaux qui ont ébranlé la Macronnie, puis ce vide quasi sidéral qui a suivi les restrictions sanitaires liées à la pandémie du Covid.

Réalistement, sur le plan hégémonique, un leader de la gauche, qui affirme sans concessions que la police tue ou que les musulmans ne représentent aucune menace, c’est une petite victoire dans un contexte aussi rude.

Quand il le dit, des millions de personnes l’entendent, nous n'en touchons que quelques milliers généralement déjà acquises à notre cause.

Plus Hollande puis Macron ont placé la ligne à droite, plus l’extrême-droite a progressé sur tous les plans : électoralement, et banalisation de ses idées y compris terroristes sur tous les plateaux TV.

L'inverse nous sera bénéfique. Cette époque nous étant plus que défavorable, nous comprenons que ce vote puisse être perçu comme une petite bouffée d’air.

Représentativité :

Durant les présidentielles, la personnalité de Jean Luc Mélenchon a su créer un dynamisme notamment là où on ne l’attendait plus, c’est indéniable dans certains quartiers populaires ou chez une partie de la jeunesse, mais cela reste relatif vu les taux d'abstentions.

La gauche radicale a également progressé dans cette France dite périphérique où se trouvaient de nombreux GJs, mais elle échoue largement dans les campagnes et ne parvient pas à maintenir cette petite flamme durant les législatives. Si la figure de JLM se démarque, cette personnification est logique et probablement nécessaire vu le fonctionnement de la cinquième république : nous avons des figures faisant office de références. Il paraît cependant bien seul à se démarquer.

La représentativité ne fait pas tout : par les temps qui courent, on pourrait même imaginer un fils d’immigré travailleur chez Uber Eats se présenter pour un parti de droite.

Cependant, cela demeure quand même un point à soulever, car il sert de référence aux yeux des masses.

La NUPES échoue à ce niveau là aussi avec un manque d’ancrage évident et de rupture avec la gauche traditionnelle, comme en témoignent les têtes de listes dans le 93 ou son manque d'attractivité et de lien avec les milieux associatifs. Sérieusement, qui a envie de voter pour Villani ?

Néanmoins, on ne saurait cacher notre satisfaction et notre respect après la victoire de Rachel Kéké, première femme de chambre députée.

Ce n’est pas assez, certes, mais qu'attendre de plus d'un hémicycle aussi bourgeois ? Ceci-dit, quoi qu'on pense d'eux, les 17 députés LFI ont tenu tête à eux seuls sur bien des sujets : lois liberticides et racistes, écologie, sociales. Avec dix fois plus d'élus, sans majorité absolue, leur marge de manoeuvre pour faire contrepoids peut s'avérer utile, toutes proportions gardées.

Tout ceci c’est bien beau mais maintenant ? On fait quoi ?

Nous ne se faisons aucune, illusion, ce vote n’est pas une fin en soi, c’est une posture anti-raciste, écologique et sociale. Un pansement sur une hémorragie. Une simple étape qui aide à définir dans quel cadre on préfère lutter ou faire partiellement avancer nos idées.

Aussi, au risque de radoter des arguments gauchistes, des choix nous laissent forcément encore plus perplexes. Déjà, parce que même si elle avait gagné, on voit difficilement comment elle aurait pu appliqué son programme, étant donné un rapport de froce disproportionné face au CAC 40 et aux institutions.

Ensuite, le côté gauche plurielle fait forcément peur. Redonner une seconde vie à un PS mourant qui méritait d'être achevé et à une EELV/PCF moribonds semblait indispensable si la NUPES souhaitait faire son score le plus élevé, mais à quel prix ? Sachant que son absence au second tour tient aussi de la responsabilité de ce sinistre clown de Fabien Roussel et du clown libéral Jadot, quel intérêt de les maintenir en vie, alors que de toute façon la NUPES ne pouvait pas gagner ?

Le PS aura finalement un groupe, même si son aile la plus nuisible et la plus pathétique a décidé de continuer son suicide (Hollande, Moscovici, Cambadélis etc.), il n’en demeure pas moins que Olivier Faure, au même titre que Fabien Roussel se range pour le moment du côté des meurtriers en défendant la police, après qu’une femme a été abattue par plusieurs balles. On se doute que leur position sera très marginalisée face à la déferlante UP, mais qu’en sera t'il au moment de trancher ?

C'est peut-être mieux que la gauche ne prenne pas le pouvoir de suite, en foutant en l’air le peu d’espoir qu’elle inculque à l’image des années Jospin ou Hollande. Sa posture d’opposante légale permettra peut-être de faire un premier tri.

La NUPES sera confrontée d'office à un certain nombre de désaccords sur des points essentiels. D'un côté sur sa politique intérieur : nucléaire, rapport à la police, islamophobie, laïcité ou la politique migratoire.

Sur sa politique internationale de l’autre : son rapport aux USA et l’OTAN, du danger que représente l’Union Européenne, de la Françafrique, ou encore de sa prise de positions sur des questions comme celle de la Palestine, du Yémen, ou encore le cas des relations à la Chine, la Russie et les pays du Golf.

Et puis, il y a “nous”, qui avons mené des combats synthétisés par ce vote. Nous que la gauche dite radicale ne consultera pas en parlant entre notre nom. Nous qui subissons, avons tenté d’agir et subi la répression.

Nous savons que nous serons abandonnés au moindre fait divers, à la moindre poubelle qui brûle. Avant même d’avoir des députés, c’est déjà la limite de l’UP.

Pas que nous soyons dans la fétichisation de l’émeute ou du zbeul pour le zbeul, juste qu’elle est un juste retour de la violence sociale, parfois même une pratique qui peut même s’avérer efficace mais surtout fatalement inévitable. Cette expression doit être comprise, elle est tout sauf aveugle. Le nier, c’est abandonner les milliers de GJs auxquels on avait promis une amnistie et surtout nier les références révolutionnaires. Les sans-culottes étaient des casseurs monsieur Mélenchon ! On ne demande pas à l’Union Populaire de soutenir ça, de toute façon nous n'attendons rien d’elle, mais si parfois elle se tait c’est pas plus mal.

Parlons court-terme, un scénario plausible est que Macron va devoir dégainer le 49.3 systématiquement dans une situation inconfortable. Il va attaquer sèchement sur la réforme des retraites et tout une liste de réformes anti-sociales.

Avec une majorité partielle, il se retrouve dorénavant confronté à deux fronts : un hémicycle qui ne lui est plus vraiment acquis. Et le plus important pour nous : la rue qui attend sa revanche.

Si certain(e)s d’entre nous ont fait le choix délibéré de ce vote, il est très majoritairement critique et nous n'en attendons pas grand chose de peur d'être déçus.

Quant à la gauche, la balle est dans son camp, qu’elle forme ses cadres, se confronte un peu au terrain des luttes, et se radicalise un peu plus, notamment dans son rapport au système.

L’élection se termine, cette partie n'est plus de notre ressort, nous reprenons la lutte et la rue en espérant que cette petite dynamique nous sera également profitable.


Et maintenant ? De si nombreuses défaites. Et si peu d'horizon.

Ce texte est un point de vue qui n'est pas partagé par l'ensemble du collectif CND. Un autre texte sera diffusé dans la foulée pour offrir le contre-champs.

 

Nous sortons enfin de 6 mois de campagne présidentielle puis législative ayant totalement anesthésié la France, qui était déjà tétanisée par deux ans de covid. Comment ressort-on de cette période ? Avec Macron à nouveau président pendant 5 ans, et son parti fantoche qui conserve une majorité à l'assemblée (quoique fragilisée par rapport au précédent mandat).

Voir Macron et son monde à nouveau aux commandes du pays revêt un goût amer quand on constate son impopularité et qu'on se souvient de son terrible bilan d'un premier quinquennat de destruction et d'ultra libéralisme.

Défaite également au vu de la montée du RN, tant aux présidentielles qu'aux législatives. Le parti de Marine Le Pen n'a jamais été aussi haut. C'est d'autant plus flippant quand on y additionne les voix de tous ceux qui ont ouvertement, depuis des mois, tenu des propos racistes et xénophobes, de la République en marche au RN en passant par les Républicains. Si l'on s'en tient strictement au résultat de ces deux élections (hors abstention), la France penche terriblement à droite, et même plutôt à l'extrême droite.

Et puis il y a la NUPES.

Certains s'enthousiasment de la dynamique créée lors de la présidentielle puis des législatives. Et de son nombre "historique" de députés. Évidemment, face aux partis cités précédemment, on ne peut que se dire qu'il vaut mieux des députés NUPES que des députés en Marche, LR ou RN. Mais est-ce suffisant pour appeler cela une victoire, quand bien même l'assemblage de circonstance aurait décroché la majorité ?

Lors des présidentielles, l'Union Populaire a bénéficié d'un phénomène important de vote utile. Mélenchon étant en tête des candidats capables d’empêcher Marine Le Pen d'être au second tour, de nombreux électeurs ont voté pour lui dans l'objectif d’éviter à nouveau un second tour Le Pen / Macron. Malgré ce phénomène, le score de Mélenchon n'est pas énorme et ce premier tour fait partie des plus bas scores de la gauche à un premier tour de présidentielle.

Lors des législatives, Mélenchon a surfé sur une autre vague : celle d'une union la plus large possible à gauche, au point d'aller chercher des partis qui n'ont plus de gauche que leur nom ou leur lointain passé. Des groupes qui font objectivement partie du problème et du monde à détruire, du PS en passant par le PCF ou les écologistes façon Jadot. Malgré cette union très large et contre nature, la gauche (NUPES et divers gauche) ne compte que 142 députés (sur 577). En dehors des dernières législatives de 2017, où le parti de Macron a fait l'illusion au sein de l’électorat de gauche, c'est l'un des plus bas scores pour la gauche l'histoire de la 5e république.

Au delà des résultats, la victoire de Mélenchon (et sans doute notre défaite) aura été de détourner une partie non-négligeable de la contestation sociale et des dynamiques révolutionnaires vers une organisation électoraliste. La France insoumise aura donné à bon nombre de nos camarades l'illusion que nos luttes avaient une chance d'aboutir au sein du système. Or il n'en est rien. Mélenchon, le soi-disant ennemi de la République (au yeux caricaturaux des médias et autres partis adversaires de la NUPES), est sans doute l'une des figures politiques les plus attachées au modèle du jacobinisme français que nous réprouvons. Il est un fervent défenseur du modèle républicain et ne révolutionnera en rien l'organisation sociale et politique de ce pays. Sans compter que cette NUPES remet sur le devant de la scène et redonne de la légitimité à des partis qu'on pensait enfin tombés dans les oubliettes de l'histoire politique française.

Cette alliance donne en effet quelques années supplémentaires au PS et aux autres partis de la sociale démocratie, lesquels ont tant trahi les attentes de la gauche au point d'en devenir des adversaires. Disons le clairement : nous aurions préféré une NUPES à 5 ou 10% de moins au second tour des législatives mais sans le PS ou le PCF.

Mais au delà de ces questions de stratégies partisanes et électoralistes, ce qui nous interroge le plus, c'est la capacité qu'a eu le système, au moment où il était le plus décrié et remis en cause (GJ, crise écologique et sociale, révolte anti raciste), de réussir à présenter comme une alternative radicale une option faisant partie du système et ne le remettant nullement en cause.

Nous comprenons les raisons individuelles qui ont pu pousser de nombreux militants, engagés depuis des années dans toutes les luttes sociales et écologiques, à se ranger, au moins le temps des élections, du côté de cette alliance "de gauche". Clairement la "moins pire" des options.

Car toutes ces personnes, qui ont vécu la répression ultra violente du pouvoir, et les échecs de leurs luttes malgré des mobilisations massives et/ou malgré leur radicalité, estiment que l'issue ne sera pas seulement dans la rue, mais aussi dans les urnes. Quand bien même elles ne se feraient pas d'illusion au sujet de l'atteinte de leurs objectifs, l'idée était pour elles de "respirer", de "gagner du temps" face à la répression et l'autoritarisme de la Macronie. De plus, la séquence actuelle fait suite à deux années de crise sanitaire, ayant réduit à peau de chagrin tous les élans contestataires, ainsi que les possibilités d'amplifier des luttes sur des revendications pourtant urgentes ( services publics, santé, social, coût de la vie etc...)

Soyons clairs, et redisons le avec force, l'objectif des luttes radicales est bien de renverser un système qui détruit les plus pauvres et les plus faibles, tout autant qu'il détruit la planète. Et qu'importe si cela passe par des voitures de luxe brûlées, par des sièges de multinationales occupés ou par l’élection d'un candidat "radical". Notre horizon n'est pas dans l'acte, si jouissif (ou poussif) soit-il, mais dans son résultat.

Et à cette lecture, force est de constater que la lutte dans la rue ressemble de plus en plus à une impasse, que ce soit dans des manifestations déclarées, aussi massives soit-elles, que dans des rassemblements plus émeutiers, rapidement réprimés (physiquement et juridiquement) tout autant que stigmatisés.

Mais faire ce constat ne signifie pas que la solution se trouve du côté des partis du système, y compris ceux d'opposition à gauche. Les exemples sont malheureusement trop nombreux pour espérer une vraie remise en question du système de la part d'un partis de gauche qui accéderait au pouvoir. Que ce soit en France avec toutes les compromissions socialistes et communistes ou à l'étranger avec les exemples espagnols ou grecs, nous ne pouvons que constater que le système (qui dépasse largement le cadre national) est totalement en mesure d'absorber la présence de ces partis contestataires, et que leur présence au sein d'instances de gouvernement permet même de canaliser la colère des plus précaires.

Maintenant que les dés électoraux sont jetés, il convient de s'interroger sur les horizons possibles pour nos luttes dans les années à venir. Car l'échec est aussi celui de l'autonomie des luttes. Malgré un énorme engouement et de fortes dynamiques, notamment chez les plus jeunes, il n'a jamais été possible de construire des alternatives fortes et massives à ce système. Il conviendra donc de tenter autre chose dans les mois à venir, de ne pas répéter les mêmes erreurs, même si, avouons-le, ce système ne laisse que très peu d'espace possible pour faire avancer et amplifier nos luttes.


Nous ne sommes pas N(D)UPES

- NUPES, 5 lettres pour tout reconstruire ? Ou pour tout détruire ? -

L'alliance entre la FI, le PS, le PCF, EELV et Générations est présentée par ses protagonistes comme historique. Elle l'est probablement. Mais pas dans le bon sens de l'histoire. Toutes les négociations et compromissions de ces derniers jours sont là pour maintenir le social-liberalisme le plus vomitif en place. Nous ne sommes pas dupes et nous ne seront jamais NUPES. Il n'y aura pas rupture par les urnes.

Si cette coalition opportuniste arrive à avoir une majorité à l'assemblée nationale, on ne pourra que se satisfaire que Macron perde sa majorité et vive une cohabitation.

Mais nous ne doutons pas que les 5 ans que la France connaitrait avec un gouvernement qui comporte des membres du PS, du PCF et de EELV ne serait qu'un quinquennat de social-démocratie de plus. Probablement moins ultra libéral que 5 ans de Macronisme. Certainement moins raciste aussi. Mais loin d'être en adéquation avec nos valeurs et combats.

Mais si ce n'était que ça, nous pourrions nous "satisfaire du moins pire". On en a tellement pris l'habitude depuis des décennies.

Non, là, les conséquences sont bien plus graves pour notre camp. Cet accord remet au centre du jeu les partis de la gauche moisie que nous avons tant vomis, à juste titre, depuis des années. Ces partis qui, année après année, ont été mis en échec électoralement. et qui allaient être marginalisés et renvoyés aux oubliettes de l'histoire. D'un coup d'accord électoral, et pour "simplement" réussir à avoir une majorité, l'Union Populaire a redonné plusieurs années de vie au PS ou au PCF.

Qu'on ne nous dise pas que cela va obliger ces partis à revenir dans des considérations plus radicales et plus à gauche. Comment croire encore ce type de raisonnement ? Le PS n'est plus un allié depuis des années. On n'ose même pas établir la liste des exemples tellement elle est longue, aussi bien au niveau national que local. Le PS fait partie du problème. Il est à combattre autant que les partis de droite et d’extrême droite. Et malheureusement, il n'est pas le seul à gauche.

Cette alliance va également couper ce qu'il reste de la gauche, d'une partie de la population qui ne rêve que de renverser le système, et certainement pas de pactiser avec lui.

Les stratégies électorales, les alliances ponctuelles, les compromissions permanentes sont à l'origine de la catastrophe actuelle à gauche.

Les élections et les structures de pouvoir ne sont pas pour nous le centre des luttes à mener. Il n'empêche, nous ne pouvons en faire abstraction dans nos raisonnements. Aussi, les choix faits ces derniers jours par une gauche qui se disait radicale, impactent durablement le paysage des partis politiques français.

Notre conclusion est qu'il ne faut clairement plus rien attendre des partis politiques de gauche. Qu'il va falloir construire en dehors de leur cadre, qu'on pensait sur la fin, mais qui ne cesse de revenir et de se renforcer.

Nous avons conscience qu’une partie de l’électorat de la gauche se retrouve aussi dans nos luttes. Pour nous c’est elle la plus importante car c’est elle qui influencera les lignes politiques du camp progressiste.

Nous combattrons toutes les formes de libéralisme. Que celui-ci soit le libéralisme autoritaire incarné par Macron, que ce soit le social-liberalisme désormais incarné par la nouvelle union populaire ou le libéralisme proto-fasciste des extrêmes droites.

Nous devons penser et organiser dès maintenant le mouvement social qui vient. Le capitalisme ne tombera pas par l'arrivée d'un Mélenchon premier ministre. Nos souffrances perdureront si nous croyons en eux. Nous sommes notre propre solution.

Organisons le mouvement social qui vient. Préparons le. Diffusons l'idée du mouvement de masse imminent dans nos quartiers, nos lieux de travail, nos bahuts. Préparons le calendrier, les échéances. Les jours de grève, les lieux stratégiques. Prenons le temps de le faire bien.

Quelques mois peut-être, pour voir arriver, après l'été, au retour des congés, le premier lundi matin de rentrée, le plus détesté de tous. Voir son lieu de travail, son bahut, sa fac, sa rue, occupés bloqués, sabotés. Dans le but d'envoyer un signal : leur monde est fini.


Marielle Franco, 4 ans : ne pas oublier

Retour sur le féminicide politique d'une figure noire de l'opposition brésilienne.

Il y a 4 ans, le 14 Mars 2018, Marielle Francisco da Silva, dite Marielle Franco, meurt abattue par 4 balles dans la tête, ainsi que son chauffeur Anderson Gomes au volant de sa voiture...

Marielle Franco, était sociologue, militante des droits humains, membre du PSOL (parti socialisme et liberté), présidente du comité des femmes, conseillère municipale de la ville de Rio. Elle était impliquée sur tous les fronts : antiracisme, contre la négrophobie, féminisme, droits des LGBTQI+, contre les violences policières et perpétuées par les milices, opposée aux inégalités sociales, aux conditions de vie dans les favelas (ghettos brésiliens) et la corruption. Elle avait proposé 16 projets de loi et était arrivée 5ème aux élections municipales pour sa première candidature.

Noire et lesbienne, s'identifiant comme bisexuelle et se définissant comme "femme noire de la favela", elle a été ciblée par une violence extrême émanant de tous les clans conservateurs du centre-droit à l'extrême droite, y compris après son meurtre.

Le pouvoir blanc, raciste, libéral et misogyne ne la supportait pas et voyait en elle une ennemie redoutable. Le courage et la force de Marielle leur faisait peur, elle était la figure d'un renouveau militant prêt à tout pour améliorer les choses sur tous les fronts. Elle gênait en dénonçant tous les abus de pouvoir et scandales de corruption : police, foncier…

Son assassinat avait suscité une vague d'indignation et de colère à travers tout le Brésil, qui encore maintenant, résonne auprès d'une partie importante de la population.

Elle n'avait cessé de dénoncer les exactions particulièrement graves des policiers, de l'armée et des milices dans les favelas. Ces groupes, composés d'agents de sécurité, de policiers et militaires en service, exclus ou retraités.

Ils ont assassinés des milliers de personnes dans les favelas et se livrent à des rackets des habitants ainsi qu'à des assassinats. Pour la seule année 2019, le rapport de Coalition Solidarité Brésil, fait état de de 6000 personnes tuées par la police, dont près de 80 % sont des personnes noires (source Bastamag).

C'est une véritable mafia protégée par le président qui contrôlerait aujourd'hui un tiers de la capitale brésilienne : eau, gaz, électricité, accès à la TV et internet, racket des vendeurs ambulants et des commerces...

Les milices sont les héritières dans l'idéologie et la pratique, des escadrons de la mort, en place durant la dictature brésilienne et un peu partout en Amérique du Sud global (Colombie, Salvador, Uruguay, Honduras...).

Le 19 Mars 2019, un an après ce meurtre, les meurtriers finissent par être identifiés et arrêtés : Ronie Lessa, un policier militaire à la retraite (le tireur), et d’Elcio Vieira de Queiroz (le chauffeur), également ancien policier.

Toutefois, pour le moment, personne n’a pu prouver qui sont les commanditaires, il aura fallu attendre plus de trois ans pour que les clés USB, contenant plus d'un millier d'archives soient remises par un commissariat au ministère. Selon le procureur en charge de la lutte contre le crime organisé, «l'assassinat a été méticuleusement planifié pendant les trois mois ayant précédé le crime» (Source Libération).

De nombreuses pistes mènent sans surprise au clan de l'actuel président ouvertement fasciste, Jaïr Bolsonaro. Des accusations laissent à penser que lui, son fils et son clan pourraient être directement impliqués.

On découvrira que le tireur était voisin du président brésilien et que sa fille était en couple avec un des fils du président, quant au chauffeur on l'aperçoit faire un selfie avec.

Coïncidences ? Reste que le fils de Jaïr Bolsonaro a toujours plaidé en faveur de la légalisation des milices. Plus “troublant” : l'assassinat de Adriano Magalhães da Nóbrega, ancien policier commanditaire d'une milice qui aurait mené directement au clan du président brésilien avec qui il était en lien, plus particulièrement son fils Flavio qui avait embauché sa mère. Tous sont nommés dans un autre scandale impliquant le président, sa famille et un flic ripou : affaire Queiroz.

Il a aussi été prouvé que les balles utilisées provenaient du même lot vendu en 2006 à la police de Brasilia, que celles d'un autre assassinat ciblé de 17 personnes en 2015 par des miliciens : « les cartouches utilisées pour assassiner l’élue et son chauffeur proviennent d’un lot de munitions qui appartenait initialement à la police fédérale et qui a été détourné à des fins criminelles" (Source Amnesty International)

Les combats de Marielle sont ceux qui animent les activistes du monde entier.

Sa force et sa détermination doivent continuer à nous inspirer et son nom doit continuer à résonner 4 ans après ce crime odieux en espérant que toute la justice soit faite.

Nous rappelons aussi qu'à Paris, rue d’Alsace dans le 10ème arrondissement, un jardin public porte son nom à la suite d'une volonté et d'un travail émis par des activistes en lien avec sa famille.


Ukraine : notre difficile position anti-guerre

 

Contre la guerre, les états de guerre et les impérialismes.
Pour le droit à l'autodéfense.

 

Beaucoup de choses ont été dites sur la guerre en Ukraine. Et comme souvent en période de guerre, les prises de position, même les plus nuancées, engendrent des réactions binaires et disproportionnées. Dans ce climat d’incompréhension et alors que nous sommes sujets à des manipulations médiatiques de tous les côtés, ce texte a pour objectif d’éclaircir notre position sur ce conflit.

Oui, le poids de la domination mondiale américaine est supérieur à celui du reste du monde, notamment par son complexe militaro-industriel. Oui, l'armée américaine, c'est plus de 800 bases dans le monde, 35% des dépenses militaires mondiales à elle seule et c’est le modèle impérialiste américain qui semble le plus diffusé partout sur la planète et par tous les moyens possibles.

Oui, l'impérialisme de l’Occident et ses alliés est, de loin, celui qui a le plus déstabilisé le monde et qui provoque la majorité des catastrophes sur cette planète. Oui, le poids et la présence de l’OTAN n’est comparable avec aucune autre armée, ni la Chine, ni la Russie. Enfin, oui, les États-Unis ont participé à une ingérence à Maïdan puis par la suite sous fond de guerre énergétique et d’hégémonie militaire, et cette guerre en est une conséquence directe.

Cependant, c’est le président russe qui a fait le choix délibéré d’envahir militairement un pays souverain dans son intégralité. Les civils sont les victimes et il n’y a absolument pas de justification à trouver à cette invasion criminelle décidée par Poutine. La population ukrainienne dans son intégralité en paye le prix. Elle subit les bombardements, ses habitants peuvent mourir qu'ils soient dehors ou chez eux. Nous les soutenons de manière inconditionnelle.

Aussi, nous sommes solidaires des Russes victimes de la répression du Kremlin sur son sol, à l’image des mobilisations anti-guerre partout en Russie. Mais également à l’étranger, par son ingérence dans certains pays comme le Kazakhstan et la Biélorussie, où les hommes de Poutine ont participé à mater des mouvements sociaux.

Soyons clairs : le régime de Poutine n’a pas de leçons à donner concernant l’extrême-droite vu les liens qu'il entretient au niveau international avec cette mouvance, allant jusqu’à son financement et à confier des missions au groupe Wagner. Les fascistes sont très divisés sur la question ukrainienne et se trouvent des deux côtés.

Le régime du parti Russie Unie est celui des oligarques mafieux, et même s'il a su redresser économiquement un pays humilié par la présidence de Boris Eltsine, son fondement demeure capitaliste et très autoritaire. Nous n’oublions pas non plus les nombreux crimes de guerre dans le Caucase en Tchétchénie, Ingouchie ou encore au Daghestan durant les années 90/2000.

Ceci est dit, maintenant, il ne s’agit pas de tomber dans le “ni, ni” simpliste, ou à l’inverse dans le campisme. Tâchons donc de voir plus loin et d’essayer de saisir quelques enjeux de ce conflit et leurs conséquences.

 

 

État de guerre depuis 2014

 

Le conflit ukraino-russe tient aussi ses racines du découpage hasardeux durant l’époque soviétique, puis au moment de l’indépendance de l’Ukraine en 1991. L’Est du pays est très russophone et possède des communautés russes très importantes. L’Ukraine est en proie à des luttes entre russophiles et pro-europe depuis longtemps.

Les premières tensions entre les axes pro-russes et atlantistes prennent de l’ampleur durant la révolution orange en 2004 après l’élection contestée de Viktor Ianoukovitch, successeur de Léonid Kouchma (ex président pro russe) face à Viktor Louchtchenko (pro-Europe soutenu massivement par l'occident), qui sera finalement élu. Ce dernier perdra à son tour en 2010 contre le candidat pro-russe. Contrairement à 2004, les élections de 2010 se seraient déroulés sans irrégularités, Ianoukovitch en sort vainqueur.

En 2013, peu avant Maïdan, le pays peine à se développer économiquement, criblé de dettes et en récession.
La Russie, qui représente une part forte de son endettement, lui accorde un prêt de 15 milliards d’euros et baisse le tarif de son énergie, l'Union Européenne lui ayant refusé la somme de 20 milliards mais lui aurait elle aussi proposé une aide conséquente. Les deux camps possèdent des accords importants avec l’Ukraine, notamment dans le secteur agricole.

L’hiver 2013/2014, un mouvement pro-européen devient populaire pour une partie de la population lassée du régime Ianoukovitch après la rupture brutale d’un accord économique facilitant des échanges avec l’Union Européenne. Le président ukrainien annonce renforcer ses relations économiques avec la Russie.

Ce mouvement social s’amplifie et sera soutenu par toutes les branches du libéralisme, ainsi que par toutes les franges de l’extrême-droite. On ne peut cependant résumer et essentialiser le profil des manifestants. Il s’agissait aussi d’un ras le bol général des conditions sociales contre un régime corrompu qui agirait dans l’intérêt de la Russie, du désir de sortir de cette crise, et bien sûr du leurre libéral agité par l'Europe censée être libératrice. Des faits graves de la part des nationalistes ukrainiens sont constatés durant l’occupation de la place Maïdan, épicentre de la contestation.

De son côté, le régime pro-russe a aussi agi avec la manière forte, jusqu’à envoyer sa police anti-émeute, la Berkout, tirer à balles réelles sur les manifestants. Le régime emploie des miliciens, la répression est inouïe : 103 manifestants seront tués ainsi que 17 policiers. Les deux camps s’accusent mutuellement d’avoir commencé ces tirs, et la situation devient hors de contrôle. Le président finira par s’enfuir et sera condamné par contumace. Il est accusé d'avoir détourné plus d'un milliard d'euros pendant son mandat.

Un premier gouvernement d’union nationale sera alors décrété en attendant des élections. Le parti de l’ancien président sera interdit d’élection ainsi que toutes les tendances communistes dont les symboles seront détruits. Les nationalistes obtiennent de fait des victoires idéologiques et des postes importants, mais s'effondrent par la suite électoralement au détriment des libéraux europhiles. Petro Poroshenko est élu en 2014 puis fragilisé par des scandales de corruption.

Volodymyr Zelensky lui succédera en 2019. Durant sa campagne électorale populiste, il joue son propre rôle dans un feuilleton télévisé, sous fond de lutte contre la corruption (son nom est depuis cité dans l'affaire Pandora Papers). Le président ukrainien tente de se rapprocher encore plus de l'Occident et de l'OTAN, mais dit aussi vouloir atténuer les tensions avec la Russie. Il ira même jusqu'à gracier d'anciens policiers de la Berkout.

Paradoxalement, les USA demeurent assez distants. Biden n'a proposé de rencontrer Zelensky qu'en Août 2021. Cette proposition intervenait dans un contexte, où Biden avait négocié la levée des sanctions économiques sur le Gazoduc North Stream 2 avec l'Allemagne. Zelensky évoquait alors « Une grave menace pour la sécurité » de son pays. « Nord Stream 2 va priver l’Ukraine de ses approvisionnements en gaz, ce qui signifie nous priver d’au moins 3 milliards de dollars par an… Nous n’aurons rien à verser à l’armée ukrainienne » (source le Monde). Rappelons qu'entre 2014 et 2019, Biden fils (Hunter), était membre du conseil d'administration de Burisma, le plus important exploitant de gaz du pays.

Parallèlement au changement de régime en 2014, la Russie intervient en Crimée, région composée majoritairement de Russes. Une partie importante de ses habitants semble revendiquer son rattachement à la Russie. Poutine accepte directement de la reconnaître en tant qu'état russe. Une autre région située également à l’Est où se trouvent de fortes populations russes, le Donbass, est en proie, depuis, à une situation de guerre civile avec des affrontements réguliers.

 

 

Le Donbass au cœur du conflit

 

Situé à l’extrême Est, le Donbass est composé de deux régions (Oblast de Donetsk et Lougansk). Environ 70% de la population y est russophone y compris parmi les ukrainiens. Sa population est russe à environ 38%, il existe d’importantes communautés musulmanes qui représentent 15 à 20% de la population suivant les zones, les ukrainiens constituant la majorité du reste de la population, environ 40%. Les terres agricoles y sont riches, ses ressources principales sont le charbon et le fer et le sud bénéficie d’un accès à la mer Noire.

Les accords du cessez-le-feu de Minsk II signés en Biélorussie en 2014 sont constamment violés par les deux camps. On dénombre près de 10 000 morts et un million et demi de déplacés en 2020 depuis le début du conflit (source Vice). Il est constaté des exactions extrêmement graves des deux côtés. La population subit une véritable guerre de tranchées, même si elle était jusqu’à présent considérée comme de “basse intensité”.

Il convient donc de rappeler que même si ce conflit armé a pris aujourd’hui des proportions inquiétantes et s'étend dorénavant à l’ensemble du sol ukrainien, l’état de guerre existe dans le Donbass depuis Euromaïdan et l'annexion de la Crimée. Certaines zones du sud ont connu des affrontements très violents à l’exemple de l’incendie criminel attribué aux nationalistes ukrainiens à Odessa, à l’encontre d’une maison syndicale communiste, qui a fait 42 morts asphyxiés ou brûlés vifs.

Les élections régionales du Donbass avaient donné pour résultat une victoire des séparatistes à plus de 60% mais il est très difficile d'évaluer la légitimité de ces résultats, sous la pression des milices. Cette zone est pratiquement impénétrable pour les ressortissants étrangers, y compris les journalistes. Nous préférons, par manque de sources fiables, éviter de spéculer sur la situation de ces deux régions clés. Nous retenons que des initiatives pour la paix existeraient de manière marginale, et que les informations sont difficiles à obtenir.

 

 

Un conflit sous fond de concurrence énergétique et militaire

 

L'Ukraine est un pays qui dispose de beaucoup de ressources agricoles dont le blé. C'est aussi le 7ème producteur de fer au monde, le 8ème de manganèse et d’uranium, le 6ème en titane. Elle se situe au milieu d’une zone de transit entre la Russie et l’Europe notamment des gazoducs. La Russie quant à elle est l’un des plus gros fournisseurs d’énergie de l'Europe. Même si cette tendance est à la baisse : le gaz russe ne représente que 25% de ses importations en 2021 contre 40% il y a peu (source think tank Bruegel).

Jusqu’à présent, bien que parfois tendues, les relations russo-européennes n’empêchent pas des accords énergétiques essentiels pour leurs économies respectives. L’Allemagne, qui dépend à 50% de la Russie pour son approvisionnement en charbon dans les centrales électriques et largement de son gaz, interrompt les livraisons énergétiques du gazoduc North Stream 2 sous la pression américaine qui a décidé d’appuyer cette décision par des sanctions contre le géant russe Gazprom, partenaire de ce projet. Pourtant, les livraisons de North Stream 1 continuent.

Il y a une certaine hypocrisie de l’Europe, la France en tête : son industrie est la plus présente parmi les pays étrangers en Russie. À peu près toute la classe politique européenne qui condamne son intervention n’a eu aucun problème à se prendre, auparavant, en photo avec Vladimir Poutine et parfois à le soutenir, notamment en France (Macron, Hidalgo, Les Républicains, Rassemblement National, Reconquête..). Cependant, il est évident que la Russie sera sanctionnée économiquement et que les répercussions sur le prix de l’énergie et du blé seront conséquentes.

Les Américains y voient probablement une opportunité pour affaiblir l'état russe de l’intérieur à moyen et long terme et exporter plus vers l’Union Européenne et l’Ukraine. Devenus des (sur)producteurs qui exportent leurs énergies : pétrole et surtout gaz de schiste. Ce dernier a du mal à se vendre, étant très polluant et plus coûteux que le gaz russe. Priver ou diminuer l’influence énergétique de la Russie s’avère une option financière viable. Pour autant, malgré quelques sanctions symboliques du soft power acquis à l’Occident (sport, eurovision..), la plupart des pays européens n’ont rompu aucun contrat économique avec la Russie.

Militairement, l'OTAN n’a cessé de repousser ses frontières en incluant tous les pays membres de l’Union Européenne à chaque fois en s’approchant de la zone frontalière russe depuis la fin du rideau de fer en y posant des bases militaires. Cette stratégie “dissuasive” amplifie la surenchère belliqueuse de Vladimir Poutine qui a pourtant, par le passé, proposé des accords de coopération militaire avec le camp occidental, qui ont toujours été refusés. L'attitude offensive de la Russie fait elle aussi réfléchir sur les raisons qui poussent ses pays à se positionner vers l'Ouest.

 

 

Démilitarisation et paix révolutionnaire, l’axe de sortie impossible

 

L’agression militaire russe est incontestable, indéfendable, mais elle était loin d’être imprévisible. On peut se demander à juste titre jusqu'où serait prêt à aller le Kremlin. L’Europe, binôme franco-allemand et Emmanuel Macron en tête, a encore prouvé ici son incapacité d’indépendance vis à vis des États-Unis, et son incompétence diplomatique totale. La seule chose que l'Europe propose est de fournir quelques armes, à l’image de l’Allemagne qui livre 4000 lance-missiles, comme si c'était une solution durable.

L’UE n’a pas su calmer les ardeurs de Poutine et a abandonné l’Ukraine. Elle dispose d’une marge de manœuvre pourtant réelle vis à vis de l'économie russe. Elle aurait pu s’interposer et tenter d’éviter le pourrissement de cette situation, y compris dans son intérêt économique, et donc éviter que l’Ukraine devienne le paillasson de la concurrence entre Moscou et Washington. La force dissuasive de l’OTAN n’a pas fonctionné.

Concernant la demande d'adhésion à l’Union Européenne par la président Zelensky “sans délai”, il n’existe légalement aucun moyen de ne pas passer par des milliers des textes, de recours et d’accords économiques qui le permettraient. Si elle se réalisait, cette adhésion de l'Ukraine à l'Union Européenne engagerait de facto le Kremlin dans une guerre contre l'Union Européenne, dont l'OTAN ne veut probablement pas. L'OTAN a rejeté l'idée d'une zone d'exclusion aérienne en Ukraine.

L’intervention russe, quant à elle, semble actuellement tenue en échec. Il est impossible de savoir combien de soldats et de civils ont été tués pour le moment. Malgré le poids de l'occupation militaire russe, la résistance ukrainienne est solide et a l'air de tenir le coup. C'est un courage et une détermination sans faille à laquelle est confrontée l'armée russe.

Si la Chine soutient discrètement Poutine, faute de quoi il n'aurait probablement jamais osé se lancer dans cette guerre, difficile de prévoir comment va se positionner et agir Pékin. Ce conflit semble parti pour s'éterniser, reste que la Russie paraît isolée sur le plan international. Après un vote à l'ONU sur une résolution pour la fin de son intervention Ukraine, la majorité de ses alliés traditionnels se sont abstenus et semblent souhaiter que ce conflit s'arrête.

Concernant la suite, nous lisons beaucoup de spéculations sur :

- Un enlisement et une surenchère qui auront des conséquences humaines et économiques désastreuses, sauf peut-être pour les marchands d’armes et les oligarques.
- Une amplification de cette situation de guerre froide malgré un éventuel cessez-le-feu, peu probable à l’heure actuelle.
- Une paix tactique purement libérale parce que financièrement cela pourrait être rentable, difficile tant que la Russie refuse de se plier aux exigences de Washington et qu'elle n'obtient pas le Donbass.
- L’adhésion ukrainienne à l’Union Européenne, peu probable, qui engagerait de facto une guerre mondiale.

Nous préférons éviter les pronostics, et soyons francs, la seule solution que nous défendons est impossible à l’heure actuelle : la paix révolutionnaire dans une perspective internationaliste et le droit à l'autodéfense. C'est-à-dire, la lutte contre tous l’impérialisme, les guerres et leurs états de guerre dans une logique révolutionnaire de démilitarisation globale. Nous devons ainsi nous attaquer aux causes de ces conflits, à l’image du mouvement contre la guerre au Vietnam en 1968.

Ces mouvements anti-guerre doivent trouver un renouveau : depuis la guerre en Irak de 2003, ils n’existent plus que de façon marginale. L'Ukraine nous en rappelle pourtant la nécessité. Cependant, cet eurocentrisme qui traduit un racisme inconscient doit aussi être dépassé. Nous ne devrions pas attendre qu’un conflit se rapproche de nous ou le "risque d'une guerre mondiale" pour nous sentir touchés, ni nous résigner aux indignations sélectives uniquement contre l'État russe.

D’autres peuples subissent ou ont connu récemment des situations de guerre, comprenant des occupations militaires, des massacres, des déplacements de population, des bombardements, des famines et nombre d'horreurs : Libye, Syrie, Yémen, Palestine, Tigré, Sud Soudan, Darfour, une partie importante du Sahel, Somalie, Syrie, Afghanistan, Est du Congo… Le Sud global n'attire jamais cette attention alors que bien souvent l'Occident participe à ces ingérences catastrophiques, ce qui ne lui donne aucun droit de donner des leçons.

Nos pensées vont vers toutes les victimes de ces conflits : nous sommes donc de tout cœur avec le peuple ukrainien, pour le retrait immédiat des troupes russes et le démantèlement de l'OTAN !


Ukraine : de quel « axe du bien » parle-t-on ?

Depuis le début de la guerre lancée par Poutine, nous avons apporté notre soutien à la population ukrainienne et réaffirmé notre opposition à la guerre, tout en rappelant que l’impérialisme européen et américain, via l'OTAN, était une partie du problème et qu’il porte des responsabilités dans cette escalade. Nous constatons un très large élan de solidarité envers l'Ukraine mais qui prend parfois la forme d'un soutien assez binaire présentant la Russie comme le mal absolu et l'Ukraine comme les gentils démocrates attaqués par la dictature.

Nous devons de fait, avant tout, rappeler que les interventions étrangères menées ou soutenues par les USA ou la France et suivies par le Royaume-Uni, l’Allemagne et leurs alliés ont tué des centaines de milliers de personnes, détruit des nations et contribuent à l’exil forcé de milliers de personnes. Ces quatre pays représentent accessoirement les quatre plus grands vendeurs d’armes au monde.

De plus, la façon dont les pays du Nord global traitent les exilés en les laissant mourir en Méditerranée et en les enfermant dans des camps, de la Grèce aux Usa, et dont l’Occident asphyxie les pays d'origine dans le sud global ne lui donne aucun droit à donner des leçons d’humanité. La vision du camp occidental comme "axe du bien" nous paraît donc assez peu réaliste.

Elle est surtout dangereuse car elle occulte une partie très sombre de la situation ukrainienne depuis plusieurs années. En effet, si le pays n'est pas juste un « repère de nazis » comme essaie de l'expliquer Poutine pour justifier son injustifiable offensive militaire, il n’empêche que le racisme, et notamment l'antisémitisme et l’antitsiganisme, occupent une place importante et très inquiétante dans la société ukrainienne. Et plus particulièrement dans les forces capables de résister à l'invasion russe.

Parmi ces groupes, il y a notamment le bataillon Azov, ouvertement néo nazi, qui s'est illustré en montrant il y a quelques jours une vidéo où ils enduisaient leurs balles de graisse de porc dans l'objectif de les tirer sur les soldats tchétchènes (musulmans)...

Ce groupe n'est pas marginal au sein de la société ukrainienne, il fait même partie intégrante de l'armée depuis 2014. Il soutient l'État d’Israël et aurait même obtenu l’appui de Tsahal. Il essaye de se donner une image plus acceptable, mais ceci n’empêche pas ses militants de prôner la lecture de “Mein Kampf”, du “Protocole des sages de Sion” ou de porter des insignes nazis.

Pour autant, l’alliance électorale d’extrême-droite, composée de Svoboda et du Secteur droit, a réalisé de faibles scores aux élections ukrainiennes. Mais ce n'est pas le cas de son voisin polonais où elle détient le pouvoir : la Pologne compte elle aussi des milices fascistes aux côtés de son armée régulière. Ne minimisons rien.

Les nationalistes ukrainiens, idéologiquement inspirés par Bandera, collaborateur du régime nazi et père du nationalisme ukrainien moderne, ont eu un rôle de terrain indiscutable durant la révolte de l’Ukraine. Ils avaient même obtenu des postes dans le gouvernement provisoire de l’après Maïdan dont la vice-présidence, les ministères de l'agriculture et de l’écologie, ainsi que celui de la défense.

L’Ukraine et la Pologne constituent aujourd’hui deux des bases les plus importantes pour l’entraînement au combat de toutes les branches les plus radicales de l’extrême-droite. Les répercussions pourraient être désastreuses dans toute l’Europe à moyen et long terme, encore plus avec le soutien militaire de l’OTAN.

Nous avons également vu des images révoltantes - qui n'auront, malheureusement, pas surpris tout le monde - de personnes voulant fuir l'Ukraine qui se voyaient refuser de monter dans des trains ou de passer la frontière polonaise, pour la seule raison qu'ils et elles étaient noirs... Selon des médias indiens, des étudiants indiens se sont vus infliger la même discrimination.

Ne pas visibiliser ces horreurs de peur de minimiser le soutien à une population attaquée, c'est la pire des stratégies, et un marqueur idéologique d’une Europe raciste. In fine elle ne fera que renforcer le racisme et l'intolérance, que ce soit du côté ukrainien, du côté russe et même en Europe. Nous nous devons de combattre les horreurs de la guerre tout autant que les horreurs liées aux impérialismes, plus particulièrement le racisme, et ce, peu importe d’où il émane.

Pour finir, gardons nous de considérer Poutine comme un antifasciste et gardons nous de toute indignation sélective : la compagnie de mercenaires nommée Wagner qui intervient dans plusieurs conflits à l’échelle mondiale pour le compte de la Russie est elle-même fondée et crée par un néo-nazi notoire : Dimitri Outkine.

Si le Kremlin est prêt à engager ce groupe pour faire le “sale boulot”, c’est tout aussi dangereux.


Darmanin veut dissoudre Nantes Révoltée

ON NE DISSOUT PAS LA RÉVOLTE - Soutien à Nantes Révoltée, menacée de dissolution par Darmanin

Darmanin vient de lancer une procédure pour dissoudre le média autonome Nantes Revoltée. Siphonner les idées d'extrême droite ne lui suffit pas. En plus de contribuer à mettre les fascistes dans la rue, Darmanin tente aujourd'hui de dissoudre un média ayant relayé une manifestation antifasciste à Nantes vendredi 21 janvier.

Nantes Révoltée est depuis 2012 un média à part qui donne un souffle de liberté et une analyse radicale sur les révoltes émancipatrices. Au fur et à mesure des années, le collectif nantais a écrit et documenté de l’intérieur de nombreuses luttes, nous faisant voir dans le tumulte du quotidien que des pratiques et des idées sculptaient sans cesse la route pour s'arracher à la fatalité du néolibéralisme et arrivent même à former des constellations révolutionnaires.

Nantes Révoltée est de ces médias qui prennent parti et qui l'affirment. Un fait rare et salutaire dans le champ des médias qui ont toujours colporter une fakenews originelle : leur soit disant objectivité.

En 2012, on y lit ce qu'il se passe sur la Zad de Notre Dame des Landes alors en proie à une tentative d'expulsion qui échouera. En 2016, le média nantais accompagne le mouvement contre la loi travail, véritable mutilation dans le droit du travail orchestré par le PS et en 2018, on leur doit la première analyse sensible et sensée sur les Gilets Jaunes dans le champs d'une "gauche" qui sucrait alors les fraises. On était deux semaines avant le 17 novembre. En 2019, le collectif prend cause dans la mort de Steve, noyé par l'intervention assassine d'une police barbare sur une free party sur un quai de Nantes. Nantes Révoltée porte haut et fort des mots qui résonnent encore dans nos têtes : "Justice pour Steve !"

Que dit cette volonté de dissolution de médias autonomes dans une société où 90% de l'information est aux mains des milliardaires ? Que dit ce fait dans une société où la concentration médiatique nous inonde de la même fréquence, celle de la discrimination et de la haine en continue sur les chaines tv dont l'existence est destinée à servir la sauce des prochains candidats à la présidentielle ?

Il ne manquera à personne que l'intoxication médiatique permanente combinée à la censure des médias indépendants est la marque des pouvoirs totalitaires ou en voie de le devenir.

Aujourd'hui Darmanin fait le service après vente de la montée du fascisme qu'il orchestre. Après s'être donné le beau rôle en faisant dissoudre des groupuscules d'extrême droite dont il est proche idéologiquement (les Zouaves et Génération identitaire), le voilà maintenant à la manœuvre pour dissoudre un collectif publiquement opposé aux fascistes que le gouvernement contribuent à mettre dans les rues du fait de l'incessant rapprochement avec l'extrême droite pour leur en voler des électeurs. Voilà un exemple d'un autre genre pour imposer le célèbre concept : "il n'y a pas d'alternative". Le pouvoir pourrait étouffer sa mère pour arriver à ses fins. Faire trinquer un média indépendant au service de l'émancipation n'est pas un problème pour ces monstres froids qui désirent s'imposer par n'importe quel moyen.

Ceci est une manœuvre politique et il s'agira de montrer qu'elle ne peut pas passer.

Dissoudre Nantes Révoltée, ce n'est pas dissoudre la révolte Gérald Darmanin. Celle ci gronde partout, elle s'échange entre toutes les bouches et pourrait bien péter à la figure de ceux qui tentent d'y mettre un couvercle.

Plus que jamais lisons Nantes Révoltée ! Propageons la révolte.
www.nantes-revoltee.com/