Les Magnifiques Sauvages, notre film sur les Gilets Jaunes

A l'occasion des 5 ans des Gilets Jaunes, CND vous propose de découvrir Les Magnifiques Sauvages.

Que retiendra-t-on des Gilets Jaunes dans quelques décennies ? Si l'on laisse le pouvoir politico médiatique décider, les gilets jaunes resteront dans l'histoire comme un mouvement de sauvages ayant tout détruit pour pouvoir rouler moins cher. Un épiphénomène, certes spectaculaire, mais qui ne laissera aucune trace dans la société. Sauf que nous savons que la réalité est tout autre. Et puisqu'il est encore temps de le rappeler, ce film donne la parole à quelques-uns des dizaines de milliers de magnifiques sauvages qui ont vécu, de l'intérieur ou comme observateurs, cette bataille pour un monde meilleur, plus humain, plus juste, réellement démocratique.

L'occasion de se souvenir à quel point l'amour et l'amitié ont été le principal moteur de ce feu de joie.


🇹🇿 Tanzanie : soulèvement Massaï contre leur expulsion de la réserve de Ngorongoro

Située dans le nord de la Tanzanie, la réserve naturelle du parc de Ngorongoro s’étend sur 8288 kilomètres carrés. Faiblement peuplée, sa population y est majoritairement Massaï, vivant entre le Nord de la Tanzanie et le Sud-Ouest du Kenya. Estimée d’environ 8000 habitants dans les années 50, le nombre d'habitants vivant dans cette zone serait composée aujourd’hui de plus de 100 000 personnes.

D’après le magazine Géo, la quantité de têtes de bétail serait passé d’environ 260 000 en 2017 à plus d’un million aujourd’hui, majoritairement des bovins.

Jusqu’à présent, les gouvernements successifs de Tanzanie ont toujours autorisé les populations autochtones à rester vivre sur leurs terres, (oui la lecture de cette phrase est scandaleuse).

A cause du réchauffement climatique, la saison sèche dure dorénavant plus longtemps.

Celles et ceux qui vivent dans cette réserve, se retrouveraient parfois en concurrence avec la faune sauvage à la recherche d’eau. La cohabitation avec les animaux sauvages, avait jusqu’ici toujours été optimale.

Il serait dorénavant moins rare d’y voir des accidents : attaques sur le bétail et parfois même sur les humains.

C’est sur cet étrange prétexte, réfuté par la population Massaï, que s’appuie le gouvernement tanzanien, dirigé par la présidente Samia Suluhu Hassan et le premier ministre Kassim Majaliwa pour faire appliquer “un plan de conservation.” Le son des cloches porté par les vaches est accusé de faire fuir les animaux sauvages et de nuire au tourisme, secteur qui représente 18% du PIB tanzanien. En plus de déplacer des populations, l’Etat propose l’instauration d’un système de balises qui séparerait les animaux sauvages des hommes. Sauf que la vraie raison semble être toute autre.

D’après Mr Mondialisation : “l’entreprise Otterlo Business Company (OBC), basée aux Émirats arabes unis (EAU) qui organise des excursions de chasse pour la famille royale de son pays et ses invités devrait obtenir le contrôle de la chasse commerciale dans la région.” L’Allemagne serait également engagée dans ce processus au nom de l’écologie. “La Zoologische Gesellschaft Frankfurt (Société zoologique de Francfort) finance des gardes forestiers et des agents de protection de la nature, dont certains, selon les Massaï, ont été impliqués dans les récentes expulsions.” Fiore Longo (Survival France) alerte “Les conservationnistes qui travaillent en Tanzanie, comme la Société zoologique de Francfort (FZS), basée en Allemagne, prônent un modèle de conservation raciste et colonial qui est celui de la conservation-forteresse. La FZS considère la population locale et son bétail comme l'une des principales menaces à la survie de l'écosystème, promouvant ainsi le mythe d'une "nature sauvage" sans population, qui a depuis le début servi de philosophie sous-jacente aux expulsions des Massaï."

L'État tanzanien est donc accusé de vouloir transformer les parcs naturels en zones uniquement réservées à l’usage touristique pour des safaris et même destinées à la chasse aux trophées. Héritière caricaturale de la domination coloniale, cette pratique est ainsi très éloignée des prétentions écologistes.

Des compensations seraient proposées à celles et ceux qui acceptent un déplacement 370 kilomètres plus loin.

A la clé : des promesses de meilleures conditions de vie, d’écoles et hôpitaux à proximité, ou encore un accès à l’électricité. Problème : en plus de forcer ce mouvement, par le passé, les déplacés n’ont que rarement reçu des compensations, se retrouvant parfois dans la misère.

La majorité des autochtones semble rester méfiante et hostile quant à cette décision d'exil, et bien décidée à y faire face. D’autant que les précédents ne vont pas dans ses intérêts. En 2018, après trois ans d’enquête, un rapport publié par Anuradha Mittal pour la Oakland Institut, témoigne de nombreuses exactions répressives de la part de l’armée tanzanienne à l’encontre des Massaï : après les déplacements forcés, 20 000 personnes se seraient retrouvés SDF dépourvus de biens et de bétails. « Les entreprises touristiques veulent une savane immaculée, le genre d’image qu’on voit dans National Geographic ou à la télévision, la savane avec les lions, les bêtes sauvages... Ils ne veulent pas voir d’êtres humains. Ils nient l’existence de cette population, qui vit pourtant sur cette terre depuis toujours. ». (...) “« L’armée affirme qu’elle protège le parc national du Serengeti, mais les villageois ont été battus sur le territoire de leur village, et pas dans le parc. C’est un vrai climat de répression, on leur dit "comment osez-vous aller devant la Cour de justice régionale ?" ». (Oakland Institut)

 

 

Les tensions semblent s’amplifier et atteindre un nouveau tournant après une nouvelle offensive de l’Etat. La police aurait blessé plus de 40 personnes par balles et dans ces affrontements, un policier aurait été tué par des flèches. Le militant des droits de l’homme Joseph Moses Oleshangay rapporte que « La police, les militaires sont arrivés dans le village, sans prévenir. Ils ont commencé à installer des balises de démarcation. Les villageois ont résisté. Les policiers ont commencé à utiliser des gaz lacrymogènes et des munitions. Beaucoup de gens ont été frappés, blessés. Des habitants ont commencé à tirer des flèches et je pense que c'est comme ça que le policier a été touché.”

De son côté, le commissaire de police rétorque « Il est très regrettable qu'un policier ait été tué par des flèches tirées par un groupe de personnes qui voulaient bloquer la pose de balises et a même voulu attaquer ceux qui menaient ces opérations ». (Source RFI)

D’après Reporterre, le 10 Juin dernier, “au moins 18 hommes et 13 femmes ont été la cible de coups de feu, tandis que 13 autres ont été blessés à coups de machette”.

Aux quatre coins du globe, le droit à la terre est bafoué et les populations autochtones chassées et humiliées alors qu’ils sont les vrais gardiens garants de la faune de ces zones que les programmes qui les chassent ne parviennent pas à sauvegarder. Il y a le plus souvent non seulement des intérêts économiques mais aussi le désir de s’accaparer une terre pour s’y sentir comme dans son jardin. Il s’agit ici, encore une fois d’un cas d’école du néo-colonialisme vert.

Source vidéo : Anonyme citoyen, Survival France


Message aux indignés des poubelles (brûlées)

https://youtu.be/Xfe47nYlTCM

Face à la gravité de la situation, face à l'urgence sociale et climatique, nous pensons que vous n’êtes pas la hauteur. Vous, les partis, syndicats, organisations, coordinations. Vous, les personnalités, les représentants, figures, les têtes.

Nous sommes des millions à vouloir remettre l’Histoire en marche. On ne parle pas d'empêcher des réformes néolibérales ou pré-fascistes. Non, nous voulons démonter le système qui les produit, avant qu'il ne détruise toute la vie, toutes les vies. Nous savons que cela ne pourra se faire sans que l'ancien monde résiste, se batte, riposte.

En France, les Gilets Jaunes ont fait briller une lueur magnifique et entrouvert la porte de cet horizon, disons le, révolutionnaire. Mais la porte est restée fermée au prix d'une répression inouïe.

Feignant de rallier cet idéal, ou craignant de le porter pleinement, les structures qui ont depuis repris en main l'essentiel des luttes en cours ont trop souvent amené avec elle un jeu bien connu consistant à accepter les injonctions du pouvoir à se désolidariser des manifestants considérés comme violents.

Ça n’est pas nouveau, c’est même complètement périmé.

Dans un pays où des personnes se battent contre la montée d'un autoritarisme de plus en plus fou, contre le racisme, contre les violences policières, contre la violence sociale qui s'abat sur les plus faibles. Un pays où l’assassin de Zineb Redouane est toujours CRS, où la police entaille les tentes des migrants, où le gouvernement a pris tout le monde pour des cons en pleine pandémie. Vous, vous condamnez une infirmière parce qu'elle a jeté une pierre en direction de policiers en armure, vous condamnez un pompier parce qu'il a jeté un fumigène, un gilet jaune parce qu'il a lancé des feux d’artifice contre la BAC, et un black bloc parce qu'il a donné un coup de marteaux dans la vitrine d'un magasin de luxe.

Vous condamnez, vous condamnez, vous condamnez. Seulement chacune de vos condamnations légitime la prochaine réforme visant à nous empêcher de manifester. Prochaine réforme qui vous permettra de feindre de redécouvrir la dégueulasserie qui nous gouverne.

En réalité vous aidez le pouvoir.

Comme nous sommes alliés, nous allons être franc. C’est ça qui nous emmerde. Pas le fait que vous pensiez encore pouvoir réformer le système, de l'intérieur, peut-être en y tirant quelques intérêts pour vous et vos structures, ni le fait que vous n’ayez toujours pas compris qu’il n’y a plus de négociation possible à ce moment de la crise structurelle du capitalisme. Non. Le fait que bon gré mal gré vous participiez à la répression des luttes parce qu’après tout, une nasse de deux kilomètres à la place d’une manifestation, il faut bien ça pour empêcher les poubelles de bruler…

Ça ne fait pas de vous des ennemis. Mais sachez qu’à une époque où tout semble possible, et surtout le pire, nous sommes de ceux et celles qui ne comptent pas laisser l'espoir enterré par des jugements moralisateurs servis à des chaînes télé et des journaux propriétés d’oligarques.

Nous ne faisons pas de morale, nous faisons de la politique, dictée par notre envie de construire un autre pays, un autre monde. D’y vivre dignement et d'y être heureux.

Il semble que la question entre vous et nous n’est pas de savoir si nous sommes du même coté de la barricade. Si vous avez du temps et de l'énergie pour expliquer en quoi une BMW qui brule ne sert pas la cause alors que le monde brule, que des milices armées répriment toute les luttes sociales, que des millions de personnes crèvent en silence pendant que les milliardaires s'enrichissent de plus en plus... C’est objectivement que vous n’êtes pas sur la barricade.

Et c’est dommage car il nous semble que comme nous et des milliers d’autres, vous avez secrètement jubilé lors des actes Gilets Jaunes les plus insurrectionnels, quand Christophe Dettinger boxait et qu’une porte de ministère tombait sous les coups d’un Fenwick.

Assumez…

De notre coté nous le crions. C’était beau. C’était beau parce que ça avait la saveur de l’espoir. Et dire cela ne fait pas de nous des assoiffé.es de violence et de chaos. Dire cela c’est savoir où et quand le pouvoir vacille réellement, même de façon furtive et localisée, et c’est s’en réjouir.

Alors oui, assumons. Quand nous voyons de la révolte, notre cœur s'emballe, et quand nous voyons du feu, c’est notre corps qui brule de désir pour demain, parce que nous rêvons tous les jours d'un monde meilleur que celui qui ne tient plus que par la force. Un monde de liberté. Un monde solidaire. Un monde qui ne soit plus régi par le profit de quelques uns. Un monde où la nature est au centre de décisions prises collectivement. C'est pour cet horizon que nous nous battons. Que nous vibrons. Et c'est pour cet horizon que détruire l'ancien monde est notre désir le plus cher.

Vous le savez. Sous le vernis civilisé, c’est bien dans l’horreur et l’inhumanité sans nom que nous vivons. Le futur qui se dessine à la couleur de l’abîme. Soyons ensemble à la hauteur et faisons tout notre possible, maintenant, sans relâche et avec amour.


Multicolores sous nos cagoules discours contre l'impérialisme, le colonialisme et le capitalisme.

MULTICOLORES SOUS NOS CAGOULES ! discours contre l'impérialisme, le colonialisme et le capitalisme

Quand la sincérité est une arme fédératrice, un uppercut pour le parti de l’ordre. La scène se passe le 20 juin, lors de la commémoration pour Lamine Dieng. Ian du collectif Désarmons les, livre un discours coup de poing, une parole de combat rappelant que du black bloc aux luttes anti-colonialistes en passant par les émeutes de banlieues, il n’y a qu’une force multicolore et populaire qui se dresse pour l’émancipation, contre l'impérialisme, le colonialisme et le capitalisme.

Merci à SmartShoot78 et Street Live, pour les images

Je m'appelle Ian, je fais partie d'un collectif qui se bat contre l'Etat et ses milices, Désarmons-les.

Je suis venu parler de notre histoire, de résilience et d'insurrection.

Il faut se rappeler d'où on vient pour comprendre ce qu'on est devenus.

Moitié allemand, je suis le petit-fils d'un sous-officier de l'armée nazie. On ne choisit pas son passé familial. Mais c'est en regardant l'histoire en face qu'on apprend. C'est en la regardant que je suis devenu antifasciste. Pour ne jamais reproduire les saloperies du passé.

Cette semaine, nous avons pleuré la mort de l'un des témoins de cette lointaine période en noir et blanc, Maurice Rajsfus. Maurice était un grand homme de famille juive qui a voué sa vie à dénoncer l'institution policière après que ses parents ont été déportés par la police française et assassinés dans les camps nazis. Je suis heureux d'avoir croisé le chemin de Maurice qui, sans le savoir, m'a permis de boucler une boucle. Si je pouvais, je lui rendrai un hommage dans toutes les langues du monde.

Car il faut aussi savoir regarder ailleurs, hors des frontières, pour comprendre ce que le mot « système » signifie. Violence systémique, racisme systémique...

Le 26 juillet 2014, j'ai vu un homme de 17 ans se faire tuer devant moi en Palestine, lors d'une manifestation devant le check-point de Qalandia, la tête perforée par une balle israélienne. Son nom était Muhammad Al-Araj. Une opération de maintien de l'ordre, dans une démocratie. Cette année a été pour moi la confirmation que le colonialisme, c'est la mort. Car le colonialisme, c'est l'extension du capitalisme par la violence armée.

Et ce colonialisme se poursuit, ici, maintenant, dans les quartiers populaires d'une part, mais aussi dans l'esprit nauséabond d'une partie importante de la population française.

A l'heure où l'exécution insoutenable de George Floyd a réveillé le souvenir des luttes noires américaines, il faut relire et réécouter les Black Panthers, Frantz Fanon, Angela Davis, pour comprendre qu'on ne combat pas le capitalisme sans combattre le racisme, et qu'on ne combat pas le racisme sans combattre le capitalisme. Et dans la sagesse politique de ces révolutionnaires noirs, il y avait un universalisme puissant qu'on tend à oublier : à cette époque, Alger était la mecque des Révolutionnaires, et toutes les couleurs de peau menaient un combat commun contre l'impérialisme, le colonialisme et le capitalisme.

Il est temps de se le dire : nous sommes tous légitimes dans ce combat !

En 2005, il y a exactement 15 ans, lors du contre-sommet du G8 en Ecosse, j'ai participé au Black Bloc, constitué à mes yeux des seuls êtres politisés qui ne négociaient pas leurs droit d'exister avec les autorités. Et derrière le noir des cagoules, il y a des êtres multicolores. Le Black Bloc existe aux USA, à Hong Kong, à Beyrouth et à Santiago. Pour eux, pour nous, il s'agit de rendre coup pour coup, de répondre à la violence hégémonique de l'Etat, qui s'abat au quotidien sur tous les pauvres. Des pierres contre des fusils.

« Tant que la Justice ne sera que violence, la violence du peuple ne sera que justice »

Fin 2005, je me suis donc trouvé tout naturellement aux côtés des émeutiers de banlieues qui, suite à la mort de Zyed et Bouna, ont laissé exploser leur légitime colère face à la saloperie de ce monde, qui honore les tortionnaires et écrase les humbles. Etions-nous de la racaille ? Oui, nous en étions !
Des pierres contre des fusils.

Sarkozy a été notre cauchemar.
Un mois après son investiture, sa police étouffait Lamine Dieng.

Six mois plus tard, sa police tuait Laramy et Moushin en tamponnant leur moto à Villiers le Bel, entraînant, comme à chaque fois que la police tue, son cortège d'émeutes.

Des émeutes écrasées avec le consentement muet de la majorité, cette même majorité qui s'est tue lorsqu'on déportait des juifs, qui s'est tue encore quand on jetait des Algériens dans la Seine, celle-là encore qui est sortie dans la rue par milliers pour soutenir l'escroc De Gaulle et mettre fin à la révolte de mai 68, trop effrayée par la liberté. Cette majorité qui écoute docilement les immondices de CNews et BFM TV.

En 2007 toujours, le Lanceur de balles de défense faisait sa première victime, crevant l'oeil d'un lycéen de Nantes, Pierre. Nous venions d'entrer dans l'ère du Flashball.

Moi cette année là, je découvrais les violences policières contre les migrants de Calais. Je dormais avec un groupe d'amis afghans et presque chaque matin, les CRS venaient les réveiller à renfort de matraque et de gaz en criant
« Café croissants ! ». Hilares.

Humour de porcs, comme en 42. Etonnament, on ne crie plus CRS-SS. Est-ce trop radical ?
La police humilie, frappe, mutile et tue. C'est son métier, où qu'elle se trouve.

Alors si l'on prétend combattre les violences policières, il faut s'attaquer radicalement à leur source : l'Etat lui- même, où qu'il se trouve ! L'apartheid ne vise pas qu'une couleur, il s'adapte en fonction du contexte : l'Etat neutralise indistinctement tous les corps indociles, dans une guerre de basse intensité.

Ce que j'appelle de mes vœux aujourd'hui, ce n'est pas une réforme de la police. Il ne s'agit pas de remplacer la guillotine par la chaise électrique ou la clé d'étranglement par le taser !

De la même manière que le capitalisme, la police n'est pas réformable. Ils doivent être abolis.

Et pour les abolir, nous n'avons pas le choix. Je suis de la génération Zyed et Bouna. Ce n'est pas d'une fausse révolte instagramable que nous avons besoin, mais d'une intifada globale. Des ghettos juifs de 42 aux camps de réfugiés palestiniens et syriens, des quartiers de Beyrouth à ceux de Minneapolis, des rues de Santiago à celles d'Alger, Paris ou Argenteuil.

A Désarmons-les, nous travaillons ces liens, patiemment et avec humilité. Que l'Etat se tienne sage !

Hommage à toutes les victimes de crimes racistes et sécuritaires !

 


Zone Autonome de Seattle : la CHAZ

SEATTLE : LA ZONE AUTONOME SANS POLICE

La CHAZ, pour Capitol Hill Autonome Zone est cet espace de 6 patés de maisons décrété comme zone libre par les manifestants qui s’en sont emparés après plusieurs jours d’affrontements avec la police.

Quand les émeutes de Minneapolis, qui allaient ensuite se propager à d'autres villes, ont éclaté après la mort de George Floyd, le récit du capitalisme américain s’est réveillé avec une grosse gueule de bois. Voyant ses commissariats, ses banques et ses grandes surfaces ravagées par les flammes pendant que la population commençait déjà à auto-organiser la nourriture fraichement réquisitionnée. Les 50 Etats ont été touchés par des manifestations.

La brèche ouverte est plus profonde qu’on ne le croit. Même si les démocrates ont certainement un coup de récupération à jouer dans cette histoire, force est de constater que l’abolition de la police ne figure dans aucun de leur programme.

C'est la 1ere fois qu'une révolte remet à ce point en cause le point central de la domination blanche et de l'Etat capitaliste : son système repressif.

A Minneapolis comme à Seattle, la politique classique est dépassée et essaye de s’adapter en trouvant un compromis par une désescalade de la violence en désactivant partiellement sa police. En attendant c'est une vague d'auto-organisation qui s'empare de plusieurs villes et à Seattle les habitants de la CHAZ verraient bien le commissariat abandonné se transformer en « centre de justice de réparation » et commencent à lancer des appels à la grève générale.

La force de la révolte a tellement secoué le pays que désormais des questions révolutionnaires font enfin irruption et se mettent en pratique sans attendre.

Pour un suivi sur un blog local (en anglais) : https://www.capitolhillseattle.com/


covid 18 chronique du confinement paris 18e Chateau Rouge La Chapelle

COVID 18 : dans le nord de Paris sous confinement [FILM + ITV]

Chronique sur la vie dans la rue durant le début du confinement, dans le nord de Paris, autour du quartier de La Chapelle dans le 18eme arrondissement, Covid 18 est un reportage qui redonne beauté et dignité aux quartiers populaires filmés pendant le confinement. Nous avons interviewé les réalisateurs qui sont aussi des habitants du quartier et mettons en lien leur film qui est paru sur Street Politics (durée : 41 min).

Le 18ème arrondissement est entré avec perte et fracas dans l’actualité du confinement. Au marché de Château Rouge une commissaire méprise et engueule les habitants, des policiers mettent violemment à terre une jeune femme, les contrôles sont hyper autoritaires, parfois violents et les amendes pleuvent. Comment avez-vous vécu ces images qu'on a pu voir sur les réseaux sociaux et à la télé ?

Au moment où sont tournées les images dont vous parlez, je me trouve moi-même à Château Rouge empêtré dans un interminable contrôle de police où l'on me postillonne dessus en me menaçant à moins de 30 cm du visage et en m'expliquant que le masque FPP3 que je porte (retrouvé intact dans mes affaires du samedi) ne sert à rien. Je suis dans mon quartier et on m’empêchera non seulement de filmer mais aussi de circuler. Ces images et l'usage qui en a été fait ont fait beaucoup de mal aux commerçants, à la majorité des habitants et aux habitués du quartier. Nous sommes actuellement en train de réaliser un petit reportage avec des commerçants et des habitués du marché Dejean. Ils nous racontent comment « le décret unique en France » qui a suivi cette séquence médiatique, imposant la fermeture des commerces alimentaires, s'inscrit dans une problématique plus large et dans une temporalité plus longue.

En ce qui nous concerne, la couverture des médias ne nous a pas trop intéressés, nous étions indifférents à leur traitement car nous en avons pris l´habitude. Ils disent toujours du mal de notre quartier, ils s'en servent même souvent comme symbole. A Château Rouge ce jour la, les flics ont principalement « fait le show », ici tout le monde sait ça. Ailleurs ils ont fait du sale. A Jaurès par exemple ils ont rabattu tous les sdf et les toxicomanes vers la Rotonde de Stalingrad en les contrôlant partout ailleurs dans Paris pour mieux les taper et les gazer lors de leurs interventions sur la place. Il y a un monsieur qui en parle très bien dans CoVid 18.

Quel était le dispositif pour faire le film ?

Le dispositif de confinement qui s'est imposé dans nos vies était brutal mais notre caméra était déjà bien habituée à la présence des CRS. En « temps normal » c'est elle qui nous sert à alimenter le site streetpolitics.eu en vidéos sur l’actualité des luttes. En fait nous n´avions pas vraiment de dispositif. La réalisation de ce reportage était quotidienne, « confinée », nous sortions peu et filmions encore moins… Le résultat lui-même ne représente qu'une infime vision de la réalité que nous avons traversée et qu'a traversé le quartier de la Chapelle durant le confinement. C'est une vidéo qui traite un peu de tout à la fois, dans des temps courts, dans un périmètre donné, à l'échelle de notre propre quartier où nous étions confinés. Il est vite devenu évident que toutes ces brèves sorties conjuguées ne formeraient au montage qu'une seule journée, la longue journée des premiers temps du confinement, où l'on voit le spectre du virus partout mais avec toujours en premier plan des gens à la rue, des flics et des ambulances.

Dans notre quotidien, il y a tous ces petits moments hallucinants comme lorsque tu es le seul client dans ton magasin alimentaire habituel et que les keufs entrent et mettent un coup de pression faussement amical au responsable derrière sa caisse. Et le lendemain, le magasin est fermé par décret du préfet Lallement. Il y a aussi ce témoignage d'un type à la rue qui sort du tribunal pour avoir squatté pendant une nuit un bar fermé à cause du confinement et qui te raconte que les tribunaux sont blindés de comparutions immédiates pour des faits de rébellion lors des contrôles d'attestations corona. Il y a aussi tous ces nombreux témoignages qui parlent des différences entre les « patrouilles corona », plus cordiales, et les flics du quartier qui en profitent pour régler leurs comptes et viennent chercher les gens directement lorsqu’ils les croisent. Ce que j´ai vécu de plus glaçant lors du « tournage » c'est peut-être ce moment où une infirmière du Samu explique à une voisine que sa mère allait être emmenée à Lariboisière mais qu'il n'y avait pas de place en réanimation pour les personnes comme elle. Elle venait déjà de rentrer d'un long séjour à l'hôpital une semaine auparavant. Elle s’appelait Catherine Amba Ngono, elle avait 84 ans et elle est décédée quelques jours plus tard. Bref... il y avait aussi beaucoup d'autres témoignages que nous n'avons pas filmés, comme celui de cet exilé Sénégalais qui s'est retrouvé à la rue, après avoir été sorti du CRA. Il assurait lui-même qu´il aurait préféré être expulsé du pays plutôt que de devoir vivre ça. Enfin il y a surtout cet incessant ballet d’ambulances sur les boulevards qui te montre comment les quartiers populaires sont particulièrement touchés par le virus. Il me semble que le reportage résume cela plutôt bien.

Au tout début, rappelez-vous, l'annonce du confinement a pris beaucoup de monde de court : c'est ce que l'on a appelé « la stratégie du choc ». A ce moment beaucoup de Parisiens quittaient précipitamment la capitale tandis que d'autres se ruaient sur les magasins pour y faire des courses (parfois pour quitter la ville après, ou pour rentrer se confiner en banlieue). Beaucoup de gens prenaient des photos. A ce moment-là c´était encore quelque chose d´étrange...

Nous étions deux, confinés dans le 18e où nous vivons depuis toujours, et nous étions en train de travailler sur le montage d'un film sur des gilets jaunes de l'Oise. Et c’est devenu vite évident que nous devions en même temps prendre le temps d´essayer de saisir ces moments qui étaient en train de marquer les vies et de transformer la ville.

Tout votre film est traversé par une guerre aux pauvres menée par la police. Et pourtant on y voit aussi des moments de grâce, des moments très beaux. Quel était l'enjeu pour vous de faire ce film ?

La guerre aux pauvres ne date évidemment pas du confinement, elle est devenue visible de manière spectaculaire à ce moment-là, et la police s'en est effectivement emparé à bras le corps. Cela fait longtemps que les habitants historiques du quartier déménagent dans le 93 ou y sont relogés au nom de la lutte contre l'habitat insalubre. Le quartier poursuit une mutation forcée par les pouvoirs publics qui le dénaturent tout en renforçant un climat délétère entre les gens. Dans les années 2000, si tu voulais un paquet de clopes du bled, tu allais à la seule épicerie de nuit ouverte rue Marx Dormoy et aucun riverain ne se plaignait « du trafic de rue ». Les usagers de crack pouvaient compter sur un tissu associatif plus dense et moins précaire qu'aujourd'hui et l'ambiance du quartier était plus apaisée et regorgeait d'initiatives discrètes. Peu à peu, au nom de la lutte contre l'habitat insalubre et au nom de la « mixité sociale », la mairie a entreprit un plan de reconstruction similaire à celui de la Goutte d’Or au début des années 90, cette fois ci en préemptant la destruction et la reconstruction des immeubles et en fournissant la part de logements sociaux obligatoire à des catégories sélectionnées comme les étudiants via le CROUS par exemple. Souvent, au rez de chaussée de certain de ces nouveaux immeubles, on trouve des boutiques ou des restaurants modernes et vides. En 2019, la mairie de Paris a annoncé publiquement être prête à déclencher les « feux de l'enfer » sur « les commerces de mauvaise foi » « qui vendraient tous la même chose » à en croire les publicités ‘Lycamobile’ présentes sur nombre de magasins du secteur. Les besoins réels des habitants qui fréquentent ces commerces au quotidien et des habitués du quartier qui les font vivre en y venant faire leur courses ou retrouver leur proches, sont niés volontairement tandis que sont créés des espaces pour répondre aux besoins d’une autre catégorie de population, celle que l’on cherche à faire venir. Certains habitants, presque exclusivement des propriétaires, soutiennent très activement cette politique urbaine dans l'espoir de pouvoir tirer un immense profit de la vente de leur appartement, une fois le quartier transformé. Pour ce faire, ils tweetent et abreuvent la fachosphère d'images prises depuis leur balcons ou l'on voit des vendeurs à la sauvette et des rafles, accompagnées de pouces bleus en l'air. Cette situation est identique mais avec des implications différentes à la Chapelle comme à Château rouge. La présence policière et la fermeture des espaces publics qui a suivi le mouvement de solidarité avec les campements d'exilés, principalement de l’Afrique de l'est sur la Halle Pajol et dans tout le quartier entre 2015 et 2018, a focalisé l'attention sur l'implication de la police dans la gentrification du quartier via les opérations de démantèlement. Les campements ont été aujourd’hui repoussés, dans le quartier de la Plaine à Saint-Denis. En Novembre 2019, la colline du Crack de la Porte de La Chapelle a été évacuée, d’où l’errance de plus de 300 usagers de Crack dans le quartier pendant le confinement.

Qu’est-ce qu’a changé le confinement dans la guerre aux pauvres menée par la police ?

La police était naturellement très fortement présente au début du confinement autour de La Chapelle car le quartier est classé « zone de reconquête républicaine » après avoir fait partie des premières Zone de Sécurité Prioritaire de France. Des renforts liés au corona se sont vite déployés, et les flics ont pu régler certaines de leurs besognes habituelles avec une liberté d'action accrue par l’état d'urgence sanitaire. Ensuite c´était plus en mode présence continue sur des points fixes, contrôles sélectifs mobiles, harcèlement des commerçants et pêche aux amendes. Il y avait des gendarmes, des Crs, la Bac, des agents de la ville, on avait l´impression de vivre dans un grand terrain d´entrainement de contrôle social totalitaire au nom de l´application de règles sanitaires qu´ils ne respectaient eux même pas du tout. Puis à notre grande surprise, le préfet ordonna la fermeture de trois commerces alimentaires essentiels au quartier : résultat, la queue au monoprix était interminable. Ça a frappé le quartier de manière violente, il n'y avait plus d'endroits bon marché pour faire ses courses et tout le monde s'en est plaint. A la différence de Château Rouge où ce sont les clients vivant hors du quartier et les commerçants qui ont souffert du harcèlement policier dirigé contre eux, à Marx Dormoy, c'est une grande partie de la population résidente qui a été privée de ses commerces essentiels de proximité. C’est le seul quartier de France dans ce cas il me semble, alors que la précarité de beaucoup conduit aujourd’hui à une immense queue pour la distribution alimentaire devant la mosquée détruite de Barbès par exemple. Les gens dans la queue prennent même des photos de la file, tellement elle est longue.

Toutes ces logiques à l’œuvre depuis longtemps ont été exacerbées avec le confinement, comme partout, je pense. Vous l'aurez compris, nôtre quartier n’est pas seulement un quartier exclusivement populaire, c’est un quartier où l'extrême pauvreté des mal-logés et des sans-abris côtoie des lofts huppés avec des nouveaux résidents, qui se rendent au monoprix sans masques et avec beaucoup d'énervement parfois. Nous ne sommes pas en banlieue, nous ne sommes pas dans le centre de Paris, on est dans le 18eme et il s'en dégage toujours et encore un climat unique dans Paname. L'âme d un petit Paris qui résiste, avant tout en étant insaisissable pour les flics et les pouvoir publics et que nous avons cherché à présenter, en lui rendant hommage.

Dans le reportage, les moments de beauté dont tu parles ont été vécus comme tels par la quasi omniprésence de la musique dans les rues. La musique était un élément très important au début du confinement. Les nombreuses scènes musicales qui servent avant tout à rythmer le récit ont été enregistrées dans la rue le plus souvent depuis les fenêtres des appartements et se sont toutes imposées au montage de cette manière là. Au-delà de la musique, il ne s'agissait pas de proposer une vision romantique du confinement mais de rendre compte de l’installation émouvante d'un nouveau cadre, inédit et brutal, qui s'emparait de nos vie et semblait nous relier tous en nous affectant de manière radicalement différentes en fonction de notre classe, des discriminations subies... le confinement a agi comme un révélateur de la violence sociale et politique. La police n'avait au final que relativement peu d’emprise réelle sur la lutte contre la pandémie, au-delà de leurs objectifs répressifs précis et ils s´en sont donnés à cœur joie, dès le début du confinement. Aussi il y a de l’amour dans ce reportage, c'est celui qui relie nombre d'entre nous à ce quartier et que nous n´avons pas su contenir au montage :)

Comment avez-vous organisé les tournages et les rencontres en plein confinement et sans carte de presse ?

Pour ce qui est du tournage, nous avons fait de manière complètement aléatoire, sans plans précis. Nous aussi étions affectés par la situation, nous sortions en alternance une heure maxi par jour, nous promener dans le quartier pour faire des courses, prendre l'air et quelques clichés du moment, comme la plupart d’entre nous l'avons fait avec un téléphone portable. En sortant notre caméra dans nos rues, nous avons eu spontanément beaucoup de gens qui se sont manifestés derrière leur masques, ou en nous faisant des signes à distance, des gens se rapprochaient de nous, et nous n’avons cherché à aborder personne en particulier. Comme cela marchait bien et que le rythme et la manière nous semblaient naturels, nous nous sommes prêtés au jeu, sans même penser à appeler nos connaissances militantes ou autres voisins qui auraient pourtant eu beaucoup de choses intéressantes à nous raconter. Nous nous sommes laissés entrainer dans ces dérives urbaines quotidiennes, stupéfaits par l'ampleur de ce que révélait le confinement, en terme de logique classiste ou raciste de la société. Le fait de ne pas avoir de carte de presse nous a empêché de trop nous rapprocher de la police lors des interpellations et opérations de contrôle, on a donc dû se passer de leur parole (qui, vu la situation, se serait de toute façon retournée contre eux). Nous avons mis l’accent sur tous les gens qui n'ont pas d'autre choix que de faire face à la police au quotidien parce qu’ils vivent dans la rue. Il y a aussi les voisins derrières les masques qui ont besoin d’y être pour souffler deux minutes ou pour aller travailler, mais subissent en permanence les contrôles. Dans le reportage, on voit par exemple un mec qui se fait verbaliser alors qu'il rentre du boulot.

Nous adressons à tous les intervenants du reportage toute notre reconnaissance pour avoir affronté avec dignité et solidarité cette période difficile.


Violence et autodéfense : Interview d'Elsa Dorlin

Il n'aura peut-être jamais été autant question de la violence dans nos vies. Paradoxalement, notre société est aujourd'hui l'une des plus "pacifiée" que l'histoire n'ait jamais connu, sauf du côté de la violence d'état. C'est pourtant cette violence qui est la plus minimisée et niée, tandis que les autres "violences" sont totalement exagérées et stigmatisées. Pour tenter de prendre un peu de recul, nous avons interrogé la philosophe Elsa Dorlin, autrice de l'ouvrage "Se défendre".

 

https://youtu.be/kY_C1d6sVus

 

Interview intégrale disponible ici :
https://youtu.be/nb5lh2F_SLw


FILM TRIBUNE : Qu'allons-nous faire ?

https://youtu.be/6zglYx0zdmw

Il n'y a qu'une question. La mère de toutes les questions.
Que va-t-on faire du reste de nos vies ? Notre vie, celles de nos parents, celles de nos enfants, celles de nos amis, celles de nos amours. Celles des autres êtres vivants sur cette terre.

La crise du Covid a tétanisé une partie de la population. L'épidémie a fait ressurgir partout la peur de mourir, et de voir ses proches mourir. Face à cette peur, rien ne pèse. Ni les idées, ni les mots, ni les concepts. Seul le réel du moment et de la survie compte.

Ceux qui ont le pouvoir et l'argent l'ont bien compris et profitent, sans même s'en cacher, de cette panique individuelle mais généralisée, pour durcir les dispositifs de contrôle et pour préparer l'après. Leur après.

Des milliers de personnes vont mourir de cette épidémie. C'est terrible. Mais que va-t-on faire, nous, les millions d'individus qui allons continuer à vivre ? Il nous reste peut-être quelques années à vivre. Quelques décennies tout au plus. Nous voulons évidemment les passer près de nos proches, de notre famille. Nous voulons être en bonne santé et pouvoir vivre décemment. Dignement. Il n'y a pas de honte à aspirer à de tels désirs. Mais il y a aussi l'aspiration à vivre et à créer collectivement des choses si grandes qu'on n'aurait jamais pu les faire naitre sans les autres. L'envie de dévorer, d'explorer, de tenter, d'innover, de crier, de pleurer, de jouir. Mais nous pouvons être bien plus que ce à quoi voudraient nous réduire les dirigeants politiques et financiers.

Il n'y a pas de hasard. Il n'y a pas de fatalité. Si aujourd'hui, l’hôpital manque de lits, de matériel et de personnel, cela s'explique très simplement. Et, au fond, tout le monde le sait. Il s'agit de choix, fait depuis des décennies, par des gouvernements de droite et de gauche. Des choix de réduction de budget. Des choix faits sur l'autel du profit pour quelques personnes. Depuis 30 ans, malgré plusieurs crises majeures à travers le monde, les seuls à s'être massivement enrichis sont les ultras riches. Les millionnaires et surtout les milliardaires.

Ceux qui pensent que le drame du Covid permettra une prise de conscience du pouvoir, ou même des partis d'opposition, sont, au mieux naïfs, au pire complices. Nous avons vécu en 2003 un drame sanitaire avec la canicule, qui a tué en France plus de 20 000 personnes âgées, surtout les plus démunies socialement et économiquement.. Rien n'a changé depuis 17 ans. Au contraire, on a continué à détruire le service public, notamment de la santé. Cela va continuer dans les années à venir, n'en doutons pas.

Le changement, le vrai. C'est le renforcement sécuritaire. On le voyait venir, mais on ne pensait qu'il serait si rapide. En quelques jours, la France a follement accéléré son développement d'une société du contrôle et de la surveillance high tech.

Le pouvoir a traversé deux ans de contestation sociale, sans rien céder aux revendications des Gilets Jaunes, des syndicats, des féministes ou des écolos. La seule réponse aura été le mépris et la violence. La crise actuelle ne va faire que le renforcer et lui donner des outils supplémentaires.

Les choses sont plus que limpides. Ceux qui veulent d'un autre monde doivent œuvrer à une révolution. Il n'y aura pas de changement de l'intérieur de ce système. Ceux qui profitent de ce système ne changeront jamais. Et ils contrôlent les centres de décisions politiques, économiques et même judiciaires.

Le système capitaliste se prétend inébranlable. Il n'y aurait pas d'autre façon de vivre. Sauf que le monde a existé pendant des milliers d'années sans le capitalisme. Et qu'il lui survivra. Reste à savoir si nous, de notre vivant, nous aurons ce plaisir de voir ce système inhumain tomber et disparaitre.

Le pouvoir et les médias ne cessent de présenter les révolutionnaires, les Gilets Jaunes et autres écolos "radicaux" comme des êtres assoiffés de violence, de destruction, voire de mort. Mais qui est responsable de centaines de milliers de vies détruites ? Ces morts du Covid, ces morts de la pauvreté, ces morts du chômage, ces morts de la misère ?

Ce sont bien ces responsables en costards. Ces gens ont bien compris qu'ils n'avaient que quelques années à passer sur cette terre, et ils sont prêts à tout pour avoir le plus possible d'argent, de maisons, de voitures... prêts à tout pour offrir les écoles les plus chères à leurs enfants. Prêt à tout pour pouvoir leur assurer une vie la plus "confortable" possible une fois qu'ils seront morts.

Leurs choix, leurs décisions, prises officiellement sur l'autel de la pensée ultra libérale, avec la fameuse main invisible du marché et le ruissellement censé servir au plus grand nombre, ces choix sont en réalité dictés par leurs intérêts personnels : pour eux, pour leurs familles, pour leurs amis.

Ce sont eux les criminels. Ce sont eux les responsables. Ce sont eux nos ennemis.

Nous sommes encore en vie. Enfermés, isolés, réprimés. Mais nous sommes encore en vie.
En vie, et capables de tout.

Capables de tout renverser, de tout changer, de tout reconstruire.

Capables de faire surgir l'après.

Capables de changer le cours de nos vies, de celles de nos parents, de nos enfants, de nos amis, de nos amours.

N'ayons pas peur de mourir. Car nous allons tous mourir.

Mais profitons de nos vies pour faire surgir le beau, l'amour, le bonheur. Pour donner au plus grand nombre l'opportunité d'une vie heureuse.

Pour y arriver, il faudra se battre, vraiment, physiquement, moralement, juridiquement, socialement.

Nous en sommes capables.


ENGLISH VERSION :

There's only one question. The Mother of all questions. What are we going to do with the rest of our lives?

Our lives, our parents' lives, our children's lives, our friends' lives, our beloveds’ lives . The lives of every other living thing on this earth.

The Covid crisis has paralyzed part of the population. Today, due to the epidemic, people live in fear of dying, afraid of seeing one’s loved ones die. Fear of dying is everywhere. And as we face there ordeal, neither ideas, nor words, nor concepts matter anymore. The only things that count are the tangible reality of the living moment and the survival. Powerful and money people have understood this and take advantage of it. In the face of a widespread panic when people are struggling, they are proceeding with a strengthening of control measures, without even hide from it, and prepare for the future to come. For their future.

Thousands of people will die from this epidemic. This is terrible. But what are we going to do, We the people who will continue to live? We may still have a few more years to live. A few decades maybe. We obviously want to spend them with our loved ones and our family. We want to be healthy and to be able to live decently. With dignity. There is no shame in wanting that. And there is also the will to live and to create together, collectively, to make great things with others, things that would have never happened without sharing. The desire to devour, to explore, to try, to innovate, to shout, to cry, to enjoy. We can be much more than what political and financial leaders would like to reduce us to.

There is no such thing as chance. There is however no fatality. If today hospitals face serious shortages of equipment, staff and beds, there is one very simple explanation. And, basically everyone knows it. These are choices that have been made for decades by either right- or left-wing governments. Budget reduction choices. Choices made in pursuit of profit for a very few people. For the last 30 years, despite several major crises around the world, the only people who have become massively rich are the ultra-rich. Millionaires and especially billionaires. Those who think that the tragedy of Covid will help raise awareness among the government, or even the opposition parties, are at best naïve, and at worst accomplices.

In 2003, the European heat wave had led to a major public health crisis, and killed more than 20,000 elderly people in France, mainly those who where suffering social and economic deprivation. It’s been 17 years… but nothing has changed. In fact, so far, public service’s destruction, including health care, has been going on. And let there be no doubt that this process will continue in the years to come.

Change, real change, major change is obviously the strengthening of security. We saw it coming, but we never thought it would happen that fast. In just a few days, France has madly accelerated its development of a high-tech control and surveillance society. During the last two years, France has been beset by social protest, and there was no government response. The government has gone through without giving in to neither the yellow jackets’, the unions’, the feminists’ nor the environmentalists’ demands. There was only contempt for their struggles and violences. For now on, the current crisis will only strengthen it and give it additional tools. For now on, it seems very clear that those who want a different world have to work for a revolution. There will be no change from within. Those who take advantage of this system will never make a change. And they control the centres of political, economic and even judicial decision-making.

Defenders of the capitalist society claim that the capitalist system would be steadfast. There would be no other way to live, they say. Except that the world has existed for thousands of years without capitalism. And that it will survive it. It remains to be seen whether we, in our lifetime, will have the pleasure of seeing this inhuman system fall and disappear. Revolutionaries, Yellow jackets and other "radical" environmentalists are consistently portrayed in stereotypical ways by the medias, like people full of hatred, aggressives and violents, which reflect and sustain the government positions. But who will have to take responsibility for these hundreds of thousands people’s lives being destroyed? These deaths from the Covid, these deaths of poverty, these deaths of unemployment, these deaths of misery? They are the ones who are responsible for (the crisis). Those in suits and ties. These people have understood they have only a few years to spend on this earth, and they are ready to do anything to get as much money, houses, cars…they can get. Ready to do anything to provide the most expensive schools for their children. Willing to do anything to provide them better lives before they die. Officially, thanks to the invisible hand (of the market) and it’s natural movement, the choices and the decisions made are supposed to benefit the greatest number. But let’s face it! They make it in their own personal interests: for themselves, for their families, for their friends. They are the criminals. They are responsible for. They are our enemies.

We are still alive. Locked up, isolated, repressed.

But we are still alive. Fully alive and capable of anything. We can bring anything down, change everything, rebuilt everything. We can bring up what’s next. We can change the course of our lives, of our parents' lives, of our children's lives, of our friends' lives, of our beloveds’ lives. Let’s not be afraid to die. Because we’re all gonna die. Let's enjoy our lives ! Let’s take advantage of it to bring beauty, love and happiness.

To provide as many people as possible with opportunity for a happy life. To achieve this, we'll have to fight, truly, physically, morally, legally, socially.

We can do it.


VERSION EN ESPAGNOL :

Y AHORA ¿QUÉ VAMOS A HACER?

Sólo hay una pregunta

La madre de todas las preguntas
¿Qué vamos a hacer el resto de nuestras vidas?

Nuestra vida

la de nuestros padres

la de nuestrxs hijxs

la de nuestrxs amigxs

la de nuestros amores


La crisis del Covid ha paralizado gran parte de la población

La epidemia ha reavivado en todas partes el miedo a morir

y a ver morir a los seres queridos

Ante este miedo

nada vale

ni las ideas

ni las palabras

ni los conceptos


Lxs que tienen el poder y el dinero han comprendido esto y se aprovechan

sin siquiera esconderse, de este pánico individual generalizado

para endurecer los dispositivos de control y prepararse para el después.

¡Para su después!

Miles de personas morirán por esta epidemia.

Esto es algo terrible

¿Pero qué vamos a hacer, los millones de personas que seguiremos viviendo?

Puede que aún nos queden unos cuantos años de vida.

Unas pocas décadas como mucho

Obviamente queremos pasarlos con nuestros seres queridos, con nuestra familia.

Queremos estar sanxs y poder vivir decentemente

Dignamente

No hay que avergonzarse de aspirar a tales deseos

Pero también existe la aspiración de vivir y crear colectivamente

cosas tan grandes que nunca podrían haber nacido sin lxs demás

El deseo de devorar

de explorar

de probar

de innovar

de gritar

de llorar

¡de disfrutar!

No somos nada en este universo, en la inmensidad de la historia de este planeta

Pero podemos ser mucho más que a lo que

los líderes políticos y financieros quisieran reducirnos

No existe el azar

No existe la fatalidad

Si hoy en día en el hospital faltan camas, equipo y personal

hay una explicación muy simple

Y, en el fondo, todo el mundo lo sabe

Son las decisiones

que han sido tomadas durante décadas

por los gobiernos de derecha y de izquierda

Decisiones para recortar los presupuestos

Decisiones tomadas para beneficiar a unas pocas personas

Durante 30 años, a pesar de varias crisis importantes en todo el mundo

los únicos que se han hecho notamblemente más ricos son los ultra-ricos


Quienes piensan que la tragedia del Covid permitirá una toma de consciencia

de parte del gobierno, o incluso de los partidos de oposición

son en el mejor de los casos ingenuos, y en el peor, cómplices

En 2003, vivimos un drama sanitario con una oleada de calor

que mató a más de 20.000 ancianos en Francia

especialmente a los más desfavorecidos social y económicamente

Nada ha cambiado en 17 años y por el contrario

hemos seguido destruyendo los servicios públicos, especialmente la salud

Esto continuará en los años venideros, no hay duda

El cambio, el verdadero cambio

es el fortalecimiento de la seguridad

Lo vimos venir, pero no pensamos que pasaría tan rápido

En pocos días, Francia ha acelerado de manera impresionante el desarrollo

de una sociedad de control y vigilancia de alta tecnología.

El gobierno ha conocido dos años de protesta social

sin ceder a las demandas de los Chalecos Amarillos

de los sindicatos, de lxs feministxs o de lxs ecologistas

La única respuesta ha sido el desprecio y la violencia

La crisis actual no hará sino fortalecerlo y darle herramientas adicionales.

Las cosas están más que claras

Quienes quieren un mundo diferente deben trabajar por una revolución

No habrá ningún cambio desde adentro

Lxs que se aprovechan de este sistema nunca cambiarán

Y controlan los centros de decisión política, económica e incluso judicial.

El sistema capitalista afirma ser inquebrantable

No habría otra manera de vivir

Salvo que el mundo ha existido durante miles de años sin capitalismo.

Y que sobrevivirá

Queda por ver si nosotrxs, en nuestra vida, tendremos el placer

de ver caer y desaparecer este sistema inhumano.

El poder y los medios presentan constantemente a los revolucionarios

a los Chalecos Amarillos y otrxs ecologistas "radicales"

como personas sedientas de violencia, destrucción e incluso muerte

¿Pero, y quién es responsable de cientos de miles de vidas destruidas?

Los muertos por el Covid

los muertos por la pobreza

los muertos por el desempleo

los muertos de miseria...?

Los responsables van de traje y corbata

Esa gente ha entendido que tiene unos pocos años para pasar en esta tierra

y están dispuestos a hacer cualquier cosa para conseguir mucho dinero, casas, autos... dispuestos a hacer cualquier cosa para dar las escuelas más caras para sus hijos

Sus elecciones

sus decisiones

tomadas oficialmente en el altar del pensamiento ultraliberal

con la famosa mano invisible del mercado

y el flujo de capital que supuestamente sirve a la mayoría

sus decisiones están en realidad dictadas por sus intereses personales:

para ellxs

para sus familias

para sus amigxs


Ellos son los criminales

Ellos son los responsables

Ellos son nuestros enemigos.
Todavía estamos vivxs

Encerrados

aislados

reprimidos

Pero seguimos vivxs.

Vivxs y capaces de cualquier cosa

capaces de tumbar todo

de cambiar todo

y de reconstruir todo.

Capaces de hacer surgir un después

capaces de cambiar el curso de nuestras vidas

la de nuestros padres

la de nuestrxs hijxs

la de nuestrxs amigxs

la de nuestros amores

No tengamos miedo a morir

porque todxs vamos a morir

pero aprovechemos nuestra vida para que surja lo bello, el amor, la felicidad

para brindarle a la mayoría la oportunidad de una vida feliz

Y para lograrlo

habrá que pelear

de verdad

físicamente

moralmente

jurídicamente

socialmente

Somos capaces.


journal de guerre coronavirus cléone lettre 4

JOURNAL DE GUERRE, Cléone lettre 4

On n'oubliera jamais qu'ils ont commencé par nous inviter à faire de « bonnes affaires en bourse » au moment où le COVID-19 devenait endémique, à nous adresser des sourires condescendants, sûrs de leurs informations « scientifiquement prouvées » sur une simple grippe hivernale, sur leurs stocks fantômes de millions de gels hydroalcooliques et de masques fpp2 à jour, à parler « unité nationale » sur l'air de mais oui, mais oui l'école est finie !, pour en venir à leur saloperie de « guerre contre le virus » qui s'est immédiatement traduite par matraquer une mère de famille avec son caddy sur le marché de Château rouge.

Les épistolaires de la bourgeoisie contaient leur confortable et bucolique retraite en écoutant le chant des oiseaux en sursis. Confiné.es dans leur résidence secondaire de Normandie, du Lubéron ou d'ailleurs, leur correspondance a cessé quelques semaines après le déclenchement de ce nouvel État d'urgence.

Ont-elles été décimées, ces familles privilégiées ? Auront-elles pu rejoindre Paris à temps pour être prises en charge à l'arrivée des premiers symptômes sérieux ? Les hôpitaux étaient saturés d'agonisants, personnes âgées bien sûr, mais aussi plus jeunes en « bonne santé » qui, faute d'être allé.es bronzer aux Buttes Chaumont en ce dimanche fatidique, s'étaient surtout docilement déplacé.es pour remplir leur devoir civique. Comme les nuages de Tchernobyl à Lubrizol, on nous avait laissé entendre que le Covid-19 s'évaporait à la seule vue de l'urne et de la feuille d'émargement.

Le virus se moque des frontières. En revanche, le checkpoint néolibéral est depuis longtemps une sale affaire de genre, de race et de classe.

Les rappels à l'ordre au télétravail n'ont jamais été destinés aux élites en évasion sanitaire : une aubaine pour la « flexibilité », manière polie de parler de capitalisation de l'humain, de la vie, de nos épuisements et d'exploitation de la force de travail jusque dans les recoins du foyer. Le confinement n'est autre qu'une belle occasion d'auto-formation continue, contrainte, pour ingurgiter de nouvelles compétences (les « soft skills – soft kills ») – évangile du management. Mais pour les confiné.es, on entrevoyait juste un peu mieux à quoi ressemblait la vie de celles et ceux qui sont déjà assigné.es à résidence, en prison, en fauteuil, en phase terminale, en camp, en colonie, en hlm délabré, en fin de droits... Quant à celles qui se tapent depuis bien longtemps une triple journée de travail, elles ont juste morflé un peu plus 24h sur 24h, 7j sur 7j.

Évidemment, les rappels à l'ordre au travail « tout court » ont d'emblée opéré une franche sélection face à la valeur de la vie. Un jour, on reparlera pénibilité du travail. Pour assurer la survie d'une minorité, il fallait continuer à l'alimenter, à la servir, à construire ses maisons et ses immeubles, ses voitures et ses routes, à conduire ses trains, à distribuer son courrier ou sa commande Amazon et à ramasser ses ordures.

Enfin, devant nos coquillettes au thon à compter nos jours de chômage partiel ou nos congés payés imposés, nous avons au moins pu échapper aux litanies romantiques comme aux pornos culinaire, culturel, animalier dans lesquels une caste s'était vautrée. Les odes à la décélération à l'ennui dans son canapé d'angle à relire Camus, les plaintes sur l'avenir des héritiers et la continuité pédagogique, les séances de yoga avec les enfants qui devenaient à moitié dingues malgré le luxe de pouvoir déprimer dans leur chambre à bouffer en loucedé leurs chips bios aux légumes, (eux, au moins, avaient une chambre à soi) ... ont finalement été étouffées par les quintes de toux, l'asphyxie, la panique, le deuil : obscénité des vies épargnées et démocratisation brutale de l'exposition au risque de mort.

Les hôpitaux des grandes métropoles françaises étaient dévastés – une médecine de guerre n'offre que des scènes de guerre en effet : lits entassés dans les couloirs, corps déshumanisés appelant à l'aide. Le matériel d'intubation usagé qui jonchait le sol et la danse des chariots de réanimation en nombre bien trop insuffisant qui passaient d'un.e patient.e à un.e autre comme seule musique d'ambiance.

Le personnel soignant n'avait que faire des scènes de communion nationale qui ont remplacé le journal de 20h dans les premières semaines. En première ligne, il est Cassandre à visage découvert ; la rage épuisée, chevillée au corps, devenant le collabo de la grande faucheuse ou le bourreau qui assène le coup fatal à décider qui de celui ou de celle-là devait être débranché.e pour tenter de sauver la caissière, le livreur ou l'éboueur, le père de famille ouvrier dans le bâtiment, l'assistante maternelle... ou même le nième de leurs collègues dont les poumons étaient troués par le virus – infirmière, interne, ambulancier, femme de ménage... Qui s'occupait de sauver le mineur isolé en situation « illégale », le sdf ou la grand-mère en EPHAD contre le Ministre de la Culture, Martine Vassal ou autre vie réputée digne d'être soignée ?

Parmi les 250 000 personnes à la rue en France, on jouait à Am, stram, gram...

En France, il n'y avait plus que 7000 lits en soins intensifs avec assistance respiratoire (5000 en Italie avec les conséquences dont on avait été témoin) : conséquence mathématique de plus de trente ans d'algorithmes comptables qui spéculent sur le nombre de morts « acceptables ».

Bienvenue dans le nécrolibéralisme.

525 millions d'augmentation du budget pour la police et l'armée avait été votée à l'automne 2019 soit 13, 8 milliards d'euros de crédits ; le tout, puisé partout ailleurs : 3 milliards pris depuis 2017 au budget de la santé et en particulier à l'hôpital public- suppression de 22 000 postes, plus de 5000 lits et injonction à 100% d'occupation pour rentabiliser les établissements quand tous les signaux sont au rouge pour prévenir de l'effondrement et les conséquences sanitaires que cela implique).

En pleine crise, la côte de popularité remontait pourtant pour un chef autoproclamé s'octroyant les pleins pouvoirs, celui-là même qui a ouvert les hostilités. Est-ce le virus qui rend amnésique ou la peur qui fait éclore l'amour de l'autoritarisme viriliste quand on se découvre menacé jusque dans ses rangs, son clan, sa famille, son corps ?

19 mars 2020 : la BCE débloque 750 milliards d'euros pour sauver les banques européennes, éponger une dette publique qu'elle a elle-même créée de toute pièce et... relancer l'emprunt des ménages ; du moins, ceux qui n'auront pas fait les frais de la médecine de guerre en temps de guerre sociale, ceux qui seront encore vivants, donc. 1

Solidarité, entraide, heures supplémentaires, travail gratuit des collectifs, des associations... c'est ce qui nous permet de tenir depuis longtemps déjà contre un Etat qui nous fait la guerre, défait tout ce dont nous avons besoin.

La vie tient avec des bouts de ficelle.

Les journaux de confinement se sont vite transformés, pour nous, en chronique de survie : perdre l'usage d'un, de deux poumons, après les yeux, les mains, ... Le souffle déjà coupé par la conscience que les siens ou soi-même ne nous en sortions pas, on n'a pas mis longtemps à comprendre que là, dans cette situation « exceptionnelle », prendre soin signifie aussi, toujours, autodéfense. Et, en la matière, on avait un coup d'avance après s'être tapé depuis si longtemps les gaz lacrymogènes et les balles de la République.

Nos masques, nos lunettes, nos kits de premiers secours avaient été sacrément mis à contribution durant ces années de saccage social, mais on savait les fabriquer et on a continué à le faire. On s'est équipé et on ne s'est pas arrêté là : on a commencé à s'organiser de proche en proche – quand d'autres continuaient à tergiverser sur la réforme du capitalisme, la transition et le revenu universel dans leur salon en écoutant les postcast de La Guerre de Troie n'aura pas lieu sur France Culture. On a renforcé les maraudes et l'entre-aide entre crevard.es pour se ravitailler, se mettre à l'abri, pour squatter vos logements vides, pour nous soigner, pour faire et refaire communautés et les relais qui les lient entre elles. On a été de plus en plus à mettre, en guise de drapeaux noirs, nos gilets jaunes aux fenêtres et on a recommencé le samedi à faire du tapage nous aussi : oui merci les hospitaliers, mais bande de « connards », non... meurtriers, on est là, on est toujours là, on le sera toujours.

Sound system, casseroles, cris, hurlements, huées, sifflets : comme on vous avait empêché de tenir vos mascarades de vœux de fin d'année, vos cérémonies de bouffons, vos réunions de campagne, de vous rendre au théâtre ou au restaurant, on vous empêchera de nous faire crever. Qu'importe comment : enceintes, mégaphones, vidéoprojecteurs, pour diffuser dans les rues désertées, mais avec du monde au balcon, vos discours, vos mensonges, les images de vos exactions. Nous avions déjà nos slogans, nos chants de lutte, nos réflexions, nos archives et nos imaginaires, nous en avons inventés d'autres. On a pris au sérieux la toile, on en tissera partout.

Ici et là, on sera ensemble, attentive et attentif les un.es aux autres, on aura nos radios clandestines. Harnaché.es de baudriers, de cordes, de poulies, on construira, des passerelles, des ponts : là-haut, d'autres villes apparaîtront entre les immeubles, entre les tours, sur les toits, dans les greniers et les mansardes. On plantera des jardins et des potagers sur les terrasses, dans nos cours, sur nos fenêtres, dans les halls, entre les fissures du bitume, au milieu des friches et des ruines... Partout, nous prendrons de nouvelles zones pour en faire des quartiers, des terres, des continents à défendre. Tout un réseau d'informations se trame, des avions de papiers qui iront plus vite que vos mouchards dans nos fils et messageries ; un système de distribution solidaire aussi, du panier de victuailles en tout genre aux armes contre vos milices : les plans des catapultes de Hong Kong en copyleft entre les mains, des lance-pierres et des arcs contre vos drones, le savoir-faire de Notre-Dame-des-Landes et de Bure en tête. Et alors qui protégera vos supermarchés, vos entrepôts, vos silos ?

Jamais le « rester chez soi » n'aura été un tel appel à l'insurrection. Nos grèves consistent désormais à ne plus avoir besoin de vous : on a arrêté de vous regarder, de vous écouter... ce sera notre 49.3, on s'auto-atteste en guerre contre la mort, celle que vous quantifiez à base de prime chichement accordée pour les plus précaires contraint.es de continuer à faire tourner la machine ; mais la mort, c'est vous. On ne reprendra pas le travail cette fois, ni dedans, ni dehors. On ne reviendra pas pour se faire tanner cet été, « non, moi je ne rentrerai pas, je rentrerai pas la dedans ; ça, je ne mettrai plus les pieds dans cette taule... » 2

On n'y retournera pas au travail : si comme une traînée de poudre, on arrête tout, de produire, de consommer, de payer les loyers, les emprunts, les factures, ... leur dette, leurs dividendes, qui pourra venir nous arrêter ? Le confinement est une mesure pour discipliner, prendre un peu plus le contrôle de nos survies : là où on se repose, où on se reconstitue, le territoire privilégié de la division sexuelle et raciale du travail (reproduire, nourrir, soigner, éduquer, nettoyer, consommer), du patriarcat, puisque le foyer a été créé pour ça ; il est donc cet espace-temps à reprendre, à prendre pour tout.es, et à défendre. Le territoire depuis lequel on peut tout saboter. L'abrisme révolutionnaire – non pas un « chez soi » mais un « chez nous » – porté par les mouvements de grève de loyer à Barcelone, à Paris,... est porté au sein des syndicats de locataires à Los Angeles, à San Francisco, à Melbourne, à Londres...

Ce qui est inédit, ce n'est pas la pandémie ; c'est le refus radical.

Dépose totale a casa. Se tenir à distance, c'est être à l'abri du brouillard mortifère dans lequel vous nous asphyxiez. Loin de vous, c'est nous rapprocher les un.es, les autres. Vous êtes à l'agonie, nous sommes vivants. Pour qui chantent les oiseaux qui reviennent au printemps ? Pour nous.

Notes :

1. [Visite présidentielle le 4 avril 2018 au CHU de Rouen : "Il n'y a pas d'argent magique."]

2. [Reprise du travail aux usines Wonder, mai 68
« non, moi je ne rentrerai pas, je rentrerai pas la dedans ; ça, je ne mettrai plus les pieds dans cette taule... »]


COVID : Questions/Réponses avec Karim Khelfaoui, médecin généraliste libéral, volontaire au Samu de Marseille

COVID19 : Questions Réponses avec Karim Khelfaoui, médecin généraliste libéral, volontaire au Samu de Marseille

Karim Khelfaoui, médecin généraliste libéral, volontaire au Samu de Marseille a répondu aux questions des abonnés de Cerveaux non disponibles sur Facebook. Sous la vidéo retrouvez le time code des questions.

00:00 Quels sont les symptômes ?
03:38 Résumé de la précédente vidéo
04:45 Les différentes stratégies face au Coronavirus (Corée du Sud, France, Italie)
10:40 Est-ce que le Coronavirus est grave pour les enfants ?
13:15 Est-ce que le message du gouvernement qui demande à la population de ne pas porter de masques est justifié ?
16:15 Conseil avant/après sortie du domicile
18:44 A propos des tests
20:30 Est-ce qu’une personne peut-être contagieuse après la guérison ?
22:55 Est-ce que le confinement partiel suffit ou est-ce que le confinement total est inéluctable ?
25:38 A propos du gouvernement qui préconise de continuer à aller travailler (notamment pour les ouvriers du BTP, les usines, Amazon…)
30:00 A propos de la Chloroquine