Loi Sécurité globale art. 24 : le droit républicain au service de l'arbitraire policier

Oui, l'adoption de l'article 24 de la loi "Sécurité globale" (qui vient d'être adoptée en première lecture à l'assemblée) aura un seul effet : empêcher la production de preuves de violences policières

 

Si, pour satisfaire les syndicats policiers d'extrême-droite, le gouvernement défend avec une telle obstination un article de loi considéré comme parfaitement inutile - car il ne sanctionnerait rien qui ne soit déjà réprimé par les lois actuelles - ça ne peut pas être, comme il le prétend, pour créer un cadre juridique protégeant les policiers d'une menace dont ils seraient les cibles, mais plutôt pour fournir un prétexte aux policiers sur le terrain pour empêcher "légalement" la captation des images de leurs actions. En effet, là où aujourd'hui, toute intervention policière visant à empêcher de filmer est illégale, l'article 24 permettra à tout policier d'intervenir pour empêcher une personne de filmer au prétexte qu'il la soupçonne de commettre le délit de "diffuser, dans l'intention manifeste de leur nuire, les images des visages de policiers ou de tout autre élément permettant de les identifier".

 

Un article de loi "inutile"...

Selon le texte de loi adopté en première lecture vendredi à l'assemblée nationale, l'article 24 vise à rendre illégal le fait diffuser, dans l'intention de leur nuire, des images montrant le visage non flouté de policier·e·s ou tout autre élément permettant de les identifier. Si l'on regarde dans le passé, à part le cas d'Emilie H. ("Marie Acabland" qui photographiait à leur insu des policiers pour pouvoir les identifier plus tard en cas de violences policières), on peine à trouver des situations où cet article 24 aurait pu s'appliquer concrètement.

Mais surtout, selon Claire Hédon la défenseure des droits et de nombreux juristes, cet article est parfaitement inutile : des lois existent déjà pour sanctionner ce type préjudice (harcèlement, diffamation, menaces...). Et ce sont d'ailleurs précisément ces lois qui ont permis à l'état de condamner lourdement Emilie H. Bref, cet article 24 semble vouloir s'attaquer à un phénomène inexistant ou le cas échéant déjà répréhensible par les lois existantes.

 

... ardemment désiré par l'extrême-droite...

Alors pourquoi les syndicats policiers les plus radicalisés (aka fascistes) mais néanmoins majoritaires ont-ils exercé une telle pression sur l'exécutif pour faire adopter cet article, au point de contraindre le ministre de l'intérieur G. Darmanin à se ridiculiser en proférant devant la représentation nationale des mensonges tous plus éhontés les uns que les autres ("les policiers ne sont pas masqués", "aucun policier n'empêche les gens de filmer", ...) ?

 

... qui scandalise les défenseurs des libertés publiques

Et pourquoi tant de personnes, militants, gilets jaunes, associations de défense des droits humains, l'ONU, etc s'insurgent-ils contre cet article 24 (et toute la loi "Sécurité globale") ?

 

 

Jusqu'à présent, on a le droit de filmer la police...

Pour répondre à ces questions, il faut commencer par s'intéresser à la situation actuelle à deux niveaux : le droit et le respect du droit . Aujourd'hui, toute personne qui filme - ou photographie - la police (à part certaines unités spécifiques) à tout instant et en tous lieux, est dans son droit. Les policier·e·s n'ont donc aucun droit de l'empêcher, de quelque façon que ce soit :

+ lui demander d'arrêter de filmer ou de partir

+ lui demander si elle possède une carte de presse

+ contrôler arbitrairement son identité

+ effacer la carte mémoire de son appareil

 

pas plus que :

+ la matraquer ou la gazer au visage

+ lui casser son matériel

+ l'interpeller pour des motifs fantaisistes

+ lui envoyer une grenade de désencerclement dans les jambes

+ ...

 

... mais ce droit n'est pas respecté

Bien que ce soit illégal donc, ce type de situations se produit régulièrement - surtout en manifestation mais aussi sur des piquets de grève, des rond-points ou dans la rue - pour empêcher de filmer des arrestations, des violences policières ou tout autre type d'abus de pouvoir. Par crainte de subir ce type d'interventions policières, de nombreuses personnes s'abstiennent déjà de filmer la police. Et tous ceux qui filment malgré tout prennent le risque d'en être victimes.

 

Pour étouffer l'indignation générale face aux violences policières...

Du côté des policier·e·s, si l'on en croît les discours dithyrambiques à leur égard dans la bouche des responsables politiques, on pourrait imaginer qu'iels pourraient être fier·e·s de rendre visible "l'extrême professionnalisme" de leurs actions. Mais bref, la réalité se permettant parfois de s'écarter des récits officiels et leurs actes ne pouvant pas tous être qualifiés d'héroïques (des milliers de vidéos disponibles sur les réseaux sociaux en attestent), les policier·e·s n'aiment généralement pas beaucoup être filmés - et après tout, personne ne trouve ça très agréable d'être filmé sans y avoir consenti. Mais la république est ainsi faite, la police est fondée au service des citoyens (et financée par le contribuable) et elle agit sous leur contrôle, incluant le droit de filmer.

 

... l'article 24 tombe à point nommé

Mais d'autre part, les policiers sont fondés à intervenir et interpeller toute personne, dès lors qu'ils la soupçonnent de commettre un délit. Et c'est là qu'apparaît tout l'intérêt de l'article 24 pour les policiers désireux de ne pas être filmés : il servira de prétexte sur mesure pour intervenir au motif de la suspicion de contrevenir à l'article 24 et pour empêcher la captation d'images gênantes. Du coup de matraque au placement en garde à vue, c'est déjà une manière arbitraire de faire payer ceux qui les filment. A terme, cette exposition renforcée à l'arbitraire policier finira par décourager tous ceux qui voudraient filmer leur action, et particulièrement les violences policières et autres abus de pouvoir. Et qu'importe si au final, personne ne sera condamné au nom de cet article 24, les violences policières auront "disparu". Et bientôt, elles n'auront jamais existé. Avec la généralisation de la vidéosurveillance et autres dispositions liberticides de la loi "Sécurité globale", l'état policier a un boulevard.


Loi "Sécurité globale" – pistes pour l'avènement du mouvement offensif

Nous proposons ici quelques pistes pour faire du mouvement s'opposant à la loi sécurité globale, un mouvement offensif, s'inscrivant dans la durée.

Les débats autours de la loi sécurité globale prennent fin à l'assemblée sans que nous puissions faire autre chose que de constater notre impuissance. Pourtant, le mouvement d'opposition rassemble très largement : de la ligue des droits de l'homme à Amnesty France. Des avocats aux magistrats. Des syndiqué.e.s aux gilets jaunes en passant par la jeunesse luttant depuis plusieurs mois contre le racisme d'État et les violences policières. Et évidemment les journalistes, indépendants ou non.

Mais malgré ce large rassemblement, nous devons faire un triste constat. Nous regardons passivement nos libertés s'effondrer. Pire encore, nous nous indignons et luttons pour simplement conserver le droit de filmer nos mutilations, nos arrestations, la barbarie policière quotidienne.

Alors comment faire ? Comment créer le mouvement offensif ?

 

1/ Se coordonner

Les organisations et collectifs, les 106 recensées par la Quadrature du net, celles et ceux qui ont organisé les premières manifestations doivent faire front commun. Se parler, se coordonner. Éviter à tout prix des initiatives individuelles risquant d’essouffler et tuer la mobilisation. Il faut qu'elles comprennent aussi qu'elles ne sont pas seules, et qu'elles ne sont pas les leaders d'un mouvement en réalité composé d'une multitude d'individus avec des volontés et des pratiques différentes. Les organisations ne doivent pas tenter de brider les corps qui manifestent.

 

2/ Revendiquer

Le mouvement doit abandonner sa position de réaction à la loi. Celui-ci ne doit pas dire stop à la loi sécurité globale, mais doit réclamer la reprise totale des libertés perdues.

« Le mouvement social est devenu une forme de réaction à la réaction et appelle gagner ce qui est ne pas perdre » Geoffroy de Lasganerie.

Le mouvement social offensif doit donc revendiquer un certain nombre de choses qui permettront de réunir les conditions nécessaires à la reprise de nos libertés perdues. Comme : la dissolution des polices les plus répressives et meurtrières (BAC, BRAV, CDI), de leurs syndicats qui harcèlent et menacent, de l'IGPN cultivant l'impunité générale de la police nationale. Réclamer le port du RIO en grand format sur les uniformes. Réclamer la fin des déclarations en préfecture. L'interdiction de la reconnaissance faciale à des fins de surveillance et de contrôle. Nous devons réclamer l'abolition des délits "d'outrage" et "de groupement en vue de" qui ont mis trop de gens en garde à vue, parfois en prison, pour rien. Nous devons demander l'abandon de toutes les peines pour l'ensemble des personnes condamnées durant les mouvements sociaux successifs depuis la COP21.

 

3/ Être offensif

L'offensivité se joue dans ce que nous réclamons d'une part, mais aussi dans nos modes d'actions. Il va falloir être offensif et radical. S'attaquer à la racine du problème. Il va falloir harceler le pouvoir, assiéger ses lieux. Chaque jour. Chaque nuit. Il va falloir contourner les interdictions de manifester, les restrictions de circulation, les barrages de police, les drones et les canons à eaux. Contourner les déclarations en préfecture en déclarant partout et tout le temps (par exemple). Multiplier les canards gonflables pour s'opposer aux canons à eau, multiplier les filets anti-drones. N'oublions pas que le propre d'une dictature moderne, c'est d’offrir l'apparence d'une démocratie, y compris dans les pseudo espaces d'opposition. Et qu'il n'y a rien de pire que de donner à ce pouvoir l'occasion de prétendre qu'il laisse les mouvements d'opposition s'exprimer librement. Pour montrer le vrai visage d'un pouvoir autoritaire, il est désormais nécessaire de le pousser dans ses retranchements.

 

4/ S'organiser

Nous ne pouvons nous retrouver à plusieurs dizaines de milliers, lors des appels aux manifestations, et entre temps être uniquement rythmé par les infos des médias indépendants. Le mouvement a besoin de multiplier les canaux d'information et de discussion pour pouvoir entre chaque mobilisation, s'organiser. Groupe Facebook, Chat Télégram, assemblée virtuelle, etc. Le tout accessible à tous et toutes.

Ce sont ici des pistes que nous proposons, pour que le mouvement puissent s'amplifier, s'inscrire dans la durée et gagner. Elles sont loin d'être parfaites et incritiquables mais elles nous paraissent nécessaires au vu de la tournure que prend cette mobilisation et de ses travers encore corrigeables.


la police me fait peur

Macron et son gouvernement mettent la presse K.O.

Nous vivons en France un moment de basculement de régime. Journalistes agressés, empêchés de filmer, nassés, matériel détruit, comptes twitter bloqués. Une attaque coordonnée contre les libertés fondamentales.
Pas encore promulguée la loi sécurité globale qui prévoit la surveillance par drones, la restriction de la diffusion d'images de la police, l'extension du pouvoir de police aux sociétés privées et autorise le port d'arme des policiers dans les lieux publics semble déjà en application. De nombreux journalistes ont encore une fois été pris pour cible par la police de Macron et Darmanin.

photo de couverture : Simon Louvet

Le journaliste Filippo Ortona (Le Média) roué de coup (en début de vidéo), des BRAV qui tapent à tout va, des canons à eau, des lacrymo :

En fin de manifestation, 70 journalistes de toutes les rédactions confondues se retrouvent nassés par la police. Selon l'avocat Arié Alimi, c'est une application directe du nouveau schéma de maintien de l'ordre.
Bizarrement, après ça on ne voyait plus beaucoup d'images de la fin de manifestation qui avait débuté dans le carnage.

Des policiers ont interdit à une journaliste de filmer une interpellation en la menaçant d'une arrestation :
"La jeune femme est palpée (chevilles) à l'abri des regards. Les policiers sont venus vers moi : "si vous ne circulez pas dans 30 secondes vous êtes interpellée, ce sont les ordres".

vidéo : Meriem Laribi

Plus tôt dans la journée le compte twitter de Taha bouhafs ainsi que celui de l'Action antifasciste Paris Banlieue ont été bloqués :

Twitter AFA bloqué par la loi sécurité globale pas ncore promulguée ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D'autres journalistes ont également été malmenés, des représailles à peine cachées. Hannah Nelson est la journaliste qui avait été arrêtée et placée en GAV mardi dernier lors de la manifestation à l'Assemblée Nationale. Son matériel semble avoir été détruit par la police aujourd'hui.

La police ne cache plus que maintenant c'est elle qui choisit les journalistes autorisés :

Gaspard Glanz et la police...

Une photo de Simon Louvet qui résume bien la tournure que prennent les choses au pays des lumières qui se sont éteintes.

la police me fait peur


Tout savoir sur la loi sécurité gobale

LOI SÉCURITÉ GLOBALE : LA POLICE FAIT LA LOI DANS UN ÉTAT POLICIER.

La loi sécurité globale qui fait notamment parler d'elle avec son article 24 limitant le droit de filmer les forces de l’ordre, remet gravement en cause la liberté d’informer et de manifester.

L'ambition de la loi est cependant beaucoup plus large et dangereuse que le simple article 24. Elle vise à donner un cadre légal à une société de contrôle dont les victimes ne seront pas les seuls journalistes, mais bien l'ensemble de la population. À commencer par les cibles habituelles : pauvres, habitants des quartiers populaires, travailleurs en lutte, militants.

illustration : @Zelie_t_draws (insta), Zelie's Scribbles (Telegram)

Elle renforce la mise en place d'un état sécuritaire et d'une société de surveillance

 

La police écrit la loi. L'état d'exception la fait passer.
Le rapporteur de la loi, est un député LREM, Jean-Michel Fauvergue, ancien chef du RAID. Avec Alice Thourot ils ont fabriqué une loi répondant exactement aux demandes des syndicats policiers d'extrême droite. La proposition de loi, présentée en plein état d'urgence sanitaire, où les colères sont confinées, ne peut être qu'un atout pour légiférer et exécuter une loi rapidement et discrètement. En clair, la police écrit les lois dans un contexte d'état policier.

Extension des pouvoirs de la police municipale

 

Ce sont les premiers articles de la loi. Ils visent à renforcer les pouvoirs des polices municipales. Elles seront désormais habilitées à effectuer des contrôles d'identités, ainsi qu'à maintenir et conduire une personne au commissariat si l'identité ne peut être justifiée. Les polices municipales pourront désormais constater un certain nombre de délits et d'infractions, ainsi que saisir les objets qui sont liés à l'infraction. (Article 1)
Avec cette loi, la police sort de son rôle « tampon » de police de proximité pour endosser un rôle encore plus répressif qu'aujourd'hui.

Extension des pouvoirs de la sécurité privée

 

La sécurité privée va désormais jouer les auxiliaires de police. Les agents pourront désormais contrôler et fouiller des individus dans les établissements privés dans le cadre de recherche d'une infraction, et transmettre directement au procureur. L'article 8 prévoit que les agents de sécurité puissent maintenir physiquement un individu le temps que la police nationale arrive. Les peines en cas de non respect des ordres d'un agent de sécurité, elles, explosent. 2 mois de prison et 7500 euros d'amende en cas de simple non respect d'un ordre d'un agent de sécurité. L'article 15, lui prévoit la possibilité de cumuler pension et revenu de vigile pour les retraites de la police nationale, et ainsi faciliter la transmission de compétences entre policier et agent de sécurité privé.
A terme, il s'agit d'augmenter massivement le flicage dans les lieux publics et les grands évènements.

Surveiller, partout, tout le temps

 

- Les articles 20, 20bis et 20ter constituent une fuite en avant des usages de la vidéosurveillance.
L'article 20 veut donner le pouvoir aux policiers municipaux le visionnage des caméras de vidéosurveillance, auparavant possible par les services de police et de gendarmerie nationale.

L'article 20 bis veut permettre la transmission des images de vidéosurveillance des halls d'immeubles « en cas d’occupation par des personnes qui entravent l’accès et la libre circulation des locataires ou empêchent le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté ou nuisent à la tranquillité des lieux ».

- L’article 20 ter veut permettre aux agents de la SNCF et de la RATP de pouvoir visionner les images des caméras de vidéosurveillance sur la voie publique (en pleine contradiction avec une décision du Conseil constitutionnel qui rappelle que seules des autorités publiques ont le droit de visionner des images de la voie publique).

- L'article 21 tend à développer quant à lui, les caméras de vidéosurveillance mobile. Portées par des policiers, elles seront désormais retransmises directement au poste de police qui pourrait utiliser la reconnaissance faciale pour identifier un individu directement.

- l'article 22 permettra le développement de la vidéosurveillance aérienne : Le développement de l'usage des drones ( bien que souvent empêchés par nos mouettes de combat ) va se généraliser pour filmer manifestations et bâtiments accueillant du public. Comme pour les caméras piétonnes, les images sont retransmises en direct au poste de police et la reconnaissance faciale peut être utilisée en lien avec les nombreux fichiers de police.
Entre les caméras des bâtiments privées et publics. De l'entrée de l'immeuble au jardin public. De la cours de récréation au lieu de travail. Du métro souterrain au ciel, jusqu'au policiers en patrouille. Nos espaces sont mangés par la vidéosurveillance. La Défenseur des droits estime d'ailleurs que « ces dispositions sont susceptibles de porter atteinte au droit au respect de la vie privée », position rejointe par l'association Amnesty International France, la ligue des droits de l'homme ou encore La Quadrature du Net.

Protéger la police en leurs laissant les pleins pouvoirs

 

Les articles 23, 24, 25 et 26 sont particulièrement inquiétants.
Tout le monde a entendu parler de l'article 24 visant à interdire la diffusion d'images de policiers. Une nuance importante est cependant à apporter depuis le revirement du ministre sur la garantie à donner sur la liberté de la presse.
Au fur et à mesure des débats, on discerne que ce sont les "auto médias" ou les journalistes qui ne plaisent pas aux policiers qui vont pâtir de cette mesure sur terrain ou après diffusion.

Tout en prétendant ne pas vouloir entraver la liberté de la presse, le texte laisse à l'appréciation du policier de déterminer si l'image va à son encontre ou pas, si elle "porte atteinte à son intégrité physique ou psychique".

Il y a peu de doute sur ladite appréciation, qui a déjà fait ses preuves le 17 novembre, avec les 7 journalistes ciblés par la police par des coups et des arrestations (une journaliste indépendante de Taranis News et un journaliste de France 3 ont fini en GAV).

En résumé, c'est un pouvoir de menace arbitraire accru qui est donné aux policiers. Les députés LREM font semblant de ne pas voir les réalités du terrain.

Les trois autres articles, précédemment cités, visent tout comme l'article 24, à enfoncer le clou de l'impunité des forces de l'ordre.

L'article 23 prévoit ainsi que les infractions effectuées à l'encontre des forces de l'ordre, ne bénéficient plus des réductions de peine.

L'article 25 prévoit que les policiers hors service puissent porter leur arme dans des établissements recevant du public.

L'article 26 prévoit que les militaires déployés sur le territoire puissent user de leurs armes (de guerre) afin d'empêcher un « parcours criminel ».

Si certains des articles, indépendamment des autres, ne vous paraissent pas problématiques, cette loi est à prendre comme un "tout". Elle constitue une dérive importante, accentuant les pouvoirs des polices publics et privées, municipales et nationales, permettant une meilleure communication, transmission de savoirs et de pratiques entre celles-ci. Il serait donc complètement illogique de s'en prendre uniquement à l'article 24.

Nous voulons voir tomber les articles 1, 4 , 8, 12, 15, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26. Rarement une loi censée protéger la police n'a autant mis les individus en insécurité.

En définitive, nous voulons que cette loi finissent dans les catacombes, dans les abysses de l'histoire.

Samedi, plusieurs rassemblements sont prévus dans toute la France, en voici quelques uns :

Paris : 14h30, Parvis des Droits de l'Homme (Trocadéro).
Marseille : 14h, Vieux Port.
Lyon : 14h, 24 colonnes (Gilets Jaunes).
Lille : 11h, Place de la République.
Rouen : 14h30, Palais de Justice.
Montpellier : 11h, commissariat Comte de Melgeuil et 14h, Place de la Comédie.
Rennes : 11h, Place de la République.
Saint-Étienne : 15h, Place Jean Jaurès.
Brest : 15h, Place de la Liberté.
Le Havre : 14h30, Hôtel de Ville.
Poitiers : 15h, Hôtel de Ville.
Lorient : 15h, Place Aristide Briand.
Béziers : 14h30, Sous-Préfecture.
Périgueux : 10h, Arbre de la Liberté.
Beauvais : 10h, Place Jeanne Hachette.
Niort : 10h30, Parvis des Droits de l'Homme.
Limoges : 11h, Préfecture.
Angouleme : 16h, Palais de Justice.

(liste non exhaustive)

Une attestation de déplacement dérogatoire pour participer à une manifestation déclarée a été rédigé par un collectif d'avocat.e.s

attestation déplacement dérogatoire pour participer à une mniafestation déclarée

21 novembre contre la loi sécurité globale au Trocadéro


Hold-up, la déchirure

Tentative de réconciliation après les ravages qu'Hold Up a causés.

J'écris cette contribution après avoir vu et analysé le documentaire. Après avoir lu les dizaines d'articles des médias mainstream empilant les fact-checking, après avoir lu les articles des médias indépendants comme le Poing ou Rouen dans la rue ainsi que des avis et des analyses des militants comme Vincent Verzat, figure influente du mouvement climat, ayant publié une vidéo sur sa chaîne Partager C'est Sympa.

J'écris aussi après avoir attendu que d'autres médias indépendants que j'affectionne se positionnent, se murant parfois dans un silence assourdissant, à l'instar de Cerveaux non disponibles – où j'espère pouvoir publier cette contribution pour pallier à celui-ci.

J'écris ce texte après avoir parlé du documentaire avec des membres de ma famille, après avoir débattu avec des inconnu.e.s ou des ami.e.s qui m'avaient envoyé le lien de la vidéo m'invitant à absolument la regarder. Après avoir vu tout ces tweets témoignant de la peur d'une partie de la population. Que ce soit la peur du complot mondial, ou la peur du complotiste.

J'écris aussi ce texte avec de la peur. Mais celle-ci ne réside pas dans le contenu du documentaire et dans l'engouement que celui-ci a suscité. Cette peur est apparue un peu après.

Elle est apparue quand j'ai vu ce tweet d'une mère nous expliquant que sa fille avait rompu tout lien avec elle, suite à une discussion tendue autour de ce documentaire.

Quand j'ai vu cette déferlante de haine dans les commentaires d'un article du média indépendant Rouen dans la rue, qui s'était essayé à faire une critique du film et des « théories du complot » qu'il véhiculait.

Quand j'ai vu cette déferlante de haine, sous la vidéo de « partager c'est sympa », ce militant écologiste qui avec sa positivité et sa bienveillance habituelle, nous invitait à faire attention, pour nous, pour les autres, pour la lutte.

Voilà plus d'une semaine que « Hold Up » est apparu un peu partout sur la toile, et alors que les débats autour du contenu, du vrai et du faux, continuent de faire rage, nous pouvons déjà tirer une conclusion. Le film NOUS divise, nous fait mal, alors même que celui-ci nous invite à nous « réveiller ».

Le NOUS, précédemment cité, c'est toutes les personnes qui contestent ce pouvoir, qui manifestent depuis exactement deux ans, qui partagent leur rage envers cette société. La rage contre le capitalisme, contre l'individualisme, contre ceux qui gouvernent. De ceux qui votent les lois, à ceux qui mettent des amendes en passant par ceux qui refusent nos demandes de prêt.

NOUS, c'est toi, moi, ton cousin, ton voisin, le SDF en bas de la rue qui n'a rien à bouffer, le jeune exilé qui ne comprend pas pourquoi son énième demande d'asile est refusé, c'est l'aide soignante qu'on a envoyé au casse pipe, c'est le lycéen qui continue à aller en cours bien que tout le monde trouve ça absurde, dans de telles conditions sanitaires. C'est l'ensemble des personnes qui subissent d'innombrables injustices.

Et l'ensemble de ces personnes, aujourd'hui, se déchirent au sujet de Hold-Up, pendant que les dirigeants, eux, continuent inlassablement de détruire nos libertés, de construire l'état policier, de diffuser le virus de la peur.

« Les formes d’aversion se multiplient, la phobie du contact se répand, le mouvement de rétraction devient spontané. C’est précisément dans cette rétraction qu’il faut voir la tendance du citoyen à s’éloigner de la pólis et de tout ce qui réunit. Il n’en répond plus. Il est dés-affecté. Mais l’anesthésie du citoyen immunisé, la basse intensité de ses passions politiques, qui font de lui le spectateur impassible du désastre du monde, sont aussi sa condamnation. » Donatella Di Cesare, un virus souverain.

Peut-être que le vrai Hold-Up réside ici, sous nos yeux, dans chaque discussion que nous partageons à son sujet. Nous sommes pris dans une inertie de folie nous rendant aveugle. Nous ne voyons même pas qu'un documentaire censé nous éveiller, nous révolter, nous unir contre un pouvoir corrompu, incompétent et autoritaire, nous rend profondément vulnérables en nous divisant. Le documentaire est ainsi fait.

Il polarise le débat en deux points de vue drastiquement opposés et irréconciliables. Ceux qui croient au documentaire, à l'intégralité de son contenu, et ceux qui le rejettent sous la bannière du complotisme. Le documentaire est ainsi fait qu'il rend les choses profondément manichéenne. Ce serait soit tout blanc, soit tout noir. Nos divergences s'établissent pourtant sur un spectre et non sur une opposition binaire.

« La seule ligne en matière de complots consiste à se garder des deux écueils symétriques qui consistent l’un à en voir partout, l’autre à n’en voir nulle part — comme si jamais l’histoire n’avait connu d’entreprises concertées et dissimulées… » Frédéric Lordon, "le complotisme de l'anticomplotisme."

Croyez bien que l'ensemble des médias dominants s'en donnent à coeur joie et exploitent cette opposition pour agrandir le fossé, et séparer davantage les deux camps que ce documentaire a imposé. De cette opposition est née une tempête, un ouragan de merde.

Discréditation sur les plateaux télés, alertes aux Fake news par les instituts de « fact-checking », mépris des éditorialistes et réactions à chaud déconnectées des réalités.

« De la croisade anticomplotiste à l’éradication de la fake news (fausse information), il n’y a à l’évidence qu’un pas. Au point d’ailleurs qu’il faut davantage y voir deux expressions différenciées d’une seule et même tendance générale. Mais comment situer plus précisément un « décodeur » du Monde.fr au milieu de ce paysage ? Il est encore loin de l’Élysée ou de Matignon. D’où lui viennent ses propres obsessions anticomplotistes ? Inutile ici d’envisager des hypothèses de contamination directe : il faut plutôt songer à un « effet de milieu », plus complexe et plus diffus. » Frédéric Lordon, "le complotisme de l'anticomplotisme."

Mais aussi réflexions et analyses critiques de certaines personnes, de certains médias indépendants, désolidarisation de certains ayant participé au documentaire, conflits entre ami.e.s, familles, camarades.

Sans oublier les déferlantes de commentaires interposés d'insultes. « sale complotiste », « espèce de vendu, de collabo ». Une haine nous a envahi, une haine de l'autre camp. Aussi bien du coté de ceux dénonçant le caractère complotiste du film que des personnes le défendant corps et âme.

Nous sommes en train de nous entretuer alors que nous partageons un même combat contre les élites. D’un gouvernement qui gère la crise sanitaire avec ses pieds. Ce même combat pour l'égalité et la justice. Contre l'autoritarisme et pour la liberté.

Si je devais donner un exemple pour étayer mon propos, je prendrais celui de l'article de Rouen dans la rue, critiquant le complotisme du docu, qui est sans doute un des exemples les plus flagrants.

Rouen dans la rue est un média indépendant comme il y en a peu. Dénonçant depuis 2014 les violences policières, le capitalisme, le fascisme, le désastre environnemental, la mascarade des élections, les ignominies des gouvernements successifs (entre autres). Un média étant depuis le 17 novembre 2018 au coeur des manifestations des gilets jaunes et sur les ronds points, qui en a publié un livre. Un média qui a subi la répression policière, une perquisition et dont certains contributeurs sont fichés.

Rouen dans la rue est clairement de notre côté, de ceux qui luttent, de ceux qui refusent la mascarade politique à laquelle nous assistons et de ses décisions que nous subissons dans nos chairs et payons parfois de nos vies. Et alors que le média a essayé de produire une critique du documentaire, c'est une déferlante de haine qui s'est abattue dans les commentaires de l'article :

- « Rouen devant les écrans.. ça c'est la vérité. »

- « Rouen dans la rue contredit j hallucine mais qui dirige ça alors dire que j était à fond avec vous pendant les gilets jaunes je tombe des nus quand ça dérange on voit le vrai visage de ce groupe »

- « Voilà encore un qui a graté un peu de pognon en coulisse ! Vive Hold UP, et longue a vie à cet homme courageux et téméraire »

- « Au revoir Rouen dans la rue. »

- « Vous faites des raccourcis pour manipuler les personnes qui n'ont pas vu le film... Une honte de votre part, vous ne valez pas mieux que les médias cités dans le film ! (BG vous aurait-il graissé la patte à vous aussi ????) »

- « Rouen dans la rue vous avez était racheter par bfm ? cest pas possible autrement.... »

- « Mdr Rouen dans la rue. ...mais du côté de LREM Élites et Lobbies !! »

Et ça ce n'est qu'une infime partie des plus de 400 commentaires publiés en quelques heures sous l'article.Mais qu'est ce qui nous prend ? Qu'est ce qui nous fait arriver à de tels point de clivages alors même que hier nous étions ensemble ? Quel virus avons-nous attrapé ?

Peut-être sommes nous en constante position de défense et de défiance car nous sommes plus que jamais vulnérables. Pour la première fois, l'ensemble de la planète est confrontée à une crise dont le responsable n'est pas visible à l'œil nu. Nous ne le voyons pas, nous ne comprenons pas et pour certain.e.s nous n'y croyons même pas.

Alors nous cherchons des réponses. C'est légitime. Chacun trouve les siennes.

Certain.es pointeront du doigt la destruction de la biodiversité que nos sociétés capitalistes ont causées. D’autres diront que le covid est passé de la chauve souris à l’homme de manière naturelle, certaines personnes diront qu’il s’est échappé du laboratoire P4 de Wuhan et enfin d’autres affirmeront qu’il a été créé par une élite qui désire éradiquer une partie de la population.

Chacun aura ses sources. Chacun en tirera ses conclusions. Mais une chose est sûre.

Chacune de ces conclusions mèneront aux mêmes responsables. Ceux qui n’ont pas su gérer la crise. Ceux qui ont menti. Ceux qui ont détruit la planète pour leurs profits. Ceux qui ont voulu manipuler un virus. Ceux qui complotent pour nous éradiquer.

Quelque soit la théorie que nous avons sur le covid19, les responsables de la situation restent les mêmes. De Bezos à Macron, des GAFAM aux gouvernement. Du capitaliste au politique.

Mais si nous arrivons à être défiant vis à vis des intentions d'un média indépendant tel que Rouen dans la rue , alors nous ne pouvons espérer voir un jour une lutte victorieuse ou une apocalypse vécue dans la solidarité.

« La démocratie immunitaire est pauvre en communauté – elle en est désormais quasi privée. Quand on parle de « communauté » on entend seulement un ensemble d’institutions qui renvoie à un principe d’autorité. Le citoyen est soumis à celui qui lui garantit protection. Il se garde en revanche de l’exposition à l’autre, il se préserve du risque de contact. L’autre est infection, contamination, contagion. » Donatella Di Cesare, "Un virus souverain"

Continuons de débattre, mais réconcilions nous.

Nous avons bien une élite et un gouvernement à combattre, qui est d'ailleurs entrain de faire passer une des lois les plus dangereuses pour asseoir le régime policier et autoritaire dans lequel nous sommes déjà. Une loi qui vise à décupler les pouvoirs de la police, les technologies de surveillance de masse et à interdire la diffusion d'images de policiers.

Des manifestations ont d'ailleurs été organisées partout en France ce 17 novembre, rassemblant des milliers de personnes. Une foule a explicitement dénoncée l’autoritarisme du pouvoir devant l’assemblée nationale.

Des lors, une simple question se pose. Vaut-il mieux continuer à se déchirer autour d’un documentaire, ou rejoindre les milliers de personnes qui luttent depuis de nombreuses années. Contre Amazon, contre le fascisme grandissant, contre le libéralisme destructeur, pour nos libertés, et la justice sociale ?

Texte écrit par un contributeur.


Loi "Sécurité globale" - police sans contrôle, population sous contrôle

L'interdiction de diffuser les actions de la police centralise toutes les craintes, mais légaliser les drones et les technologies de surveillance porte tout autant atteinte aux libertés et à la démocratie. Deux ans jour pour jour après le début des gilets jaunes, le 17 novembre, ce texte sera examiné dans une Assemblée Nationale acquise à LREM et ses projets les plus autoritaires. Qu'en est t'il de cette "loi sécurité globale" ?

Drones, reconnaissance faciale et identification permanente des individus

C'est un sujet peu abordé et qui pourtant nous concerne tous. Le texte prévoit dans ces interstices de légaliser la reconnaissance faciale dans l'espace public et l'exploitation en temps réel des informations sur les personnes. Le flux de vidéo serait traité en direct par le commandement de la police, comme le mentionne l'article 22. Le texte ne fait pas mention du terme "reconnaissance faciale", mais il faut noter que tous les amendements visant à éclaircir la pratique ont été rejetés. C'est l'exemple de l'amendement n°CL340 qui prévoyait explicitement l'interdiction de la reconnaissance faciale. Rejeté ! L'esprit de cette loi est de mettre la totalité de l'espace public (des villes surtout) sous contrôle permanent. Sans angle mort, avec toute la technologie des algorithmes et leurs usages liberticides dans la collecte de données et ce de manière quotidienne.

La maitrise du récit officiel

L'Etat a perdu la bataille sur les violences policières depuis les gilets jaunes, notamment par la profusion d'images mises à la portée de tous sur les réseaux sociaux, devenus de véritables auto médias pour tout individu ou collectif qui y trouve enfin une voix.

Le but de cette loi, qui prévoit 1 an d'emprisonnement et 45 000€ d'amende pour la diffusion "portant atteinte à la police" est de limiter les libertés d'expression pour redevenir maître d'un récit républicain totalement écorné. Pour retrouver un discours hégémonique, les centaines de violences arbitraires, le racisme quotidien, l'impunité quasi permanente, ainsi que la sale besogne qu'effectue la police pour le compte de Etat sont devenus des réalités qu'il faut à tout prix cacher.

Aujourd'hui les forces de l'ordre intimident déjà régulièrement les journalistes professionnels ou simples témoins qui filment. La police exerce déjà une pratique de jugement à l'emporte-pièce sur le terrain par le biais des violences physiques et psychologiques qu'elle exerce. Imaginez son zèle si cette loi passait... Si l'Assemblée Nationale conférait encore plus de pouvoir à ceux qui en abusent déjà en toute impunité...

La manifestation de la vérité, thème si cher à la justice prend du plomb dans l'aile

Sans image, combien de crimes et de violences auraient été étouffés ou ne seraient même pas parvenus aux portes d'un tribunal ? Des juges eux même le disent : les images sont utiles et sans elles, c'est toujours la version policière qui gagne.

Rappelons-nous l'importance qu'ont eu les images pour plusieurs affaires :

  • Pour comprendre ce qui est arrivé à Cédric Chouviat, la vidéo d'un automobiliste a permis de contredire la version policière qui était en train de construire un gros mensonge pour se dédouaner alors qu'elle venait d'étrangler et tuer un homme, images à l'appui.
  • Il en va de même pour Geneviève Legay, pour le contexte de la mort de Steve Maïa Caniço, ou pour Théo.

Floutage de gueule

Cette loi pose aussi un problème technique majeur. Implicitement, elle signerait la fin des vidéos en direct montrant des policiers. Si dans leur grande mansuétude de playmobils faussement naïfs les députés LREM ont suggéré le floutage des visages de policiers, rappelons qu'il est à l'heure actuelle impossible de flouter des visages en temps réel. Et que de manière générale, flouter un visage en vidéo est une technique compliquée qui n'est pas à la portée de tous et qui restreindrait de fait beaucoup d'images. Si toutefois on se tenait au respect de cette loi abjecte...

 

Dernier point, non des moindres, il faut noter que les policiers ne sont pas inquiétés par la diffusion de leur visage qu'ils ont déjà pris l'habitude de masquer depuis longtemps (ainsi que ne pas porter leur matricule), et bien qu'on ait vu des actes barbares commis par leurs soins, cela n'a à ce jour pas fait l'objet de représailles populaires. L'argument de la protection des policiers n'est basé sur rien et constitue surtout une esbroufe faisant passer les oppresseurs pour les oppressés.

Il faudrait se pencher sur d'autres aspects de la loi, comme l'extension du port d'arme dans les lieux publics, même hors service, ou l'augmentation du rôle des sociétés privées dans le rôle de police.

Ce qui est frappant dans ce texte qui passera le 17 novembre à l’Assemblée Nationale, 2 ans jour pour jour après le début des gilets jaunes, c’est son aspect martial. Prenons-nous bien conscience que dans une même loi sont mis en vis à vis une réponse d'Etat face à la contestation sociale et une contre le terrorisme ? Cette loi entend gérer globalement ces problèmes de la même manière.

Des rassemblements auront lieu le 17 novembre pour s'opposer à cette loi :

  • A Paris, devant l'Assemblée Nationale à 18H
  • A Marseille, devant l'Église des Chartreux à 18H
  • A Lyon ,devant l'Hotel de Préfecture à 18H
  • A Chalon sur Saône, Place  de Beaune à 18H
  • Au Mans, devant la préf à 18H
  • A Nice, devant le Palais de Justice, 18H
  • A Rennes, place de la République, 10H30
  • A Bordeaux, parvis des Droits de l'Homme, 18H

 

rassemblement la loi sécurité globale devant l'Assemblée Nationale


La meilleure des polices

LA MEILLEURE DES POLICES

"La meilleure des polices ne porte pas l'uniforme" – La Rumeur

Alors que les forces de l'ordre et leurs actions sont finalement sous le feu médiatique, il semble nécessaire de rappeler l'évidence : ce n'est pas l'action de la police qui devient subitement plus catastrophique, mais l'ordre catastrophique du monde qui a de plus en plus recours à la police.

Une part grandissante de la population mondiale sent instinctivement où mène la marche du monde et se révolte. Elle rencontre partout la police, que le pouvoir équipe en conséquence. Le surarmement policier est le durcissement du capitalisme sur sa ligne de défense.

Si les médias ne se privent plus de commenter les violences policières, c'est que la démocratisation des moyens du spectacle, de prise de vue et de diffusion d'images, ont rendu visible l'exercice d'une violence auparavant connu de ceux qui en était les sujets.

C'est aussi et surtout qu'un nombre croissant de personnes goûte cette violence, parce que le capitalisme ne supporte plus aucune contradiction, et nécessairement, parce que ce durcissement et cette intransigeance attise le feu de la révolte. C'est aussi parce que l'écart entre le discours officiel et la pratique politique est devenu abyssal. Le mensonge entretenu de l'illusion démocratique marque un retard qui crève les yeux -littéralement- avec le totalitarisme concret du marché mondial.

Ce totalitarisme a sa raison économique, le capitalisme est en travaux : la fusion informatique de l'Etat et du marché s'opère sous nos yeux. Pendant cette transition fragile, le rôle historique de la police est de contenir les populations, pendant qu'on aggrave partout leurs conditions de vie par la surveillance, la destruction du milieu vivant, l'exploitation accrue. Tout ce qui était tenu pour acquis à la fin du vingtième siècle, comme l'intimité, la santé, le temps libre, tout doit disparaître. Les violences policières ne sont que l'écume de cette lame de fond.

Contradiction démocratique

La police, instrument du pouvoir est l'étincelle qui met le feu aux poudres. Elle agit comme un révélateur politique, parce qu'elle incarne physiquement le coeur de la contradiction "démocratique". Officiellement mandatée pour protéger la population, elle protège bien plutôt l'Etat contre la population. Elle est l'incarnation casquée et armée de l'Etat, qui apparaît sous le discours officiel, et révèle sa véritable signification. Et l'Etat, comme le pouvoir qu'il est, fait la guerre pour son maintien, et concentre ses assauts sur ceux qu'il a le plus dépossédé, mène une guerre préventive contre la revanche des humiliés.

La meilleure des polices

Les immigrés et leur descendance – qui étaient comme le rappelle Hamé de La Rumeur en première ligne des combats du mouvement ouvrier sont aussi ceux qui subissent, avec les pauvres excentrés de la métropole et les "migrants" – cette seconde classe d'immigration traitée en sous-êtres, le combat de plein fouet.

L'Etat lui-même n'étant qu'un instrument de la domination économique, la police s'illustre également par la défense des biens contre les personnes, la protection des rapports de propriété contre ceux qui les subissent. Pour s'en convaincre il suffit de voir les barrières anti-émeutes pour protéger les magasins Louis Vuitton, les C.R.S qui font barrage de leur corps aux vitrines de banques, jusqu'à l'ex-patron des services secrets qui organise des infiltrations et des écoutes pour le compte de Bernard Arnault (il faut vraiment être François Ruffin pour s'étonner de la fusion de l'Etat et du Capital au XXIè siècle.)

Mais la police ne s'arrête pas là, elle prend aussi activement part, dans certains marchés très lucratifs du crime organisé (Il y a encore quelques années, c'était le numéro un des stups qu'on a "découvert" être à la tête du trafic de drogue européen de cannabis, voir l'enquête de libération ("Drogues : Révélations sur un trafic d'Etat" et "Stup ou encore, le patron de la lutte antidrogue accusé d'être au coeur du trafic"). Elle joue avec toutes les mafias un jeu de miroir de la pacification sociale : tant que la population ghettoisée trafique, elle travaille de loin en loin pour l'Etat, et parfois directement pour lui, les petits poissons menant aux gros (voir le cas Serge Dassault : "Essonne, vie et mort d'un soldat de Dassault"dans l'Express et "Le scandale Dassault" publié par Médiapart)

C'est cette brêche béante qui s'ouvre sous la police, et ceci est compris dans ses rangs où les suicides sont de plus en plus nombreux, face à l'absurdité de cette tâche qu'est la guerre de l'Etat et du marché contre leurs esclaves rémunérés.

Pour toutes ces raisons, la seule lutte contre les violences policières est indéniablement absurde : la violence est la fonction de la police, et il n'y a pas de violence policière, il n'y a que des violences d'Etat. La police est l'outil de l'incarnation du monopole que s'est octroyé l'Etat pour légitimer sa violence. Voilà sur quoi s'étrangle la nouvelle défenseure des droits, car même le dernier des bacqueux est "dépositaire de l'autorité publique".

En France, mais aussi ailleurs, ceux qui l'exercent volontiers ont tous la même odeur : le puanteur de vieux cuir moisi de la servilité fasciste. Pour preuve l'enquête de Street Press qui a fait beaucoup de bruit, où certains policiers participants des groupes Facebook parlent ouvertement de guerre raciale. Dans notre pays, et c'est aussi le cas pour beaucoup d'autres, la situation est telle que le pouvoir dit républicain s'appuie sur un corps de défense intégralement fasciste – prêt à remplacer l'administration défaillante pour mener les affaires, c'est-à-dire le capitalisme. Mais comme disait déjà Orwell en 1937, "fascism and bourgeois democracy are tweedledum and tweedledee".

Violence Pandémique

Face à ce désastre, certains en sont encore à se demander comment réformer une telle institution, d'autres s'indignent en découvrant que "le confinement a révélé le caractère raciste des polices européennes" (Amnesty International). Evidemment l'état d'urgence sanitaire mis en place sur la moitié du globe est une des raisons pour lesquelles la police se trouve, de Portland à Paris, au cœur de la critique. Mais le déroulement historique est plutôt le suivant : d'abord, la pandémie en tant que telle, a démontré l'ampleur de la violence faite à la nature et aux populations par le capitalisme. Dans les pays touchés, tous ou presque ont été condamnés à contracter cette maladie par la marche forcée d'un monde dont personne n'a pu décider, maladie issue de la déforestation et diffusée par les voies de circulation commerciales. Les morts du coronavirus sont les martyrs du monde de la marchandise.

À cette violence du marché s'est ajouté la violence de l'Etat. Prouvant partout ou presque qu'il est impossible de "gouverner" – pénurie puis surproduction de masques et de gel, instabilité criminelle des prix, avalanche de décisions contradictoires et absurdes – l'Etat en France et ailleurs a cru bon de durcir en confinant à l'aveugle, suspendant immédiatement les restes de "libertés publiques". Ce faisant il a condamné les mêmes parties de la population à une mort plus certaine, et ce sans même rentrer dans le détail assassin de la "gestion politique" de la santé contemporaine.

Cette catastrophe double devait aussi révéler l'étendue de son absurdité par les effets positifs du confinement de l'économie sur le milieu vivant, qui a temoigné partout de la générosité de la nature en termes de régénération, et du caractère stérile, artificiel et inutile de la plus grosse part de l'activité du capitalisme.

Par dessus ce tableau, c'est la violence habituelle de la police – qui discipline usuellement des pauvres, parfois en les tuant – qui s'est trouvée exagérée par les pleins pouvoirs de l'état d'exception. Les morts de la pandémie s'ajoutant à ceux de l'institution, le feu de la révolte est parti des Etats-Unis, puis dans le reste de ses colonies culturelles que sont les états d'europe. C'est ceci est pas autre chose qu'a révélé le confinement, mais quand le sage montre l'histoire, l'imbécile regarde le droit.

L'illusion de l'abolition

Face à un trait si constitutif de l'institution, prétendre que la violence est un problème de contrôle, le racisme un problème de management n'est pas juste de la bêtise, c'est de la collaboration. On peut virer le pire préfet de France, dissoudre l'IGPN, désarmer la police, rien de tout cela ne changera rien : réformer la police, c'est encore organiser son maintien.

La police n'est douce que là où le contrôle social est fort, c'est à dire là où chacun est le policier de sa propre vie. Là où il n'y a pas besoin de force armée pour policer la population, qui justifie de son existence par la rentabilité qu'elle donne à ses employeurs, et la docilité à l'Etat. Là où le travail, la peur, les managers, la dépression et les divertissements numériques font leur office.

D'autres militants qui se pensent plus radicaux en viennent à réclamer l'abolition de la police. Et ces efforts portent, la ville de Minneapolis a même, dans un élan de sens stratégique , concédé à dissoudre sa police municipale pour obtenir la paix sociale. Priver les émeutiers de leurs ennemis donne l'illusion de la victoire. Mais la dissolution de tout ou partie des forces de l'ordre n'est pas la dissolution de la police, si tout le reste est conservé. Cela revient plutôt à accélérer la dématérialisation du travail policier, le reste étant confié à de la sécurité privée, comme c'est déjà souvent le cas aux États-Unis, où Microsoft gère la police en tenant sa logistique. Les forces de l'ordre pourront être dissoutes dans l'Etat lorsque celui-ci aura transféré leur contrôle dans les infrastructures urbaines elles-mêmes, par l'établissement des "villes intelligentes" et des dispositifs de contrôle connectés de toutes sortes. Exactement comme en Chine, où le crédit social généralise la police de soi, et permet à des agents très loin du terrain d'avoir une action punitive efficace. "En attendant la cybernétique, les flics" disait un tract de Nanterre en 1968. Il semble que certains militants soient impatients malgré eux.

Demander une réforme d'abolition, c'est demander à la loi de supprimer ce qui est la base de sa force, son existence concrète, son asymétrie fondamentale. Abolir réellement la police, cela suppose d'abolir tout ce qui est policier, et donc s'extraire de la société qui la nécessite et la génère. Aucune loi ne peut l'obtenir, cela s'obtient de fait. Seule la commune, en répartissant les taches de l'administration à un corps de citoyens révocables faisant la médiation nécessaire, peut abolir toute la police et libérer la société humaine. Comme disait Courbet en 1871 :

"Paris est un vrai paradis! Point de police, point de sottise, point d’exaction d’aucune façon, point de dispute. Paris va tout seul comme sur des roulettes. Il faudrait pouvoir rester toujours comme cela. En un mot, c’est un vrai ravissement. Tous les corps d’État se sont établis en fédération et s’appartiennent."

C'est ce qu'ont esquissé ceux qui ont tenu la CHAZ, qui, comme à chaque fois qu'un exemple d'auto-organisation prouve sa valeur, s'est vu démantelée il y a quelques semaines. Mais tout reste à refaire.

Texte anonyme


Témoignage depuis Portland #2

Aujourd’hui, mercredi 29 juillet, est ma troisième journée à Portland et hier soir j’ai assisté à ma deuxième manifestation (voir mon récit). À l’heure où j’écris (la fin d’après-midi), la journée est surtout marquée par l’annonce faite ce matin par la gouverneure de l’État de l’Oregon Kate Brown: un accord aurait été trouvé qui permettrait le retrait des agents fédéraux (les « Feds ») dès demain jeudi – et aussi leur nettoyage de l’extérieur du bâtiment fédéral recouvert de graffitis. Mais la situation reste néanmoins confuse, notamment parce que le Department of Homeland Security (la principale agence fédérale dont les agents sont déployés ici) a démenti son départ. Par ailleurs, le sentiment général que semble susciter l’annonce de la gouverneure est la méfiance. Quelles sont les garanties de ce retrait ? Au-delà de ce qui se joue en ce moment localement à Portland et de la possible victoire remportée par les manifestant.e.s, l’Operation Legend (l’opération de l’Administration Trump d’envoi de troupes fédérales dans des villes démocrates pour « rétablir l’ordre ») continue bien avec la nouvelle du déploiement de Feds dans trois nouvelles villes (Cleveland, Detroit et Milwaukee).

Cette journée riche en rebondissements fait suite à une nouvelle nuit de manifestation devant le bâtiment fédéral. Comme les soirs précédents, la foule est arrivée en nombre à partir de 20 heures. Beaucoup de personnes viennent en petits groupes d’ami.e.s, de collègues ou de diverses formes affinitaires (par exemple hier soir, il y avait un groupe de membres de l’église mennonite, un mouvement chrétien anabaptiste).

Un groupe d’Amerindien.ne.s de diverses Nations (les Nations amérindiennes souveraines sont au nombre de neuf dans l’État de l’Oregon) sont venu.e.s dire leur soutien au mouvement #BLM et rappeler leurs luttes. Ils et elles ont chanté plusieurs chants rituels qui faisaient écho aux évènements en cours et qui évoquent les Anciens, la Terre, les blessures et la guérison.

https://twitter.com/CerveauxNon/status/1288581315663667200

Comme les autres soirs depuis plus d’une semaine, la présence des « Mamans », avec leurs tee-shirts jaune, a été remarquée. Tout comme celle de deux dizaines de vétérans, qui se sont mis en rang dans le respect des règles de l’art militaire.

https://twitter.com/CerveauxNon/status/1288576072599175173

D’une manière générale, on peut remarquer que les équipements type casques et masques à gaz sont généralisés. Or il faut souligner qu’il n’y a pas aux USA une grande culture des affrontements avec la police dans le cadre des manifestations comme il peut y avoir en France. Ce qui explique d’ailleurs en partie que l’usage de gaz lacrymogènes fasse autant scandale dans le pays. Bref, pour la plupart des gens qui aujourd’hui viennent aujourd’hui manifester, c’est une nouveauté que de s’équiper ainsi.

La nuit a été longue. La foule de plusieurs milliers de personnes vers 21 heures est restée très compacte jusqu’à 1 heure du matin. Si les Feds, retranchés dans le bâtiment fédéral et protégés par les hautes grilles qui l’entourent temporairement, ont lancé plusieurs fois des gaz lacrymogènes à partir de 23 heures, c’est surtout à partir de 1 heure du matin que des affrontements plus violents (qui n’ont pas faits de blessé.e.s graves à ma connaissance) ont eu lieu.

Aujourd’hui, le campement devant le bâtiment fédéral n’a pas bougé : il y a toujours le Riot Ribs qui sert des repas 24/24, la tente des secours médicaux avec son matériel de prévention (bouchons d’oreilles, masques, casques, produits contre les effets des gaz lacrymogènes, etc.) et quelques tentes d’habitation. Il ne fait aucun doute qu’il y aura une manifestation ce soir. Non seulement cela fait plus de 60 jours que les habitant.e.s de Portland manifestent chaque soir pour #BLM, mais les Feds ne sont pas encore partis !

Je vais donc être à nouveau sur place ce soir – si vous voulez me suivre sur Twitter, je vous donnerai des nouvelles à partir de 21 h (heure locale), soit 6 heures du matin (heure française, jeudi).


America never was Amercia to me

Ce qui se passe à Portland est observé de près - témoignage de Gwenola Ricordeau

Je suis arrivée à Portland (Oregon) hier, lundi 27 juillet. Ça fait donc environ 24 heures que je suis ici – je suis venue de Californie du Nord où j’habite car depuis une semaine Portland est au centre de l’attention des médias, des militant.e.s, des politiques… Je voulais en savoir plus sur les seules images que je voyais sur les réseaux sociaux et à la télé qui laissaient penser que la ville était en train de s’embraser !

America never was America to me
"America never was America to me" : référence au poème de Langston Hughes écrit en 1935, qui parle du rêve américain qui n'a jamais existé pour l'Américain des classes pauvres et de la liberté et de l'égalité que chaque immigrant espérait mais n'a jamais reçues.

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur le contexte : Portland, une ville où les mouvements syndicalistes et anarchistes ont une longue tradition, les mobilisations aux USA qui ont suivi le meurtre de George Floyd, la campagne présidentielle… Mais pour aller à l’essentiel : y a une semaine, le Président Trump a envoyé à Portland les « Feds » (des agents fédéraux – des forces de police fédérales) contre l’avis des pouvoirs locaux (État de l’Oregon et municipalité de Portland notamment). Trump prétend, par l’envoi de ces agents, protéger les bâtiments fédéraux, mais surtout rétablir l’ordre dans cette ville où il y a eu environ 60 manifestations massives depuis le meurtre de George Floyd fin mai. Ce qui se passe à Portland est observé de près car l’envoi des Feds dans ce genre de contexte (de manifestations) est rare (il est routinier pour le contrôle des frontières, la répression des mouvements dans les centres de rétention…). Cela pose brutalement la question de la répression des droits politiques (les Feds ont notamment procédé à des brèves arrestations de manifestant.e.s) et de la démocratie (quid de la prise de décision par des personnes élues localement ?) dans un contexte de campagne présidentielle où Trump est nettement en perte de vitesse et cherche à remobiliser sa base – en apparaissant comme l’homme du parti de l’ordre (« Law and Order »).

"Violents anarchistes distribuant des boissons énergisantes"

En ce moment, les manifestations sont très concentrées au centre-ville autour d’un parc avec d’un côté la mairie, de l’autre la cour fédérale et la maison d’arrêt du comté. Tous les soirs, à la nuit tombée, des milliers de gens se rassemblent. En permanence, il y a des tentes installées avec des volontaires qui assurent des soins médicaux (« street medics ») et fournissent des repas gratuits 24/24. L’équipe de volontaires qui cuisine en permanence a fermé son appel aux dons après avoir reçu plus de 300’000$. 
Hier soir a été un soir qui a ressemblé aux autres selon tous les gens avec qui j’ai pu parler. A la grosse centaine de personnes qui étaient sur place vers 18 heures et qui pour certaines s’occupaient de taches collectives comme la nourriture, les soins…, se sont ajoutés de plus en plus de gens.

First Aid
Tente médic et Free shop

Ce qui marque au premier abord, c’est la diversité de la foule réunie. Y a beaucoup de jeunes, mais j’ai aussi parlé avec une dame qui avait manifesté contre la guerre au Vietnam. Et puis, il y a les « Mamans », qui s’habillent en jaune et se mettent en ligne ensemble devant la police : elles sont plusieurs dizaines tous les soirs et leur groupe s’est constitué de façon informelle après qu’un jeune ait été grièvement blessé par la police. Il y a aussi les « Papas » qui ont décidé de se mobiliser (ils sont moins nombreux que les « Mamans ») et certains d’entre eux portent des souffleurs aspirateurs ordinairement utilisés pour le ramassage des feuilles mortes mais qui peuvent très utilement aussi repousser les nuages de gaz lacrymogènes. Et puis il y a aussi les vétérans… Dans le contexte des vastes mobilisations #BLM et par rapport aux manifestations d’autres grandes villes, on peut être surpris du relatif faible nombre de Noirs et d’autres minorités ethniques. Mais Portland est une ville très blanche en raison de la longue histoire du suprématisme blanc dans l’Oregon : la dernière loi interdisant aux Noirs de s’installer dans l’État a été abolie en 1926.

Wall of moms, Portland
Wall of moms, Portland

Vers 21h, alors qu’il y avait plusieurs milliers de personnes rassemblées dans le parc et devant le bâtiment fédéral et la cour du comté, des prises de parole, ponctuées de slogans, ont commencé dans un endroit. Ailleurs (devant le bâtiment fédéral), les manifestant.e.s faisaient face aux grilles aménagées spécialement pour défendre le bâtiment et qui résistent très bien aux assauts répétés… Vers 22h, les prises de parole ont cessé : certaines personnes ont commencé à quitter le rassemblement, mais d’autres arrivaient encore… Et comme tous les autres soirs, la police a invité les manifestant.e.s à rentrer chez eux par haut-parleur, indiquant que le rassemblement était désormais considéré comme illégal. Vers 23h30, les premiers tirs de lacrymogènes ont commencé, ne dispersant qu’une petite partie des manifestant.e.s qui sont pour beaucoup équipées en masques. J’ai quitté les lieux vers minuit et quart – alors qu’il y avait encore sans doute un millier de manifestant.e.s… Mais tout le monde m’a assuré que ce ne serait que partie remise pour ce soir.

Je vais donc être à nouveau sur place à partir de 21 h (heure locale), soit 6 heures du matin (heure française, mercredi) – si vous voulez me suivre sur Twitter (@g_ricordeau), je vous donnerai des nouvelles !

Makita
Souffleur Makita pour repousser les gaz lacrymogène

L'État policier de Microsoft : Surveillance de masse, reconnaissance faciale et un cloud nommé Azure

A l'heure où on parle aux États-Unis de démantèlement de la police, surtout depuis la mort de George Floyd, les pouvoirs de surveillance et de répression sont en train de se métamorphoser. La police est un rôle qui pourrait se passer d'humains. Elle est dans nos smartphones, dans les algorithmes des smartcities et des objets connectés ; la police de demain s'élabore à la Silicon Valley. Si ces technologies nous sont imposées par un jeu de consentement tacite et bien souvent forcé, pour la police c'est la possibilité de moyens répressifs démultipliés. Les espaces publics ne seront pas plus sûrs, mais la politique du chiffre en sera flattée et nous, toujours plus contrôlés.

Voici une traduction de l'article de originellement paru sous le titre The Microsoft Police State: Mass Surveillance, Facial Recognition, and the Azure Cloud dans la revue The Intercept.

visuel : Eliana Rodgers for The Intercept

Les manifestations nationales contre les pratiques policières racistes ont amené une perspective nouvelle sur plusieurs grandes entreprises technologiques comme Facebook, qui est boycotté par les annonceurs pour les discours haineux dirigés contre les personnes de couleur, et Amazon, qui a été interpellé sur l’aide que l’entreprise apporte à la surveillance policière. Mais Microsoft, qui a largement échappé aux critiques, est à l’origine de services destinés aux forces de l’ordre, favorisant un écosystème de sociétés qui fournissent à la police des logiciels utilisant le cloud de Microsoft et d’autres plateformes. L’histoire complète de ces liens met en évidence la façon dont le secteur technologique est de plus en plus enchevêtré, dans des relations intimes et continues, avec les services de police.

Les liens de Microsoft avec les forces de l’ordre ont été occultés par l’entreprise, dont la réponse publique à l’indignation qui a suivi le meurtre de George Floyd s’est concentrée sur les logiciels de reconnaissance faciale. Cette réaction détourne l’attention de la plate-forme de surveillance de masse de Microsoft destinée aux policiers, le Domain Awareness System, construit pour le département de police de New York et étendu par la suite à Atlanta, au Brésil et à Singapour. Cela occulte également le fait que Microsoft s’est associé à de nombreux fournisseurs de surveillance policière qui utilisent leurs produits sur un “cloud gouvernemental” fourni par la division Azure de l’entreprise et qu’elle incite à l’utilisation de ses plateformes pour interconnecter les opérations de police sur le terrain, y compris des drones, des robots et autres dispositifs.

Grâce au partenariat, au soutien et à l’infrastructure essentielle fournis par Microsoft, une industrie parallèle composée de petites entreprises permet aux organismes chargés de l’application de la loi de mener à bien une surveillance de masse. Genetec propose des systèmes de vidéosurveillance dans le cloud et des analyses des  jeux de données importantes pour la surveillance de masse dans les grandes villes américaines. Veritone fournit des services de reconnaissance faciale aux organismes chargés de l’application de la loi. Et un large éventail de partenaires fournit des équipements de police de haute technologie pour la plate-forme de patrouille avancée de Microsoft “Microsoft Advanced Patrol”, qui transforme les voitures de police en patrouilles de surveillance à vision panoramique. Tout cela est réalisé en collaboration avec Microsoft et hébergé sur le cloud gouvernemental Azure.

Le mois dernier, des centaines d’employés de Microsoft ont demandé à leur PDG, Satya Nadella, d’annuler les contrats avec les forces de l’ordre, de soutenir Black Lives Matter et d’approuver le dé-financement de la police (“defund the police”). En réponse, Microsoft a ignoré la plainte et a plutôt interdit la vente de son propre logiciel de reconnaissance faciale aux services de police des États-Unis, détournant ainsi l’attention des autres contributions de Microsoft à la surveillance policière. Cette stratégie a fonctionné : La presse et les militants ont salué cette décision, renforçant ainsi la position de Microsoft en tant que leader moral dans le domaine de la technologie.

Pourtant, on ne sait pas combien de temps Microsoft échappera à un examen approfondi de ses pratiques. La surveillance policière se fait de plus en plus avec la coopération active des entreprises technologiques, et Microsoft, avec Amazon et d’autres fournisseurs de cloud, est l’un des principaux acteurs dans ce domaine.

Comme les partenariats et les services hébergeant des fournisseurs tiers sur le nuage Azure n’ont pas à être annoncés au public, il est impossible de connaître l’étendue exacte de l’implication de Microsoft dans le domaine du maintien de l’ordre, ou le statut des services tiers annoncés publiquement, incluant potentiellement certaines des relations précédemment annoncées et mentionnées ci-dessous.

Microsoft a refusé de commenter

Microsoft : Du renseignement policier au "Cloud Azure"

Dans le sillage du 11 septembre, Microsoft a apporté des contributions majeures aux centres de renseignements centralisés pour les organismes chargés de l’application de la loi. Vers 2009, il a commencé à travailler sur une plateforme de surveillance pour la police de New York, appelée “Domain Awareness System” ou DAS, qui a été dévoilée au public en 2012. Le système a été construit sous la direction de Microsoft ainsi que des agents de la police de New York.

Bien que certains détails concernant le DAS aient été divulgués au public, beaucoup manquent encore. Le compte-rendu le plus complet à ce jour a été publié dans un document de 2017 par des officiers de la police de New York.

Le DAS intègre des sources d’information disparates pour remplir trois fonctions essentielles : l’alerte en temps réel, les enquêtes et l’analyse policière.

Par le biais du DAS, la police de New York surveille les mouvements personnels de toute la ville. À ses débuts, le système absorbait des informations provenant de caméras de surveillance en circuit fermé, de capteurs environnementaux (pour détecter les radiations et les produits chimiques dangereux) et de lecteurs automatiques de plaques d’immatriculation, ou ALPR. En 2010, il a commencé à ajouter les les archives, de la police de New York, des plaintes, des arrestations, des appels au 911 et des mandats “pour donner un contexte aux données des capteurs”, le tout accompagné de donnés de géolocalisation. Par la suite, il a ajouté l’analyse vidéo, la reconnaissance automatique des formes, la police prédictive et une application mobile pour les policiers.

En 2016, le système avait ingéré 2 milliards d’images de plaques d’immatriculation provenant de caméras ALPR (3 millions de lectures par jour, archivées pendant cinq ans), 15 millions de plaintes, plus de 33 milliards d’enregistrements publics, plus de 9 000 flux de caméras de la police de New York et de caméras privées, des vidéos provenant de plus de 20 000 caméras corporelles, et plus encore. Pour donner un sens à tout cela, des algorithmes analytiques sélectionnent les données pertinentes, y compris pour la police prédictive.

Microsoft Aware
Capture d'écran de l'interface de bureau du système de sensibilisation aux domaines de Microsoft - également appelé Microsoft Aware. Photo tirée de la présentation de Microsoft intitulée "Always Aware", par John Manning et Kirk Arthur.
Image : Présentation de Microsoft

Le NYPD a un passé d’abus policiers, et les défenseurs des droits et libertés civiles comme le projet de surveillance technologique du Urban Justice Center ont protesté contre le système pour des raisons constitutionnelles, avec peu de succès à ce jour.

Si le DAS a reçu une certaine attention de la part de la presse – et est assez bien connu des militants – l’histoire des services proposés à la police par Microsoft n’est pas tout à fait terminée.

Au fil des ans, Microsoft a développé son activité grâce à l’expansion de ses services en ligne, dans lesquels la capacité de stockage, les serveurs et les logiciels fonctionnant sur les serveurs sont loués sur la base de compteurs. L’une de ses offres, Azure Government, fournit un hébergement de données dédié dans des data centers exclusivement nationaux, de sorte que les données ne quittent jamais physiquement le pays hôte. Aux États-Unis, Microsoft a construit plusieurs centres d’hébergement dans le cloud Azure Government à l’usage des organisations locales, étatiques et fédérales.

À l’insu de la plupart des gens, Microsoft dispose d’une division “Sécurité publique et justice” dont le personnel a travaillé auparavant dans les forces de l’ordre. C’est le véritable cœur des services que fourni la société à la police, bien qu’elle opère depuis des années à l’abri des regards du public.

Les services de surveillance policière de Microsoft sont souvent opaques, car l’entreprise vend peu de ses propres produits de police. Elle propose plutôt une gamme de services “généraux” dans le cloud Azure, tels que des outils d’apprentissage automatique et d’analyse prédictive comme Power BI (intelligence économique) et Cognitive Services, qui peuvent être utilisés par les services de police et les fournisseurs de surveillance pour créer leurs propres logiciels ou solutions.

Voiture de patrouille IdO de Microsoft basée sur la surveillance

Un riche éventail d’offres de Microsoft basées sur le cloud computing est présenté avec un concept appelé “The Connected Officer”, l’officier connecté. Microsoft situe ce concept dans le cadre de l’Internet des objets, ou Id0, dans lequel les gadgets sont connectés à des serveurs en ligne et ainsi rendus plus utiles. “The Connected Officer”, a écrit Microsoft, “apportera l’IdO au maintien de l’ordre”.

Avec l’Internet des objets, les objets physiques se voient attribuer des identificateurs uniques et transfèrent des données sur les réseaux de manière automatisée. Si un policier sort une arme de son étui, par exemple, une notification peut être envoyée sur le réseau pour avertir les autres policiers qu’il y a un danger. Les centres de criminalité en temps réel peuvent alors localiser l’agent sur une carte et suivre la situation depuis un centre de commandement et de contrôle.

Démonstration de la simulation de Microsoft Connected Officer pour la surveillance de l'IdO et l'intégration des données pour une connaissance de la situation en temps réel et une analyse centralisée de la police. Photo tirée de la présentation de Microsoft, "The Connected Officer : The Connected Officer : Bringing IoT to Policing", par Jeff King et Brandon Rohrer.
Image : Présentation de Microsoft

Selon ce concept, une multitude de données de surveillance et de capteurs IdO sont envoyées sur un “chemin chaud” pour une utilisation rapide dans les centres de commandement et sur un “chemin froid” qui sera utilisé plus tard par les analystes du renseignement à la recherche de modèles. Les données sont acheminées par le produit Azure Stream Analytics de Microsoft, stockées sur le cloud Azure et enrichies par les solutions d’analyse de Microsoft comme Power BI – fournissant un certain nombre de points sur lesquels Microsoft peut gagner de l’argent.

Alors que le “Connected Officer” était un exercice conceptuel, la solution de patrouille réelle de la société est la Microsoft Advanced Patrol Platform, ou MAPP. MAPP est une plateforme IdO pour les véhicules de patrouille de police qui intègre des capteurs de surveillance et des enregistrements de base de données sur le cloud Azure, comprenant “des informations sur le dispatching, des indications routières, l’historique des suspects, un lecteur de plaque d’immatriculation à commande vocale, une liste de personnes disparues, des bulletins de criminalité basés sur la localisation, des rapports d’équipe, et plus encore”.

Une démo de la plate-forme de patrouille avancée de Microsoft, ou MAPP, véhicule de surveillance de l'IdO pour la police. Un SkyRanger d'Aeryon Labs est perché sur le toit. Photo tirée du blog Microsoft Azure, "Microsoft accueille les leaders de la justice et de la sécurité publique au 2e sommet annuel du CJIS", par Rochelle Eichner.
Photo : Blog de Microsoft Azure

Le véhicule MAPP est équipé de matériel provenant de fournisseurs tiers qui transmettent les données de surveillance dans le cloud Azure pour les agences de maintien de l’ordre. Montée sur le toit, une caméra haute résolution de 360 degrés diffuse des vidéos en direct sur Azure et sur l’ordinateur portable à l’intérieur du véhicule, avec un accès également disponible sur un téléphone portable ou un ordinateur distant. Le véhicule est également équipé d’un lecteur automatique de plaques d’immatriculation qui peut lire 5 000 plaques par minute – que la voiture soit à l’arrêt ou en mouvement – et les comparer à une base de données Azure gérée par la solution de lecture de plaques d’immatriculation de Genetec, AutoVu. Une caméra de proximité sur le véhicule est conçue pour alerter les agents lorsque leur véhicule est approché.

Le SkyRanger, un drone fourni par Aeryon Labs, partenaire de Microsoft, permet de patrouiller dans le ciel et de fournir des vidéos en temps réel. (Aeryon Labs fait maintenant partie du géant de la surveillance FLIR Systems.) Selon Nathan Beckham de Microsoft Public Safety and Justice, les drones du véhicule “le suivent et en ont une vue plus large”. Les drones, écrit DroneLife, peuvent “fournir des vues aériennes à la plateforme de données intégrée, permettant aux agents d’évaluer les situations en cours en temps réel, ou de recueillir des preuves médico-légales sur une scène de crime”.

Les robots de police font également partie de la plateforme MAPP. Les produits de ReconRobotics, par exemple, ont été “intégrés au programme de voitures de patrouille du futur de Microsoft” en 2016. Selon Microsoft, ReconRobotics fournit à son véhicule MAPP un “petit robot léger mais puissant” qui “peut être facilement déployé et contrôlé à distance par les patrouilleurs pour fournir des informations en temps réel aux décideurs”.

Un autre partenaire de Microsoft, SuperDroid Robots, a également annoncé qu’il fournira au véhicule MAPP de Microsoft deux robots de surveillance compacts télécommandés, le MLT “Jack Russell” et le LT2-F “Bloodhound”, ce dernier pouvant monter des escaliers et surmonter des obstacles.

Bien qu’il porte un insigne Microsoft sur le capot et la porte, le véhicule physique que la société utilise pour promouvoir MAPP n’est pas à vendre par Microsoft, et vous ne verrez probablement pas de voitures portant le logo Microsoft circuler. Microsoft fournit plutôt MAPP comme une plate-forme permettant de transformer les voitures de police existantes en véhicules de surveillance IdO : “Il s’agit en fait de pouvoir prendre toutes ces données et de les mettre dans le cloud, de pouvoir les associer à leurs données et de commencer à en tirer des informations pertinentes”, a déclaré M. Beckham.

En effet, selon Microsoft, “la voiture devient le centre nerveux des forces de l’ordre”. Selon Beckham, les informations collectées et stockées dans le nuage Azure aideront les agents à “identifier les mauvais acteurs” et “permettront aux agents d’être conscients de l’environnement qui les entoure”. A titre d’exemple, il a déclaré : “Nous espérons qu’avec l’apprentissage automatique et l’IA dans le futur, nous pourrons commencer à faire des correspondances” avec les véhicules MAPP qui fournissent des données pour aider à trouver les “mauvais acteurs”.

Le MLT "Jack Russell" et le LT2-F "Bloodhound" exposés lors d'un événement présentant la solution de véhicule de police MAPP de Microsoft pendant la conférence annuelle de formation 2015 des associés de l'Académie nationale du FBI à Seattle. Photo tirée du billet de blog de SuperDroid Robots, "SuperDroid Robots Partners with Microsoft".
Photo : Robots SuperDroid

En octobre dernier, la police sud-africaine a annoncé que Microsoft s’était associé à la ville de Durban pour une police intelligente du “21e siècle”. La version de Durban de la solution MAPP comprend un ALPR à 360 degrés pour scanner les plaques d’immatriculation et une caméra de reconnaissance faciale de la société chinoise de vidéosurveillance Hikvision pour une utilisation lorsque le véhicule est à l’arrêt (par exemple, garé lors d’un événement).

Selon l’agence de presse sud-africaine ITWeb, la police métropolitaine utilisera la solution MAPP “pour dissuader les activités criminelles sur la base de l’analyse des données grâce à la modélisation prédictive et aux algorithmes d’apprentissage automatique”. Le véhicule a déjà été déployé au Cap, où Microsoft a récemment ouvert un nouveau data center Azure – une extension du colonialisme numérique dont j’ai parlé en 2018.

Le véhicule de patrouille MAPP de Microsoft à Durban est équipé d'une caméra de reconnaissance faciale de la société chinoise Hikvision. Photos tirées de la présentation Multimedia Live, "Metro police go high-tech for festive season". Images : Présentation multimédia en direct

Tout comme les États-Unis (bien qu’avec des dynamiques différentes), l’Afrique du Sud est confrontée au fléau de la brutalité policière qui touche de manière disproportionnée les personnes de couleur. Le pays a connu son propre moment George Floyd lors du récent lockdown de Covid-19, lorsque l’armée et la police ont brutalement battu Collins Khosa, 40 ans, dans le pauvre township d’Alexandra, entraînant sa mort – autour d’une tasse de bière. (Une enquête militaire a révélé que la mort de Khosa n’était pas liée à ses blessures aux mains des autorités ; la famille de Khosa et beaucoup d’autres en Afrique du Sud ont rejeté la révision comme étant un blanchissement).

La solution MAPP sera utilisée pour la police “tolérance zéro”. Par exemple, Parboo Sewpersad, porte-parole de la police métropolitaine de Durban, a déclaré que le déploiement vise à punir “les déchets, l’alcool au volant et l’alcool à pied” pendant les festivités estivales.

Il est difficile de déterminer où le véhicule MAPP pourrait être déployé. Le déploiement en Afrique du Sud suggère que Microsoft considère l’Afrique comme un endroit où expérimenter ses technologies de surveillance policière.

Microsoft : Fournir de la vidéosurveillance et du renseignement policier dans la ville

Au-delà du câblage des véhicules de police, la vidéosurveillance constitue une autre source de profits pour Microsoft, car elle est chargée de paquets de données à transmettre, stocker et traiter, ce qui lui permet de gagner des commissions à chaque étape.

Lorsqu’elles mettent en place un réseau de vidéosurveillance truffé de caméras, les villes et les entreprises utilisent généralement un système de gestion vidéo, ou VMS, pour afficher plusieurs flux de caméras sur un mur vidéo ou offrir la possibilité de rechercher des images. Genetec, l’un des principaux fournisseurs de VMS, propose le VMS de base intégré dans le DAS de Microsoft. Partenaire de Microsoft depuis plus de 20 ans, les deux sociétés travaillent ensemble à l’intégration de services de surveillance sur le cloud azur.

Certaines des forces de police municipales les plus en vue utilisent Genetec et Microsoft pour la vidéosurveillance et l’analyse.

Grâce à un partenariat public-privé appelé Operation Shield, le réseau de caméras d’Atlanta est passé de 17 caméras dans le centre-ville à un vaste réseau de 10 600 caméras qui, espèrent les autorités, couvrira bientôt tous les quadrants de la ville. Genetec et Microsoft Azure alimentent le réseau de vidéosurveillance.

Le 14 juin, le chef de la police d’Atlanta, Erika Shields, a démissionné après que des policiers de la police d’Atlanta aient tué un homme noir de 27 ans, Rayshard Brooks. Le mois dernier, six officiers de police d’Atlanta ont été inculpés pour usage excessif de la force contre des manifestants dénonçant les violences policières.

En 2019, le directeur général de la Fondation de la police d’Atlanta, Marshall Freeman, m’a dit que la fondation venait de terminer le “déploiement à l’échelle du département” de Microsoft Aware (Domain Awareness System). Freeman a déclaré que le département de police d’Atlanta utilise l’apprentissage machine de Microsoft pour corréler les données, et prévoit d’ajouter l’analyse vidéo de Microsoft. “Nous pouvons toujours continuer à revenir à Microsoft et faire en sorte que les constructeurs développent la technologie et continuent à développer la plate-forme”, a-t-il ajouté.

A Chicago, 35 000 caméras couvrent la ville grâce à un réseau de surveillance enfichable. Le back-end utilise actuellement le Stratocast de Genetec et le service Federation de Genetec, qui gère l’accès aux caméras à travers un réseau fédéré de caméras de vidéosurveillance – un réseau de réseaux de caméras, pour ainsi dire.

Genetec Citigraf sur Microsoft Azure. Les données ingérées pour les corrélations, la surveillance et les alertes comprennent les données de répartition assistée par ordinateur, la détection des tirs de ShotSpotter, les caméras de lecture automatique des plaques d'immatriculation, les données de l'American Community Survey (recensement), les vidéos de surveillance sur le VMS de Genetec, diverses communications et alertes d'intrusion, les données des systèmes d'information géographique et les éléments de base de données comme les incidents et les arrestations. Photo tirée du webinaire "How Chicago Integrated Data and Reduced Crime by 24%", présenté par Otto Doll (Center for Digital Government), Jonathan Lewin (Chicago Police Department) et Bob Carter (Genetec).
Image: Government Technology/Center for Digital Government webinar

En 2017, Genetec a construit sa plate-forme Citigraf sur mesure pour le département de police de Chicago – la deuxième plus grande force de police du pays – afin de donner un sens à la vaste gamme de données du département. Alimenté par Microsoft Azure, Citigraf ingère des informations provenant de capteurs de surveillance et d’enregistrements de bases de données. En utilisant des données en temps réel et historiques, il effectue des calculs, des visualisations, des alertes et d’autres tâches pour créer une “connaissance approfondie de la situation” pour le CPD. Microsoft s’est associé à Genetec pour construire un “moteur de corrélation” permettant de donner un sens aux données de surveillance.

Les forces de police de Chicago ont un passé brutal de racisme, de corruption, et même de torture de suspects depuis deux décennies. Lors des manifestations de violence policière qui ont suivi le meurtre de Floyd, le CPD a attaqué et battu des manifestants, dont cinq Noirs, jusqu’à les hospitaliser.

La ville de Detroit utilise Genetec Stratocast et Microsoft Azure pour alimenter son projet controversé “Green Light”. Lancé en 2016 en tandem avec un nouveau Real Time Crime Center, le projet permet aux entreprises locales – ou à d’autres entités participantes, telles que les églises et les logements publics – d’installer des caméras vidéo dans leurs locaux et de transmettre les flux de surveillance au département de police de Detroit. Les participants peuvent placer un “feu vert” à côté des caméras pour avertir le public – qui est noir à 80 % – que “vous êtes surveillé par la police”.

En 2015, le DPD a déclaré que “le jour viendra où la police aura accès à des caméras partout, ce qui lui permettra de patrouiller virtuellement dans presque tous les quartiers de la ville sans jamais y mettre les pieds”.

Le chef adjoint de la DPD, David LeValley, m’a expliqué qu’avant de créer le nouveau centre de commandement, le département a envoyé une équipe de personnes dans plusieurs autres villes américaines, dont New York, Chicago, Atlanta, Boston, et le centre de la Drug Enforcement Administration à El Paso, Texas, afin d’observer leurs centres de renseignements. “Notre Real Time Crime Center est un centre de renseignement global, ce n’est pas seulement le projet Green Light”, a-t-il expliqué.

L’expansion de la surveillance policière à Detroit a été rapide. Aujourd’hui, le projet Green Light dispose d’environ 2 800 caméras installées sur plus de 700 sites, et deux centres de criminalité en temps réel plus petits sont en cours d’ajout, une tendance qui se développe dans des villes comme Chicago. LeValley m’a dit que ces RTTC feront des choses comme la “reconnaissance de formes” et les “rapports d’incidents critiques”.

Dans le sillage du meurtre de George Floyd, les militants de Detroit ont relancé leurs efforts pour abolir le projet Green Light dans la lutte contre la surveillance policière, que des défenseurs de la communauté locale comme Tawana Petty et Eric Williams jugent raciste. Cette année, deux hommes noirs, Robert Julian-Borchak Williams et Michael Oliver, ont été arrêtés à tort après avoir été mal identifiés par la technologie de reconnaissance faciale du DPD.

Nakia Wallace, co-organisatrice du projet Will Breathe de Detroit, m’a dit que le projet Green Light “pré-criminalise” les gens et “donne à la police le droit de vous surveiller si elle pense que vous êtes coupable” et “harcèle les communautés noires et brunes”. “Relier des caméras” sur de vastes zones est de l'”hyper-surveillance” et “doit être arrêté”, a-t-elle ajouté.

La fonction de la DPD est de protéger la propriété et la suprématie des Blancs”, a déclaré Mme Wallace. “Ils sont hyper-militarisés, et même dans le sillage de cela, des gens continuent de mourir dans la ville” parce qu'”ils n’ont aucun intérêt dans le gagne-pain des citoyens de Detroit”. Au lieu de militariser, nous devons “arrêter de prétendre que les pauvres Noirs sont des criminels par nature, et commencer à examiner les services sociaux et les choses qui empêchent les gens d’entrer dans une vie de crime”.

Dans un billet de blog de 2017, Microsoft s’est vanté du partenariat avec Genetec pour le DPD, déclarant que le projet Green Light est “un excellent exemple de la façon dont les villes peuvent améliorer la sécurité publique, la qualité de vie des citoyens et la croissance économique avec les technologies d’aujourd’hui”.

Microsoft fournit effectivement une technologie de reconnaissance faciale

Alors que Microsoft alimente les centres de renseignement et les réseaux de caméras en circuit fermé dans l’ombre, la société s’est publiquement concentrée sur les réglementations relatives à la reconnaissance faciale. Le 11 juin, Microsoft a rejoint Amazon et IBM en déclarant qu’elle ne vendrait pas sa technologie de reconnaissance faciale à la police tant qu’il n’y aurait pas de réglementation en place.

Il s’agit d’un coup de pub qui a semé la confusion sur la manière dont la relation de Microsoft avec la police fonctionne techniquement et éthiquement, de plusieurs manières.

Premièrement, alors que la presse critique occasionnellement le Domain Awareness System de Microsoft, l’attention portée à la police de Microsoft se concentre surtout sur la reconnaissance faciale. C’est une erreur : Microsoft fournit des logiciels pour alimenter diverses technologies de maintien de l’ordre qui portent atteinte aux droits et libertés civils – même sans reconnaissance faciale.

Deuxièmement, la reconnaissance faciale est une caractéristique notable de nombreux systèmes de vidéosurveillance et de centres de lutte contre la criminalité en temps réel dont Microsoft est responsable. Les villes de New York, Atlanta, Chicago et Detroit font partie de celles qui utilisent les services de Microsoft pour collecter, stocker et traiter les données de surveillance visuelle utilisées pour la reconnaissance faciale. Les services de Microsoft font partie intégrante de nombreux systèmes de surveillance de reconnaissance faciale de la police.

Troisièmement, au moins une société de reconnaissance faciale, Veritone, a été laissée de côté. Un partenaire de Microsoft, la société d’intelligence artificielle de Californie du Sud, propose un logiciel appelé IDentify, qui fonctionne sur le cloud de Microsoft et aide les services de police à repérer les visages des suspects potentiels.

La solution aiWARE de Veritone sur le nuage Azure de Microsoft ; Veritone est également sur le GovCloud d'Amazon AWS. Photo tirée du webinaire de Veritone, "Artificial Intelligence : Machine Learning and Mission", présenté par Chad Steelberg (Veritone), Richard Zak (Microsoft), Ryan Jannise (Oracle), et Patrick McCollah (Deloitte).
Image: Veritone webinar

Dans un discours prononcé en 2020 au Consumer Electronics Show, aux côtés de dirigeants de Microsoft, Deloitte et Oracle, le PDG de Veritone, Chad Steelberg, a déclaré que grâce au logiciel IDentify de Veritone sur Azure, les policiers ont aidé à attraper “des centaines et des centaines de suspects et de délinquants violents”. Le produit Redact de Veritone accélère les poursuites, et Illuminate permet aux enquêteurs d'”éliminer les preuves” et d’obtenir des “aperçus de détection” d’anomalies.

Dans un récent webinaire, Veritone a expliqué comment IDentify exploite les données dont dispose déjà la police, comme les dossiers d’arrestation. Si une personne est détectée et n’a pas de correspondance connue, le logiciel IDentify peut établir le profil des suspects en créant une “base de données de personnes d’intérêt” qui “vous permettra de simplement enregistrer des visages inconnus dans cette base de données et de les surveiller en permanence au fil du temps”.

Veritone prétend déployer des services dans “environ 150 endroits”, mais ne précise pas lesquels utilisent IDentify. Il a lancé un test pilote avec le département de police d’Anaheim en 2019.

Microsoft liste Veritone IDentify comme un produit de reconnaissance faciale pour les services de police dans son répertoire d’applications en ligne. La vidéo promotionnelle sur le site web de Microsoft fait la publicité de la capacité d’IDentify :

... de comparer vos bases de données de délinquants connus et de personnes d’intérêt avec des preuves vidéo afin d’identifier rapidement et automatiquement des suspects pour l’enquête. Il suffit de télécharger des preuves provenant de systèmes de surveillance, de caméras corporelles, etc. … Mais surtout, vous n’êtes pas enchaîné à votre bureau ! Prenez une photo et identifiez les suspects lors de vos patrouilles, afin de vérifier les déclarations et de préserver les enquêtes en cours.

Veritone est un ardent défenseur de sa technologie de reconnaissance faciale. En mai 2019, la société a tweeté :

"La technologie de reconnaissance faciale d'Amazon suralimente la police locale de l'Oregon. Saviez-vous que Veritone IDentify peut faire monter les choses d'un cran en exploitant la puissance des bases de données de l'État sur les réservations pour découvrir plus rapidement leurs pistes de suspects ?"

Dans une vidéo promotionnelle de Microsoft, Jon Gacek de Veritone a déclaré : "Vous pouvez voir pourquoi chez Veritone, nous sommes heureux d'être étroitement associés à l'équipe Microsoft Azure. Leur vision et la nôtre sont très communes".

Enfumages, miroirs et détournement

Malgré les affirmations contraires, Microsoft fournit des services de reconnaissance faciale aux forces de l’ordre par le biais de partenariats et de services à des sociétés comme Veritone et Genetec, et par le biais de son système de connaissance des domaines (DAS).

La stratégie de relations publiques de Microsoft est conçue pour tromper le public en détournant l’attention de ses services étendus à la police. Au lieu de cela, le président et directeur juridique de Microsoft, Brad Smith, exhorte le public à se concentrer sur la réglementation en matière de reconnaissance faciale et sur la question du logiciel de reconnaissance faciale de Microsoft, comme si leurs autres offres de logiciels et de services, leurs partenariats, leurs concepts et leur marketing ne faisaient pas partie intégrante de tout un écosystème de reconnaissance faciale et de systèmes de surveillance de masse proposés par des entreprises plus petites.

D’éminents spécialistes de Microsoft, tels que Kate Crawford, co-fondatrice de l’AI Now Institute, un groupe de réflexion financé par Microsoft, ont suivi ce guide. Kate Crawford a récemment fait l’éloge des relations publiques de Microsoft en matière de reconnaissance faciale et a critiqué des sociétés comme Clearview AI et Palantir, tout en ignorant le système de sensibilisation au domaine (DAS) de Microsoft, les partenariats de surveillance de Microsoft et le rôle de Microsoft en tant que fournisseur de services de reconnaissance faciale dans le cloud.

Microsoft annonce qu’il ne vendra pas de reconnaissance faciale à la police. En attendant de vos nouvelles, Clearview et Palantir.

Crawford et Meredith Whittaker, co-fondatrice d’AI Now, ont condamné la police prédictive mais n’ont pas expliqué le fait que Microsoft joue un rôle central dans la police prédictive pour la police. Crawford n’a pas répondu à une demande de commentaires.

Microsoft et ses défenseurs peuvent prétendre être un fournisseur de cloud “neutre” et c’est à d’autres entreprises et services de police de décider comment ils utilisent les logiciels Microsoft. Pourtant, ces entreprises s’associent à Microsoft, et cette dernière est payée pour faire fonctionner ses services de surveillance de masse et de reconnaissance faciale sur le cloud d’azur – des services qui touchent de manière disproportionnée les personnes de couleur.

Si ces clients de Microsoft offraient des services de trafic sexuel sur le nuage d’azur, Microsoft fermerait sûrement leurs comptes. Et comme les services de police achètent des technologies de surveillance avec l’argent des contribuables, le public paie en fait Microsoft pour sa propre surveillance policière.

Si les activistes forcent des sociétés comme Microsoft, Amazon, Google, IBM et Oracle à mettre fin aux partenariats et aux services d’infrastructure pour les tiers qui effectuent la surveillance policière, alors les fournisseurs de cloud computing devraient reconnaître qu’ils sont responsables de ce qui est fait sur leurs clouds. À l’avenir, les militants pourraient faire pression pour remplacer la propriété des infrastructures et des données numériques par les entreprises par la propriété communautaire au niveau local.

L’enjeu est de taille en ce moment.