Palestine : la gauche française dans le déni du colonialisme

Comme à chaque sursaut de la guerre en Palestine, toute une partie de la gauche (de concert avec la droite) s’est empressée de condamner les violences dans leur ensemble, tout en appelant au calme et au dialogue.

On ne s’en étonne plus. Des dizaines voire des centaines de Palestiniens meurent chaque années sous les balles israéliennes, et ce dans l’indifférence généralisée de la communauté internationale. Et pourtant, à chaque riposte palestinienne, nous assistons aux sempiternels appels au calme, que l’on assène au peuple palestinien depuis plus de 75 ans.

Existe-t-il vraiment des gens qui s’étonnent qu’après tant d’années les Palestiniens ne croient plus au fameux « dialogue » ? Sept décennies qu’ils vivent sous le joug colonial de l’Etat d’Israël. Sept décennies que cet Etat leur refuse la moindre humanité.

Cette fois-ci le Hamas et plusieurs groupes armés sont à l’offensive. Et qu’importe que l’on adhère ou non aux différentes idéologie qu’ils portent, la guerre qu’ils mènent est juste. Comment pourrait-il en être autrement d’une guerre de libération ?

Car il convient ici d’insister sur un point. Les deux opposants ne sont pas sur un pied d’égalité. Il existe bel et bien un colon et un colonisé. Un oppresseur et oppressé. Un peuple qui se bat pour la liberté, et un Etat qui tue pour maintenir un régime d’apartheid.

Condamner la violence dont usent les Palestiniens c’est bafouer la mémoire de tous ceux qui sont tombés sous les balles de Tsahal, c’est cracher à la figure d’un peuple qui se bat fièrement et qui refuse de poser le genou à terre malgré des décennies d’oppression et d’indifférence de la part de l’Occident.

Comme tout le monde, nous déplorons les victimes de ce conflit. Il n’empêche que ces gens qui s’empressent de condamner les violences sont en partie responsables de la situation. Quelle autre solution le peuple palestinien a-t-il, quand ses souffrances sont ignorées de tous et qu’entretenir des relations diplomatiques ou économiques avec un Etat comme Israël est considéré comme normal ?

Aucune, il ne peut compter que sur lui-même. Et une chose est sûre, après sept décennies de beaux discours et de traités bafoués dans l’indifférence la plus totale, sa libération passera nécessairement par les armes.

Enfin, rappelons que n’est pas innocent celui qui considère comme normal, ou acceptable, le régime d’apartheid exercé par l’Etat israélien, et qu’une condition de civil n’enlève rien à un statut de colon.


L'ART DE PERDRE

C'est un des paradoxes de notre époque : en France, jamais nous n'avons connu autant de mouvements de protestation d'ampleur. En intensité comme en nombre de personnes. Et si rapprochés dans le temps.
Et jamais nous n'avons connu autant de défaites : Gilets Jaunes, Retraites, Grève du climat, BLM puis la révolte des quartiers après la mort de Nahel, Loi sécurité globale, mouvement anti pass sanitaire...

La liste est longue et incomplète.

Le constat est glaçant, et nous oblige à nous questionner. Prenons la dernière défaite majeure en date : la réforme des retraites. Bien sûr, on pourrait tenter de refaire le match et dire ce qu'il aurait fallu faire différemment pour arriver à faire plier le gouvernement. Bien sûr, les syndicats ont été défaillants à bien des égards.

Mais sincèrement, qui pense vraiment qu'il existait un scénario qui ferait plier le pouvoir sur ce point ?

Le mouvement a tout eu : une durée inédite, des mobilisations massives, des actions hors manif, des aspects insurrectionnels et clairement offensifs, un soutien important de la population....

La réalité, c'est que le pouvoir actuel avait décidé de passer sa réforme réactionnaire coûte que coûte. Et que désormais, dans notre société, il est "accepté" qu'un pouvoir fasse passer (en 49.3 en plus) une réforme dont la majeure partie de la population ne veut pas et qui met des millions de personnes dans la rue pendant des mois.

Le pouvoir actuel le sait et en profite. Et les prochains gouvernements feront de même.

En quelques décennies, le contrat implicite passé entre la population et ses "gouvernants" a totalement basculé. Il y a 20 ou 30 ans, on aurait jamais imaginé que des mouvements sociaux d'une telle ampleur ne débouchent pas sur des compromis du gouvernement en place. Aujourd'hui, en raison de la violence de la société ultra libérale et la propagande des médias qui la servent, cela est devenu "normal".

La preuve de ce terrible constat se trouve également du côté des Gilets Jaunes. Comment pouvait-on imaginer qu'une telle révolte n'aboutisse à aucun changement politique, pas même un remaniement ? Le pouvoir a tremblé, s'est barricadé, mais n'a concédé que des miettes.
Qui aurait pu prédire que tout resterait comme avant ? Voire pire.

Car c'est aussi la force de ce système : non seulement il ne cède pas aux protestations sociales, mais il arrive à se renforcer à chaque séquence, notamment sur son volet répressif, sécuritaire et liberticide.

On se retrouve donc avec l'équation suivante : chaque mouvement de lutte est voué à l'échec, et donne l'occasion au système de renforcer son arsenal répressif et autoritaire.

Pour autant, il ne faut ni blâmer les personnes qui luttent, ni décourager les prochains mouvements. Mais il faut rester lucide sur la situation inédite.

Car l'horizon n'est pas totalement bouché. Il n'y a en fait désormais qu'une seule issue "positive". Elle est très lointaine mais elle est atteignable et magnifique : il s'agit de faire chuter le système capitaliste. De le détruire. Et de reconstruire un autre monde.

On le sait désormais, il n'y aura plus de "petites victoires". Le système politique et médiatique a réussi à faire accepter l'idée qu'un pouvoir en place puisse passer en force et écraser toute constestation (qu'importe sa forme et son fond). La victoire viendra donc du fait de détruire ce système. Sans parler d'un grand soir, il s'agit bel et bien d'imaginer la fin du capitalisme et de réussir à créer un nouvel horizon politique et de vie commune, et ce, bien au delà de la France.

Car le système capitaliste est ainsi fait qu'un seul pays (qui plus est occidental) ne peut s'en extraire seul. L'exemple de la Grèce il y a dix ans est pour le coup plus qu'éclairant. Un gouvernement, si anticapitaliste soit-il, ne réussira pas à sortir seul du système capitaliste.

Il faut donc travailler dès maintenant à des jonctions de luttes entre différents pays, que ce soit sur les thématiques climatiques, sociales ou anti racistes. Les raisons de se réunir au-delà des frontières ne manquent pas. Il faut également se déconstruire politiquement pour trouver des horizons et des projets réellement solidaires et à même d'être une alternative aussi crédible que radicale vis à vis du capitalisme.

Il faut aussi préparer le terrain à ce que ce basculement puisse exister. Et il ne se fera pas sur une lutte, mais au travers de plusieurs luttes, qui pousseront ensemble, dans un espace temps commun. Pour cela, une contre-culture révolutionnaire et insurrectionnelle doit se développer. Cinéma, musique, théâtre mais aussi des médias autonomes, des clubs sportifs, des bars, des restaurants, des espaces autogérés. Il faut qu'un maximum d'espaces fassent sécession avec cette société. Sans se fermer au reste du monde, mais en invitant les autres à les rejoindre, même l'espace d'un concert, d'un match de foot ou d'un weekend de teuf.

Tous ces espaces doivent alors se tenir prêts, et pouvoir participer au basculement le jour où il sera possible.

Tout cela est évidemment très diffus et incertain. Mais c'est à nos yeux le seul moyen de sortir vraiment par le haut de cette spirale mortifère pour le vivant dans lequel nous entraîne ce monde capitaliste. L'idée n'est pas de crier à la convergence des luttes. Mais de prendre acte que notre société n'accepte plus que la rue puisse donner son avis et influer sur le cours de l'histoire. Le peuple ne peut désormais "participer" que lors des élections. Et ces élections ne sont en aucun cas une issue pour sortir du système.
Pour changer la donne, il faut donc changer le système. Et pour changer le système, il faudra le détruire. Car les puissants qui en profitent ne laisseront pas les choses changer sans qu'ils y soient contraints.


40 ans de la révolution Sankariste

Il y a quarante ans commençait la révolution burkinabée entreprise par le capitaine Thomas Sankara.

Quatre années d’un processus révolutionnaire hors du commun freiné brutalement par un coup d’État organisé par son ancien ami Blaise Compaoré, avec le soutien de la France.

Révolutionnaire, Tiers-mondiste, marxiste, panafricain, féministe, écologiste, surnommé « le Che africain », il est considéré légitimement comme l’un des chefs d’État les plus justes de l’histoire.  

Son discours sur la dette ciblant l’impérialisme et le rôle des politiques du FMI et la Banque Mondial, reste encore tristement d’actualité.

https://twitter.com/CerveauxNon/status/1689226993546444800

Arrivé au pouvoir en 1984, le jeune président, âgé de seulement 33 ans, rebaptise « la Haute Volta » Burkina Faso (le pays des hommes intègres).

En quatre années de pouvoir, l’alphabétisation progresse et passe de 5 à 20% pour les hommes.

Plus de deux millions et demi d’enfants seront vaccinés.

Le capitaine nationalise les ressources naturelles et matières premières, luttant de facto contre l’impérialisme.

Ses réformes agraires permettent au pays de sortir de sa dépendance aux produits importés.

Selon un rapporteur spécial de l’ONU, l’objectif de deux repas et dix litres quotidiens d'eau par personne est atteint en 1986.

Écologiste convaincu, la protection des arbres devient une priorité absolue contre le déboisement massif, la divagation des animaux et les feux de brousse.

Le président incite chaque burkinabè à cultiver la terre et offre symboliquement un arbre par foyer et par nouveau couple marié. 

Il crée aussi un ministère de l’eau. 

 

Président aux positions féministes, Thomas Sankara interdit l’excision, la dot et les mariages forcés, et essaie de freiner la polygamie.

Le nombre de femmes dans les écoles augmente.

Elles sont nombreuses à occuper des postes au gouvernement, et plus généralement dans la fonction publique. 

Il tente même la mise en place d’un salaire vital pour les femmes, prélevé sur les salaires des leurs maris.

Les fonctionnaires sont priés de porter des habits traditionnels et de laisser les costumes-cravates occidentaux de côté.

A travers les Comités de défense de la révolution, chaque citoyen est appelé à participer à une forme de démocratie directe et peut faire des propositions sur la vie politique locale et nationale.

Bien plus qu’un simple aspect symbolique, Sankara fait remplacer les voitures de fonction présidentielles Renault 25 par des Renault 5 et refuse de voyager en première classe, estimant qu’un train ou un avion arrive de toute façon à la même heure.

Il choisit également de rester vivre humblement dans une petite demeure.

Cette utopie révolutionnaire et anti-impérialiste prend fin le 15 Octobre 1987, dans une salle du Conseil de l'entente à Ouagadougou.

Un commando fait irruption et abat Thomas Sankara et douze autres de ses proches.

A l’issue de ce coup d’État, son commanditaire et ancien ami Blaise Compaoré, prend le pouvoir et règne seul pendant plus de 27 ans. 

Il se réconcilie avec la France et replonge le Burkina Faso dans le chaos.

Renversé par une révolution en 2014, une enquête est enfin ouverte et la dépouille du capitaine aurait été restituée en 2015. Cependant sa famille doute de son authenticité.

En Avril 2022, les avocats de la partie civile demandent auprès du tribunal militaire l’ouverture d’une instruction internationale du dossier. Blaise Compaoré n’a pas agi seul et la France doit payer. 

Il est possible que d’autres États aient été complices de cet assassinat. 

Parmi eux sont cités le génocidaire Charles Taylor (Libéria), l’ami de la France et de Blaise Compaoré Félix Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire), le libyen Mouammar Kadhafi ainsi que les services secrets américains.

Nous finirons par quelques citations : 

« Celui qui aime son peuple aime les autres peuples »

« La dette sous sa forme actuelle est une reconquête savamment organisée de l’Afrique, pour que sa croissance et son développement obéissent à des paliers, à des normes, qui nous sont totalement étrangers. Faisant en sorte que chacun de nous devienne l’esclave financier, c’est-à-dire l’esclave tout court, de ceux qui ont eu l’opportunité, la ruse, la fourberie de placer des fonds chez nous avec l’obligation de rembourser. »

"Une jeunesse mobilisée est dangereuse, une jeunesse mobilisée est une puissance qui effraye même les bombes atomiques."

« Ceux qui nous ont prêté de l'argent, ce sont eux qui nous ont colonisés ».

« Un militaire sans formation politique idéologique est un criminel en puissance. »

« Il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l'eau potable pour tous.

« Quand le peuple se met debout , l’impérialisme tremble. »

« Un peuple conscient ne saurait confier la défense de sa patrie à un groupe d’hommes quelles que soient leurs compétences. Les peuples conscients assument eux-mêmes la défense de leur patrie ».

« Ceux qui nous ont prêté de l’argent, ce sont eux qui nous ont colonisés. »

« La famille patriarcale fit son apparition, fondée sur la propriété unique et personnelle du père, devenu chef de famille. Au sein de cette famille, la femme était opprimée »

"On parle du Plan Marshall qui a refait l’Europe économique. Mais l’on ne parle pas du Plan africain qui a permis à l’Europe de faire face aux hordes hitlériennes lorsque leurs économies étaient menacés, leurs stabilités étaient menacées. Qui a sauvé l’Europe ? C’est l’Afrique. On en parle très peu. On parle si peu que nous ne pouvons, nous, être complices de ce silence ingrat. Si les autres ne peuvent pas chanter nos louanges, nous en avons au moins le devoir de dire que nos pères furent courageux et que nos anciens combattants ont sauvé l’Europe et finalement ont permis au monde de se débarrasser du nazisme.".

 


En cendres, tout devient possible. Même le pire

La séquence actuelle nous plonge dans des sentiments très paradoxaux. Car nous n'avons que peu d'espoir sur le fait qu'elle débouche sur des avancées significatives en terme de recul du racisme systémique ou de lutte contre un état oppresseur et ultra libéral. On pense même assez probable que l'État et son appareil répressif en ressortent renforcés, et encore plus autoritaires. Et que l'extrême droite profite de cette "crise" pour continuer sa morbide ascension.

Mais même avec un horizon aussi sombre, les révoltes actuelles nous paraissent salutaires et importantes.

Evidemment, brûler des voitures ou même des commissariats et des banques ne fera pas disparaître le racisme dans la police et dans toutes les structures de notre société. Cela ne donnera pas de travail à tous ces laissés pour compte.

Nous ne voulons pas non plus essentialiser et romantiser les actes qui ont lieu ces dernières nuits un peu partout en France. Car oui, il y a une part de "kiff" pour certains dans le fait de brûler des poubelles ou des voitures, et il y a un intérêt personnel, immédiat et matériel, à piller des magasins de fringues, de luxe ou d'informatique. Et alors ? Ces actes sont largement moins condamnables que les écritures comptables des criminels en col blanc, qui, en l'espace d'une saisie informatique, volent des millions, avec des conséquences bien plus graves pour ceux en bas de l'échelle.

Mais même avec ces considérations individuelles, matérialistes et presque "nihilistes", nous pensons que ces révoltes sont à soutenir.

Car ce que font ces gamins est assez unique : ils contribuent à dévoiler le vrai visage de l'état dont le masque s'effrite un peu plus chaque jour.

On pourrait évidemment se dire qu'il n'y a aucun intérêt à voir un pouvoir autoritaire devoir montrer son vrai visage si cela ne permet pas de le renverser. Sauf qu'à l'inverse, si l'on pense vivre dans un état autoritaire (et raciste) et qu'on préfère ne pas le provoquer de peur de sa réaction, on offre un boulevard à ce que rien ne change.

Car qui peut encore croire que faire des pétitions, des manifestations ou des tribunes peut faire changer cette société ? Ce n'est même plus le cas pour le monde du travail, pour les luttes ecolo, et cela n'a jamais été le cas pour les Gilets Jaunes... alors imaginez pour ces sauvages de banlieue ? Or cette société, elle tue, quotidiennement. Et pas qu'avec sa police.

Et si jeunes soient-ils, ces enfants de 2023 l'ont totalement compris. Ils l'ont même intégré sans avoir eu à le verbaliser.

Et pour cause... Ces gamins sont de purs 'produits" de la France. La quatrième voir cinquième génération d'ancêtres "issus de l'immigration" pour utiliser le langage policé et policier. En vrai, ce sont des français, mais ils sont noirs et arabes. Et ils ont très vite compris qu'ils n'étaient pas vus comme les autres français. Ils l'ont compris face à la police, mais également dans tous les moments de leur vie.

Car il faut être aveugle (ou raciste et donc malhonnête intellectuellement) pour ne pas voir la réalité de notre société : les noirs et les arabes sont des citoyens de seconde zone, cantonnés dans une précarité sociale et économique, et sans cesse stigmatisés.

Ces gamins voient bien que leurs aînés travaillent principalement pour faire le ménage, la sécurité ou du Uber/Deliveroo. Et encore, quand ils arrivent à trouver un taff.

Ils ont bien compris que l'ascenseur social n'était qu'un mirage. Qu'à part avec le foot ou le rap, personne de leur quartier n'a de chance de réellement s'en sortir.

Par ces révoltes, ces jeunes reprennent également un pouvoir, un rapport de force, une existence. Qu'importe s'ils sont stigmatisés et traités de sauvages. Au moins, ils existent. Ils comptent. Et c'est déjà énorme. Par leurs actes, ils ont réussi à faire annuler des concerts, des festivals, fermer des centres commerciaux, couper des services de transport. Alors oui, on peut se dire, à raison, que ce n'est pas ça qui fera avancer la question des inégalités sociales et du racisme systémique. C'est vrai; Mais c'est aussi vrai que toutes ces répercussions obligent le pouvoir et le système à regarder le problème. A défaut de le régler, c'est déjà un énorme progrès.

Les gamins de 16 ans sont nés en 2007. Deux ans après la révolte des quartiers suite à la mort de Zyed et Bouna. D'ailleurs, il est fort probable que parmi les émeutiers de 2023, certains soient des enfants d'émeutiers de 2005.

La grande question est donc de savoir comment cette révolte pourrait déboucher sur plus d'avancées que celle d'il y a 18 ans. Comment pourrait-elle faire mieux également que le soulèvement BLM de 2020 après la mort de George Floyd, lui aussi tué par un policier, et lui aussi filmé.

Nous n'avons évidemment pas la réponse.

Mais nous sommes convaincus que les nuits de révoltes permettent d'ouvrir une brèche. Cette brèche n'est pas un boulevard pour les idées progressistes et pour la lutte contre ce système et cette société. Mais elle reste une brèche, quelque chose de si rare de nos sociétés désormais totalement atomisées et contrôlées. Où on nous rabâche qu'il n'y a pas d'autres "vivre ensemble" possible que ce capitalisme puant et raciste.

Il faut donc entrer dans cette brèche et tenter d'y apporter des éléments qui permettront d'infléchir, au moins un peu, la dérive actuelle du pouvoir. Espérer que ces jeunes (dont ne nous faisons pas partie et dont on ne prétend savoir comment ils pourront s'en sortir) sauront trouver des espaces et des structures pour peser durablement, et même pour lutter efficacement. Espérer aussi que la rencontre Beauf et barbares devienne une réalité. Que les oubliés de toutes les périphéries comprennent que c'est le système capitaliste qui est responsable de leur situation.

Le faire en comprenant qu'en plus d'être des citoyens de dernière zone, les habitants des quartiers populaires racisés subissent en plus un racisme systémique et permanent. Et qu'on ne peut mettre cette réalité abjecte en second plan. Qu'il faut l'aborder frontalement, en même temps que la question sociale.

Dire cela ne donnera certainement aucune clé pour sortir d'une impasse que nous craignons. Mais nous n'avons, à l'heure actuelle, pas d'autres mots que ceux-ci.

Et dire, redire, et répéter, qu'une révolte des laissés pour compte n'est jamais illégitime et doit être soutenue et appuyée.

« Ceux qui ont pris tout le plat dans leur assiette, laissant les assiettes des autres vides, et qui ayant tout disent avec une bonne figure “Nous qui avons tout, nous sommes pour la paix !”, je sais ce que je dois leur crier à ceux-là : les premiers violents, les provocateurs, c’est vous !

Quand le soir, dans vos belles maisons, vous allez embrasser vos petits enfants, avec votre bonne conscience, vous avez probablement plus de sang sur vos mains d’inconscients, au regard de Dieu, que n’en aura jamais le désespéré qui a pris les armes pour essayer de sortir de son désespoir. »
L'Abbé Pierre, 1984

Photo Tulyppe


Sur le séisme dramatique en Turquie, Syrie et Kurdistan

Lundi 6 Février 2023, un séisme exceptionnellement violent, de magnitude 7,8 sur l’échelle de Richter, a frappé le sud de la Turquie aux abords de la ville de Kahramanmaras à environ 60km de la frontière syrienne.

Il a été suivi quelques heures plus tard, d’une seconde secousse de magnitude 7,5 et de nombreuses répliques. Une catastrophe qui n’est pas sans rappeler celle d’Izmit en 1999 qui avait coûté la vie à 17 000 personnes dont 1000 dans la capitale, Ankara.

Des régions entières de Turquie et de Syrie ont été dévastées et on dénombre déjà environ 20 000 morts alors que les chances de retrouver des survivants s’amoindrissent au fil des heures.

Entre l'attitude démagogique du Nord global, le manque de coopération et d’aide au niveau international, le blocus économique contre la Syrie déchirée par la guerre civile, qui continue même en période d’urgence et la gestion de crise catastrophique d’Erdogan, les victimes se retrouvent abandonnées à leur sort.

Il est par définition impossible de prédire ces phénomènes extrêmes, au mieux nous pouvons vaguement anticiper une réaction s' ils se produisent. Néanmoins, la gestion de cette crise et son traitement médiatique révèlent des impasses sur bien des aspects.

 

La faille anatolienne, une zone à risque

La terre est en mouvement perpétuel de l’intérieur, ses plaques tectoniques se déplacent constamment. Située au nord de l’Anatolie et à Chypre, la faille anatolienne présente plusieurs “zones à risques” appelées aussi segments.

C’est une « microplaque », c’est à dire une plaque qui naît d’une zone de fracture entre les 14 plaques tectoniques majeures qui recouvrent le globe. La plaque anatolienne a pour particularité d’être en contact avec la plaque arabique, africaine, eurasiatique et de la mer Égée. Son activité sismique y est conséquente et imprévisible.

Dans le cadre du premier séisme, il s’agirait d’un mouvement coulissant de cette plaque au contact de la plaque arabique. L’est de la plaque (plaque est-anatolienne) n’avait pas connu de séisme majeur depuis plus deux siècles en Août 1923. A celà s’additionne un deuxième tremblement de terre qui a surpris plusieurs sismologues car celui-ci ne serait pas une réplique.

« Il est vrai que les prédictions faisaient plutôt état d'un séisme de magnitude 7 à 7,4. Avec une magnitude de 7,8, qui indique que l'ensemble de la faille a été mobilisée, on pouvait s'attendre à ce que toutes les contraintes soient libérées et donc que les répliques aient des magnitudes plus faibles lors du retour à l'équilibre de la faille comme attendu. Visiblement, les contraintes plus au Nord n'ont pas été relâchées et, quelques heures après le premier séisme, un deuxième de magnitude 7,5 s'est produit sur un segment différent, orienté d'Est en Ouest. Son mécanisme est donc différent. Cela est sans doute dû à la forte complexité des structures présentes dans cette jonction triple entre les plaques tectoniques africaines, arabiques et anatoliennes. » explique dans Sciences et Avenir le chercheur Jean Virieux, chercheur au sein de l'Institut des Sciences de la Terre. (Article « Séisme en Turquie et Syrie : jusqu'à 9 mètres d'écartement entre les bords de la faille »).

Les séismes et leurs répliques ont touché directement Chypre, la Jordanie, le Liban, la Géorgie, l’Arménie et l’Irak et les premiers bilans des scientifiques sont tristement impressionnants.

A chaque catastrophe naturelle majeure se pose la même question : peut-on tout justifier par l’imprévisible ?

 

La vétusté des logements mise en cause

Rappelons qu’après la catastrophe de 1999, la Turquie avait imposé de nouvelles règles sur le logement, censées imposer un cadre de construction plus strict. Or, les logements sociaux gérées par la société TOKI seraient parmi les plus touchées par les destructions.

Vulcanologue à l'Université britannique de Portsmouth, Carmen Solana, rapporte à l’AFP que "La résistance des infrastructures est malheureusement inégale dans le sud de la Turquie et particulièrement en Syrie. Par conséquent, sauver des vies dépend maintenant de la rapidité des secours".

La qualité des matériaux de chantier ou le manque de respect des normes peuvent expliquer la résistance ou non d’immeubles situés dans le même quartier. Les effondrements brutaux de résidences s’effondrant tels des châteaux de cartes compliquent l’accès aux secours.

« L'importance des destructions dépend également de la longueur de la rupture du sol le long de la ligne de faille (une centaine de kilomètres pour le séisme de lundi) (...) Cela signifie que n'importe quel point à proximité de ces 100 km s'est retrouvé, de fait, au centre du tremblement de terre. » (Source : Géo, Bill McGuire vulcanologue pour l’ULC)

Enfin, la situation météorologique hivernale rend les conditions de survie laborieuses. Comme à l’accoutumée, nous avons à faire à une course contre la montre laissant derrière elle un désespoir majeur et son lot de miraculés et de survivants qui pourront témoigner de l’ampleur et de la gravité de la situation.

 

Erdogan critiqué : laisser aller volontaire ou défaillance étatique ?

Le président turc est largement critiqué pour sa gestion ou plutôt son ingérence. L’aide civile aurait mis plus de 24, voire 48h pour arriver dans les districts de Pazarcik et Elbistan, à Maras (Kurdistan), situés sur les deux épicentres. L'implication des infrastructures étatiques est jugée très loin d’être la hauteur, le chef d’état autoritariste a fini par reconnaître “des lacunes”.

Il est important de rappeler que le Kurdistan, situé à l'épicentre, est le plus impacté et qu’Erdogan fera le minimum pour y déployer l'aide d'urgence, et ce pour des raisons purement politiques. L’Etat turc a d'ailleurs déjà pris le contrôle sur le dispositif humanitaire, régulant l’aide civile à son bon vouloir. Des collectes du HDP, parti de gauche radicale, ont par exemple été interceptées et saisies.

Pour couronner le tout, plusieurs témoignages accusent l'État turc d’avoir bloqué les accès aux réseaux sociaux, notamment Twitter, pour étouffer la contestation et ce malgré l’utilité de ces plateformes dans les sauvetages. Les utilisateurs auraient eu recours à des VPN pour contourner cette censure. Même certains partisans du président ne cachent plus leur colère.

Dans une vidéo devenue virale, un membre du conseil exécutif du district de l'AKP (le parti du président Erdogan) à Hatay-Kırıkhan, s'indigne : "Maudit soit ce gouvernement. Tous mes enfants sont sous ces décombres. Il n’y pas un seul homme d'État. Tout ce qu'ils font c’est pour le spectacle. Qu'ils viennent m'arrêter."

Concernant, le Rojava, le compte Twitter d’Azadi, rappelle que “L’aide humanitaire est très limitée dans la zone. Envoyer des dons et matériels sur place est très difficile, passer par la Turquie ou le régime de Damas étant impossible. Le Rojava travaille avec les ONG sur place afin de les aider à atteindre toutes les zones en Syrie”.

 

(Pour faire un don au Soleil rouge - Roja Sor Kurdistan : http://rojasorfrance.com)

 

Catastrophe syrienne sous fond de guerre civile

Le Secours Rouge a appelé l’UE à une levée immédiate des sanctions internationales qui pénalisent l’ensemble de la population syrienne, plus particulièrement les plus précaires. Réélu à 95%, le dictateur El Assad se retrouve renforcé alors que l’Occident fantasme sur une chute du régime en appauvrissant la population. Dans ce genre de situation, ce blocage freine toute possibilité d’arrivées massives des aides.

« J'appelle tous les pays de l'UE à lever les sanctions économiques contre la Syrie (...) il est temps, après ce tremblement de terre », M.Khaled Haboubati, directeur syrien de l’organisation.

En dehors du Rojava, le séisme a aussi dévasté dans le Nord-Ouest syrien à Alep, Hama ou encore Idlib dernière poche rebelle partagée par les dissidents d’Al Qaïda à et une coalition de rebelles alliant groupes “islamistes”, parfois pro-démocratie, plus rarement libéraux regroupés derrière l’Armée Syrienne Libre, soutenue et armée par la Turquie.

Le Nord-ouest a été déchirée par la guerre civile, la division entre factions rebelles, la cruauté des bombardements et de la répression de l'État syrien en générale ou encore la présence de Daech, sous fond d’impérialismes régionaux ou plus conséquents, nous ne pouvons que constater, que toutes les nations et forces impliquées dans ce conflit ne feront pas de ce cataclysme une priorité.

Les températures glaciales viennent s’ajouter au désastre de plus de dix ans de guerre civile d’un pays qui a vu la mort de plus d’un demi-million de personnes dont plus de 306 000 civils et des centaines de millions de déplacés depuis 2011.

Le nord de la Syrie se retrouve dans l’incapacité de faire face à cette situation et les survivants au tremblement de terre risquent d’être amenés à vivre une nouvelle catastrophe immédiatement.

 

Service minimum de l’OTAN

Côté occidental, l’Europe envoie 79 chiens de recherches et 1185 secouristes venus de 19 états-membres. Les Etats-Unis, de leur côté, envoient deux équipes de secouristes en Turquie et le président Biden promet à son homologue turc une aide conséquente. La Syrie appelle l’UE à l’aide, de son côté le chef de la diplomatie affirme qu’une aide sera envoyée tant qu’elle ne tombe pas aux mains du régime.

Envenimer le conflit ukrainien plutôt que le résoudre impacte logiquement le sens des priorités, et les capacités de mobilisation des équipes se retrouvent forcément amoindries.

 

A quoi s’intéresse la presse mainstream ?

On ne peut que saluer les secouristes et les personnes qui tentent de sauver des vies parfois au péril de la leur. Nous sommes naturellement touchés par la mort ou la survie d’un être humain retrouvé sous les décombres ou survivant à ses blessures.

Cependant, les récits des médias mainstreams français se résument globalement au récit de ces histoires, plutôt qu’aux conséquences et aux facteurs qui impacteront sur la situation économique, sociale et politique des zones touchées à court et moyen terme. Ce que nous retenons en plus de notre tristesse, c’est un sentiment d’impuissance.

Les catastrophes naturelles ne peuvent être évitées, certes. Mais les facteurs aggravants sont le plus souvent le résultat de la volonté arbitraire de celles et ceux qui méprisent l’humanité.

Il ne devrait s'agir là que de solidarité. La seule chose dont toutes les victimes aient besoin. Le seul levier à actionner, sans faire de différence entre les humains.


Le racisme n'est pas une maladie

Il ne se guérit pas. Il se combat en détruisant les structures qui le créent et qui l’abritent.

Peu de monde semble vouloir mesurer la gravité de ce qu’il vient de se passer en France. Pas seulement l'attentat contre les Kurdes en lui-même, mais également son traitement policier, judiciaire et médiatique. Rendez-vous compte : l'auteur de l'attentat, qui sortait de détention provisoire pour une précédente attaque sur des migrants, déclare lui-même avoir agi par racisme, et avoir ciblé les Kurdes parce qu'ils avaient faits prisonniers des combattants de DAESH, au lieu de les avoir tués. Résultat ? Sa garde à vue a été levée et il a été provisoirement transféré vers l’hôpital psychiatrique.

Le médecin de la préfecture avait en effet estimé que son état de santé mentale n'était "pas compatible avec la mesure de garde à vue". Qu'importe qu'il ait été renvoyé en GAV dimanche 25 décembre. Le simple fait de l'avoir sorti aussi rapidement et d'avoir déclaré son état de santé mentale incompatible avec un interrogatoire peut déjà dire beaucoup de choses. Des choses graves et indignes pour l’État français mais tout à fait compatibles avec sa ligne politique et ses valeurs républicaines si actuelles.

Imagine-t-on un terroriste salafiste-takfiriste (qualifié d’islamiste ou djihadiste par la presse), venant d'effectuer un attentat à Paris, qui serait sorti de l'interrogatoire pour être envoyé en hôpital psy parce qu'on estimerait sa santé mentale incompatible avec une détention ? Le tollé serait monumental, prenons l’attentat de Nice comme élément comparatif sérieux.

La Justice considère que ces fondamentalistes ne sont pas des malades mentaux mais des personnes endoctrinées et porteuses d'une idéologie mortifère. Leurs idées, si dangereuses soient-elles, sont considérées comme dotées d'une logique et d'une construction « sensée ». Il s'agit d'une idéologie, d'un choix de société.

Tout cela est éminemment politique. Et ce, que la personne soit « un loup solitaire de Daesh » ou totalement intégrée dans des réseaux structurés. On pourrait même pousser le raisonnement jusqu'au point Godwin en se demandant s'il aurait fallu interner tous les nazis dans un hôpital psychiatrique sans les combattre et les condamner ?

Nous ne disons pas qu'il faut considérer toutes ces personnes comme des ennemis dont il faudrait se débarrasser. Nous tâchons de souligner qu’il y a derrière des mécanismes de pensée et une société qui poussent à créer ce qu’elle décrit comme des monstres, jamais comme SES monstres. Et qu'on ne guérit pas le racisme et l'intolérance. On les combat. Idéologiquement, et physiquement s'il le faut.

Que William Mallet souffre de troubles d’ordre psychiatriques ou pas ne change finalement pas grand chose aux conditions matérielles de ses actes. De la même façon que pour les frères Kouachi par exemple. Vouloir éviter ces attentats nous imposerait d'essayer de comprendre pourquoi et comment ces personnes en sont arrivées à devenir ce qu'elles étaient au moment de leur passage à l'acte.

Car on ne naît pas raciste, on ne naît pas fasciste. On le devient. Ne pas le comprendre, c'est être dans le déni de ses propres responsabilités dans les drames passés et à venir. La société est raciste dans son intégralité et nous en sommes malheureusement toutes et tous imprégnés à des niveaux différents, y compris les populations racisées. « Le racisme n'est pas un tout mais l'élément le plus visible, le plus quotidien, pour tout dire, à certains moments, le plus grossier d'une structure donnée » disait Fanon.

Pour en revenir à William Mallet, nous devons prendre conscience du choix politique du pouvoir français, de considérer qu'un Français qui commet des horreurs contre des Kurdes est une personne instable psychologiquement qu'il convient de « soigner » alors qu'un arabe ou un noir ayant commis les mêmes horreurs sur des Français sera considéré comme un ennemi, un combattant, totalement conscient de ses actes.

Le traitement de l'affaire par les médias mainstream ne fait qu'accompagner cette terrible narration. La plupart des médias français mais surtout les mandataires de l’État n'ont en effet pas utilisé le terme de terrorisme, alors qu’ils n’avaient pas ce problème quand, par exemple, il s’agissait de polémiquer autour de ce terme concernant des militants écologistes opposés aux megabassines.

Ils n'ont même pas voulu donner le nom de famille de William Mallet, ne précisant que le M après son prénom. On a jamais vu ces mêmes médias décider de ne pas dévoiler le nom de famille des auteurs d’attentats comme ceux de Charlie Hebdo ou du Bataclan. La fachosphère qui s'était emballée sur le nom de famille "étranger" du terroriste, en relayant une fausse info, partie d'un twittos, se reporte finalement sur la théorie du pauvre vieux malade, dont nous devrions avoir pitié.

Cette graduation témoigne bel et bien d’un racisme et d’une passivité d’un État qui a ouvert des brèches pour propager le racisme déjà solidement ancré dans la société française.On voit ainsi qu'un terroriste qui revendique son racisme sera traité par la police, la justice et les médias d'une façon bien particulière et, avouons-le, avec une certaine « bienveillance ». Bien plus qu'un terroriste mais aussi qu'un militant d'extrême gauche, un « islamogauchiste », un écologiste ou un anarchiste et autres militants dits « d’ultragauche » venant de commettre une action considérée comme illégale.

Établir un parallèle entre des activistes progressistes déterminés qui n’ont jamais tué personne et Daesh ou Al Qaïda a un objectif politique qui n’a rien d’anodin. Criminaliser la révolte et l’accuser de ce qu’elle n’est pas, quitte à faire des raccourcis invraisemblables. Celui-ci va de pair avec le fait de minimiser le danger de l’extrême-droite qui d’un côté gouverne dans beaucoup de pays, et de l’autre, représente le plus grand danger concernant les risques d’attentat dans le monde occidental. Dans ces conditions, William Mallet, personne âgée, française, est donc logiquement instable psychologiquement. Gerbant, une souillure pour les victimes de ce raciste.

Alors nous le dirons, redirons et répéterons tant qu'il le faudra : le racisme n'est pas une maladie. William Mallet est un raciste qui a commis un attentat contre la communauté kurde. En solitaire ou commandité par des organisations, cela ne change rien à l'histoire. Il convient de traiter ce terroriste comme tel, afin de tenter de dissuader les prochains sur la liste sombre des criminels racistes.


Attentat raciste : indignité jusqu'au sommet de l'État

Vendredi 23 décembre, ce n'est pas que la communauté kurde qui a été frappée, c'est tous ceux qui partagent des valeurs de liberté et de tolérance. Malheureusement, les heures qui ont suivi le drame n'ont pas fait honneur à ces valeurs et aux victimes de cet attentat.

Après le choc de l'attentat, et une fois les éléments assez clairement établis, il nous semble important de remettre les pendules à l'heure. Pour malheureusement constater les défaillances de l'État français et du monde occidental, qui ne cesse d'être complaisant avec l'extrême droite, et qui n'arrive pas à se détacher de la pression du pouvoir turc sur la question kurde.

La presse mainstream et l’État Français sont fidèles à leur indécence en refusant de qualifier ce crime raciste d'attentat, préférant évoquer une « attaque » par balles, et ce, malgré la revendication ouverte du terroriste d’avoir agi par racisme et délibérément visé la communauté kurde.

Nous partageons ce sentiment de colère et souhaitons revenir encore une fois sur cette affaire et les interrogations qu’elle suscite dans un contexte où se multiplient les tentatives d’attentats imputées à l’extrême-droite.

Aussi l’équipe de CND tient une fois de plus à adresser ses condoléances et son soutien aux familles et proches des victimes.

 

Les faits

Vendredi dernier, en fin de matinée, un homme âgé ouvre le feu devant l’entrée du Centre Démocratique Kurde Français, situé au 16 rue d’Enghien, dans le 10ème arrondissement de Paris, où réside une part importante de la diaspora. Des commerces kurdes divers sont ensuite pris pour cible, notamment un restaurant, puis un salon de coiffure.

Le terroriste, armé d’un Colt 45 1911 de l’US Army, tire neuf fois et sera finalement interpellé.

Mis en garde à vue, il sera arrêté avec une mallette contenant « deux ou trois chargeurs approvisionnés, une boîte de cartouches calibre 45 avec au moins 25 cartouches à l'intérieur. ».

L’assassin, William Mallet, est un Français âgé de 69 ans, conducteur de train qui avait déjà été arrêté l’année précédente pour avoir attaqué des migrants à l’arme blanche en lacérant des tentes muni d’un sabre, puis en tentant de tuer un exilé qui s’était défendu avec cette même arme.

Placé un an en détention provisoire et tout juste relâché le 12 décembre dernier, l’homme n’a pas été fiché malgré plusieurs condamnations pour détention d’armes illégales en 2016 et 2017.

Le mobile raciste est revendiqué, l’assassin assume une haine viscérale vis à vis des populations racisées.

Il explique en vouloir à tous les migrants et spécifiquement aux kurdes pour le fait d’avoir faits prisonniers des soldats de Daesh, au lieu de les exécuter.

Le Monde rapporte que le suspect a déclaré aux enquêteurs que, le matin de l’attaque, il s’était d’abord rendu à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) muni de son arme « pour commettre des meurtres sur des personnes étrangères », selon le parquet. Il a finalement renoncé « compte tenu du peu de monde présent et en raison de sa tenue vestimentaire l’empêchant de recharger son arme facilement ».

Conduit en psychiatrie, sa garde à vue a été levée.

 

Les victimes

Le Centre Démocratique Kurde Ahmet-Kaya, un lieu de vie important pour les communautés du peuple kurde, accueille 24 associations et regroupe des activités en lien avec la culture et la vie politique. Trois personnes y ont été assassinées :

Emine Kara est une responsable du Mouvement des Femmes Kurdes en France. Combattante du Nord-Est de la Syrie, elle était initialement venue en France pour se faire soigner après avoir été blessée par Daesh.

Mir Pewer, réfugié politique, était un artiste, poète et chanteur kurde dont les paroles engagées dérangeaient profondément le pouvoir turc.

D’après Berivan Firat, porte-parole du CDKF, le dictateur Erdogan en personne redoutait ses compositions.

Abdullah Kizil, était un homme âgé qui avait pour habitude de venir quotidiennement dans ce centre. Il aurait dévoué sa vie aux combats des Kurdes.

 

La répression comme réponse d'État

Une fois de plus, l’ordre républicain se distingue par son mépris odieux.

Le ministre l’intérieur exclut immédiatement le mobile politique de cet attentat, ce qui rajoute de l’huile sur le feu et attise naturellement la colère de la population kurde.

Pour en rajouter une couche, Gérald Darmanin n'a pas hésité à laisser la police française attaquer une population endeuillée qui se recueille le soir-même d’un attentat. Un manifestant a été grièvement blessé à l’œil par un tir de lacrymogène.

Cette manière de procéder rappelle que le départ du préfet Lallement, remplacé par Laurent Nunes ne change rien et que l’ère du tout répressif ne fait que commencer.

Toutefois, la dignité kurde a su tenir tête à la honte républicaine et a prouvé sa détermination partout en France, notamment à Paris et Marseille.

 

Un sentiment de colère et des questions

Outre l’attitude tout bonnement irresponsable des forces de l’ordre, que dire une fois de plus de la piteuse couverture médiatique des grands groupes de presse ? Est-il si difficile d’utiliser les mots « terrorisme » ou « attentat » dans une situation appropriée ?

Rien n’évolue a ce sujet, mais ce n’est pas une surprise. Pas plus que le peu de temps accordé à interroger les motifs du terroriste et surtout les conditions, l’ambiance générale et les discours qui ont inspiré son acte et sa manière de penser.

Évidemment, nous retrouvons aussi cette géométrie variable qui refuse de s’attarder sur les violences policières et la volonté délibérée d’attaquer des manifestants à Paris et Marseille.

Nous n’attendons rien ni de ces médias, ni de la classe politique et évidemment encore moins de l’État français. Il y a cependant matière à être inquiet et à s’interroger.

La classification immédiate en tant qu’irresponsable du meurtrier qui a pourtant revendiqué fermement son acte en tant que raciste et dit avoir ciblé spécifiquement la communauté kurde laisse songeur.

L’immense majorité des auteurs d’attentats d’extrême-droite sont immédiatement considérés comme « fous » et ne seraient donc pas responsables de leurs actes, et la France n’est pas une exception. Nous devons nous questionner sur les qualifications à géométrie variable concernant les actes terroristes.

On retrouve des cas similaires partout dans le monde occidental. Faut-il rappeler qu’il a fallu plusieurs contre-expertises obtenues sous la pression pour prouver que Anders Behring Breivik, auteur d’un attentat épouvantable en Norvège en 2012 n’a pas agi par « pulsions délirantes » ?

Le racisme est le produit d’une construction sociale et un système de domination politique, pas une pathologie liée à des troubles d’ordre psychiatrique.

Comment et surtout pourquoi peut-on bâcler la possibilité d’une enquête aussi rapidement, 24 heures après les faits alors que des militants nationalistes et racistes sont ces derniers temps régulièrement arrêtés pour projeter des attentats ? La personne revendique clairement son acte.

Nous savons aussi que le peuple kurde est la cible de tous les impérialismes régionaux au Kurdistan et donc que ses ennemis sont nombreux allant de l’État turc à Daesh en passant par l’extrême-droite mais aussi l’État iranien où la communauté kurde joue un rôle phare dans les révoltes actuellement en cours.

Il paraît tout de même invraisemblable d’exclure d’office la possibilité que l’assassin aurait pu agir pour le compte de quelqu’un en y trouvant ses intérêts. Le profil des victimes ainsi que leurs engagements respectifs laisse tout aussi songeur. Pour finir, qui était le conducteur du tireur ?

Les soupçons envers les sbires d’Erdogan, plus particulièrement la mafia des Loups Gris paraissent tout à fait justifiés même si nous ne connaîtrons malheureusement peut-être jamais la vérité.

Nous rappelons aussi que cet attentat survient, quasi jour pour jour, presque dix ans après un autre attentat qui avait causé la mort de trois militantes kurdes : Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez, tuées par Ömer Güney, agent du renseignement turc (MIT) surnommé « la source ».

Ce dernier, décédé d’un cancer du cerveau en 2016 dans un hôpital parisien, était membre des Loups gris : une organisation paramilitaire d’extrême-droite ouvertement mafieuse, dont la branche politique, le MHP, est actuellement alliée à l’AKP du dictateur Erdogan pour lequel il sert de milice.

L’enquête avait été classée sans suite et les familles n’avaient pas été reçues par les chefs d'État ou leur ministres. Et l'enquête suite à une deuxième plainte visant les commanditaires demeure obstruée par le secret-défense.

L’État français n’avait pas souhaité froisser son homologue turc, également membre de l’OTAN.

Pour en revenir à cette affaire, comme souvent les obstacles à la manifestation de la vérité et de la justice seront des facteurs parmi les plus rageants, que le terroriste ait agi seul ou pas.

Car c’est aussi de ça dont il s’agit lorsqu’il s’agit de justice sociale, d’honorer la mémoire des martyrs et de pouvoir faire intégralement son deuil.


Au lendemain des attentats du 13 novembre le PS ouvrait la voie à l'extrême-droite

Assignations à résidence, perquisitions administratives, déchéance de nationalité : la réponse aux attentats a marqué le virage illibéral autoritaire en France

 

Il y a quelques jours, nous commémorions les attentats du 13 Novembre en pensant aux victimes.

À l’heure où tout le monde parle du danger de l’extrême-droite, il est bon de rappeler les événements qui ont suivi le 13 Novembre 2015, et que la gauche a accéléré le racisme d'État et les mesures autoritaristes de manière spectaculaire.

L’État d’urgence mis en place au lendemain du massacre du Bataclan aura été un accélérateur et même un moteur liberticide et raciste, ouvrant la voie à la situation actuelle.

Pour rappel :

La préfecture avait autorisé des perquisitions administratives dans les domiciles, de jour comme de nuit, par simple accord du juge antiterroriste.

Dans un rapport, l’association Human Rights Watch énonce que « Ces abus ont traumatisé des familles et entaché des réputations, donnant l’impression aux personnes ciblées d’être des citoyens de seconde zone. »

Des milliers de familles musulmanes ont été perquisitionnées de manière complètement arbitraire sous des prétextes complètement fallacieux de dénonciation sur base de la suspicion.

On dénombre 3200 perquisitions, environ 400 assignations à résidence, des dérives graves (violences policières) qui aboutiront à seulement cinq ouvertures d’enquête.

Le Défenseur des droits reçoit des dizaines de plaintes, et le CCIF documente 180 cas d’assignations à résidence et de perquisitions abusives, ce qui semble largement en dessous de la réalité car beaucoup de familles n’ont pas osé porter plainte ou dénoncer ces dérives.

Les assignés à résidence sont humiliés, privés de leur liberté de circulation et stigmatisés.

Les autorités contraignent les personnes à rester à leur domicile jusqu’à 12 heures par jour, limitent leurs déplacements et peuvent exiger qu’elles se présentent au commissariat jusqu’à trois fois par jour

Parmi eux, une poignée d’écologistes à la veille de la Cop-21 pour des raisons toutes aussi fallacieuses seront aussi touchés par ces mesures.

Comble de l’ignominie, la proposition d’une loi sur la déchéance de nationalité qui fera même démissionner des ministres.

Ces mesures marquent le début d’une islamophobie d’Etat décomplexée et une avancée supplémentaire en faveur de la surveillance globale.

Seules les organisations de l’antiracisme politique ont réagi, malaise du côté des complices du gouvernement Valls, ne serait-ce que par leur silence. Où était l’antiracisme moral et institutionnel à ce moment-là ?

Du bilan de 5 ans de gauche au pouvoir, en plus de l’ultra-libéralisation, nous ne retenons que ces excès répressifs envers les manifestants, la normalisation de l’islamophobie au niveau institutionnel et la continuité de la chasse aux exilés, ainsi que le durcissement des conditions d’asile.

Toutes celles et ceux de gauche qui se sont tus pendant cette période peuvent continuer à la mettre en veilleuse, ils sont tout aussi responsables de la montée du fascisme que Bolloré.


Froid, restrictions : l'école va mal

L'école va mal : entre 10 et 14 degrés dans certaines classes, distribution de polaires, économies à la cantine

Marquée par une reprise difficile où se multiplient les annonces de fermetures d’établissements scolaires faute de personnel et de moyens, l’Éducation Nationale continue sa chute vertigineuse dans le précipice, et l’atterrissage pourrait être dramatique.

Des collectivités territoriales ont fait leur choix, et elles estiment que les bâtiments coûtent trop cher pour être chauffés. Il faut faire des économies en priorité là où nous avons le plus besoin de moyens : l’éducation et la santé.

On remarque que le gouvernement n’a pas les mêmes difficultés quand il s’agit de débloquer des fonds pour équiper la répression et recruter des policiers et que lutter contre l’évasion fiscale ou rétablir l’ISF n’est pas à l’ordre du jour.

Ainsi, dans plusieurs écoles, on fait cours dans le froid.

Dans l’Oise, à Laigneville, il est dorénavant interdit d’ouvrir les fenêtres pour économiser la chaleur (source Courrier Picard).

Un comble sachant que c’est en hiver que risquent de revenir à la hausse les épidémies de type Covid-19 ou encore de grippe.

À Rouen, les écoles n’avaient pas rallumé le chauffage trois jours après la rentrée et certaines allaient jusqu’à inciter les parents à venir récupérer leurs enfants évoluant entre 11 et 15 degrés. Le problème semble cependant avoir été résolu depuis.

Dans la commune de Périers (située dans la Manche), l’école est allée jusqu’à investir dans l’achat de 6000 euros en polaires distribués aux élèves (source Le Parisien).

De la Seine et Marne à la Dordogne, en passant par la Vendée, le Conseil Départemental réduit et limite la température à 19°C en salle de classe et 17°C dans les couloirs. Et il est de plus en plus envisagé d'en faire une norme au niveau national.

Un collège d’Avignon dans la Vaucluse (le collège Lavarin), avait récemment décidé de fermer tout l’hiver sa section SEGPA et de se délocaliser à trois kilomètres faute de moyens.

Finalement, à la suite d’une mobilisation importante des parents d’élèves, cette décision a été annulée.

Pas de quoi se réjouir pour autant, cet exemple en dit long sur l’état de nos institutions et leur futur proche. Cela témoignera peut-être aussi bientôt aussi des disparités et inégalités entre les communes, départements et régions, car tous n’ont pas les mêmes moyens.

Autre exemple concernant les lycées, dans la ville de Toulouse, France Bleu rapporte que la région Occitanie a demandé à des lycées d’économiser sur les menus dans les cantines. Au lycée international de Colomiers par exemple, on devra vraisemblablement choisir entre l’entrée et le dessert, à Déodat on doit déjà choisir entre le fromage et le fruit.

Même son de cloche dans la plupart des universités, avec toujours cette réduction de 1°C.

Nous pouvons également citer un fait notable : l’Université de Strasbourg fermera deux semaines supplémentaires cet hiver.

Être classée en tant que 8ème puissance mondiale et parmi les premières du continent soi-disant le plus « développé » n’empêche définitivement pas d’être confrontés à des choix politiques contre sa propre population, en la contraignant à être conditionnée par la précarité dès le plus jeune âge.

C’est une volonté délibérée de préférer faire souffrir celles et ceux qui vont à l’école que de taxer les ultras riches.

Du plus jeune âge à la vie d’adulte en passant par l’adolescence, tous vont en pâtir.

Le corps enseignant doit absolument prendre ses responsabilités sachant qu’il est déjà trop tard. Nous n’avons donné que quelques exemples à un mois et demi du début de l’hiver.


🇹🇿 Tanzanie : soulèvement Massaï contre leur expulsion de la réserve de Ngorongoro

Située dans le nord de la Tanzanie, la réserve naturelle du parc de Ngorongoro s’étend sur 8288 kilomètres carrés. Faiblement peuplée, sa population y est majoritairement Massaï, vivant entre le Nord de la Tanzanie et le Sud-Ouest du Kenya. Estimée d’environ 8000 habitants dans les années 50, le nombre d'habitants vivant dans cette zone serait composée aujourd’hui de plus de 100 000 personnes.

D’après le magazine Géo, la quantité de têtes de bétail serait passé d’environ 260 000 en 2017 à plus d’un million aujourd’hui, majoritairement des bovins.

Jusqu’à présent, les gouvernements successifs de Tanzanie ont toujours autorisé les populations autochtones à rester vivre sur leurs terres, (oui la lecture de cette phrase est scandaleuse).

A cause du réchauffement climatique, la saison sèche dure dorénavant plus longtemps.

Celles et ceux qui vivent dans cette réserve, se retrouveraient parfois en concurrence avec la faune sauvage à la recherche d’eau. La cohabitation avec les animaux sauvages, avait jusqu’ici toujours été optimale.

Il serait dorénavant moins rare d’y voir des accidents : attaques sur le bétail et parfois même sur les humains.

C’est sur cet étrange prétexte, réfuté par la population Massaï, que s’appuie le gouvernement tanzanien, dirigé par la présidente Samia Suluhu Hassan et le premier ministre Kassim Majaliwa pour faire appliquer “un plan de conservation.” Le son des cloches porté par les vaches est accusé de faire fuir les animaux sauvages et de nuire au tourisme, secteur qui représente 18% du PIB tanzanien. En plus de déplacer des populations, l’Etat propose l’instauration d’un système de balises qui séparerait les animaux sauvages des hommes. Sauf que la vraie raison semble être toute autre.

D’après Mr Mondialisation : “l’entreprise Otterlo Business Company (OBC), basée aux Émirats arabes unis (EAU) qui organise des excursions de chasse pour la famille royale de son pays et ses invités devrait obtenir le contrôle de la chasse commerciale dans la région.” L’Allemagne serait également engagée dans ce processus au nom de l’écologie. “La Zoologische Gesellschaft Frankfurt (Société zoologique de Francfort) finance des gardes forestiers et des agents de protection de la nature, dont certains, selon les Massaï, ont été impliqués dans les récentes expulsions.” Fiore Longo (Survival France) alerte “Les conservationnistes qui travaillent en Tanzanie, comme la Société zoologique de Francfort (FZS), basée en Allemagne, prônent un modèle de conservation raciste et colonial qui est celui de la conservation-forteresse. La FZS considère la population locale et son bétail comme l'une des principales menaces à la survie de l'écosystème, promouvant ainsi le mythe d'une "nature sauvage" sans population, qui a depuis le début servi de philosophie sous-jacente aux expulsions des Massaï."

L'État tanzanien est donc accusé de vouloir transformer les parcs naturels en zones uniquement réservées à l’usage touristique pour des safaris et même destinées à la chasse aux trophées. Héritière caricaturale de la domination coloniale, cette pratique est ainsi très éloignée des prétentions écologistes.

Des compensations seraient proposées à celles et ceux qui acceptent un déplacement 370 kilomètres plus loin.

A la clé : des promesses de meilleures conditions de vie, d’écoles et hôpitaux à proximité, ou encore un accès à l’électricité. Problème : en plus de forcer ce mouvement, par le passé, les déplacés n’ont que rarement reçu des compensations, se retrouvant parfois dans la misère.

La majorité des autochtones semble rester méfiante et hostile quant à cette décision d'exil, et bien décidée à y faire face. D’autant que les précédents ne vont pas dans ses intérêts. En 2018, après trois ans d’enquête, un rapport publié par Anuradha Mittal pour la Oakland Institut, témoigne de nombreuses exactions répressives de la part de l’armée tanzanienne à l’encontre des Massaï : après les déplacements forcés, 20 000 personnes se seraient retrouvés SDF dépourvus de biens et de bétails. « Les entreprises touristiques veulent une savane immaculée, le genre d’image qu’on voit dans National Geographic ou à la télévision, la savane avec les lions, les bêtes sauvages... Ils ne veulent pas voir d’êtres humains. Ils nient l’existence de cette population, qui vit pourtant sur cette terre depuis toujours. ». (...) “« L’armée affirme qu’elle protège le parc national du Serengeti, mais les villageois ont été battus sur le territoire de leur village, et pas dans le parc. C’est un vrai climat de répression, on leur dit "comment osez-vous aller devant la Cour de justice régionale ?" ». (Oakland Institut)

 

 

Les tensions semblent s’amplifier et atteindre un nouveau tournant après une nouvelle offensive de l’Etat. La police aurait blessé plus de 40 personnes par balles et dans ces affrontements, un policier aurait été tué par des flèches. Le militant des droits de l’homme Joseph Moses Oleshangay rapporte que « La police, les militaires sont arrivés dans le village, sans prévenir. Ils ont commencé à installer des balises de démarcation. Les villageois ont résisté. Les policiers ont commencé à utiliser des gaz lacrymogènes et des munitions. Beaucoup de gens ont été frappés, blessés. Des habitants ont commencé à tirer des flèches et je pense que c'est comme ça que le policier a été touché.”

De son côté, le commissaire de police rétorque « Il est très regrettable qu'un policier ait été tué par des flèches tirées par un groupe de personnes qui voulaient bloquer la pose de balises et a même voulu attaquer ceux qui menaient ces opérations ». (Source RFI)

D’après Reporterre, le 10 Juin dernier, “au moins 18 hommes et 13 femmes ont été la cible de coups de feu, tandis que 13 autres ont été blessés à coups de machette”.

Aux quatre coins du globe, le droit à la terre est bafoué et les populations autochtones chassées et humiliées alors qu’ils sont les vrais gardiens garants de la faune de ces zones que les programmes qui les chassent ne parviennent pas à sauvegarder. Il y a le plus souvent non seulement des intérêts économiques mais aussi le désir de s’accaparer une terre pour s’y sentir comme dans son jardin. Il s’agit ici, encore une fois d’un cas d’école du néo-colonialisme vert.

Source vidéo : Anonyme citoyen, Survival France