Et maintenant ? Une "victoire" relative au milieu des défaites.

Avant propos : ce texte comme le précédent reflète une vision de membres de CND. Nous avons des débats internes et nous avons fait le choix de publier deux textes dont les conclusions parfois se rapprochent, d'autres fois s'éloignent. L'équipe n'incite pas à voter ou s'abstenir car nous estimons que ce n'est pas notre rôle. Nous ne prenons pas les urnes comme une solution à tout, juste un moindre mal. Voter, même dans ce contexte, incarne un acte militant assez désespéré pas si significatif, mais qui ne coûte rien. Voici de quoi ce choix est le nom, pour une partie de l'équipe ayant décidé d'y prendre part. Le système que l'on veut détruire existe, nous faisons avec. Qui plus est dans une séquence vide en termes de mobilisations.

 

Pas de remède miracle dans une époque merdique

Dans ce scrutin marqué par une abstention écrasante, une extrême-droite propulsée par Macron qui réalise un score auquel elle-même ne croyait pas, beaucoup de choses ont déjà été dites. L'assemblée est bien à droite.

Toutefois, dans ce chaos, il paraissait important de revenir sur les quelques aspects plutôt positifs aussi minimes soient-ils.

Ce texte écrit à chaud, n’a pas vocation à surestimer l’UP et la NUPES, encore moins faire sa promotion, ni à la descendre volontairement. Plutôt à entamer un début de réflexion sur les perspectives à venir maintenant que la séquence électorale se termine.

Il ne nous a pas échappé qu’un nombre important de sympathisants aux idées révolutionnaires, antifascistes, antiracistes, féministes, écologistes, sensibles aux inégalités sociales ont décidé de prendre part au vote.

Parmi ces soutiens, on retrouve une multitude de profils avec des postures différentes : méfiance, scepticisme, désespérance, confiance, enthousiasme, convaincus, peu importe : chacun(e), ses raisons personnelles d’y trouver un intérêt collectif.

Il faut reconnaître que pour une fois, le curseur a été placé à gauche et cela a fonctionné.

Toutes les social-démocraties ne se valent pas, Mélenchon n'est pas Valls quoi qu'on pense de lui.

L’Union Populaire a choisi une ligne de “rupture” sur un certain nombre de sujets, y compris là où ou ses positions étaient inexistantes en 2017. Cette prise de position a été payante quand on voit d'où elle part.

En plus de l’aspect social, de l'islamophobie aux violences policières, en passant par la sortie de l’OTAN, ou encore un programme écologique à la hauteur des enjeux vis-à-vis de l’urgence de la situation, la gauche a pris ses responsabilités.

Cette étape politique témoigne aussi de l'influence de l’autonomie des luttes : Gjs, anti-racisme, écologie, et d’une certaine manière syndicale, après la réforme des retraites qui émane plutôt des bases syndicales que des directions. C’est aussi notre incapacité à organiser et structurer nos luttes sur la durée, qui font que ce vote apparaît comme la solution la plus viable. Pour beaucoup, c’est tout ce qui reste après trois ans de mouvements sociaux qui ont ébranlé la Macronnie, puis ce vide quasi sidéral qui a suivi les restrictions sanitaires liées à la pandémie du Covid.

Réalistement, sur le plan hégémonique, un leader de la gauche, qui affirme sans concessions que la police tue ou que les musulmans ne représentent aucune menace, c’est une petite victoire dans un contexte aussi rude.

Quand il le dit, des millions de personnes l’entendent, nous n'en touchons que quelques milliers généralement déjà acquises à notre cause.

Plus Hollande puis Macron ont placé la ligne à droite, plus l’extrême-droite a progressé sur tous les plans : électoralement, et banalisation de ses idées y compris terroristes sur tous les plateaux TV.

L'inverse nous sera bénéfique. Cette époque nous étant plus que défavorable, nous comprenons que ce vote puisse être perçu comme une petite bouffée d’air.

Représentativité :

Durant les présidentielles, la personnalité de Jean Luc Mélenchon a su créer un dynamisme notamment là où on ne l’attendait plus, c’est indéniable dans certains quartiers populaires ou chez une partie de la jeunesse, mais cela reste relatif vu les taux d'abstentions.

La gauche radicale a également progressé dans cette France dite périphérique où se trouvaient de nombreux GJs, mais elle échoue largement dans les campagnes et ne parvient pas à maintenir cette petite flamme durant les législatives. Si la figure de JLM se démarque, cette personnification est logique et probablement nécessaire vu le fonctionnement de la cinquième république : nous avons des figures faisant office de références. Il paraît cependant bien seul à se démarquer.

La représentativité ne fait pas tout : par les temps qui courent, on pourrait même imaginer un fils d’immigré travailleur chez Uber Eats se présenter pour un parti de droite.

Cependant, cela demeure quand même un point à soulever, car il sert de référence aux yeux des masses.

La NUPES échoue à ce niveau là aussi avec un manque d’ancrage évident et de rupture avec la gauche traditionnelle, comme en témoignent les têtes de listes dans le 93 ou son manque d'attractivité et de lien avec les milieux associatifs. Sérieusement, qui a envie de voter pour Villani ?

Néanmoins, on ne saurait cacher notre satisfaction et notre respect après la victoire de Rachel Kéké, première femme de chambre députée.

Ce n’est pas assez, certes, mais qu'attendre de plus d'un hémicycle aussi bourgeois ? Ceci-dit, quoi qu'on pense d'eux, les 17 députés LFI ont tenu tête à eux seuls sur bien des sujets : lois liberticides et racistes, écologie, sociales. Avec dix fois plus d'élus, sans majorité absolue, leur marge de manoeuvre pour faire contrepoids peut s'avérer utile, toutes proportions gardées.

Tout ceci c’est bien beau mais maintenant ? On fait quoi ?

Nous ne se faisons aucune, illusion, ce vote n’est pas une fin en soi, c’est une posture anti-raciste, écologique et sociale. Un pansement sur une hémorragie. Une simple étape qui aide à définir dans quel cadre on préfère lutter ou faire partiellement avancer nos idées.

Aussi, au risque de radoter des arguments gauchistes, des choix nous laissent forcément encore plus perplexes. Déjà, parce que même si elle avait gagné, on voit difficilement comment elle aurait pu appliqué son programme, étant donné un rapport de froce disproportionné face au CAC 40 et aux institutions.

Ensuite, le côté gauche plurielle fait forcément peur. Redonner une seconde vie à un PS mourant qui méritait d'être achevé et à une EELV/PCF moribonds semblait indispensable si la NUPES souhaitait faire son score le plus élevé, mais à quel prix ? Sachant que son absence au second tour tient aussi de la responsabilité de ce sinistre clown de Fabien Roussel et du clown libéral Jadot, quel intérêt de les maintenir en vie, alors que de toute façon la NUPES ne pouvait pas gagner ?

Le PS aura finalement un groupe, même si son aile la plus nuisible et la plus pathétique a décidé de continuer son suicide (Hollande, Moscovici, Cambadélis etc.), il n’en demeure pas moins que Olivier Faure, au même titre que Fabien Roussel se range pour le moment du côté des meurtriers en défendant la police, après qu’une femme a été abattue par plusieurs balles. On se doute que leur position sera très marginalisée face à la déferlante UP, mais qu’en sera t'il au moment de trancher ?

C'est peut-être mieux que la gauche ne prenne pas le pouvoir de suite, en foutant en l’air le peu d’espoir qu’elle inculque à l’image des années Jospin ou Hollande. Sa posture d’opposante légale permettra peut-être de faire un premier tri.

La NUPES sera confrontée d'office à un certain nombre de désaccords sur des points essentiels. D'un côté sur sa politique intérieur : nucléaire, rapport à la police, islamophobie, laïcité ou la politique migratoire.

Sur sa politique internationale de l’autre : son rapport aux USA et l’OTAN, du danger que représente l’Union Européenne, de la Françafrique, ou encore de sa prise de positions sur des questions comme celle de la Palestine, du Yémen, ou encore le cas des relations à la Chine, la Russie et les pays du Golf.

Et puis, il y a “nous”, qui avons mené des combats synthétisés par ce vote. Nous que la gauche dite radicale ne consultera pas en parlant entre notre nom. Nous qui subissons, avons tenté d’agir et subi la répression.

Nous savons que nous serons abandonnés au moindre fait divers, à la moindre poubelle qui brûle. Avant même d’avoir des députés, c’est déjà la limite de l’UP.

Pas que nous soyons dans la fétichisation de l’émeute ou du zbeul pour le zbeul, juste qu’elle est un juste retour de la violence sociale, parfois même une pratique qui peut même s’avérer efficace mais surtout fatalement inévitable. Cette expression doit être comprise, elle est tout sauf aveugle. Le nier, c’est abandonner les milliers de GJs auxquels on avait promis une amnistie et surtout nier les références révolutionnaires. Les sans-culottes étaient des casseurs monsieur Mélenchon ! On ne demande pas à l’Union Populaire de soutenir ça, de toute façon nous n'attendons rien d’elle, mais si parfois elle se tait c’est pas plus mal.

Parlons court-terme, un scénario plausible est que Macron va devoir dégainer le 49.3 systématiquement dans une situation inconfortable. Il va attaquer sèchement sur la réforme des retraites et tout une liste de réformes anti-sociales.

Avec une majorité partielle, il se retrouve dorénavant confronté à deux fronts : un hémicycle qui ne lui est plus vraiment acquis. Et le plus important pour nous : la rue qui attend sa revanche.

Si certain(e)s d’entre nous ont fait le choix délibéré de ce vote, il est très majoritairement critique et nous n'en attendons pas grand chose de peur d'être déçus.

Quant à la gauche, la balle est dans son camp, qu’elle forme ses cadres, se confronte un peu au terrain des luttes, et se radicalise un peu plus, notamment dans son rapport au système.

L’élection se termine, cette partie n'est plus de notre ressort, nous reprenons la lutte et la rue en espérant que cette petite dynamique nous sera également profitable.


Et maintenant ? De si nombreuses défaites. Et si peu d'horizon.

Ce texte est un point de vue qui n'est pas partagé par l'ensemble du collectif CND. Un autre texte sera diffusé dans la foulée pour offrir le contre-champs.

 

Nous sortons enfin de 6 mois de campagne présidentielle puis législative ayant totalement anesthésié la France, qui était déjà tétanisée par deux ans de covid. Comment ressort-on de cette période ? Avec Macron à nouveau président pendant 5 ans, et son parti fantoche qui conserve une majorité à l'assemblée (quoique fragilisée par rapport au précédent mandat).

Voir Macron et son monde à nouveau aux commandes du pays revêt un goût amer quand on constate son impopularité et qu'on se souvient de son terrible bilan d'un premier quinquennat de destruction et d'ultra libéralisme.

Défaite également au vu de la montée du RN, tant aux présidentielles qu'aux législatives. Le parti de Marine Le Pen n'a jamais été aussi haut. C'est d'autant plus flippant quand on y additionne les voix de tous ceux qui ont ouvertement, depuis des mois, tenu des propos racistes et xénophobes, de la République en marche au RN en passant par les Républicains. Si l'on s'en tient strictement au résultat de ces deux élections (hors abstention), la France penche terriblement à droite, et même plutôt à l'extrême droite.

Et puis il y a la NUPES.

Certains s'enthousiasment de la dynamique créée lors de la présidentielle puis des législatives. Et de son nombre "historique" de députés. Évidemment, face aux partis cités précédemment, on ne peut que se dire qu'il vaut mieux des députés NUPES que des députés en Marche, LR ou RN. Mais est-ce suffisant pour appeler cela une victoire, quand bien même l'assemblage de circonstance aurait décroché la majorité ?

Lors des présidentielles, l'Union Populaire a bénéficié d'un phénomène important de vote utile. Mélenchon étant en tête des candidats capables d’empêcher Marine Le Pen d'être au second tour, de nombreux électeurs ont voté pour lui dans l'objectif d’éviter à nouveau un second tour Le Pen / Macron. Malgré ce phénomène, le score de Mélenchon n'est pas énorme et ce premier tour fait partie des plus bas scores de la gauche à un premier tour de présidentielle.

Lors des législatives, Mélenchon a surfé sur une autre vague : celle d'une union la plus large possible à gauche, au point d'aller chercher des partis qui n'ont plus de gauche que leur nom ou leur lointain passé. Des groupes qui font objectivement partie du problème et du monde à détruire, du PS en passant par le PCF ou les écologistes façon Jadot. Malgré cette union très large et contre nature, la gauche (NUPES et divers gauche) ne compte que 142 députés (sur 577). En dehors des dernières législatives de 2017, où le parti de Macron a fait l'illusion au sein de l’électorat de gauche, c'est l'un des plus bas scores pour la gauche l'histoire de la 5e république.

Au delà des résultats, la victoire de Mélenchon (et sans doute notre défaite) aura été de détourner une partie non-négligeable de la contestation sociale et des dynamiques révolutionnaires vers une organisation électoraliste. La France insoumise aura donné à bon nombre de nos camarades l'illusion que nos luttes avaient une chance d'aboutir au sein du système. Or il n'en est rien. Mélenchon, le soi-disant ennemi de la République (au yeux caricaturaux des médias et autres partis adversaires de la NUPES), est sans doute l'une des figures politiques les plus attachées au modèle du jacobinisme français que nous réprouvons. Il est un fervent défenseur du modèle républicain et ne révolutionnera en rien l'organisation sociale et politique de ce pays. Sans compter que cette NUPES remet sur le devant de la scène et redonne de la légitimité à des partis qu'on pensait enfin tombés dans les oubliettes de l'histoire politique française.

Cette alliance donne en effet quelques années supplémentaires au PS et aux autres partis de la sociale démocratie, lesquels ont tant trahi les attentes de la gauche au point d'en devenir des adversaires. Disons le clairement : nous aurions préféré une NUPES à 5 ou 10% de moins au second tour des législatives mais sans le PS ou le PCF.

Mais au delà de ces questions de stratégies partisanes et électoralistes, ce qui nous interroge le plus, c'est la capacité qu'a eu le système, au moment où il était le plus décrié et remis en cause (GJ, crise écologique et sociale, révolte anti raciste), de réussir à présenter comme une alternative radicale une option faisant partie du système et ne le remettant nullement en cause.

Nous comprenons les raisons individuelles qui ont pu pousser de nombreux militants, engagés depuis des années dans toutes les luttes sociales et écologiques, à se ranger, au moins le temps des élections, du côté de cette alliance "de gauche". Clairement la "moins pire" des options.

Car toutes ces personnes, qui ont vécu la répression ultra violente du pouvoir, et les échecs de leurs luttes malgré des mobilisations massives et/ou malgré leur radicalité, estiment que l'issue ne sera pas seulement dans la rue, mais aussi dans les urnes. Quand bien même elles ne se feraient pas d'illusion au sujet de l'atteinte de leurs objectifs, l'idée était pour elles de "respirer", de "gagner du temps" face à la répression et l'autoritarisme de la Macronie. De plus, la séquence actuelle fait suite à deux années de crise sanitaire, ayant réduit à peau de chagrin tous les élans contestataires, ainsi que les possibilités d'amplifier des luttes sur des revendications pourtant urgentes ( services publics, santé, social, coût de la vie etc...)

Soyons clairs, et redisons le avec force, l'objectif des luttes radicales est bien de renverser un système qui détruit les plus pauvres et les plus faibles, tout autant qu'il détruit la planète. Et qu'importe si cela passe par des voitures de luxe brûlées, par des sièges de multinationales occupés ou par l’élection d'un candidat "radical". Notre horizon n'est pas dans l'acte, si jouissif (ou poussif) soit-il, mais dans son résultat.

Et à cette lecture, force est de constater que la lutte dans la rue ressemble de plus en plus à une impasse, que ce soit dans des manifestations déclarées, aussi massives soit-elles, que dans des rassemblements plus émeutiers, rapidement réprimés (physiquement et juridiquement) tout autant que stigmatisés.

Mais faire ce constat ne signifie pas que la solution se trouve du côté des partis du système, y compris ceux d'opposition à gauche. Les exemples sont malheureusement trop nombreux pour espérer une vraie remise en question du système de la part d'un partis de gauche qui accéderait au pouvoir. Que ce soit en France avec toutes les compromissions socialistes et communistes ou à l'étranger avec les exemples espagnols ou grecs, nous ne pouvons que constater que le système (qui dépasse largement le cadre national) est totalement en mesure d'absorber la présence de ces partis contestataires, et que leur présence au sein d'instances de gouvernement permet même de canaliser la colère des plus précaires.

Maintenant que les dés électoraux sont jetés, il convient de s'interroger sur les horizons possibles pour nos luttes dans les années à venir. Car l'échec est aussi celui de l'autonomie des luttes. Malgré un énorme engouement et de fortes dynamiques, notamment chez les plus jeunes, il n'a jamais été possible de construire des alternatives fortes et massives à ce système. Il conviendra donc de tenter autre chose dans les mois à venir, de ne pas répéter les mêmes erreurs, même si, avouons-le, ce système ne laisse que très peu d'espace possible pour faire avancer et amplifier nos luttes.


Des gaz qui ouvrent les yeux

« J’ai suivi Liverpool partout dans le monde. J’ai assisté à cinq finales en Europe. Je n’ai jamais vu une telle incompétence dans l’organisation. Mais le pire restera la brutalité horrible de la police française. Gaz lacrymogènes. Armes pointées sur les supporters. » C'est un journaliste spécialiste de Liverpool qui témoigne dans Médiapart au lendemain de la finale de la ligue des Champions au Stade de France.

Il y a les mots, et il y a les images aussi : des enfants suffocants et pleurant sous les gaz, 135 blessés annoncés officiellement, des scènes où les forces de l'ordre gazent à bout portant, gratuitement. Des policiers visant des supporters avec des LBD. La BRAV-M qui matraque tout ce qui bouge dans la fanzone à Nation, des journalistes obligés de supprimer leurs photos/vidéos de violences policières pour pouvoir entrer dans le stade et couvrir le match...

En une soirée, l'Europe a fait connaissance avec une réalité que côtoient des millions de Français depuis le premier quinquennat Macron. Car sincèrement, toutes les scènes vécues par les supporters anglais et espagnols samedi soir n'ont, tristement, rien d'inédit pour ceux qui sont habitués des manifestations sportives ou politiques.

Depuis 5 ans, et particulièrement depuis l'arrivée de Lallement à la tête de la préfecture de Paris, le pouvoir a décidé de gérer les « rassemblements » par une stratégie très radicale : la terreur. Traumatisé par les premiers épisodes des Gilets Jaunes, le pouvoir est convaincu que « la meilleure défense reste l'attaque ». Les unités de police, de CRS, les BRAV-M ont donc carte blanche pour balancer du gaz lacrymo, pour matraquer, pour tirer au LBD ou balancer des grenades de désencerclement. Pas besoin d'avoir commis une infraction pour être réprimé, il suffit que la police juge que vous avez le mauvais look, ou comportement.

Dans la presse aujourd'hui, chacun pointe les responsables du fiasco de cette finale : pour certains, ce serait la faute de supporters anglais qui auraient tenté d'entrer dans le stade avec des faux billets, pour d'autres, ce seraient des jeunes du 93 qui auraient eux aussi tenté d’accéder au stade... D'autres parlent de supporters anglais complètement saouls et irrespectueux. La police britannique de Liverpool présente au stade a évoqué des circonstances choquantes et défendu le comportement "exemplaire" des supporters des Reds pendant la rencontre, "la pire" à laquelle elle dit avoir jamais eu affaire en terme d'organisation

Il y a sûrement eu des dizaines de personnes qui ont eu des comportements répréhensibles lors de cette journée/soirée. Des dizaines sur près de 100 000 supporters présents dans une ville qui accueille la finale la plus importante de l'année en Europe. Mais cela arrive à chaque événement d'une telle importance dans le foot, notamment avec des clubs aussi populaires que Liverpool, avec plusieurs dizaines de milliers de supporters présents pour encourager leur club, même sans avoir la chance d'accéder au stade. Et pourtant, cela ne se passe pas comme ça habituellement - ailleurs qu'en France en tout cas.

D'ailleurs, il est notable de voir qu'il n'y a eu aucun affrontement entre les supporters de Madrid et de Liverpool, aucun acte qui aurait pu permettre au pouvoir de justifier sa stratégie ultra violente. Si la soirée s'est déroulée avec une telle violence, c'est tout simplement parce que la France a décidé de gérer les matchs de foot avec la doctrine du « tout répressif ». Et cela ne date d'ailleurs pas de Macron. Les Interdictions Administratives de Stade, qui ont été le laboratoire des restrictions de libertés désormais appliquées dans le domaine des luttes sociales et politiques, ont été érigées en principe, tout comme l'interdiction de fumigènes, la dissolution d'associations ou l'interdiction de déplacement. Les supporters français qui ont vu les images d'hier à la TV n'ont d'ailleurs pas dû être particulièrement étonnés. Cela ressemble à leur quotidien de supporters traités comme des sauvages et terrorisés en permanence.

On le voit bien, la doctrine de "maintien de l'ordre" française adoptée face aux supporters de foot est exactement la même que face aux militants politiques (Gilets Jaunes, antifa, écolo, étudiants...).

Dans la presse, de nombreux journalistes et même responsables politiques étrangers se sont interrogés sur la capacité de la France à organiser les Jeux Olympiques dans deux ans. Qu'ils se rassurent : ces JO devraient se passer dans le calme : cet événement sportif, si suivi soit-il à la TV, n'a jamais déchaîné les foules dans et surtout hors des stades. Les JO sont d'ailleurs le parfait exemple de ce dont rêve la société capitaliste pour le sport : un événement massif, permettant d’engranger des milliards, mais sans supporters. Avec de simples « spectateurs consommateurs ». C'est d'ailleurs aussi de cela dont rêve la FIFA et l'UEFA, même s'ils tentent de surfer sur la ferveur des supporters et en faire un atout marketing.

S'il fallait retenir deux choses de cette débâcle sécuritaire au Stade de France :

1/ La stratégie de la terreur menée par Macron/Darmanin/Lallement, proche d'un régime autoritaire, a éclaté aux yeux de tous. Elle a touché hier les supporters anglais mais les supporters français le vivent depuis des années, tout comme les militants politiques et sociaux.

2/ Le football, sport le plus populaire du monde, ne cesse d'être pris en tenaille entre les dérives ultralibérales de ses dirigeants, et une base de supporters qui reste populaire, y compris dans des clubs qui évoluent dans des sphères de milliardaires. Car si certains ont décidé de se couper des clubs de haut niveau pour se tourner vers des divisions inférieures (avec des clubs amateurs et/ou autogérés, que ce soit en Angleterre, en Italie ou en France), de très nombreuses personnes continueront de suivre et d'encourager des équipes qui ne voient en eux que des sauvages.

On remercie presque la presse étrangère d'être aussi choquée par les images du Stade de France. Car, au final, cela nous rappelle à quel point tout cela n'a rien de « normal » dans une "démocratie" (cependant qualifiée récemment de défaillante par le groupe britannique The Economist). La banalisation de la situation aurait pu nous faire basculer dans le doute, et nous faire penser que nous étions peut être dans l'exagération face au silence complice d'une grande partie des médias français depuis plusieurs années.

Il n'en est rien, et nous continuerons à pointer du doigt ces dérives autoritaires et répressives inacceptables.


Nous ne sommes pas N(D)UPES

- NUPES, 5 lettres pour tout reconstruire ? Ou pour tout détruire ? -

L'alliance entre la FI, le PS, le PCF, EELV et Générations est présentée par ses protagonistes comme historique. Elle l'est probablement. Mais pas dans le bon sens de l'histoire. Toutes les négociations et compromissions de ces derniers jours sont là pour maintenir le social-liberalisme le plus vomitif en place. Nous ne sommes pas dupes et nous ne seront jamais NUPES. Il n'y aura pas rupture par les urnes.

Si cette coalition opportuniste arrive à avoir une majorité à l'assemblée nationale, on ne pourra que se satisfaire que Macron perde sa majorité et vive une cohabitation.

Mais nous ne doutons pas que les 5 ans que la France connaitrait avec un gouvernement qui comporte des membres du PS, du PCF et de EELV ne serait qu'un quinquennat de social-démocratie de plus. Probablement moins ultra libéral que 5 ans de Macronisme. Certainement moins raciste aussi. Mais loin d'être en adéquation avec nos valeurs et combats.

Mais si ce n'était que ça, nous pourrions nous "satisfaire du moins pire". On en a tellement pris l'habitude depuis des décennies.

Non, là, les conséquences sont bien plus graves pour notre camp. Cet accord remet au centre du jeu les partis de la gauche moisie que nous avons tant vomis, à juste titre, depuis des années. Ces partis qui, année après année, ont été mis en échec électoralement. et qui allaient être marginalisés et renvoyés aux oubliettes de l'histoire. D'un coup d'accord électoral, et pour "simplement" réussir à avoir une majorité, l'Union Populaire a redonné plusieurs années de vie au PS ou au PCF.

Qu'on ne nous dise pas que cela va obliger ces partis à revenir dans des considérations plus radicales et plus à gauche. Comment croire encore ce type de raisonnement ? Le PS n'est plus un allié depuis des années. On n'ose même pas établir la liste des exemples tellement elle est longue, aussi bien au niveau national que local. Le PS fait partie du problème. Il est à combattre autant que les partis de droite et d’extrême droite. Et malheureusement, il n'est pas le seul à gauche.

Cette alliance va également couper ce qu'il reste de la gauche, d'une partie de la population qui ne rêve que de renverser le système, et certainement pas de pactiser avec lui.

Les stratégies électorales, les alliances ponctuelles, les compromissions permanentes sont à l'origine de la catastrophe actuelle à gauche.

Les élections et les structures de pouvoir ne sont pas pour nous le centre des luttes à mener. Il n'empêche, nous ne pouvons en faire abstraction dans nos raisonnements. Aussi, les choix faits ces derniers jours par une gauche qui se disait radicale, impactent durablement le paysage des partis politiques français.

Notre conclusion est qu'il ne faut clairement plus rien attendre des partis politiques de gauche. Qu'il va falloir construire en dehors de leur cadre, qu'on pensait sur la fin, mais qui ne cesse de revenir et de se renforcer.

Nous avons conscience qu’une partie de l’électorat de la gauche se retrouve aussi dans nos luttes. Pour nous c’est elle la plus importante car c’est elle qui influencera les lignes politiques du camp progressiste.

Nous combattrons toutes les formes de libéralisme. Que celui-ci soit le libéralisme autoritaire incarné par Macron, que ce soit le social-liberalisme désormais incarné par la nouvelle union populaire ou le libéralisme proto-fasciste des extrêmes droites.

Nous devons penser et organiser dès maintenant le mouvement social qui vient. Le capitalisme ne tombera pas par l'arrivée d'un Mélenchon premier ministre. Nos souffrances perdureront si nous croyons en eux. Nous sommes notre propre solution.

Organisons le mouvement social qui vient. Préparons le. Diffusons l'idée du mouvement de masse imminent dans nos quartiers, nos lieux de travail, nos bahuts. Préparons le calendrier, les échéances. Les jours de grève, les lieux stratégiques. Prenons le temps de le faire bien.

Quelques mois peut-être, pour voir arriver, après l'été, au retour des congés, le premier lundi matin de rentrée, le plus détesté de tous. Voir son lieu de travail, son bahut, sa fac, sa rue, occupés bloqués, sabotés. Dans le but d'envoyer un signal : leur monde est fini.


1ER MAI. PARASITER CE MONDE

On attendait pas grand chose de ce premier rendez-vous dans la rue du 2e quinquennat Macron. Pourtant, ce dimanche 1er mai, Paris a repris des airs de résistance et de riposte populaire. Pour la première fois depuis bien longtemps, on a senti de l'envie, de la puissance et du plaisir à lutter dans la rue. N'en déplaise aux petits bourgeois de la lutte pour qui la révolte est belle que lorsqu'elle est passée. Ou lointaine.

Le cortège de tête a compté plusieurs milliers de personnes. Cela faisait plusieurs mois qu'un si gros cortège pré syndical n'avait pas vu le jour. S'étalant sur plusieurs kilomètres, il se composait de différents groupes et ambiances, l'avant étant clairement noir et jaune, et très offensif. Sans nasse mobile, avec des forces de l'ordre à distance du cortège (sauf sur la fin en approche de Nation), ce cortège du premier mai a pu déployer différentes formes d'expression de la colère sociale qui couve : tags, banderoles, chants, barricades, banques défoncées, fanfares...

Ce n'était certes pas les premiers actes GJ, ni les manifs les plus deter de la Loi Travail. Il n’empêche, cela faisait du bien de retrouver une puissance collective.

C'est aussi et surtout un marqueur fort pour les mois et années à venir. On aurait pu penser que la réélection de Macron allait résonner comme un coup de massue. Le coup de massue est passé. Et les sauvages commencent à se relever. Qu'un seul tienne. Les autres suivront.

Évidemment, la classe politique et médiatique s'est vautrée dans la diarrhée verbale des condamnations, comme des cochons peuvent se rouler avec délectation dans la boue. Y compris au sein de "l'Union Populaire" et de son leader Jean-Luc Mélenchon, qui regrette que la préfecture n'ait pas agi plus fermement. Comme l'a dit Nantes Révoltée, "La sociale-démocratie réclame une répression plus efficace. Une gauche de rupture aurait expliqué que la colère est légitime et aurait protégé le cortège de la police. Une gauche révolutionnaire aurait appelé et participé directement aux actions anticapitalistes."

Cela aura eu le mérite de confirmer que ce monde là n'a rien compris de ce qui se passe dans notre société depuis plusieurs années. Que les alertes du cortège de tête, des Gilets Jaunes, des actions climats ou de la révolte BLM n'ont absolument jamais été comprises pour ce qu'elles étaient. Un désir profond de renverser ce système.

Pour beaucoup de manifestants, il n'y a même plus à chercher à "justifier" en quoi casser une vitrine d'une banque ou brûler une voiture de luxe est moins "grave" que détruire des vies avec une politique ultra libérale, voler des milliards grâce à des optimisations fiscales et détruire la planète par pur intérêt personnel. Sans même parler de comparer la pseudo violence des manifestants avec la violence de l’État et de son bras armé.

Non, pour beaucoup désormais, il n'y a plus à chercher à convaincre ces gens là, ni même les médias. Ce temps est révolu. Il a duré des mois avec les Gilets Jaunes. Ceux qui, aujourd'hui, ne comprennent toujours pas le font par choix idéologique. Il n'y a donc pas lieu de chercher à les convaincre que nous ne sommes pas des parasites.

La planète brûle, littéralement. Des millions de citoyens sombrent dans la pauvreté, et cela ne va que s'accentuer. Nos libertés ne font que diminuer de mois en mois. Pendant ce temps, les milliardaires et multi millionnaires n'ont jamais été aussi riches et puissants. Et leur président a été réélu pour cinq ans. Ce président responsable de milliers de blessés en manif, et de millions de personnes devenues pauvres. On est reparti pour 5 ans d'horreurs ultra libérales alors que le GIEC ne nous donne que 3 ans pour éviter la catastrophe climatique.

Ces barbares qui ont défilé devant les syndicats dimanche semblent donc bien plus conscients et bien plus humanistes que ceux qui tentent de les salir.

On ne doute pas qu'une partie de la stratégie de la préfecture (et donc du pouvoir), aura été de laisser "faire" pour montrer le "chaos" qu'instaurent ces "barbares" si la police ne fait pas de nasse mobile et n'est pas au plus proche du cortège.

Qu'importent leurs petits intérêts politiciens et médiatiques. Une manif sans nasse mobile restera toujours plus belle et plus respectueuse de la démocratie que ce qu'on a pu vivre ces derniers mois. Et puis, s'il y a eu plus de vitrines de banques cassées car la police ne nassait pas le cortège de tête, il y a certainement eu, dans le même temps, moins de manifestants blessés ou embarqués par les flics. Peut être que cela ne compte pas, ou beaucoup moins que des vitres de banque, pour les commentateurs médiatiques et politiques. Pour nous, cela compte.

La séquence électorale va bientôt prendre fin, laissant alors le champ totalement libre à une lutte simple : Continuer dans ce système. Ou le détruire. Chacun verra les barbares (ou les parasites) du côté qu'il le souhaite, permettant de clarifier ce qui doit encore l'être.


Comprendre nos défaites

Il est souvent difficile d'être lucide lors d'une défaite. C'est pourtant toujours salutaire. Surtout lorsqu'on parle non pas d'une seule défaite, mais de plusieurs. Et pas des moindres.

Passé le soulagement de savoir que Marine Le Pen ne serait pas présidente de la République, nous avons été obligés de constater que la victoire était pour Macron et son monde. Et qu'il s'agissait donc d'une défaite pour notre camp. Pour nos camps.

Plus de trois ans après le début du mouvement insurrectionnel des Gilets Jaunes, Macron, qu'on pensait incapable de finir son mandat, est réélu. Deux ans après un soulèvement antiraciste majeur de plusieurs centaines de milliers de personnes dans les rues contre le racisme institutionnel, Macron est réélu lors d'un second tour face à une candidate encore plus raciste que lui, avec un score de l’extrême droite totalement inédit. Alors que pendant tout le quinquennat, des manifestations et des grèves massives pour le climat ont eu lieu, Macron est réélu alors qu'il incarne, sans s'en cacher, tout le système ultra libéral occidental responsable de la catastrophe climatique.

On pourrait continuer encore longtemps cette liste de défaites. Mais ce serait oublier la principale, celle qui cristallise l'ensemble de ces échecs : les tenants du pouvoir politique et médiatique, par la peur (justifiée) de l'arrivée d'une fasciste au pouvoir, ont réussi à faire se concentrer toutes les attentions et les énergies sur une élection. Alors même que jamais autant de Français n'ont dénigré (là encore, à juste titre) le système actuel.

Imaginez un peu le tour de force : des millions de personnes se révoltent depuis plusieurs années et sont prêtes à renverser le système. Ce système, pour se maintenir, emprunte la voie de l'autoritarisme et distille un discours de plus en plus raciste, faisant logiquement monter les partis d’extrême droite (bien aidés par les médias des milliardaires). Ce faisant, il arrive à faire de la menace "Le Pen" une réalité encore plus crédible qu'en 2017. Face à cela, l'ensemble du champ politique, social, syndical, et même révolutionnaire, concentre son énergie et ses forces sur cette élection.

Non seulement l’élection présidentielle est redevenue centrale dans nos vies, ce qui est déjà une énorme victoire du système, mais en plus, les forces contestataires, capables de renverser le système, se déchirent pendant des mois et se tirent dans les pattes selon leur choix d'appeler à voter ou non, et si oui, pour quel candidat.

Alors que la 5e république n'a jamais été autant remise en cause. Alors qu'un président n'a jamais été aussi détesté... jamais il n'y aura eu autant de "vote utile", que ce soit au premier ou au second tour.

Nous ne pouvons que constater cette défaite majeure, et lourde. Le système a réussi à se montrer "indispensable". Même pour ceux qui veulent le combattre. Nous ne doutons pas que les prochaines semaines emprunteront la même partition, au moins jusqu'aux législatives.

La question n'est pas de pointer les responsabilités au sein de nos camps. Chacun a fait ce qu'il a pu et ce qu'il a cru être le moins pire au vu de la situation.

Non, la vraie question, c'est comment faire en sorte que nous ne nous retrouvions pas dans la même situation dans 5 ans. On sait que Macron est détesté. Que des millions de Français (et de citoyens du monde entier) veulent changer de système. Qu'il y a une vraie prise de conscience que les ultra riches sont en train de détruire toute la planète pour leur simple intérêt.

Mais comment réussir à concrétiser cette rage, cette colère, ce désespoir parfois, en quelque chose qui puisse vraiment changer nos vies, qui puisse vraiment détruire le système ? Clairement, il ne faudra pas attendre que cela se fasse par des élections. Ni présidentielles, ni législatives, ni municipales. Pour que le système change profondément, il faudra le détruire. Et reconstruire par dessus. Mais vu l’échec lors de la sublime et inattendue tentative des Gilets Jaunes, il nous appartient de comprendre comment ne pas reproduire cette défaite. Pour que ces défaites ponctuelles puissent se transformer, un jour, en un échec et mat.


🕗 DIMANCHE 20H01 : SORTIR DE LA TORPEUR

On sait que ce sera la merde pour nous. Mais faisons en sorte que ce le soit aussi pour eux.

 

Quelle campagne électorale de merde. Quelle non campagne aussi.

Macron est l'un des présidents les plus détestés de l'histoire de la 5e république. Et on sait clairement pourquoi. Et il le mérite. En 5 ans, le manager de la startup Nation a mutilé et incarcéré des milliers de militants, a détruit les acquis sociaux et fait tomber dans la précarité des millions de personnes, et a propagé le poison raciste jusqu'au plus haut niveau des institutions. Les crises (sanitaires, guerres) ne font que renforcer son autoritarisme au service d'un ultra libéralisme fanatique. Jamais il n'y a eu autant de personnes tombant dans l’extrême pauvreté. Jamais il n'y a eu autant de milliardaires en France. Eux-mêmes n'ayant jamais été aussi riches.

Face à lui, l'alternative est encore plus mortifère. C'est le fascisme, sans même le vernis libéral.

Quoiqu'il arrive dimanche à 20h00, nous serons donc dans la merde. Et nous serons encore plus désemparés que nous le sommes actuellement. L'horizon semble bouché. Les forces contestataires anesthésiées.

Pourtant, dimanche, dès 20h01, nous pensons que notre place sera dans la rue. Cela pourrait sembler vain. D'ailleurs, on vous le confirme, cela le sera. Mais face à la catastrophe qui est déjà sur les rails et qui sera adoubée une nouvelle fois dans le grand cirque médiatique et politique, on préfère paraître vains que paraître valider d'une quelconque façon cette mascarade.

Macron et son monde nous ont détruit et nous font vivre dans la merde. Mais il n'y a rien de plus dangereux que des gens dans la merde qui veulent faire tomber leurs bourreaux dans cette merde.

Alors dimanche dès 20h01, le temps ne sera plus à la torpeur. L'époque sera aux loups. Retrouvons nous en meute. Soyons primitifs. Sauvages.


Les fascistes en marche

Un second tour des présidentielles avec l'extrême droite, c'est désormais "habituel" en France. On vomit. Puis on reprend vite le cours de nos vies.

Un second tour avec l'extrême droite face à un président sortant, lui même rampe de lancement au fascisme. Ça, c'est une première ! Mais cela ne surprend personne. A peine va-t-on vomir d'ailleurs cette fois.

En 2002, quand Le Pen père arrive pour la première fois au second tour de la présidentielle, créant un véritable séisme politique, il ne recueille "que" 4,8 millions de voix. 20 ans plus tard, sa fille est au second tour avec 8,2 millions de voix (chiffres à affiner, il reste 3% de bulletins non pris en compte). Auquel on peut ajouter les 2,5 millions de voix de Zemmour. Soit plus de 11,5 millions de Français qui ont voté pour ces deux candidats ouvertement fascistes.

C'est vraiment flippant. Alors oui, on pourra se dire que l’abstention fait toujours plus (12,6 million), reste le premier parti de France, et qu'elle témoigne d'une crise profonde de ce système. Il n’empêche, plus de 11,5 millions de Français ont voté pour des fascistes.

Si on en est arrivés là. Ce n'est pas le fruit du hasard. Un fascisme aussi décomplexé et accepté par une partie de la société, c'était la seule option pour que le système ultra libéral parvienne à se maintenir. Macron a fait monter le monstre raciste depuis 5 ans en jouant totalement sa partition (lois liberticides, stigmatisation des minorités, dissolution d'associations, chasse aux exilés, répression amplifiée). C'est grâce à cela qu'il peut encore espérer gouverner 5 ans de plus.

D'ailleurs, l'autre sidération, c'est le score de Macron. Celui qui a autant méprisé le peuple, qui a fait un quinquennat d'une violence sociale et humaine inouïe, qui a conduit la France dans un système autoritaire et clairement pré fascisant... Ce mec fait bien plus qu'en 2017, gagnant 1,2 millions d’électeurs lors du premier tour.

C'est le candidat qui gagne le plus de voix entre 2017 Et 2022. Melenchon en gagnant 930 000 et Le Pen 610 000.

Alors oui, Mélenchon a "créé" la surprise, en talonnant Le Pen. Mais peut-on se réjouir de ce simple fait ? Si Mélenchon progresse nettement par rapport à 2017, cela s'est fait surtout dans une logique de vote utile et parce que sa ligne est marquée par un tournant qui a tenté de synthétiser cinq années de mouvements sociaux contrairement aux autres partis de gauche.

Cela se voit particulièrement avec les scores ridiculement bas de tous les autres candidats de gauche (ou même pseudo gauche comme Hidalgo/Roussel). Melechon a même bénéficié de soutiens jusqu'ici inédit de structures ou personnalités proche de l'autonomie, de l'antifascisme ou de l'anarchie. Cela n'a pas suffit.

Il ne faut pas non plus sous-estimer non plus le score de la gauche radicale et de l’abstention en outre mer, dans les quartiers populaires et au sein de la jeunesse, trois des couches les plus précaires.

Il y a eu en fait trois votes utiles : ultra libéral (Macron), fasciste (Le Pen), de gauche (Mélenchon)

Peu importe l'issue du second tour, ces cinq années à venir seront probablement les plus dures que nous aurons à traverser, dans l'histoire de la cinquième république. Ces cinq dernières années semblent annoncer la couleur, mais plus pour nous préparer à pire.

Les attaques seront sans relâche, les dissolutions risquent de pleuvoir, la liberté d'association sera sûrement fortement remise en cause au nom des lois sur les valeurs républicaines. Nous devons nous préparer à plusieurs options : nous servir des cadres légaux évidemment, mais aussi probablement à nous organiser en partie dans la clandestinité.

La parole révolutionnaire, déjà marginalisée par les médias mainstreams sera encore moins audible, elle aura moins d'écho et sera d'autant plus réduite. La bataille hégémonique continuera à se jouer sur la communication mais aussi et plus que jamais sur le terrain réel, c'est à dire la rue et partout où nous sommes physiquement.

Nous avons eu un avant-goût de ce que la Macronie peut faire en terme de dégâts sur nos vies et de son niveau de radicalité ultra libérale, croissant au fil des années pour détruire nos vies. Jusqu'où est-elle déjà allée ?

Le risque de voir l'extrême-droite au pouvoir est réel, qu'elle gagne les législatives ou pas, le résultat sera désastreux car sa légitimité aux yeux de la majorité de la population devient réelle.

A l'image du mandat de Donald Trump, cela ne signifie pas forcément que le pays instaurera réellement un régime fasciste comparable à celui des années 30/40 ou aux dictatures sud-américaines et du sud de l'Europe. Cependant, la propagation de ces idées sera encore plus conséquente, sa mainmise sur les institutions publiques ira crescendo. Si les contextes sont incomparables, la Pologne et la Hongrie démontrent quand même que les nationalistes ont des stratégies qui peuvent fonctionner lorsqu'il s'agit de s'inscrire sur la durée.

Prendre le pari de croire qu'un pré-fascisme déclencherait une révolution de facto est extrêmement risqué et demeure probablement un fantasme.

Ce ne sont pas quelques réactions insurrectionnelles marginales, même visuellement impressionnantes qui suffiront à renverser un état policier de plus en plus préparé à mater les révoltes.

Le Pen sera probablement pire que Macron, et dans les deux cas, nous aurons le droit à une politique internationale aux mains de l'impérialisme le plus décomplexé.

Qu'une réaction désespérée voire nihiliste éclate dans les jours à venir serait plus que compréhensible, car notre rage est totalement justifiable et même légitime. Nous pensons cependant qu'il est important de garder nos forces, nous en aurons besoin dès la fin du mois pour nous organiser à court, moyen et long terme.

Dans les semaines à venir, nous vous proposerons peut être des initiatives allant dans ce sens. Il ne s'agira pas seulement de dresser le bilan critique des dernières années de luttes, ni même de nous autoflageller. Nous avons déjà touché le fond.

Ce que nous souhaitons, c'est que nous participions toutes et tous à une reconfiguration et une structuration plus globale du camp révolutionnaire, que nous soyons forces de proposition, afin de surpasser notre torpeur face à cette situation très dure.

Le monde n'est pas fait que de gilets jaunes, autonomes, d'extrême-gauche, d'écolos, de citoyennistes ou de décoloniaux. Même si toutes ces personnes s'unissaient, cela ne suffira jamais pour une dynamique de masse contre leur monde.

Ne perdons pas espoir, même si c'est vite dit, soyons prêts à encaisser les coups, à les rendre mais surtout, et dès que possible, à les donner.

A bas la République et vive la démocratie directe !


Marielle Franco, 4 ans : ne pas oublier

Retour sur le féminicide politique d'une figure noire de l'opposition brésilienne.

Il y a 4 ans, le 14 Mars 2018, Marielle Francisco da Silva, dite Marielle Franco, meurt abattue par 4 balles dans la tête, ainsi que son chauffeur Anderson Gomes au volant de sa voiture...

Marielle Franco, était sociologue, militante des droits humains, membre du PSOL (parti socialisme et liberté), présidente du comité des femmes, conseillère municipale de la ville de Rio. Elle était impliquée sur tous les fronts : antiracisme, contre la négrophobie, féminisme, droits des LGBTQI+, contre les violences policières et perpétuées par les milices, opposée aux inégalités sociales, aux conditions de vie dans les favelas (ghettos brésiliens) et la corruption. Elle avait proposé 16 projets de loi et était arrivée 5ème aux élections municipales pour sa première candidature.

Noire et lesbienne, s'identifiant comme bisexuelle et se définissant comme "femme noire de la favela", elle a été ciblée par une violence extrême émanant de tous les clans conservateurs du centre-droit à l'extrême droite, y compris après son meurtre.

Le pouvoir blanc, raciste, libéral et misogyne ne la supportait pas et voyait en elle une ennemie redoutable. Le courage et la force de Marielle leur faisait peur, elle était la figure d'un renouveau militant prêt à tout pour améliorer les choses sur tous les fronts. Elle gênait en dénonçant tous les abus de pouvoir et scandales de corruption : police, foncier…

Son assassinat avait suscité une vague d'indignation et de colère à travers tout le Brésil, qui encore maintenant, résonne auprès d'une partie importante de la population.

Elle n'avait cessé de dénoncer les exactions particulièrement graves des policiers, de l'armée et des milices dans les favelas. Ces groupes, composés d'agents de sécurité, de policiers et militaires en service, exclus ou retraités.

Ils ont assassinés des milliers de personnes dans les favelas et se livrent à des rackets des habitants ainsi qu'à des assassinats. Pour la seule année 2019, le rapport de Coalition Solidarité Brésil, fait état de de 6000 personnes tuées par la police, dont près de 80 % sont des personnes noires (source Bastamag).

C'est une véritable mafia protégée par le président qui contrôlerait aujourd'hui un tiers de la capitale brésilienne : eau, gaz, électricité, accès à la TV et internet, racket des vendeurs ambulants et des commerces...

Les milices sont les héritières dans l'idéologie et la pratique, des escadrons de la mort, en place durant la dictature brésilienne et un peu partout en Amérique du Sud global (Colombie, Salvador, Uruguay, Honduras...).

Le 19 Mars 2019, un an après ce meurtre, les meurtriers finissent par être identifiés et arrêtés : Ronie Lessa, un policier militaire à la retraite (le tireur), et d’Elcio Vieira de Queiroz (le chauffeur), également ancien policier.

Toutefois, pour le moment, personne n’a pu prouver qui sont les commanditaires, il aura fallu attendre plus de trois ans pour que les clés USB, contenant plus d'un millier d'archives soient remises par un commissariat au ministère. Selon le procureur en charge de la lutte contre le crime organisé, «l'assassinat a été méticuleusement planifié pendant les trois mois ayant précédé le crime» (Source Libération).

De nombreuses pistes mènent sans surprise au clan de l'actuel président ouvertement fasciste, Jaïr Bolsonaro. Des accusations laissent à penser que lui, son fils et son clan pourraient être directement impliqués.

On découvrira que le tireur était voisin du président brésilien et que sa fille était en couple avec un des fils du président, quant au chauffeur on l'aperçoit faire un selfie avec.

Coïncidences ? Reste que le fils de Jaïr Bolsonaro a toujours plaidé en faveur de la légalisation des milices. Plus “troublant” : l'assassinat de Adriano Magalhães da Nóbrega, ancien policier commanditaire d'une milice qui aurait mené directement au clan du président brésilien avec qui il était en lien, plus particulièrement son fils Flavio qui avait embauché sa mère. Tous sont nommés dans un autre scandale impliquant le président, sa famille et un flic ripou : affaire Queiroz.

Il a aussi été prouvé que les balles utilisées provenaient du même lot vendu en 2006 à la police de Brasilia, que celles d'un autre assassinat ciblé de 17 personnes en 2015 par des miliciens : « les cartouches utilisées pour assassiner l’élue et son chauffeur proviennent d’un lot de munitions qui appartenait initialement à la police fédérale et qui a été détourné à des fins criminelles" (Source Amnesty International)

Les combats de Marielle sont ceux qui animent les activistes du monde entier.

Sa force et sa détermination doivent continuer à nous inspirer et son nom doit continuer à résonner 4 ans après ce crime odieux en espérant que toute la justice soit faite.

Nous rappelons aussi qu'à Paris, rue d’Alsace dans le 10ème arrondissement, un jardin public porte son nom à la suite d'une volonté et d'un travail émis par des activistes en lien avec sa famille.


Ukraine : notre difficile position anti-guerre

 

Contre la guerre, les états de guerre et les impérialismes.
Pour le droit à l'autodéfense.

 

Beaucoup de choses ont été dites sur la guerre en Ukraine. Et comme souvent en période de guerre, les prises de position, même les plus nuancées, engendrent des réactions binaires et disproportionnées. Dans ce climat d’incompréhension et alors que nous sommes sujets à des manipulations médiatiques de tous les côtés, ce texte a pour objectif d’éclaircir notre position sur ce conflit.

Oui, le poids de la domination mondiale américaine est supérieur à celui du reste du monde, notamment par son complexe militaro-industriel. Oui, l'armée américaine, c'est plus de 800 bases dans le monde, 35% des dépenses militaires mondiales à elle seule et c’est le modèle impérialiste américain qui semble le plus diffusé partout sur la planète et par tous les moyens possibles.

Oui, l'impérialisme de l’Occident et ses alliés est, de loin, celui qui a le plus déstabilisé le monde et qui provoque la majorité des catastrophes sur cette planète. Oui, le poids et la présence de l’OTAN n’est comparable avec aucune autre armée, ni la Chine, ni la Russie. Enfin, oui, les États-Unis ont participé à une ingérence à Maïdan puis par la suite sous fond de guerre énergétique et d’hégémonie militaire, et cette guerre en est une conséquence directe.

Cependant, c’est le président russe qui a fait le choix délibéré d’envahir militairement un pays souverain dans son intégralité. Les civils sont les victimes et il n’y a absolument pas de justification à trouver à cette invasion criminelle décidée par Poutine. La population ukrainienne dans son intégralité en paye le prix. Elle subit les bombardements, ses habitants peuvent mourir qu'ils soient dehors ou chez eux. Nous les soutenons de manière inconditionnelle.

Aussi, nous sommes solidaires des Russes victimes de la répression du Kremlin sur son sol, à l’image des mobilisations anti-guerre partout en Russie. Mais également à l’étranger, par son ingérence dans certains pays comme le Kazakhstan et la Biélorussie, où les hommes de Poutine ont participé à mater des mouvements sociaux.

Soyons clairs : le régime de Poutine n’a pas de leçons à donner concernant l’extrême-droite vu les liens qu'il entretient au niveau international avec cette mouvance, allant jusqu’à son financement et à confier des missions au groupe Wagner. Les fascistes sont très divisés sur la question ukrainienne et se trouvent des deux côtés.

Le régime du parti Russie Unie est celui des oligarques mafieux, et même s'il a su redresser économiquement un pays humilié par la présidence de Boris Eltsine, son fondement demeure capitaliste et très autoritaire. Nous n’oublions pas non plus les nombreux crimes de guerre dans le Caucase en Tchétchénie, Ingouchie ou encore au Daghestan durant les années 90/2000.

Ceci est dit, maintenant, il ne s’agit pas de tomber dans le “ni, ni” simpliste, ou à l’inverse dans le campisme. Tâchons donc de voir plus loin et d’essayer de saisir quelques enjeux de ce conflit et leurs conséquences.

 

 

État de guerre depuis 2014

 

Le conflit ukraino-russe tient aussi ses racines du découpage hasardeux durant l’époque soviétique, puis au moment de l’indépendance de l’Ukraine en 1991. L’Est du pays est très russophone et possède des communautés russes très importantes. L’Ukraine est en proie à des luttes entre russophiles et pro-europe depuis longtemps.

Les premières tensions entre les axes pro-russes et atlantistes prennent de l’ampleur durant la révolution orange en 2004 après l’élection contestée de Viktor Ianoukovitch, successeur de Léonid Kouchma (ex président pro russe) face à Viktor Louchtchenko (pro-Europe soutenu massivement par l'occident), qui sera finalement élu. Ce dernier perdra à son tour en 2010 contre le candidat pro-russe. Contrairement à 2004, les élections de 2010 se seraient déroulés sans irrégularités, Ianoukovitch en sort vainqueur.

En 2013, peu avant Maïdan, le pays peine à se développer économiquement, criblé de dettes et en récession.
La Russie, qui représente une part forte de son endettement, lui accorde un prêt de 15 milliards d’euros et baisse le tarif de son énergie, l'Union Européenne lui ayant refusé la somme de 20 milliards mais lui aurait elle aussi proposé une aide conséquente. Les deux camps possèdent des accords importants avec l’Ukraine, notamment dans le secteur agricole.

L’hiver 2013/2014, un mouvement pro-européen devient populaire pour une partie de la population lassée du régime Ianoukovitch après la rupture brutale d’un accord économique facilitant des échanges avec l’Union Européenne. Le président ukrainien annonce renforcer ses relations économiques avec la Russie.

Ce mouvement social s’amplifie et sera soutenu par toutes les branches du libéralisme, ainsi que par toutes les franges de l’extrême-droite. On ne peut cependant résumer et essentialiser le profil des manifestants. Il s’agissait aussi d’un ras le bol général des conditions sociales contre un régime corrompu qui agirait dans l’intérêt de la Russie, du désir de sortir de cette crise, et bien sûr du leurre libéral agité par l'Europe censée être libératrice. Des faits graves de la part des nationalistes ukrainiens sont constatés durant l’occupation de la place Maïdan, épicentre de la contestation.

De son côté, le régime pro-russe a aussi agi avec la manière forte, jusqu’à envoyer sa police anti-émeute, la Berkout, tirer à balles réelles sur les manifestants. Le régime emploie des miliciens, la répression est inouïe : 103 manifestants seront tués ainsi que 17 policiers. Les deux camps s’accusent mutuellement d’avoir commencé ces tirs, et la situation devient hors de contrôle. Le président finira par s’enfuir et sera condamné par contumace. Il est accusé d'avoir détourné plus d'un milliard d'euros pendant son mandat.

Un premier gouvernement d’union nationale sera alors décrété en attendant des élections. Le parti de l’ancien président sera interdit d’élection ainsi que toutes les tendances communistes dont les symboles seront détruits. Les nationalistes obtiennent de fait des victoires idéologiques et des postes importants, mais s'effondrent par la suite électoralement au détriment des libéraux europhiles. Petro Poroshenko est élu en 2014 puis fragilisé par des scandales de corruption.

Volodymyr Zelensky lui succédera en 2019. Durant sa campagne électorale populiste, il joue son propre rôle dans un feuilleton télévisé, sous fond de lutte contre la corruption (son nom est depuis cité dans l'affaire Pandora Papers). Le président ukrainien tente de se rapprocher encore plus de l'Occident et de l'OTAN, mais dit aussi vouloir atténuer les tensions avec la Russie. Il ira même jusqu'à gracier d'anciens policiers de la Berkout.

Paradoxalement, les USA demeurent assez distants. Biden n'a proposé de rencontrer Zelensky qu'en Août 2021. Cette proposition intervenait dans un contexte, où Biden avait négocié la levée des sanctions économiques sur le Gazoduc North Stream 2 avec l'Allemagne. Zelensky évoquait alors « Une grave menace pour la sécurité » de son pays. « Nord Stream 2 va priver l’Ukraine de ses approvisionnements en gaz, ce qui signifie nous priver d’au moins 3 milliards de dollars par an… Nous n’aurons rien à verser à l’armée ukrainienne » (source le Monde). Rappelons qu'entre 2014 et 2019, Biden fils (Hunter), était membre du conseil d'administration de Burisma, le plus important exploitant de gaz du pays.

Parallèlement au changement de régime en 2014, la Russie intervient en Crimée, région composée majoritairement de Russes. Une partie importante de ses habitants semble revendiquer son rattachement à la Russie. Poutine accepte directement de la reconnaître en tant qu'état russe. Une autre région située également à l’Est où se trouvent de fortes populations russes, le Donbass, est en proie, depuis, à une situation de guerre civile avec des affrontements réguliers.

 

 

Le Donbass au cœur du conflit

 

Situé à l’extrême Est, le Donbass est composé de deux régions (Oblast de Donetsk et Lougansk). Environ 70% de la population y est russophone y compris parmi les ukrainiens. Sa population est russe à environ 38%, il existe d’importantes communautés musulmanes qui représentent 15 à 20% de la population suivant les zones, les ukrainiens constituant la majorité du reste de la population, environ 40%. Les terres agricoles y sont riches, ses ressources principales sont le charbon et le fer et le sud bénéficie d’un accès à la mer Noire.

Les accords du cessez-le-feu de Minsk II signés en Biélorussie en 2014 sont constamment violés par les deux camps. On dénombre près de 10 000 morts et un million et demi de déplacés en 2020 depuis le début du conflit (source Vice). Il est constaté des exactions extrêmement graves des deux côtés. La population subit une véritable guerre de tranchées, même si elle était jusqu’à présent considérée comme de “basse intensité”.

Il convient donc de rappeler que même si ce conflit armé a pris aujourd’hui des proportions inquiétantes et s'étend dorénavant à l’ensemble du sol ukrainien, l’état de guerre existe dans le Donbass depuis Euromaïdan et l'annexion de la Crimée. Certaines zones du sud ont connu des affrontements très violents à l’exemple de l’incendie criminel attribué aux nationalistes ukrainiens à Odessa, à l’encontre d’une maison syndicale communiste, qui a fait 42 morts asphyxiés ou brûlés vifs.

Les élections régionales du Donbass avaient donné pour résultat une victoire des séparatistes à plus de 60% mais il est très difficile d'évaluer la légitimité de ces résultats, sous la pression des milices. Cette zone est pratiquement impénétrable pour les ressortissants étrangers, y compris les journalistes. Nous préférons, par manque de sources fiables, éviter de spéculer sur la situation de ces deux régions clés. Nous retenons que des initiatives pour la paix existeraient de manière marginale, et que les informations sont difficiles à obtenir.

 

 

Un conflit sous fond de concurrence énergétique et militaire

 

L'Ukraine est un pays qui dispose de beaucoup de ressources agricoles dont le blé. C'est aussi le 7ème producteur de fer au monde, le 8ème de manganèse et d’uranium, le 6ème en titane. Elle se situe au milieu d’une zone de transit entre la Russie et l’Europe notamment des gazoducs. La Russie quant à elle est l’un des plus gros fournisseurs d’énergie de l'Europe. Même si cette tendance est à la baisse : le gaz russe ne représente que 25% de ses importations en 2021 contre 40% il y a peu (source think tank Bruegel).

Jusqu’à présent, bien que parfois tendues, les relations russo-européennes n’empêchent pas des accords énergétiques essentiels pour leurs économies respectives. L’Allemagne, qui dépend à 50% de la Russie pour son approvisionnement en charbon dans les centrales électriques et largement de son gaz, interrompt les livraisons énergétiques du gazoduc North Stream 2 sous la pression américaine qui a décidé d’appuyer cette décision par des sanctions contre le géant russe Gazprom, partenaire de ce projet. Pourtant, les livraisons de North Stream 1 continuent.

Il y a une certaine hypocrisie de l’Europe, la France en tête : son industrie est la plus présente parmi les pays étrangers en Russie. À peu près toute la classe politique européenne qui condamne son intervention n’a eu aucun problème à se prendre, auparavant, en photo avec Vladimir Poutine et parfois à le soutenir, notamment en France (Macron, Hidalgo, Les Républicains, Rassemblement National, Reconquête..). Cependant, il est évident que la Russie sera sanctionnée économiquement et que les répercussions sur le prix de l’énergie et du blé seront conséquentes.

Les Américains y voient probablement une opportunité pour affaiblir l'état russe de l’intérieur à moyen et long terme et exporter plus vers l’Union Européenne et l’Ukraine. Devenus des (sur)producteurs qui exportent leurs énergies : pétrole et surtout gaz de schiste. Ce dernier a du mal à se vendre, étant très polluant et plus coûteux que le gaz russe. Priver ou diminuer l’influence énergétique de la Russie s’avère une option financière viable. Pour autant, malgré quelques sanctions symboliques du soft power acquis à l’Occident (sport, eurovision..), la plupart des pays européens n’ont rompu aucun contrat économique avec la Russie.

Militairement, l'OTAN n’a cessé de repousser ses frontières en incluant tous les pays membres de l’Union Européenne à chaque fois en s’approchant de la zone frontalière russe depuis la fin du rideau de fer en y posant des bases militaires. Cette stratégie “dissuasive” amplifie la surenchère belliqueuse de Vladimir Poutine qui a pourtant, par le passé, proposé des accords de coopération militaire avec le camp occidental, qui ont toujours été refusés. L'attitude offensive de la Russie fait elle aussi réfléchir sur les raisons qui poussent ses pays à se positionner vers l'Ouest.

 

 

Démilitarisation et paix révolutionnaire, l’axe de sortie impossible

 

L’agression militaire russe est incontestable, indéfendable, mais elle était loin d’être imprévisible. On peut se demander à juste titre jusqu'où serait prêt à aller le Kremlin. L’Europe, binôme franco-allemand et Emmanuel Macron en tête, a encore prouvé ici son incapacité d’indépendance vis à vis des États-Unis, et son incompétence diplomatique totale. La seule chose que l'Europe propose est de fournir quelques armes, à l’image de l’Allemagne qui livre 4000 lance-missiles, comme si c'était une solution durable.

L’UE n’a pas su calmer les ardeurs de Poutine et a abandonné l’Ukraine. Elle dispose d’une marge de manœuvre pourtant réelle vis à vis de l'économie russe. Elle aurait pu s’interposer et tenter d’éviter le pourrissement de cette situation, y compris dans son intérêt économique, et donc éviter que l’Ukraine devienne le paillasson de la concurrence entre Moscou et Washington. La force dissuasive de l’OTAN n’a pas fonctionné.

Concernant la demande d'adhésion à l’Union Européenne par la président Zelensky “sans délai”, il n’existe légalement aucun moyen de ne pas passer par des milliers des textes, de recours et d’accords économiques qui le permettraient. Si elle se réalisait, cette adhésion de l'Ukraine à l'Union Européenne engagerait de facto le Kremlin dans une guerre contre l'Union Européenne, dont l'OTAN ne veut probablement pas. L'OTAN a rejeté l'idée d'une zone d'exclusion aérienne en Ukraine.

L’intervention russe, quant à elle, semble actuellement tenue en échec. Il est impossible de savoir combien de soldats et de civils ont été tués pour le moment. Malgré le poids de l'occupation militaire russe, la résistance ukrainienne est solide et a l'air de tenir le coup. C'est un courage et une détermination sans faille à laquelle est confrontée l'armée russe.

Si la Chine soutient discrètement Poutine, faute de quoi il n'aurait probablement jamais osé se lancer dans cette guerre, difficile de prévoir comment va se positionner et agir Pékin. Ce conflit semble parti pour s'éterniser, reste que la Russie paraît isolée sur le plan international. Après un vote à l'ONU sur une résolution pour la fin de son intervention Ukraine, la majorité de ses alliés traditionnels se sont abstenus et semblent souhaiter que ce conflit s'arrête.

Concernant la suite, nous lisons beaucoup de spéculations sur :

- Un enlisement et une surenchère qui auront des conséquences humaines et économiques désastreuses, sauf peut-être pour les marchands d’armes et les oligarques.
- Une amplification de cette situation de guerre froide malgré un éventuel cessez-le-feu, peu probable à l’heure actuelle.
- Une paix tactique purement libérale parce que financièrement cela pourrait être rentable, difficile tant que la Russie refuse de se plier aux exigences de Washington et qu'elle n'obtient pas le Donbass.
- L’adhésion ukrainienne à l’Union Européenne, peu probable, qui engagerait de facto une guerre mondiale.

Nous préférons éviter les pronostics, et soyons francs, la seule solution que nous défendons est impossible à l’heure actuelle : la paix révolutionnaire dans une perspective internationaliste et le droit à l'autodéfense. C'est-à-dire, la lutte contre tous l’impérialisme, les guerres et leurs états de guerre dans une logique révolutionnaire de démilitarisation globale. Nous devons ainsi nous attaquer aux causes de ces conflits, à l’image du mouvement contre la guerre au Vietnam en 1968.

Ces mouvements anti-guerre doivent trouver un renouveau : depuis la guerre en Irak de 2003, ils n’existent plus que de façon marginale. L'Ukraine nous en rappelle pourtant la nécessité. Cependant, cet eurocentrisme qui traduit un racisme inconscient doit aussi être dépassé. Nous ne devrions pas attendre qu’un conflit se rapproche de nous ou le "risque d'une guerre mondiale" pour nous sentir touchés, ni nous résigner aux indignations sélectives uniquement contre l'État russe.

D’autres peuples subissent ou ont connu récemment des situations de guerre, comprenant des occupations militaires, des massacres, des déplacements de population, des bombardements, des famines et nombre d'horreurs : Libye, Syrie, Yémen, Palestine, Tigré, Sud Soudan, Darfour, une partie importante du Sahel, Somalie, Syrie, Afghanistan, Est du Congo… Le Sud global n'attire jamais cette attention alors que bien souvent l'Occident participe à ces ingérences catastrophiques, ce qui ne lui donne aucun droit de donner des leçons.

Nos pensées vont vers toutes les victimes de ces conflits : nous sommes donc de tout cœur avec le peuple ukrainien, pour le retrait immédiat des troupes russes et le démantèlement de l'OTAN !