Du 16 mars à Jupiter !

Samedi 16 mars s’annonce comme une date importante pour le mouvement des Gilets Jaunes. Personne ne peut prédire le résultat de cette nouvelle mobilisation nationale à Paris. Ce qui est sûr, c’est qu’elle sera un tournant pour la suite. Il ne tient qu’à nous que ce tournant prenne la bonne direction. Celle de la révolte contre ce système et ceux qui en profitent sur le dos des plus faibles. C’est la fin du grand débat, et le début du grand débarras.

Certains caressent l’espoir de revivre un 17 novembre ou un 1er décembre. Nous pensons que cela n’arrivera pas. En quatre mois, le pouvoir et ses forces armées ont totalement changé leur façon de gérer les rassemblements des GJ. En quatre mois, plus de 15 000 GJ ont été blessés et/ou incarcérés. 15 000 !

Non, le 16 mars doit devenir LE 16 mars. Une des dates importantes dans l’histoire des Gilets Jaunes, et peut être même au delà. Nous ne savons pas où, quand, et comment. Mais nous savons que des milliers de citoyens en colère seront présents et décidés à ne plus enchaîner les manif « bien dociles » qui ont été imposées depuis 4 ou 5 semaines par quelques dizaines de GJ ayant joué le jeu du pouvoir en déclarant les manif et en acceptant que le cortège soit encerclé de CRS.

Ces milliers de GJ déterminés vont tous jouer un rôle ce 16 mars. Chacun à son niveau, chacun à sa manière, mais tous solidaires et tolérants avec les pratiques des autres.

Car nous savons où est l’ennemi : à l’Élysée et dans tous les palais de la République. Dans tous les sièges de banques et de multinationales.

Nous savons que les personnes âgées vivent dans une précarité de plus en plus intolérable. Nous savons que l’éducation nationale est en pleine crise de moyens. Nous savons que les hôpitaux et tous les services de santé sont en sous effectifs, pour raison financière. Nous savons que les millions de français aux revenus les plus modestes ont de plus en plus de mal à vivre. Et même à survivre.

Et nous savons que les quelques milliers d’ultras riches en France sont de plus en plus riches, y compris depuis la crise financière.

Sachant cette injustice, nous ne pouvons plus continuer nos vies comme si tout allait bien. Comme si tout était normal. Ce serait immoral et inhumain.

C’est notre humanité et notre désir d’un monde meilleur pour le plus grand nombre qui va nous pousser samedi à exprimer notre colère, et pas qu’avec des paroles.

Une colère qui sera renforcée par l’insoutenable bilan de la répression de ce mouvement depuis quatre mois : plus de 2 500 blessés, plus de 14 000 tirs de LBD, 22 éborgnés, 5 mains arrachées, un décès, plus de 8 500 arrestations, dont la plupart totalement arbitraires.

La Ligue des droits de l’Homme, Amnesty International, la commission européenne ou encore l’ONU ont lancé des avertissements au gouvernement français. Nous savons que l’histoire retiendra de Macron et de son gouvernement qu’il a répondu à une crise sociale par une ultra violence aveugle mais totalement calculée.

Reste à savoir si cette réponse sera appréhendée dans les cours d’histoire comme une réponse efficace (à défaut d’être morale), ou si elle aura au contraire accéléré le soulèvement de tout un peuple. Le 16 mars va, en ce sens, être un début de réponse. Tout reste encore possible.

Il nous reste 5 jours pour mettre toutes les chances de notre côté, en étant le plus nombreux possible dans les rues de Paris samedi.

A vous tous, il vous appartient de mobiliser votre entourage : amis, familles, collègues. En premier lieu ceux qui ont déjà participé à des rassemblements de GJ depuis quatre mois, et qui auraient peut être perdu la force. S’il n’y a qu’un seul samedi à consacrer à nouveau à la lutte, c’est celui là. Mais également à tous vos amis et familles qui n’ont pas encore franchi le pas mais qui partagent ce sentiment d’injustice sociale et d’indécence des plus riches et des plus puissants. Les tenants du pouvoir s’efforcent par tous les moyens à nous faire croire qu’aucun autre horizon n’est possible, et que le seul mécontentement possible est celui qui s’exprime dans le cadre de leurs règles, elles mêmes faites pour maintenir le système.

Mais leur pouvoir ne tient finalement qu’à un fil. Et sous leur apparence de fermeté et de tranquillité, Macron et son monde espèrent fortement que le mouvement s’essouffle (depuis le temps qu’on vous le dit). Car s’il ne s’essouffle pas, il suffira de souffler sur les braises pour que leur château s’enflamme.

Et si leurs remparts tombent, il sera alors bien plus facile d’aller les chercher.


GJ de Paris, redevenez des loups !

En dehors du soleil et de la forte mobilisation, l'acte 15 parisien ne fut que déception et déconvenue.Sans un changement radical de stratégie, les actes du samedi n'ont plus aucune utilité pour la lutte.

En plus d'une désormais "traditionnelle" déclaration de la manif auprès de la préfecture (et donc d'un tracé décidé par les autorités) les milliers de Gilets Jaunes venus à Paris ont marché dans une "nasse géante et mobile" sur 15km : des forces de l'ordre occupant massivement les rues en début et fin de cortège et entourant totalement les GJ en faisant des cordons de policiers sur les deux côtés.

Cela ressemblait à une manif. Mais cela n'en était plus une. Les Gilets Jaunes étaient totalement parqués. Comme des bêtes. Sans aucune liberté d'action et de mouvement (en dehors de celle décidé par la préfecture).

Le pouvoir avait déjà tenté cette approche très radicale du maintien de l'ordre lors d'une ou deux manif contre la loi travail, mais avait dû renoncer face au côté anxiogène et aux affrontements qui en avaient découlés.

Lors de l'acte 15, les forces de l'ordre ont pu tranquillement tenir en laisse les milliers de manifestants sans être quasi inquiétées.

L'image est forte, terrible. Comment un mouvement social qui a connu autant de victimes (blessures, arrestations arbitraires, humiliations) peut-il se laisser mater aussi docilement par ses propres bourreaux ?

Les Gilets Jaunes clament que les moutons sont devenus des Loups. Mais quel intérêt d'être un loup si l'on accepte d'être tenu en laisse ?

Le problème n'est pas que cette stratégie policière puisse empêcher des violences mais qu'elle empêche tout (en dehors de marcher d'un point A à un point B). Les GJ n'ont ainsi pas pu faire d'arrêt, changer de tracé, occuper une intersection, bloquer la circulation ou faire fermer un magasin...bref aucune action de blocage ou de débordement n'a été possible. Difficile d'envisager quelque mouvement révolutionnaire dans ces conditions.

Or, la plupart des GJ se battent pour un changement radical du système. Un changement qui ne pourra se faire avec les personnes actuellement au pouvoir. On parle donc de renverser un pouvoir que l'on trouve injuste et inhumain.

On ne renverse pas un pouvoir en discutant et en négociant avec lui. Encore moins en lui donnant les clés de la gestion de ses propres rassemblements.

Les organisateurs de ces manif déclarées nous expliquent que ce cadre permet de rassurer le plus grand nombre de GJ et donc d'assurer une mobilisation importante. C'est totalement faux. Pourquoi ces rassemblements sont-ils depuis quatre semaines ceux qui rassemblent le plus sur Paris ? Tout simplement parce que les GJ cherchent un rendez-vous clair pour se réunir. Ce n'est pas le fait que la manif soit déclarée qui les motive, mais la certitude que la plupart des GJ seront à ce point de rdv. Cepedant, une fois pris dans le piège de la nasse géante, impossible d'en sortir.

D'autre part, nous rappellerons que les premiers actes sur Paris furent sans aucun doute les plus violents et insurrectionnels du mouvement, sans commune mesure avec les "violences" de ces dernières semaines.Et pourtant, la mobilisation n'a pas faibli les semaines suivant les actes les plus violents.

Mais une chose a profondément changé : le pouvoir n'a plus du tout peur. Souvenez-vous : le jour de l'acte 4, Macron était retranché dans un "bunker" présidentiel, avec un hélicoptère prêt à l'exfiltrer en cas de complication. Pour l'acte 15, le même Macron se promène au salon de l'agriculture.

Nous espérons un sursaut de la part des GJ qui se rendront aux actes parisiens dans les prochaines semaines. Que les loups refusent de se faire promener en laisse et retrouvent vraiment leur liberté. Ne pas chanter "Paris, debout, soulève toi" ou "tout le monde déteste la police" en restant escorté par les forces de l'ordre.

Nous avons alerté les organisateurs des manif parisiennes déclarées sur le danger de cette stratégie. Si elle permet à ces quelques personnes de s'offrir une visibilité "médiatique" et une pseudo légitimité, elle se révèle dangereuse, voire même mortelle, pour la suite du mouvement.

Nous savons que ces personnes ne changeront pas d'avis et continueront à déclarer les manifs et à travailler "main dans la main" avec la préfecture et le pouvoir.

Reste donc à savoir comment agir collectivement face à cette situation. Cela doit probablement passer par le refus de rejoindre ces manifestations "officielles", et de proposer d'autres points de rdv. Avec le risque de dispersion que le mouvement parisien a connu courant décembre. Mais il en va de la survie du mouvement.

500 loups en liberté et déterminés seront toujours plus dangereux que 5000 loups domestiqués et résignés.

Crédit photo : Samuel Boivin


Parce que c'est notre victoire !!!

Les semaines passent, et la situation n'évolue pas.
Le gouvernement campe sur ses positions. Aucune démission, aucun remaniement, aucune élection anticipée.

De l'autre côté, les Gilets Jaunes restent fortement mobilisés et déterminés. Trois mois de mobilisation tout azimut, et ce, malgré une vague répressive sans précédent :
- 8 400 interpellations
- 1 800 condamnations
- 2 000 blessés dont 400 gravement (ainsi qu'un décès que le gouvernement tente de faire oublier)

A cela s'ajoutent les blessures morales qu'infligent en permanence le pouvoir et les médias dominants aux Gilets Jaunes, tantôt accusés d'être insensibles aux questions écologiques, tantôt d'être racistes ou sexistes. Et en permanence, d'être des assoiffés de violence et de chaos.

Trois mois après le début du mouvement, malgré un tel bilan de blessés, d'interpellés et une telle campagne de discrédit, des dizaines de milliers de Gilets Jaunes continuent de lutter, avec dignité et courage. Qu'importe les risques physiques, judiciaires et d'images auprès de leurs proches.

Il s'agit d'une énorme victoire pour le mouvement. Une victoire qui semble difficile à saisir et à verbaliser puisqu'elle ne contient aucun recul du pouvoir, aucune démission, aucune concession. Mais elle est peut être plus importante qu'une victoire circonstancielle, dans le sens où elle permet de faire évoluer les mentalités et des dynamiques au sein des classes populaire et des laissés-pour-compte.

Les puissants se sont efforcés à présenter le mouvement comme une force réactionnaire, anti taxe, égoïste et portée sur la haine de l'autre. Sur le terrain, les Gilets Jaunes ont créé des maisons du peuple, des assemblées populaires, des groupes autonomes et autogérés. Ils ont construit des passerelles entre les laissés-pour-compte ruraux et ceux des banlieues défavorisées. Ils ont rejeté tous ceux qui ont tenté d'instrumentaliser le mouvement et d'en faire un parti politique. Ils rejettent également en masse l'idée de service d'ordre et même de déclaration des manifestations auprès de la préfecture. Les Gilets Jaunes ne deviendront ni un parti politique, ni un syndicat. Ils ne tomberont pas dans le piège du pouvoir qui, par le biais d'avantages et de postes, ont transformé des forces d'opposition en garde fou du système.

Jours après jours, semaines après semaines, mois après mois, entre chaque manifestation et occupation, des citoyens apprennent de nouvelles pratiques politiques et expérimentent un nouveau vivre ensemble. Une nouvelle façon de résister également.

Car c'est bien là l'essence du mouvement et sa force subversive : les Gilets Jaunes, en se rencontrant sur les ronds points, dans les assemblées ou en manifestation, se rendent compte que le système n'est fait que pour rendre les puissants encore plus puissants (et riches) et leur donnent les miettes nécessaires pour éviter un soulèvement. Se rendre compte de la situation est déjà éminemment subversif. Qu'importe comment le pouvoir va tenter de sortir de cette crise, ces dizaines de milliers de citoyens voient désormais clair dans le jeu des puissances (politiques, économiques et médiatiques).

Nous savons désormais que le pouvoir ne lâchera rien. Lâcher un petit peu, c'est donner raison aux Gilets Jaunes et prendre le risque de devoir lâcher plus.

Mais nous savons également que les Gilets Jaunes ne lâcheront rien non plus.

Nous sortons donc du contexte d'un "simple" mouvement social pour entrer dans une bataille au long court pour renverser le système en place. Une bataille avec des épisodes insurrectionnels mais aussi des moments moins spectaculaires mais tout aussi structurants de rencontres, de débats et de construction de nouveaux processus démocratiques.

Le printemps qui arrive sera celui de tous les possibles. Nous savons que le mouvement va perdurer jusqu'à l'été. A nous de profiter de ces moments de manifestations, d'AG, d'occupation, de blocage, pour créer des liens, pour lancer des initiatives, pour écrire l'histoire, notre histoire.

Les Gilets Jaunes ont bien compris que le pouvoir tente de nous faire croire que rien n’est possible en dehors du système libéral actuel. Que les seules alternatives sont celles de régimes autoritaires et réactionnaires. Mais nous savons que tout cela n'est qu'une illusion qui permet de maintenir leurs privilèges.

Ils nous veulent dociles et résignés. Nous serons farouches et rêveurs.
Ils nous veulent diviser et haineux. Nous serons solidaires et fraternels.
Ils nous veulent loosers. Nous serons victorieux.

Crédit photo : Samuel Boivin


Nos désirs font désordres

Avouons-le : l'acte 13 nous a agréablement surpris et rassurés dans l'avenir du mouvement. En plus de leur détermination, nous savons désormais que les Gilets Jaunes sont en grande partie opposés à jouer le jeu de rassemblement déclaré et encadré.

A Paris, si la plupart des GJ se sont rassemblés sur le lieu de l'unique manifestation déclarée, c'était surtout dans l'optique d'être avec le plus de monde possible, pour rapidement se détourner du parcours prévu par la préfecture. Non pas pour tout casser mais pour reprendre le contrôle de notre mouvement. Pour nous retrouver entre nous et décider de façon autonome et collective des actions à mener. Chose devenue impossible dans une manifestation totalement encadrée par la police et par un service d'ordre.

C'est en début d'après midi qu'une dizaine de manifestants initie le mouvement d'une manif sauvage. Passées les quelques secondes d'hésitation, des centaines de GJ se sont engouffrés dans la petite rue en criant "Grève, blocage, manif sauvage". A notre grande surprise, la quasi-totalité du cortège décide alors de suivre la sauvage. Pendant plus d'une heure, la manif sauvage se retrouve totalement libérée de toute police ou service d'ordre. Les médias et le pouvoir retiendront les voitures brûlées et les vitres cassées de banques/assurances. Mais la puissance du moment était ailleurs, au delà.

Sans trop comprendre comment/pourquoi (le charme de l'auto gestion), le cortège sauvage s'est finalement retrouvé sur le tracé de fin de manif déclarée. Forcément, les forces de l'ordre ont alors pu reprendre en partie le contrôle de la situation.

Mais l'essentiel est ailleurs. L'esprit de révolte, de subversion et d'insoumission a traversé cette journée. Et reste bien dans l'ADN du mouvement (il l'était dès les premiers actes d'ailleurs).

Pour les partisans de manif déclarée, on remarquera que le drame de la main arrachée par la grenade de désencerclement a eu lieu pendant la partie "déclarée" de la manif parisienne. Jouer le jeu du pouvoir ne protège donc en rien les manifestants. Au contraire.

Désormais, la question est de savoir comment prolonger et dynamiser cet esprit subversif : comment ne pas l'enfermer dans un rituel hebdomadaire, comment le massifier et comment le rendre dangereux pour le pouvoir.

Nous n'avons pas la réponse. Mais nous savons que cela passe par une conquête de liberté, par un refus de canaliser notre colère dans les règles imposées par un pouvoir qui nous méprise et nous meurtri. Cela passe aussi par l'occupation, même temporaire, des espaces de vie des puissants : faire de leurs rues, de leurs commerces, de leurs voitures, des espaces de reconquête et de lutte. Pour le reste, tout est à écrire. Et la détermination du mouvement, alliée à son ingéniosité, ne peut que déboucher sur des actions surprenantes et offensives.

Il n'y a qu'une chose que les puissants ne supportent pas : ne pas pouvoir tout contrôler. Soyons donc incontrôlables.

** crédit photo : Samuel Boivin **


Yellow is the new black (bloc)

Le piège n'est pas nouveau. Et c'est un exercice permanent de contorsion que les gilets jaunes antiracistes doivent effectuer depuis le début du mouvement : d'un côté, le gouvernement et les médias de masse tentent en permanence de faire passer les GJ pour des beaufs racistes ne pensant qu'à leur portefeuille. De l'autre, les groupuscules d'extrême droite profitent de la situation pour se rendre visibles et paraître plus gros qu'ils ne le sont. Du côté des forces progressistes, anticapitalistes et antiracistes, certains se sont impliqués dès les premiers jours dans ce mouvement fondamentalement opposé au libéralisme et aux inégalités. D'autres ont préféré suivre de loin, puis s'y associer mais sans se mélanger. Enfin, certains ont carrément décidé de ne pas du tout se mêler à ce magma trop disparate et parfois contradictoire. C'était, et cela reste, le choix de chacun. Et nous devons le respecter.

Mais les choses se compliquent, notamment depuis l'acte 11 et l'attaque du cortège NPA par un groupe de nazillons. Si cette attaque ne nous surprend pas, il va falloir très vite faire front et s'y opposer, y compris physiquement.

Nous sommes conscients de la diversité du mouvement. Cela fait partie de son ADN. C’est autant sa force que sa faiblesse. Mais nous ne pouvons pas laisser quelques dizaines de fachos prendre en otage tout un mouvement en réalisant des attaques ciblées pendant nos rassemblements.

Nous soutenons donc toutes les initiatives lancées ces derniers jours pour avoir dans les rassemblements un maximum de forces antiracistes soutenant les gilets jaunes. Nous espérons également que tous les GJ qui se sont impliqués depuis des mois dans ce mouvement, et qui ne se reconnaissent nullement dans les pratiques et idées nauséabondes des identitaires et autres groupuscules fascistes, prennent part à cette lutte contre la tentative de récupération politique.

Nous pouvons (et devons) promouvoir la diversité au sein du mouvement des Gilets Jaunes. Mais cela ne peut se faire avec la présence de personnes qui combattent la diversité au sein de la société.

Concernant la présence d'autonomes, antifas et autres militants de la gauche radicale, nous la souhaitons évidemment la plus forte et massive possible. Mais que cela se fasse de façon fraternelle avec les autres GJ (en dehors des fachos) et dans le respect des pratiques de chacun.

Que les GJ peu habitués de ces sphères ne s'inquiètent pas et accueillent ces forces progressistes et anticapitalistes comme partie prenante du mouvement. On rappellera également que le Black bloc, mot lancé comme épouvantail depuis l'acte 11, n'est pas un mouvement, ni même une structure. C'est simplement un mode d’action utilisé lors de certains rassemblements, à certains moments. Un mode d'action offensif et solidaire, qui peut parfois revêtir une forme de violence contre des biens (souvent fortement identifiés au capitalisme) ou contre les forces de l'ordre. Mais il ne s'agit jamais de violence gratuite et aveugle. D'ailleurs, les premiers actes des GJ ont connu de nombreuses actions relevant des pratiques du black bloc : barricades, jets de pierre, voitures renversées...

Les tactiques offensives sont présentes au sein des GJ depuis le début du mouvement. Tout autant que les pratiques de dialogue avec la population, de blocages des routes, de débats… Si le mouvement a été aussi fort et dangereux pour le pouvoir, c’est en partie grâce à des manifestations qui ont débordées et qui ont inquiétées le pouvoir.

Concernant les forces de la gauche radicale qui décideraient de venir samedi, nous espérons que cela se fera de façon inclusive, ou, tout du moins, en étant le moins possible coupé du reste du mouvement. Car apparaitre comme une force qui viendrait s'opposer à la police, aux fachos, mais sans jamais se mêler aux reste des GJ serait une erreur. Ce serait même la meilleure chose qui pourrait se passer pour le pouvoir (et pour l’extrême droite). Il serait alors, en effet, très facile pour les deux de présenter la gauche radicale comme extérieure au mouvement et cherchant simplement à en profiter pour commettre des actes violents.

Même si cela peut paraitre difficile à admettre pour certains, il est évident que le mouvement des Gilets Jaunes a su créer une subversion totalement nouvelle chez des milliers de citoyens. Sans être en noir, sans être masqué (sauf pour se protéger des gaz), des centaines de GJ sont allés au contact et on réussi à faire reculer les forces de l'ordre, ont réussi à occuper l'espace public pendant des heures, ont mis à terre des CRS, ont forcé les portes d'une banque centrale ou d'un ministère. Il ne s'agit pas d'un black bloc comme on le connait depuis des décennies, mais l'énergie et la détermination n'en restent pas moins similaires. A nous d'y ajouter les savoirs et les forces que le black bloc ou le cortège de tête ont pu nous apporter. Mais de façon collective et ouverte aux autres (encore une fois, en dehors des groupes fascisants).

Avec ou sans gilet jaune. Avec ou sans capuche noire. Samedi, soyons tous dans la rue, tous solidaires. Contre les inégalités, contre les injustices, contre le racisme et pour faire tomber le pouvoir.


Pour une marée jaune qui déborde. Vraiment.

Difficile dire si l'acte 10 fut une nouvelle victoire du mouvement ou plutôt du gouvernement.

D'un côté la mobilisation a été encore très importante (battant même des records dans certaines villes). D'un autre, les rassemblements n'ont jamais semblé si inoffensifs pour le pouvoir, et n'ont jamais autant ressemblé à des manifestations traditionnelles, avec un parcours défini et un service d'ordre. Tout du moins sur Paris. C'est peut-être moins vrai dans les autres villes (et heureusement).

Si cette tendance se confirme sur les actes à venir, le pouvoir se frottera les mains. Les rassemblements pourront continuer pendant des mois, sans jamais l'inquiéter. Les membres du gouvernement feraient quelques déclarations, quelques annonces de perlimpinpin...et laisseraient le mouvement mourir à petit feu.

Car qui peut aujourd'hui penser que Macron pourrait abandonner sa politique, et même son gouvernement, si le mouvement restait aussi important pendant des semaines mais dans un cadre bien maitrisé par le pouvoir et les forces de l'ordre, sans débordements ?

Ceux qui veulent un véritable changement, qui aspirent à renverser un pouvoir inique et méprisant, à offrir un avenir plus égalitaire et plus humaniste, savent. Ils savent que le combat devra se faire de façon plus offensive que dans le cadre de manif déclarée avec parcours et service d'ordre. Si les syndicats ont autant échoué et se sont coupés d'une grande partie de la population (y compris des plus pauvres), c'est notamment à cause de leur volonté de respecter les règles du jeu des manifs dictées par le pouvoir. Si les gens ont délaissé les manif sono/merguez pour aller en cortège de tête ces dernières années, ce n'est pas pour reproduire les mêmes simili-révoltes dans les rassemblements des GJ.

Nous l'avons déjà dit mais la force des premiers rassemblements a été, en grande partie, son refus d'obéir aux ordres, aux règles, imposées par le pouvoir. Non pas pour le plaisir d'être hors la loi mais parce que les GJ estimaient que ces ordres n'étaient pas justes et légitimes. Ce fut le cas pour l'acte 2 lors du rassemblement interdit sur les Champs Élysées. Ce fut le cas pour les actes suivants avec le refus de fouilles ou de parcages, avec les barricades et les débordements.

En étant aussi nombreux à être indisciplinés, le mouvement a totalement surpris les forces de l'ordre et le pouvoir, et l'a fait trembler (temporairement au moins).

Des centaines de milliers de personnes ont bouleversé leurs vies depuis des semaines pour cette lutte, pour que ce mouvement débouche sur des avancées sociales. Des milliers de GJ ont été blessés, mutilés, incarcérés, humiliés. Mais cela n'a en rien freiné le mouvement. Au contraire.

Aujourd'hui, nous devons faire un choix : celui de constater que rien ne change et que le pouvoir reste droit dans ses bottes qu'importe l'ampleur des mobilisations. Et donc de reprendre nos vies "normales". Ou celui de faire que ces deux mois de rencontres, d'échanges et de luttes ne deviennent qu'une introduction à un mouvement de lutte bien plus massif et total. Cela inclut évidemment la nécessité d'y mettre encore plus d'énergie, de temps et de force. Et donc, que nos quotidiens en soient encore plus bouleversés. Mais le jeu n'en vaut-il pas la chandelle ?

Bousculer nos vies pour renverser leur vie de château.
Bousculer nos quotidiens pour construire un nouveau futur.
Ne plus se contenter des miettes mais réclamer, et obtenir, toute la boulangerie.

N'ayons pas peur d'être ambitieux, d'être idéalistes, d'être incontrôlables.
Multiplions les brèches, les débordements, les endroits où les règles sont sans cesse remises en question selon nos principes et non ceux imposés par le pouvoir.

Alors les actes futurs pourront devenir des actes fondateurs et nous pourront commencer à bâtir une nouvelle société, sur les cendres de celle que nous auront renversée. Mais il n'y a pas de cendres sans feu.

Et on déclarera nos manifs quand ils déclareront leurs revenus.

A samedi.

Crédit photo : Marion Vacca Martiarena / Macadam Press / Hans Lucas


Quand le vent tournera

Les motifs de satisfaction pour cet acte 9 ne manquent pas :
- La mobilisation encore en forte hausse, le gouvernement n'ose même plus parler d’essoufflement.
- L'échec de la grossière tentative de criminaliser tous les manifestants, devenus complices des violences. Un revers pour Castaner vu le nombre massif de GJ présents mais aussi au vu des nombreux messages de soutiens (affiches, chants) aux manifestants arrêtés et condamnés.
- La détermination des GJ une nouvelle fois très forte. Face aux centaines de CRS, canons à eau, flashball, chars et autres outils répressifs, les manifestants sont restés debout et on fait face, malgré la violence inouïe des forces de l'ordre.

Ces petites victoires, samedi après samedi, rendent d'autant plus insupportable l'idée même d'une défaite potentielle du mouvement face au pouvoir en place.

En deux mois, le mouvement déplore des centaines de blessés (dont plusieurs mutilés), plus de 6 000 interpellations et des centaines de condamnations. Et pourtant, de nombreuses villes ont connu pour cet acte 9 un record de mobilisation ! Malgré la peur des bavures policières et des arrestations abusives. Malgré les épouvantails brandis par le gouvernement : tantôt les "casseurs", puis les racistes, puis les anarchistes.

Rien que pour ça, l'acte 9 est une énorme victoire.
Une victoire au goût amer tant elle est totalement niée et méprisée par le pouvoir. Son mépris pour le mouvement ne se cache même plus. Et son silence face aux dérives policières ne peut plus être pris pour un dysfonctionnement. C'est une stratégie de lutte. Ce n'est plus du maintient de l'ordre mais du maintient au pouvoir.

Nous devons prendre acte de cette situation et en tirer les conséquences. Jamais dans la 5e République un mouvement social n'avait été aussi lourdement réprimé. Et ce, sans la moindre remise en cause du pouvoir. Le ministre de l'Intérieur est bien en place. Le gouvernement aussi.

*** MESSAGE AUX NON GJ ***
Mais le vent tournera. Et quand les cendres de la lutte s’envoleront pour laisser entrevoir le soleil, nous ne resterons pas bouche bée et bras croisés à se satisfaire de ce nouvel horizon. Non, nous seront assez lucides pour regarder derrière et ne pas oublier les corps meurtris qui joncherons le chemin emprunté. Et nous demanderons des comptes. Nous demanderons justice. Les coupables seront jugés.

Mais nous nous souviendrons aussi des complices de ce drame, ceux qui, par leur position sociale, par leur statut public ou par leur influence politique, auraient pu et auraient du s'indigner et s'insurger contre la politique anti sociale et anti démocratique mise en place par le pouvoir actuel.Ne pas prendre position est désormais un soutient aux dérives autoritaires du pouvoir. Quelques associations, syndicats, ONG, collectifs, artistes, journalistes, philosophes, professeurs, avocats et autres citoyens ont eu le courage de prendre position et de dénoncer les violences et arrestations arbitraires. Nous espérons que cela va s'amplifier.

A ceux qui préfèrent rester silencieux face à ce carnage démocratique : Que vous n'ayez pas compris l'essence du mouvement, ou que vous n'en validiez pas la légitimité idéologique ne vous exonère pas de voir la vérité de la dérive autoritaire et anti démocratique du pouvoir. La nier ou la cacher sous prétexte que le mouvement n'est pas totalement à votre goût vous rendra définitivement complice, et ce, jusqu'à la victoire du mouvement. Et même après.

*** MESSAGE AUX GJ ***
A l'aube de l'anniversaire des deux mois de lutte et du dixième acte, se posent plusieurs questions stratégiques. La déclaration des manifs semble vouée à l’échec. Si elle permet de pouvoir se regrouper plus facilement, elle empêche aussi tout débordement et toute mise en difficulté du pouvoir. Samedi à Paris, les seuls moments où les GJ ont semblé en mesure d'inquiéter le pouvoir ont été lors des manifs sauvages de fin de journée. Bref, on déclarera nos manifs quand ils déclareront leurs revenus.

La surdité du gouvernement face à la colère populaire doit être prise très au sérieux. Si, fin décembre, le gouvernement utilisait l'argument d'un essoufflement et donc d'une grogne désormais très minoritaire pour ne pas se remettre en cause, aujourd'hui, il reconnait une montée en puissance de la mobilisation. Mais sans sembler vraiment inquiet.

Au delà du mépris pour les centaines de milliers de personnes qui se sacrifient depuis deux mois sur les routes et rond points, c'est un signal que nous ne pouvons pas ignorer. Le pouvoir nous dit "gueulez tant que vous voulez, mais faites le en respectant les règles". Sauf qu'en même temps, sa police respecte de moins en moins les droits de chaque citoyens. La justice commence aussi à perdre les pédales. Mais pour le pouvoir, l'important, c'est que le peuple reste à sa place : chez lui, à son travail ou dans les magasins.

Le fleuve ne doit pas déborder. Il peut couler et pleurer tant qu'il le veut, mais il doit rester dans le sillon bien tracé. Ce n'est pas un hasard si le moment où le gouvernement a le plus tremblé depuis deux mois correspond aux actes 2,3 et 4, ceux ayant connu le plus d'insoumission et d'actes de rébellion.

Il ne s'agit pas de prôner la violence et d'y voir la seule alternative possible. Non, loin de là. Mais il s'agit de regarder en face la vérité du rapport de force actuel. Et de comprendre que le soutient très fort de la population, et le nombre croissant de manifestants dans les rues doit s'accompagner d'actions de débordement pour pouvoir vraiment faire vaciller le système.

Nous ne pouvons plus enchainer les actes sans se renouveler, sans innover, sans tester de nouvelles méthodes de lutte. Cela peut passer par des actions festives, musicales, fraternelles. Cela peut aussi passer par des actions plus virulentes et plus radicales (qu'elles soient violentes ou non).

Les jours qui viennent seront particulièrement décisifs pour l'avenir du mouvement, pour l'avenir de la France, pour l'avenir de nos sociétés. Il n'est pas concevable que nous retrouvions notre quotidien passé sans qu'un profond changement politique et social s'opère. Et nous sommes désormais certains que ce changement ne pourra se faire sans que le pouvoir actuel ne chute. Et nous savons que pour le faire chuter, il faudra être encore plus forts, encore plus nombreux et encore plus déterminés.

Mais nous avons le sens de l'effort. Et nous allons très vite le prouver.


Soyons tous des boxeurs transpalettes

Les dès sont tellement pipés que les annonces d'Édouard Philippe n'auront surpris personne. Le poison liberticide est si bien ancré dans notre nourriture quotidienne que l'on accepte le vomi sécuritaire en le trouvant presque bon, tout du moins salutaire.

Nous savions que les réponses du pouvoir face à l'intensité de l'acte 8 seraient féroces et violentes. Choqué par les coups de poing reçus par des CRS et la porte d'un ministère défoncée par un transpalette, le gouvernement joue la même carte que depuis le début : l'escalade répressive. Objectif : mater toute rébellion, en jouant sur la peur d'être blessé et/ou condamné. Quitte à délaisser nos sacro-saints Droits de l'Homme, bien peu utiles quand il s'agit de défendre des intérêts de classe.

L'ultra-sévérité contre l'utra-violence. Discours implacable. Indiscutable : 5 500 gardes à vue, 815 comparutions immédiates, 1 500 manifestants blessés dont plus de 15 personnes avec des membres arrachés (œils, mains, pieds...). Pour quel bilan en face ? Combien de membres arrachés chez les CRS, ou même d'hospitalisation ? Et surtout, combien de mesure de suspension de travail, voir de procédures judiciaires ouvertes face aux centaines de bavures recensées (et répertoriées en photos et vidéos) ?

Sans compter le décès à Marseille de Zineb Zerari suite à une grenade tirée par un CRS dans son appartement. Et, puisqu'on est à Marseille, et qu'on fait le bilan des drames de la crise actuelle, on pourrait rajouter dans la balance à charge du pouvoir les huit morts de la rue d'Aubagne. Auxquels nous pouvons rajouter les dizaines de récents décès liés au mal logement et aux conditions de vie indignes. Car oui, derrière ces drames se cachent toujours des enjeux économiques et des arbitrages du pouvoir et des puissances financières. Et oui, une partie de la population commence à s'en rendre compte et à s'y opposer, fermement, y compris physiquement.

Mais non, il nous faut nous choquer et nous scandaliser d'un homme ayant donné des coups de poing à des CRS sur-équipés et casqués. Nous devrions nous indigner d'une porte défoncée par un transpalette et d'un ministre ayant presque senti l'odeur des sans-dents.

Les nouveaux chiens de garde sont là pour appeler les Gilets Jaunes à retrouver "la raison", à se désolidariser des plus radicaux et des plus violents. Même mécanisme qu'à chaque soulèvement depuis des décennies.

Le discours, à peine voilé, est le suivant : "gueulez tant que vous voulez, mais restez à votre place, et surtout, respectez la loi." Ce respect de la loi qui est sans cesse invoqué pour exclure les parties les plus turbulentes et indisciplinées d'une révolte. Mais qui n'a plus lieu d'être lorsqu'il s'agit des représentants de l’État.

Comment comprendre une société qui accepte sans s’offusquer de voir depuis six semaines autant de bavures policières (passages à tabac, humiliations, violence gratuite) et autant de décisions de justice clairement arbitraires et politiques, et qui s'indigne pour des voitures brûlées et une porte défoncée ? La seule réponse logique est que l’inquiétude ne vient pas de l'acte mais des conséquences potentielles de l'acte, à savoir une insurrection. Voir une révolte populaire.

Le mécanisme légal que le gouvernement veut utiliser contre les manifestants "radicaux" est exactement celui testé il y a près de dix ans par Sarkozy et Hortefeux sur les supporters de foot. Officiellement, et donc aux yeux du "bon peuple français", il s'agissait d’empêcher des hooligans racistes et assoiffés de sang d'accéder aux stades les jours de match, et ce, même si ces personnes n'avaient pas été condamnées par un tribunal. C'est la préfecture qui jugeait de la dangerosité desdits hooligans. Sauf que la mesure à surtout permis de criminaliser les ultras (qu'ils soient de gauche, de droite ou apolitique) et de les empêcher de vivre leur passion dans les tribunes de façon cohérente avec leur mouvement, à savoir en autonomie du club, des autorités et de la fédération. Ce qui gênait Sarkozy et le pouvoir, ce n'était pas quelques dizaines de nazillons (déjà identifiés) mais les milliers d'ultras qui vivaient dans une contre-culture de plus en plus subversive et hors du système ultra libéral du foot de haut niveau.

L'exemple des supporters interdits de stade est donc ô combien éclairant et inquiétant : avec l'épouvantail du raciste violent, le pouvoir va chercher à criminaliser tous les Gilets Jaunes avides de liberté, d'autonomie et de changements radicaux.

La riposte face à ce nouveau virage sécuritaire et liberticide va être très compliqué à trouver. Le pouvoir espère isoler les plus déterminés, puis les voir aller encore plus loin dans la radicalité, pour pouvoir encore plus les isoler et les criminaliser.

Il est donc plus que jamais nécessaire, essentiel, vital, d'être encore plus nombreux samedi 12 janvier dans toutes les villes de France. Et d'être encore plus déterminé, en première ligne, qu'importe la violence de la riposte policière. Ceux qui sont sur le terrain depuis des semaines se rendent compte qu'il n'y a pas d'un côté les Gilets Jaunes Bisounours et de l'autre la foule haineuse tant espérée par Macron. Non, il y a une population extrêmement hétéroclite et solidaire, qui se retrouve. Et se découvre l'envie commune de renverser la table. Une table pourrie sur laquelle le nombre de cadavres et d'injustices ne font que s'amonceler de jour en jour. Car n'en déplaise à BFM et à Macron, ce dont rêvent les Gilets Jaunes, ce n'est pas de sang et de larmes mais bien de bonheur et de fraternité.

Alors si un boxeur et un transpalette ont pu faire trembler ce pouvoir mortifère et nauséabond, soyons des milliers de boxeurs et de transpalettes lors de l'acte 9 de samedi prochain.


Paris : pour un acte 8 massif

C'est désormais une certitude : le mouvement des Gilets Jaunes n'a pas été stoppé par les vacances, noël et le jour de l'an. N'en déplaise au pouvoir, les GJ n'ont pas voulu être les dindons de la grande farce du gouvernement. Et ils redescendrons dans la rue dès samedi.

L'un des enjeux de cet Acte 8 sera de réussir la mobilisation parisienne. Nous savons que Paris n'est pas la France. Que le mouvement est né dans les territoires ruraux et que c'est encore là qu'il y trouve sa vitalité (en témoigne la force du mouvement des GJ de Commercy).

Mais nous savons aussi que les rdv du samedi dans les grandes villes de France constituent des temps forts et structurants. Notamment dans une logique de rapport de force avec un gouvernement de plus en plus prompt à répondre par le mépris et la matraque.

A cet égard, ce qui se passe à Paris joue un rôle important dans ce rapport de force. C'est dans la capitale que se concentrent les lieux de pouvoirs et la plupart des attentions politiques et médiatiques.

Ce n'est pas un hasard si le moment où le pouvoir a semblé le plus fragilisé, où certains ont évoqué une démission du ministre de l'intérieur et/ou du premier ministre, voir même une dissolution de l'assemblée, ce moment correspond aux jours suivants les actes 2, 3 et 4, ceux qui furent les plus importants en terme de nombre de GJ présents dans Paris mais aussi d'intensité.

Le pouvoir a, depuis, tout fait pour invisibiliser les rassemblements parisiens : des milliers de GAV avant même de pouvoir arriver en manif, des interdictions de porter des gilets jaunes ou encore l'usage excessif et systématique de lacrymo et de charges de CRS. Très vite, les GJ parisiens ont tenté de répliquer avec une stratégie de dispersion dans tout Paris, et de rassemblement par petits groupes. Si cela a permis quelques jolis coups et a surpris les forces de l'ordre, nous devons également constater que cela a en partie invisibilisé leur présence.

Les GJ parisiens semblent l'avoir compris. Pour samedi, un rdv unique devrait être donné au dernier moment. Nous pensons que c'est la meilleure des solutions. Quelques pistes supplémentaires pour réussir ce nouveau test :
- Rester dans une même zone mais de façon très mobile.
- Ne pas donner un lieu de rdv qui pourrait faire l'objet d'une nasse trop facile.
- Donner une heure assez précise de rassemblement pour être les plus nombreux possible dès le début.
- Assumer de porter le Gilet Jaune dès qu'on est arrivé sur le lieu du rassemblement.
- Filmer toute demande des forces de l'ordre de retirer ses gilets. Et les diffuser massivement

Enfin, et surtout, nous appelons tous les GJ mobilisés depuis le début à considérer cet acte 8 comme essentiel et tout faire pour y participer sur Paris. A en parler à ses amis, à sa famille. Essayer de convaincre certains hésitants à franchir le pas et à nous rejoindre. En gros, à massifier encore plus le mouvement.

Il nous appartient de questionner les personnes présentes sur Paris lors des actes 2, 3 et 4 et n'ayant pas rejoint la capitale sur les actes suivant. Comprendre les raisons (forcément légitimes) de cette absence nous permettra peut être de renouer avec des actes parisiens puissants et imposants.

Nous savons à quel point il est contraignant de "sacrifier" tout son samedi, notamment pour ceux présent depuis un mois et demi. Nous savons à quel point il est difficile (et couteux) de se rendre à Paris pour ceux vivant en banlieue (et encore plus en régions).

Mais cet Acte 8 va être structurant pour la suite du mouvement. La vie est souvent affaire de symbole. Et nous ne pouvons nous permettre que le premier rdv de 2019 puisse être en demi teinte et donner au pouvoir l'occasion d'en faire un symbole de la fin du mouvement. Au contraire, nous devons utiliser ce premier rdv de l'année comme le symbole d'une lutte qui n'est qu'à son début et de Gilets Jaunes plus que jamais mobilisés et déterminés.


Appel aux Gilets Jaunes : Ne soyez plus "une classe bien sage" !

Même si nous sommes beaucoup à ne pas être tombé dans le panneau du discours officiel de démobilisation des GJ, nous devons nous interroger sur les suites du mouvement. Quoi de plus normal puisque les premiers manifestants sont entrés en action il y a un mois maintenant !

Un mois de lutte. Un mois de surprise. Un mois de déconstruction des clichés sur les luttes sociales, sur le peuple, sur l'opposition entre ruralité et banlieue....

Un mois de souffrance aussi : avec des décès, des blessés, des arrestations, des humiliations.

Mais un mois de victoires surtout. Des victoires comme rarement le peuple français n'en avait obtenu ces dernières décennies. Car oui, le pouvoir politique, économique et médiatique a tremblé et a vacillé.

S'il tient encore en place, c'est parce que ce pouvoir a tout mis en œuvre pour casser la lutte, au prix d'un renoncement inédit aux principes fondateurs de ce pays : liberté (d'expression, de manifestation), égalité (de traitement face à la police et la justice), fraternité (dans la douleur, dans les blessures, dans les deuils). Les GJ sont devenus un ennemi d'état. Pas un mot sur le bilan dramatique de morts et de blessés par le gouvernement ou le pouvoir économique et financier.

Mais si le pouvoir tient encore, c'est aussi parce qu'il a réussi à "recadrer" une partie du mouvement qui était en train de "déborder".

Car si l'on dresse le bilan des principales victoires des différentes mobilisations, elles se manifestent presque toujours pas des actions de rébellions et d'oppositions aux règles imposées par le pouvoir :
- Acte 1 : les GJ bloquent des routes, péages et autres accès sans aucune autorisation préfectorale (et cela dure jusqu'à aujourd'hui)
- Acte 2 : la préfecture autorise un rassemblement parisien mais seulement sur le Champs de Mars. Les GJ décident de ne pas s'en préoccuper et d'envahir les Champs Elysées. Ils dressent des immenses barricades et allument des feux.
- Acte 3 : la préfecture autorise l'accès aux Champs Elysées mais à condition d'être fouillé. Les GJ s'y refusent et forcent les accès.
- Acte 4 : tout le quartier autour des Champs est cadenassé par les forces de l'ordre. Mais les GJ débordent de partout, et pas seulement dans ce quartier.

A tout cela s'ajoutent les blocages de raffinerie, d’entrepôt, les fermetures de magasins, les radars mis HS...

Tous ces actes sont clairement punis par la loi.

Mais pour la première fois depuis très longtemps, une partie importante du peuple a décidé de juger les actions non pas selon la légalité mais selon la légitimité.

Bloquer une route, faire une barricade, fermer un magasin peut être illégal mais légitime. Et même juste. Alors qu'inversement, de nombreuses actions légales (et violentes) de l'état ou du pouvoir économique paraissent désormais profondément illégitimes et immorales.

La force de la mobilisation et la détermination des GJ a d’ailleurs permis de dévoiler au plus grand nombre le visage autoritaire et très peu démocratique du pouvoir. C'est là aussi la force de cette révolte : obliger le gouvernement et les autorités à jouer carte sur table et à montrer jusqu'où ils sont prêts à aller en terme d'entorse aux Droits de l'Homme : arrestations arbitraires (pour avoir un gilet jaune ou un masque pour se protéger), GAV prolongées, violences et intimidations, humiliations de mineurs... Si, lors des révoltes arabes nous nous "surprenions" à découvrir le visage terrifiant et autoritaire d'un Ben Ali ou d'un Hosni Moubarak, les mécanismes de la séquence actuelle tiennent des mêmes ressorts.

Face à ce constat, nous pensons donc crucial d'amplifier cette prise de conscience et ce courage politique. Loin de prôner la violence en tant que telle (notamment physique), nous pensons en revanche que pour lutter contre un système qui dispose des forces économiques, policières et judiciaires pour se maintenir en place, il devient nécessaire d'agir avec indiscipline et moralité.

Les plus belles choses surgissent souvent de façon inattendue et chaotique. Les tenants du pouvoir le savent. C'est pour cela qu'ils s'acharnent avec tant de fougue et de violence à recadrer et discipliner le mouvement des Gilets Jaunes.

Car le pouvoir peut accepter un peuple en colère mais discipliné. Mais il ne peut survivre à un peuple en colère et indiscipliné.