A NOS AMI.E.S D'ESPAGNE ET DE CATALOGNE

Il y a partout en Europe, une montée en puissance des états fascistes et autoritaires. Nous l'observons et le vivons chaque jour. De Salvini à Orban, de Macron à Sanchez. Les états européens sont tous soumis depuis de nombreuses années à la dictature de l'urgence et de l'exception. De la menace des attentats à la menace du Covid.

Ces états d'urgence permanents légitiment des mesures coercitives de plus en plus étouffantes, une justice de plus en plus sévère. Nous sommes assignés à résidence et réduits au silence sous menace de croupir en prison. Ce constat est commun, il est partagé par l'ensemble des populations occidentales. Le libéralisme, par obstination et frénésie, se rigidifie et s'autoritarise. En France, une banderole "Macronavirus" déployé sur un balcon engendre une arrestation. En Espagne, les propos d'un rappeur contre le roi, une peine de prison. Le racisme, le sexisme, le fascisme, l'accumulation des richesse par une poignée de personne s'accentuent partout. S'opposer à ce scénario catastrophe est vital.

Depuis une semaine, les populations catalanes et plus largement de l'ensemble de l'Espagne se révoltent suite à l'arrestation de Pablo Hasel. De là où nous sommes à quelques centaines de kilomètres de Barcelone, Valence, Bilbao, Gérone, Vic, Reus ou encore Lleida, nous voulons vous dire, amis insurgés, émeutiers, pilleurs, premières lignes, ô combien cette révolte est inspirante pour nous qui nous sentons immobiles, statiques, dans l'attente, bâillonnés.

Combien la spontanéité et la détermination qui vous caractérise nous fait respirer, nous donne de l'espoir, nous donne de la force. Depuis le soir même de l'arrestation du rappeur, jusqu'à aujourd'hui, chaque soir sans en manquer un, vous avez envahi les rues et affronté les uniformes de l'état et la royauté. Chaque soir, alors qu'une pandémie nous emprisonne et atténue les luttes, vous avez bougé, vous avez lutté.

Nous voulons apporter notre solidarité, à toutes celles et ceux qui, actuellement, de l'autre côté des Pyrénées, affrontent la police et rendent coup pour coup à sa brutalité mutilante et assassine. (qu'ici nous ne connaissons que trop bien. Traumatisant nos révoltes, recouvrant de sang les pavés de nos rues).
A celles et ceux qui attaquent les institutions, pillent les magasins de luxe et les grandes enseignes, appliquent les gestes barricades, font face et tiennent bon. Ainsi qu'à celles et ceux qui trouvent simplement la force de descendre dans la rue après un an de pandémie et de restrictions sanitaires. A vous tous et toutes, merci de nous donner de la force chaque soir. De nous montrer que se révolter est encore possible. Merci de nous donner envie de vous rejoindre.

Comme depuis toujours, les luttes d'ailleurs font écho aux luttes d'ici. Elles se nourrissent les unes entres elles. Vous nous nourrissez. C'est ainsi que réside aujourd'hui notre solidarité internationale. Et celle-ci se traduit déjà par la traversée des Pyrénées par bon nombre de français pour soutenir, documenter, participer aux révoltes en cours. D'autres rejoindront encore l'Espagne et la Catalogne dans les prochains jours.

Nous sommes avec vous.


ARTISTES MAJEURS EN L'AIR

Racisme, violences policières, lois liberticides, harcèlement sexuel, sexisme, homophobie et transphobie... En quelques mois, le monde a été bousculé par de nombreux drames, et tout autant de luttes face à ces drames.

Dans ce sillage, certains artistes, y compris en France, sont montés au front. Front médiatique, et même parfois dans la rue. Omar Sy, Camelia Jordana, Yseult, Pomme, Adèle Haenel, Aissa Maiga, Sandra Nkake, Jeanne Added, Kiddy Smile...

Si le phénomène peut paraitre "anecdotique", il convient de le souligner, de s'en satisfaire et de rendre hommage à ces personnes. Certains diront que c'est par peur de se couper d'une partie du public que nombre d'artistes n'osent pas prendre position. Les exemples des énormes succès populaires d'Omar Sy ou de Camelia Jordana, après leurs prises de position, prouvent que s'engager n'est pas synonyme de briser sa carrière. Le palmarès des récentes Victoires de la Musique en est un autre exemple.

Valeurs Actuelles a d'ailleurs sorti un torchon raciste intitulé " Yseult, Nouvelle Star de la génération Ouin-Ouin". Ces réactionnaires ne supportent pas que des artistes réussissent tout en affirmant leurs combats contre le sexisme, le racisme, l'homophobie ou la grossophobie.

Cette génération d'artistes n'est pas "Ouin-ouin". Elle est deter, digne et fière. Et elle emmerde ceux qui n'arrivent pas à vivre avec elle.ux. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si tous les artistes cités plus haut sont pour la plupart des femmes, la quasi totalité racisées et/ou LGBTQ+ . Ces personnes ont vécu dans leur chair l'oppression de notre société, et ne peuvent penser leur art en dehors de cette réalité. Et c'est tant mieux.

Génération Adama. Génération Nous Toutes. Génération Metoo. Qu'importe le nom, cette jeunesse porte un vent de révolte, d'amour et de progrès comme il n'y en a pas eu depuis des décennies. Et ce, dans un monde qui offre si peu de perspectives émancipatrices. Les deux sont probablement liés.

Avouons le : nous aurions aimé que cette montée au front d'artistes et de personnalités se fassent quelques mois plus tôt, fin 2019, lorsque la France a été traversée par la vague révolutionnaire des Gilets Jaunes. A cette époque, à part quelques trop rares (et courageux) Bruno Gaccio et Yvan Le Bolloc'h, les artistes sont restés muets et distants de cette révolte, sûrement par peur d'être stigmatisés et traités de racistes.

On ne peut refaire le match. Mais la séquence actuelle permet d'espérer que de plus en plus d'artistes prennent conscience que le monde d’aujourd’hui, et encore plus celui de demain, ne laisse plus de place à un univers artistique tiède, sans prise de position.

Dans un monde où l'imaginaire ne cesse d'être obstrué, où le système fait tout pour réduire le champs des possibles, l'art fait parti des armes de résistance massive.

Merci Camélia, merci Pomme, merci Yseult, merci Omar. Il y aura toujours à redire et à critiquer pour certains. Mais vous avez pris le risque de vous livrer, de prendre position, de tenter d'exposer votre vision de la vie. Cela ne peut être que source de progrès et d'émancipation.

Nous vivons dans une société du spectacle. Et nous savons que la fin de ce monde ne pourra être que spectaculaire. Pour cela, nous avons besoin d'artistes, d'amour et de révolte.


Message aux indignés des poubelles (brûlées)

https://youtu.be/Xfe47nYlTCM

Face à la gravité de la situation, face à l'urgence sociale et climatique, nous pensons que vous n’êtes pas la hauteur. Vous, les partis, syndicats, organisations, coordinations. Vous, les personnalités, les représentants, figures, les têtes.

Nous sommes des millions à vouloir remettre l’Histoire en marche. On ne parle pas d'empêcher des réformes néolibérales ou pré-fascistes. Non, nous voulons démonter le système qui les produit, avant qu'il ne détruise toute la vie, toutes les vies. Nous savons que cela ne pourra se faire sans que l'ancien monde résiste, se batte, riposte.

En France, les Gilets Jaunes ont fait briller une lueur magnifique et entrouvert la porte de cet horizon, disons le, révolutionnaire. Mais la porte est restée fermée au prix d'une répression inouïe.

Feignant de rallier cet idéal, ou craignant de le porter pleinement, les structures qui ont depuis repris en main l'essentiel des luttes en cours ont trop souvent amené avec elle un jeu bien connu consistant à accepter les injonctions du pouvoir à se désolidariser des manifestants considérés comme violents.

Ça n’est pas nouveau, c’est même complètement périmé.

Dans un pays où des personnes se battent contre la montée d'un autoritarisme de plus en plus fou, contre le racisme, contre les violences policières, contre la violence sociale qui s'abat sur les plus faibles. Un pays où l’assassin de Zineb Redouane est toujours CRS, où la police entaille les tentes des migrants, où le gouvernement a pris tout le monde pour des cons en pleine pandémie. Vous, vous condamnez une infirmière parce qu'elle a jeté une pierre en direction de policiers en armure, vous condamnez un pompier parce qu'il a jeté un fumigène, un gilet jaune parce qu'il a lancé des feux d’artifice contre la BAC, et un black bloc parce qu'il a donné un coup de marteaux dans la vitrine d'un magasin de luxe.

Vous condamnez, vous condamnez, vous condamnez. Seulement chacune de vos condamnations légitime la prochaine réforme visant à nous empêcher de manifester. Prochaine réforme qui vous permettra de feindre de redécouvrir la dégueulasserie qui nous gouverne.

En réalité vous aidez le pouvoir.

Comme nous sommes alliés, nous allons être franc. C’est ça qui nous emmerde. Pas le fait que vous pensiez encore pouvoir réformer le système, de l'intérieur, peut-être en y tirant quelques intérêts pour vous et vos structures, ni le fait que vous n’ayez toujours pas compris qu’il n’y a plus de négociation possible à ce moment de la crise structurelle du capitalisme. Non. Le fait que bon gré mal gré vous participiez à la répression des luttes parce qu’après tout, une nasse de deux kilomètres à la place d’une manifestation, il faut bien ça pour empêcher les poubelles de bruler…

Ça ne fait pas de vous des ennemis. Mais sachez qu’à une époque où tout semble possible, et surtout le pire, nous sommes de ceux et celles qui ne comptent pas laisser l'espoir enterré par des jugements moralisateurs servis à des chaînes télé et des journaux propriétés d’oligarques.

Nous ne faisons pas de morale, nous faisons de la politique, dictée par notre envie de construire un autre pays, un autre monde. D’y vivre dignement et d'y être heureux.

Il semble que la question entre vous et nous n’est pas de savoir si nous sommes du même coté de la barricade. Si vous avez du temps et de l'énergie pour expliquer en quoi une BMW qui brule ne sert pas la cause alors que le monde brule, que des milices armées répriment toute les luttes sociales, que des millions de personnes crèvent en silence pendant que les milliardaires s'enrichissent de plus en plus... C’est objectivement que vous n’êtes pas sur la barricade.

Et c’est dommage car il nous semble que comme nous et des milliers d’autres, vous avez secrètement jubilé lors des actes Gilets Jaunes les plus insurrectionnels, quand Christophe Dettinger boxait et qu’une porte de ministère tombait sous les coups d’un Fenwick.

Assumez…

De notre coté nous le crions. C’était beau. C’était beau parce que ça avait la saveur de l’espoir. Et dire cela ne fait pas de nous des assoiffé.es de violence et de chaos. Dire cela c’est savoir où et quand le pouvoir vacille réellement, même de façon furtive et localisée, et c’est s’en réjouir.

Alors oui, assumons. Quand nous voyons de la révolte, notre cœur s'emballe, et quand nous voyons du feu, c’est notre corps qui brule de désir pour demain, parce que nous rêvons tous les jours d'un monde meilleur que celui qui ne tient plus que par la force. Un monde de liberté. Un monde solidaire. Un monde qui ne soit plus régi par le profit de quelques uns. Un monde où la nature est au centre de décisions prises collectivement. C'est pour cet horizon que nous nous battons. Que nous vibrons. Et c'est pour cet horizon que détruire l'ancien monde est notre désir le plus cher.

Vous le savez. Sous le vernis civilisé, c’est bien dans l’horreur et l’inhumanité sans nom que nous vivons. Le futur qui se dessine à la couleur de l’abîme. Soyons ensemble à la hauteur et faisons tout notre possible, maintenant, sans relâche et avec amour.


Tout est question de fric !

Nous voilà rendus à la cage départ. La cage du confinement. Pour la bonne cause, pour sauver des vies. Sauf que désormais, on sait que cette crise sanitaire inédite ne provoquera pas de remise en cause globale du système. Au printemps, l'intensité du choc nous a permis de rêver à une prise de conscience massive et à un monde d'après différent. Vraiment différent.

Que s'est-il passé depuis ? Pas grand chose. Si ce n'est que la société est devenue encore plus sécuritaire et encore plus libérale. Aucun plan massif d'investissement dans la santé et dans l’hôpital public. Ni dans l'éducation. Aucun changement politique majeur concernant le réchauffement climatique.

Pourtant, il serait faux de dire que rien n'a changé. Les conséquences des mesures liées au Covid sont énormes. Et nous n'en voyons que les prémices. Au moins un million de Français-es ont basculé dans la pauvreté cette année et des millions de personnes vont être au chômage. Des centaines de milliers vont tomber dans l’extrême pauvreté. Des dizaines de milliers de petites entreprises vont fermer. Des personnes vont être expulsées de leur logement. En fait, l'énorme crise n'est pas encore arrivée. Mais elle est inéluctable. C'est une question de semaines. De mois tout au plus.

On pourrait se dire que c'est terrible mais qu'on n'y peut rien. Que c'est la faute au virus et qu'il fallait de toute façon prendre des mesures pour éviter des dizaines de milliers de morts supplémentaires.

En effet. Mais surtout, il ne faut pas oublier que, depuis le début de cette crise, les plus riches mettent tout en œuvre pour éviter d'être eux aussi des perdants de cette séquence. N'oublions pas qu'en mars, l'Etat a pris d'énormes mesures pour faire cesser le krach boursier. Pour rassurer le Cac 40 : baisse des taux d'intérêts, aides, allègement des charges... Le gouvernement a donné des milliards aux plus grands groupes. Officiellement pour sauver de l'emploi. Sauf qu'on connait bien la chanson. Cela n’empêchera pas les licenciements.

Le grand problème, c'est que ces milliards donnés aux ultras riches, ce sont autant de milliards qui n'ont pas été mis dans la santé, dans l'école, dans tous les services publics. Autant d'argent qui ne sera pas disponible pour éviter à des millions de personnes de tomber dans la pauvreté. Il n'y a pas d'argent magique ma petite dame !

Il faut donc le redire : tout est question d'argent. S'il n'y a toujours pas plus de lits à l’hôpital ou de personnel de santé, c'est une question de fric. Si le gouvernement a choisi de laisser les enfants aller en cours à la rentrée, c'est une question de fric. S'il n'y a pas eu assez de centres de test et que les délais de résultat ont parfois dépassé deux semaines, c'est une question de fric. S'il n'y a quasiment aucun travaux de ventilation dans les bâtiments publics, c'est une question de fric.

Jeff Bezos a vu sa fortune augmenter de plus de 80 milliard depuis la crise. Les milliardaires français sont, avec les chinois, ceux qui ont vu leur fortune le plus augmenter ces dernières années. Cela ne tient pas du hasard.

Les émeutes actuelles en Espagne et en Italie partent d'un refus des restrictions sanitaires mais s'ancrent dans une colère face à la misère sociale du plus grand nombre. Il y a quelque chose de désormais insoutenable à comprendre que les gouvernements occidentaux ne gèrent cette crise qu'au prisme des élections et du profit des plus riches. Leur objectif, c'est que cette crise ne change rien dans le système actuel, dont ils profitent eux et leurs amis. Mieux, si la crise du Covid peut permettre de renforcer les dispositifs de contrôle pour éviter la contestation sociale tout en cassant le droit du travail... c'est gagnant/gagnant !

On ne va pas se mettre à rêver d'une prise de conscience générale qu'un autre monde est possible. Les derniers mois nous ont montré le contraire. Et l'acceptabilité par la population des mesures contraignantes du gouvernement démontrent que sa stratégie paie. Pour l'instant.Un sondage IFOP début novembre, montre que plus de 7 Français sur 10 sont prêts à rester confinés pendant les fêtes de fin d’année.

Par contre, la réalité sociale qui est en train de se mettre en place va forcément aboutir à des colères difficilement canalisables par les structures politiques et syndicales. Reste à savoir si ces colères sauront se focaliser sur les vrais responsables. Ou si le système réussira, encore une fois, à trouver un bouc émissaire pour canaliser cette colère et se maintenir en place...


Sans la police

Ce texte est la version complète d'un texte publiée sur Lille Insurgée concernant l'offensive policière que subit le quartier Moulins à Lille suite à l'agression d'une femme fin juillet.

Axelle, aide-soignante, lâchement assassinée à Lyon. Philippe, chauffeur de bus, frappé à mort à Bayonne. Une femme agressée dans le quartier Moulins à Lille, double fracture de la mâchoire.
L'insécurité de nos quartiers est une réalité à laquelle nous devons collectivement répondre.

Chaque fait divers, chaque agression, est abondamment récupérée par la classe politique et toutes sortes d'identitaires pour alimenter leur discours de haine, qui voudrait faire croire que la France est à feu et à sang. La récupération par les identitaires lyonnais du meurtre d'Axelle devrait nous révolter. Non pas contre cette récupération - qui, en soit, n'a rien de surprenant - mais contre nous, car si les identitaires ont pu récupérer cet événement, c'est que nous leurs avons laissé l'espace et les moyens de le faire.

L'absence de ressources, de contenus libertaires sur l'assassinat d'Axelle alors que celui-ci s'est imposé dans l'espace médiatique doit nous interpeller.
Quand les identitaires et l'ensemble de l'extrême droite enchaînent article sur article, action sur action pour récupérer tout fait lié à la sécurité, nous sommes incapables de proposer une alternative désirable à ce paradigme dominant consistant à affirmer que plus de sécurité est égal à plus de moyens dans les polices, des sanctions judiciaires plus fermes, le développement massif des technologies de surveillance et de contrôle etc.

La question de la sécurité et de l'insécurité fait le beurre des racistes, des néolibéraux et autres dictateurs en devenir qui profitent d'événements divers pour mener des politiques répressives et punitives.
En 1999, afin de lutter contre les crimes sexuels, le gouvernement instaurait une loi visant à pouvoir identifier par l'ADN de potentiels agresseurs. Peu de personne s'opposèrent à cette mesure qui semblait louable. Si à l'époque le nombre de personnes dont l'ADN avait été récupéré ne se comptait qu'en milliers, le fichier national des empreintes génétiques compte aujourd'hui plus de 3,5 millions de personnes fichées. Et pour cause, le prélèvement ADN ne s'arrête désormais plus aux crimes sexuels, mais à une quantité de délits mineurs. Une simple arrestation et une garde à vue peuvent justifier un prélèvement ADN.
« D'abord limité aux auteurs de crimes sexuels et de violences, étendu aux "suspects" d'infractions plus banales, le "fichier génétique" de la police compte déjà 283 000 dossiers. Inquiétudes civiques. » s'inquiétait le journal Le Monde en 2006 dans un article détaillé sur le sujet¹.

Sur un principe simple et louable de faciliter les arrestations de criminels sexuels par le relevé ADN, cette pratique s'est étendue à une grande partie de la population, créant un énorme fichier de surveillance.
« Lorsqu’on analyse les politiques pénales, on observe que ces dernières décennies, en France comme dans la plupart des pays occidentaux, les femmes ont servi à justifier des politiques de plus en plus punitives. La cause des femmes sert de prétexte à la création de nouvelles catégories de crimes et de délits, à l’allongement des peines, mais aussi à des innovations pénales, comme le bracelet électronique, les prélèvements systématiques d’ADN. » Gwenola Ricordeau²

Le Parti Socialiste et plus largement, la gauche parlementaire n'échappe pas à cette façon de répondre à l'insécurité. Par idéologie ou manque flagrant d'imagination, elle n'a pas d'autres réponses à donner que la surveillance et la punition. La politique et les discours de Manuels Valls en sont de bons exemples. La séquence politique anti-terroriste et la mise en place de l'état d'urgence a vu par exemple permis l'utilisation de mesures exceptionnelles pour réprimer les millitant.e.s écologistes qui s'opposaient à la mascarade de la COP21 ou encore le mouvement contre la loi travail où se sont multipliées les assignations à résidence, les interdictions de manifester, les gardes à vue arbitraires et bien d'autres mesures désormais inscrites dans le droit commun par la loi dite « anti-terroriste », en vigueur depuis l'automne 2017.³

À Lille, Martine Aubry mate depuis des années les quartiers populaires dans un but de gentrification, à grand renfort de bleus. À Rouen, sous prétexte de lutte contre les violences faites aux femmes, un arsenal de nouvelles technologies va être déployé dans les bus de la métropole « socialiste ». L'augmentation de l'insécurité brandite chaque année vient une nouvelle fois légitimer l'installation d'un dispositif de surveillance dernier cri. Et que dire de Nantes, où Johanna Rolland, la Maire PS, enchaîne les politiques sécuritaires, comme le démontre régulièrement le média indépendant local Nantes Révoltée.
Le reste de l'échiquier politique se mure dans un silence assourdissant. La « gauche radicale » n'est pourtant pas incapable de produire un discours sur les questions de sécurité, mais elle se fait battre quasi-systématiquement sur le plan temporel. « Les récupérateurs » proposent des solutions de court terme, pratiques et cadrées, qui semblent efficaces au premier regard, répondant aux attentes directes d'une société noyée dans la peur épidermique d’une population alimentée par le rejet de l’autre à grands coups de Unes délétères : Valeurs actuelles titre le 23 juillet sa Une « le racisme anti français tue ».
Nous n'avons rien à proposer dans l'immédiat, ou si peu.

Pourtant, à chaque agression, à chaque moment où le thème de la sécurité est mis en avant - il va sans dire très souvent - nous devrions mettre en place une machine de guerre pour contrer l'argumentaire sécuritaire fallacieux. Parler, écrire, organiser des rencards comme cela est fait lorsqu'il y a une violence policière. Il faudrait se répéter peut-être, en avoir marre certainement. Il faudrait, à chaque fois qu'une agression traumatise un quartier, y distribuer par dizaines les ouvrages de Angela Davis, Franz Fanon, Gwenola Ricordeau, Michel Foucault… Partager les témoignages du Chiapas ou du Rojava. Se retrouver entre habitant.e.s dans une démarche solidaire (plutôt que de vigilance) et surmonter ensemble et pour du long terme les situations communes.

Le constat est pour l'heure assez mauvais et nous ne pouvons qu'observer notre incapacité à développer cette autre porte de sortie que la police et l'action pénale, en réponse aux crimes et aux agressions. Soyons-en sûr.e.s pourtant, nos idées sont désirables.

Alors qu'à Lille, une femme a été agressée dans le quartier Moulins par un « dealer », cette dernière a lancé un appel aux pouvoirs publics, mairie et préfecture, à « prendre la mesure de la situation » et réagir au plus vite, désignant le quartier Moulins comme « une zone de non droit », ainsi qu'à une surveillance permanente du quartier.

Martine Aubry et la préfecture ont réagi au quart de tour. La maire de Lille en appelle à l'État pour gérer la situation.⁴ Et la réponse ne s'est pas faite attendre.
Mardi 28 juillet, le quartier de la filature, situé à côté de la fac de droit et du métro porte de Douai, était pris en étau par une déferlante de flics venus mener une expédition punitive dix jours après l'agression.
Mercredi 29 juillet, Martine Aubry envoyait un courrier à Gérald Darmanin pour demander des policiers supplémentaires dans les plus brefs délais afin de lutter « contre les zones de non-droits ». Un courrier à vomir, où la maire n'hésite pas à reprendre le terme d'extrême droite d'«ensauvagement» pour désigner le quartier Moulins.
« Vous parlez d'ensauvagement, c'est dans ces zones de non droit qu'il est le plus visible » Insulte insupportable envers les habitant.e.s d'un quartier coincé.e.s entre les agressions multiples, l'occupation policière violente et la brutale gentrification.

Ce dimanche 2 août, Gérald Darmanin était en visite surprise au commissariat de Lille avec la promesse d'augmenter les effectifs et les moyens des polices de la métropole. La promesse aussi d'augmenter les caméras de surveillance, alors que Lille est relativement épargnée par ce phénomène de contrôle de masse.
Surveiller et punir, voilà les lignes de ce nouveau mandat socialiste qui commence.

Une chose est pourtant claire : les politiques répressives ne changeront rien à la situation et il est hors de question que le quartier Moulins et l'ensemble de ses habitant.e.s ne se retrouvent une nouvelle fois les victimes d'une occupation policière violente et de politiques répressives.

Ce quartier est déjà depuis de nombreuses années le théâtre d'expéditions punitives et d'occupations policières. Les CRS sont présents en nombre notamment autour de porte d'Arras. Les unités de police spécialisées multiplient les descentes dans le quartier de la filature et la fac de droit est devenue un bunker où les entrées sont contrôlées. La situation s’est-elle arrangée ? Non. Car croire que l'on apporte de la sécurité à coup de présence policière et de technologies de surveillance est une pensée aussi fausse que difficile à se sortir de la tête.

Alors que depuis 30 ans, nos villes et nos flics ont été équipés de tout l'arsenal possible sous prétexte de lutter contre l'insécurité, depuis 30 ans, les chiffres des violences
physiques et des homicides sont stables voire en baisse, et ce en partie liée à la décrue de la violence politique et du grand banditisme.⁵
Le spectre que l'on nous brandit d'une France à feu et à sang ne permet que de légitimer l'utilisation de la force sur les habitant.e.s des quartiers. Pour autant, les agressions et le sentiment d'insécurité que les habitant.e.s ressentent dans certains quartiers sont des réalités auxquelles nous devons collectivement répondre.

Au gouvernement, on nage dans le paradigme répressif comme un extasié nagerait dans son trip. L'offensive sécuritaire est spectaculaire.
Les déplacements, de commissariat en commissariat pour annoncer des moyens et des effectifs se multiplient depuis l'arrivée du nouveau gouvernement.
Lors de leur déplacement à Nice, ville avec le plus de caméras de surveillance et de policiers de France, les sinistres Darmanin, Dupont-Moretti et Castex ont annoncé des mesures qui devraient nous effrayer :
- Création de 10 000 postes de policier·es
- Extension des pouvoirs de la police municipale
- Durcissement de la justice pénale

Une fois n'est pas coutume, cette opération de communication a affiché la volonté d'une tolérance zéro contre la délinquance. Nous savons bien ce qui en découlera, qui seront les victimes de ces politiques de « tolérance 0 » trempant généralement dans une marinade putréfiée de racisme et d'infantilisation.

Axelle à Lyon, Philippe à Bayonne ou les nombreuses agressions à Lille comme ailleurs sur le territoire ne doivent pas légitimer des politiques répressives stigmatisantes. Il nous faut développer un discours fort qui réponde à nos réalités communes en termes de sécurité tout en refusant de voir, dans chaque événement, une augmentation catastrophique de l'insécurité. Développons donc un autre discours et revendiquons une autre approche de la sécurité s'opposant aux politiques locales et gouvernementales répressives. Hors de question d'inventer de nouvelles pratiques policières ou technopolicières. Pas d'augmentation d'effectifs non plus. Nous parlons bien ici de pratiques communes qui tendraient à se passer des polices à l'échelle communautaire.

À chaque nouvelle violence policière, bon nombre de personnes se posent la question de la police, de son rôle et de son utilité. Les évènements médiatisés comme le décès d'Axelle sont ces moments où certain.e.s de nos ami.e.s doutent. Se demandent si la police, la prison, finalement…

Non, c'est justement dans ces moments qu'il faut penser l'abolition. De la prison, de la justice punitive et de la police. De tout ce qui est policier. De la gestion étatique de nos existences. Il faut penser l'abolition non pas d'une institution, mais d'un monde.

« Abolir réellement la police, cela suppose d'abolir tout ce qui est policier, et donc s'extraire de la société qui la nécessite et la génère. Aucune loi ne peut l'obtenir, cela s'obtient de fait.
Seule la commune, en répartissant les tâches de l'administration à un corps de citoyens révocables faisant la médiation nécessaire, peut abolir toute la police et libérer la société humaine. » La meilleure des polices, Cerveaux non disponibles.

C'est le moment de réaffirmer haut et fort qu'on ne transformera pas les vieux rouages systémiques du fonctionnement de notre monde à coup de matraques, de marteaux et de barres de fer. Il nous faut, même si cela paraît casse-gueule, nous saisir d'évènements comme l'assassinat d'Axelle pour développer notre argumentaire qui, soyons en sûr·es, est désirable – se le répéter est parfois nécessaire. Désirable en premier lieu pour nous, celles et ceux qui partageons les idées d'abolition de la police, d'anticarcéralisme, liées à notre désir de reprendre en main collectivement nos conditions d'existence. Désirable ensuite et surtout pour celles et ceux d'avantages opprimées par la police et la justice. Celles et ceux qu'on contrôle au faciès, qui n'ont pas les moyens de se défendre devant un procureur, que l'on réprime du simple fait de caractéristiques ethniques, genrées, ou sociales. L'écho que le discours abolitionniste peut avoir sur toute une partie de la population grappillera minimalement l'espace conquis par le discours sécuritaire dominant.

Déconstruire le mythe tendant à nous faire croire que la police est indispensable semble être un point qui, au vu de l'actualité autour des violences policières, est à marteler. La police n'empêche pas le crime d'avoir lieu. Elle arrive après pour le constater. La police n'empêche pas ton voisin du 3eme de mettre de la techno jusqu'au lever du soleil. La police n'est construite que sur le principe d'infantilisation de la population. Nous serions des individu.e.s inconscient.e.s, incapables de gérer notre sécurité et celle des autres. Sur ce principe, nous avons délégué ce pouvoir aux hommes armés qui prétendent avec arrogance être les garants du bon déroulement de la vie. Seuls les policiers seraient capables de gérer les conflits.

Le recours systématique à la police découle inéluctablement du fonctionnement systémique de nos sociétés occidentales basées notamment sur l'individualisme.
À l'heure où plus personne n'est dupe sur la question des violences policières (à l'exception de quelques zigotos comme Castaner, Darmanin, ou les guignols de génération identitaire), nous devons nous demander si faire appel aux policiers pour gérer systématiquement ces conflits serait faire preuve de tolérance et cautionner une logique de domination sociale, raciste et hétéropatriarcale.
Il ne s'agit pas ici de pointer du doigt celles et ceux qui ont recours aux policier.e.s pour tout un tas de raison, mais de réussir à se poser des questions : dans qu'elle situation ai-je réellement besoin de la police ? Pourra-t-elle réellement m'aider si…? Comment pourrait-on gérer cette situation autrement. Collectivement.

L'enjeu est de retirer l'argument établi du « on vous protège » représentant la partie émergée de l'iceberg camouflant le « on vous écrase ». L'enjeu est de détricoter la pensée selon laquelle la police serait irremplaçable. Une pensée construite dans le but unique de préserver l'ordre et d'empoisonner nos imaginaires.

« Je suis sûre que la première fois que quelqu’un a crié “Nous devons abolir l’esclavage !”, tout le monde a réagi de la même manière, genre : “Quelle idée stupide ! On se fait plein
d’argent grâce à ce travail gratuit et vous voulez l’abolir ? C’est ridicule !” » Tout le monde peut se passer de la police, Jeff Klak.⁶

L'enjeu est donc de nous mettre dans les conditions propices à la création d'alternatives à la gestion étatique de la sécurité en développant des espaces permettant de répondre à toutes les situations où nous recourons d’ordinaire à ce qui est policier, et ainsi les gérer ensemble.

Ces formes auront leurs problématiques que nous nous efforcerons de soulever, d'assumer et de résoudre ensemble, avec l'ambition permanente de se passer de la force armée et de l'accaparement de la violence physique légitime par un groupe. Si tout reste à faire, rien n'est pour autant à inventer. Inventons oui ! Mais constatons d'abord qu'une flopée de chercheurs et de chercheuses, de millitant.e.s, d'écrivain.e.s, se sont emparé.e.s de la question. Des thèses sur la justice transformative, au travail fourni sur l'abolition de la justice pénale et de la prison. Il faut s'inspirer d’expériences communautaires où la police est reléguée en dernière division notamment dans des collectifs féministes locaux, à la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes, au Chiapas (Mexique), au Rojava, dans le quartier D'Exarcheai à Athènes ou plus récemment dans la Capitol Hill Autonomous Zone (Seattle). Des expériences effectives, loin d'être parfaites, cela va sans dire, mais ô combien inspirantes. Des solutions communautaires où la vie et la sécurité d'une population s'organisent différemment et dont le principal ingrédient est la fluide interaction sociale entre les membres de la communauté.
Recréer des liens, avec nos voisin.e.s, faire société. Un principe simple et consensuel pourtant mis de côté par ce qu'on nous impose dans le strict intérêt de préserver l'ordre établi. Capitaliste, raciste et hétéropatriarcale. Rappelons-le.

« Si tu construis une communauté, alors la violence s’arrête. Quand tu connais tes voisins, tu es beaucoup moins susceptible de leur tirer dessus ou de les voler » Tout le monde peut se passer de la police, Jeff Klak. C'est l'ambition des forces d'autodéfense populaire au Rojava, pensées pour que les volontaires assurent la protection des habitant.e.s de leur propre quartier.

« Les possibilités d’instituer des hiérarchies de pouvoir et d’autorité sont considérablement réduites dans cette méthode alternative. Les personnes sont les protecteurs des personnes, celles avec qui ils vivent et avec qui ils interagissent quotidiennement. La proximité des « forces de sécurité » par rapport à la communauté, étant donné qu’elles sont issues de leur propre quartier, garantit que des violations ne se produisent pas. Lorsqu’elles se produisent, les mécanismes communautaires de justice, d’honneur et de restauration sont immédiatement activés par le biais des communes de quartier. Le monopole de ce processus est encore empêché en encourageant tout le monde à participer grâce à un système de listes. Tout le monde peut se porter volontaire. Cela inclut les personnes âgées, en particulier les femmes, en tant que sources de protection civile. » Hawzhin Azeez, activiste kurde.⁷

Ce modèle ne peut évidemment pas fonctionner seul. Il doit être accompagné d'une profonde transformation de la société, aussi bien politique que sociale. Par la dissolution de
l'état et des valeurs patriarcales, coloniales, nationalistes, patriotiques etc, qui l'accompagnent.

Il nous faut donc déconstruire l'intégralité de ces schémas, ces modèles, ces représentations, cette multitude de roues dentées faisant engrenage dont le fonctionnement automatique nous empêche d'échapper à son inertie.

Créer des îlots de résistance comme il en existe déjà, aussi combatifs que créatifs, pour désosser ces constructions insensibles vampirisant nos capacités à penser autre chose.
Tout ce qui était directement construit doit s'égarer. Se perdre pour retrouver la créativité enfantine déchue qui nous a de nombreuses fois fait embrasser le chaos. Et que c'était bon d'embrasser le chaos.

Nous vous invitons vivement à poursuivre la lecture via les références notées ci-dessous.
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1. La tentation du fichage génétique de masse :
https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2006/09/25/la-tentation-du-fichage-genetique-de-masse_816576_3208.html

2. Entretien avec Gwenola Ricordeau
https://www.bastamag.net/Abolition-prison-police-abolitionnisme-feminisme-violences-sexistes-Entretien-Gwenola-Ricordeau-Femmes-contre-la-prison

3. Pourquoi le projet de loi antiterroriste menace les libertés fondamentales
https://www.lesinrocks.com/2017/09/26/actualite/actualite/projet-de-loi-antiterroriste-les-libertes-menacees/

4. Agression d'une femme à Lille-Moulins : "C'est l'enfer pour les gens" selon Martine Aubry, qui en appelle à l'Etat
https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/lille/agression-femme-lille-moulins-c-est-enfer-gens-martine-aubry-qui-appelle-etat-1855628.html

5. Sept idées reçues sur l’évolution de la France « depuis trente ans »
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/02/28/sept-idees-recues-sur-l-evolution-de-la-france-depuis-trente-ans_5429436_4355770.html

6. La meilleure des polices
https://cerveauxnondisponibles.net/author/admin1591/

7. Tout le monde peut se passer de la police.
https://www.jefklak.org/tout-le-monde-peut-se-passer-de-la-police/

8. Une société sans police ? Les leçons du Rojava.
https://kurdistan-au-feminin.fr/2020/06/04/une-societe-sans-police-les-lecons-du-rojava/

Pour aller plus loin :

A propos de justice transformatrice et de gestion communautaire des agressions :
- Pour une culture de la solidarité
https://rebellyon.info/Pour-une-culture-de-la-solidarite-22472
- Pas de recette miracle. Perspectives extra-judiciaires face aux agressions sexuelles
https://rebellyon.info/Pas-de-recette-miracle-Perspectives-extra-22481

A propos d'abolition de la police :
- MANIFESTE POUR LA SUPPRESSION GÉNÉRALE DE LA POLICE NATIONALE
https://lundi.am/Manifeste-pour-la-suppression-generale
- VIOLENCES, MENSONGES ET MAINTIEN DE L’ORDRE
https://lundi.am/Violences-mensonges-et-maintien-de-l-ordre
- Que faire de la police ?
https://www.jefklak.org/que-faire-de-la-police/
- 12 choses à faire plutôt que d’appeler la police
https://rebellyon.info/Si-tu-vois-quelque-chose-fais-quelque-22487

A propos d'imaginaire et de créativité :
- « PAS DE POLICE, PAS DE PROBLÈME », déclaration de Loïc Citation lors de son procès pour le contre sommet du G20 à Hambourg.
https://laneigesurhambourg.noblogs.org/post/2020/07/09/loic-keine-polizei-keine-problem/
- Entretien avec Alain Damasio
https://www.bastamag.net/Alain-Damasio-Les-Furtifs-La-Volte-ultra-liberalisme-ZAD-pouvoir-alienation


De quoi CND est-il le non ?

Depuis quelques semaines, les publications de CND font l'objet de commentaires très négatifs, souvent agressifs. Qu'il s'agisse de posts sur des mobilisations antiracistes, féministes, des révoltes au Liban ou en Biélorussie, ou même des Gilets Jaunes. On pourrait se dire que c'est le "jeu" des réseaux sociaux, surtout pour un média des luttes sociales et politiques. Sauf que la page existe depuis près de 8 ans, avec une audience importante depuis le début des Gilets Jaunes. Et que c'est la première fois que nous connaissons un tel afflux de commentaires "contre" nos publications. Pour ne pas dire contre CND.

Cela ne nous empêche pas de dormir, et nous ne pensions pas écrire sur le sujet. Mais de nombreuses personnes nous ont envoyé des messages pour nous alerter sur ces commentaires et nous demander des explications.

Nous avons fait le choix de ne bannir et supprimer que les messages racistes, homophobes, sexistes, ou d'incitation à la haine. Tous les autres commentaires restent visibles, y compris ceux qui nous dénigrent. C'est un choix. Celui de la liberté d'expression et du respect des différences de points de vue.

Mais il convient d'expliquer et de contextualiser cet afflux massif de commentaires négatifs, qui a commencé fin mai. Que s'est-il passé à cette période ? La mort de George Floyd et le mouvement BLM, que nous avons abondamment couvert. S'en sont suivies de nombreuses mobilisations françaises antiracistes et contre les violences policières, notamment à l'initiative du Comité Adama.

Cela a provoqué des centaines de commentaires et messages privés d'insultes (voire de menaces). Pourtant, il ne s'agissait en rien d'un changement de positionnement de CND, qui a connu sa première grosse visibilité dès l'acte 2 des Gilets Jaunes, grâce à un événement facebook que nous avions créé : "Gilets Jaunes anti racistes". Dès l'acte 3 nous faisions un événement coorganisé par le Comité Adama.

Nous n'avons donc jamais "avancé masqué" sur la question de l'antiracisme. Ni sur celle de l'homophobie ou du sexisme. La page est ouverte à toutes les idées et nous postons des points de vues contradictoires, mais avec comme seule ligne le respect de tous et des différences. Cela laisse un spectre très large d'opinion.

Une petite partie de notre audience a probablement été "surprise" de cet antiracisme assumé. Des gens qui avaient connu notre média en cours de route, à un moment où les questions de racisme n'étaient pas aussi présentes. A ceux-là, nous leur disons que notre plateforme sera toujours du côté de ceux qui combattent les oppressions.

Mais nous pensons aussi qu'une bonne partie de ceux qui nous attaquent/dénigrent n'ont jamais été "fans" de notre média. Nous le voyons puisque plus de la moitié des personnes que nous devons bannir suite à des commentaires racistes ne "likent" pas la page au moment du commentaire.

Nous savons aussi que notre page fait l'objet d'attaques coordonnées de certains groupes. Cela a été le cas il y a un an avec des militants macronistes ou d'extrême droite. A l'époque, nous avions trouvé des posts dans des groupes facebook (notamment pro police) qui appelaient à faire des signalements massifs et coordonnés de nos publications. Entre le printemps et l'automne 2019, nous avons subi au moins 4 blocages majeurs de notre page facebook. A chaque fois, nous avons fait appel et avons sensibilisé notre audience à ces censures abusives.

Mais depuis plusieurs mois, cette tendance semble s'être calmée. Il n'est pas déraisonnable d'envisager que ces groupes voulant porter préjudice à CND ont changé de tactique : plutôt que signaler nos posts en espérant que la page soit bloquée (voire supprimée), ils décident de commenter nos publications de façon négative dans l'optique de décrédibiliser notre page. Créer un bruit et une ambiance négative autour de nos contenus.

La stratégie est d'autant plus gagnante pour eux puisqu'elle permet de ternir l'image de CND mais aussi de faire fuir certaines personnes lassées de lire des commentaires aussi haineux et agressifs. Nous avons d'ailleurs reçu des dizaines de messages de personnes qui nous suivent depuis longtemps et qui, n'en pouvant plus de ces commentaires, envisagent de se désabonner.

L'idée est aussi de faire germer quelques doutes sur les intentions de notre page. A force de lire plusieurs fois par jour en commentaire, que CND est financé par Soros, certains de nos abonnés peuvent légitimement se dire qu'il n'y a peut-être pas de fumée sans feu. Qu'après tout, si tant d'internautes l'écrivent sur nos publications, cela ne doit pas sortir de nulle part.

En effet, cela ne sort pas de nulle part. Il s'agit de quelques petits groupes qui ne voient pas d'un bon œil que CND et d'autres médias indépendants connaissent une forte audience tout en assumant un positionnement antiraciste. Du coup, l'objectif est de dire que ces médias ne connaissent un succès que parce qu'ils ont derrière une force de frappe financière.

Quand nous postons des contenus qui couvrent le mouvement Black Lives Matter, c'est donc selon ces groupuscules, Soros qui nous finance. Quand nous postons sur la révolte à Hong Kong, c'est le gouvernement américain. Quand on poste sur les révoltes sud américaines, c'est l’œuvre de la Russie ! Etc...

Cette situation s'inscrit également dans un contexte général très propice au développement de ces attaques par "petits groupes" sur les réseaux sociaux. 50 ou 100 personnes très organisées et actives peuvent aujourd'hui créer une vraie force de frappe en ligne, et en convaincre plusieurs milliers. Tout cela dans un contexte où les mouvements sont de plus en plus internationaux. N'oublions pas que l'année 2020 est celle des présidentielles aux USA et que l'arrivée de nouveaux trublions des réseaux comme le Qanon ne relève pas du hasard du calendrier. Et même si ce mouvement complotiste/pro Trump pèse principalement sur les réseaux anglo-saxons, son poids en France commence à être assez sérieux et inquiétant.

Nous tenions à faire ces éclaircissements en cette période où tout semble confus. Non pas pour nous justifier, mais pour tenter d'expliquer à ceux qui nous suivent et nous apprécient, le pourquoi et comment de cette arrivée massive de commentaires négatifs.

Pour terminer, nous rappelons donc que CND est animé par plusieurs personnes, avec des points de vues parfois différents sur certaines questions, et qui laisse la porte ouverte à d'autres prises de positions (tribunes, vidéos...) extérieures, qui permettent d'alimenter un débat sur les questions de société. CND a aussi vocation a relayer des contenus de médias alternatifs pour leur donner une plus forte visibilité. Parmi ces médias, tous n'ont pas la même ligne éditoriale.

A chaque fois, notre seule ligne de front est celle du respect de tous. Nous combattons le racisme, le sexisme, l'homophobie et toutes les formes d'oppression.

Et même si quelques dizaines d'internautes tentent de faire croire le contraire, nous pensons farouchement que ces combats ne sont pas des éléments repoussants pour de nombreux militants, qu'ils soient syndicalistes, Gilets Jaunes ou simple citoyens en colère.


Bas les (anti) masques

BAS LES (ANTI) MASQUES

La situation actuelle nous semble nécessiter une mise au point concernant le mouvement « anti masques ».

CND n'est pas, a priori, ce qu'on appelle un média complaisant envers le pouvoir et le système. On nous reproche même d'être trop dans la critique du gouvernement.

Pourtant, nous ne pouvons relayer ou encourager les attaques actuelles contre l’efficacité du port du masque, voir même sur la remise en cause du Covid et de son impact sani taire.

Dès le début de la crise, nous avons dénoncé le manque de masques pour le grand public. Surtout, nous avons crié notre colère face aux mensonges du pouvoir, et des « experts médiatiques » qui clamaient que le masque était totalement inutile (voir même contre-productif) pour la population. A l'époque, on nous traitait de complotistes ! Cette conviction que le masque était un élément important pour ralentir la propagation du virus, nous l'avons acquis auprès d'études et de chercheurs étrangers. Avant le Covid 19, la planète avait déjà connu de nombreuses épidémies meurtrières. Notamment en Asie. Différentes études de ces crises ont montré à quel point l'usage massif du masque par la population contribuait à ralentir la propagation de ces virus.

Si Macron et son gouvernement ont prétendu le contraire pendant des semaines, c'est à nos yeux moins par incompétence que par choix stratégique pour éviter une panique générale (la France étant à ce moment en pénurie).

Maintenant que les stocks sont suffisants, le pouvoir change totalement de discours (et les médias du pouvoir avec). Le masque serait l'unique solution pour éviter une deuxième vague.

Si ce changement de discours est risible (et grave), il n’empêche que l'usage massif du masque par la population reste objectivement un des leviers pour freiner la remontée du virus. Nous ne voyons pas comment il est aujourd'hui possible de remettre en cause ce fait. Les masques ne nous protègent pas à 100% mais réduisent très fortement la propagation. Le porter permet bien plus de protéger les autres que de se protéger. Et c'est essentiel.

Loin de nous la perte d'envie de dénoncer le cynisme de Macron et de son monde, y compris dans la gestion du Covid. Mais il y a malheureusement bien des sujets sur lesquels se focaliser pour ne pas avoir à en créer un de toute pièce : demander des masques gratuits, notamment pour les plus démunis, dénoncer les mesures liberticides, le traçage de nos vies sous prétexte sanitaire, les abus d'une police qui s'est sentie toute puissante en période d'état d'urgence sanitaire, les choix politiques qui se font pour les patrons des grandes entreprises et sur le dos des plus précaires, le manque de mesures sanitaires pour les travailleurs...

L'un des principaux arguments des anti-masques à travers le monde est de pouvoir « avoir le choix ». La liberté individuelle. Mais où étaient ces milliers de défenseurs des libertés au moment du confinement ? En France, où étaient-ils quand des personnes se sont fait tabasser par la police pour être sorti sans autorisation ou pour avoir dépassé la distance de son domicile ? On entendait personne à ce moment là. Mais là, quand il s'agit de défendre sa liberté fondamentale de ne pas porter un masque de protection...C'est une toute autre histoire. Étrange histoire à nos yeux.

Et puis il y a les soignants. Ces travailleurs en première ligne, qui ont payé au prix fort les erreurs politiques et économiques de la France, notamment par manque de masques et de combinaisons. Ces soignants que nous avons applaudi tous les soirs à 20h. Ces soignants que nous avons accompagné en manifestations dès les premiers jours de déconfinement. Ces soignants qui restent farouchement en colère contre Macron et son gouvernement, mais qui continuent de nous dire qu'il faut plus que jamais porter un masque pour éviter de se retrouver dans une nouvelle séquence où les hôpitaux seraient totalement saturés. Et lors de laquelle ils devraient « choisir » quels patients soigner.

Cette réalité, qui peut la nier sans salir la mémoire des milliers de morts et le travail de centaines de milliers de soignants ?

Alors, oui, nous continueront à dénoncer ce système et ceux qui en profitent, y compris sur la gestion du Covid. Mais non, nous n'irons pas remettre en question l'intérêt du port du masque.


Témoignage depuis Portland #2

Aujourd’hui, mercredi 29 juillet, est ma troisième journée à Portland et hier soir j’ai assisté à ma deuxième manifestation (voir mon récit). À l’heure où j’écris (la fin d’après-midi), la journée est surtout marquée par l’annonce faite ce matin par la gouverneure de l’État de l’Oregon Kate Brown: un accord aurait été trouvé qui permettrait le retrait des agents fédéraux (les « Feds ») dès demain jeudi – et aussi leur nettoyage de l’extérieur du bâtiment fédéral recouvert de graffitis. Mais la situation reste néanmoins confuse, notamment parce que le Department of Homeland Security (la principale agence fédérale dont les agents sont déployés ici) a démenti son départ. Par ailleurs, le sentiment général que semble susciter l’annonce de la gouverneure est la méfiance. Quelles sont les garanties de ce retrait ? Au-delà de ce qui se joue en ce moment localement à Portland et de la possible victoire remportée par les manifestant.e.s, l’Operation Legend (l’opération de l’Administration Trump d’envoi de troupes fédérales dans des villes démocrates pour « rétablir l’ordre ») continue bien avec la nouvelle du déploiement de Feds dans trois nouvelles villes (Cleveland, Detroit et Milwaukee).

Cette journée riche en rebondissements fait suite à une nouvelle nuit de manifestation devant le bâtiment fédéral. Comme les soirs précédents, la foule est arrivée en nombre à partir de 20 heures. Beaucoup de personnes viennent en petits groupes d’ami.e.s, de collègues ou de diverses formes affinitaires (par exemple hier soir, il y avait un groupe de membres de l’église mennonite, un mouvement chrétien anabaptiste).

Un groupe d’Amerindien.ne.s de diverses Nations (les Nations amérindiennes souveraines sont au nombre de neuf dans l’État de l’Oregon) sont venu.e.s dire leur soutien au mouvement #BLM et rappeler leurs luttes. Ils et elles ont chanté plusieurs chants rituels qui faisaient écho aux évènements en cours et qui évoquent les Anciens, la Terre, les blessures et la guérison.

https://twitter.com/CerveauxNon/status/1288581315663667200

Comme les autres soirs depuis plus d’une semaine, la présence des « Mamans », avec leurs tee-shirts jaune, a été remarquée. Tout comme celle de deux dizaines de vétérans, qui se sont mis en rang dans le respect des règles de l’art militaire.

https://twitter.com/CerveauxNon/status/1288576072599175173

D’une manière générale, on peut remarquer que les équipements type casques et masques à gaz sont généralisés. Or il faut souligner qu’il n’y a pas aux USA une grande culture des affrontements avec la police dans le cadre des manifestations comme il peut y avoir en France. Ce qui explique d’ailleurs en partie que l’usage de gaz lacrymogènes fasse autant scandale dans le pays. Bref, pour la plupart des gens qui aujourd’hui viennent aujourd’hui manifester, c’est une nouveauté que de s’équiper ainsi.

La nuit a été longue. La foule de plusieurs milliers de personnes vers 21 heures est restée très compacte jusqu’à 1 heure du matin. Si les Feds, retranchés dans le bâtiment fédéral et protégés par les hautes grilles qui l’entourent temporairement, ont lancé plusieurs fois des gaz lacrymogènes à partir de 23 heures, c’est surtout à partir de 1 heure du matin que des affrontements plus violents (qui n’ont pas faits de blessé.e.s graves à ma connaissance) ont eu lieu.

Aujourd’hui, le campement devant le bâtiment fédéral n’a pas bougé : il y a toujours le Riot Ribs qui sert des repas 24/24, la tente des secours médicaux avec son matériel de prévention (bouchons d’oreilles, masques, casques, produits contre les effets des gaz lacrymogènes, etc.) et quelques tentes d’habitation. Il ne fait aucun doute qu’il y aura une manifestation ce soir. Non seulement cela fait plus de 60 jours que les habitant.e.s de Portland manifestent chaque soir pour #BLM, mais les Feds ne sont pas encore partis !

Je vais donc être à nouveau sur place ce soir – si vous voulez me suivre sur Twitter, je vous donnerai des nouvelles à partir de 21 h (heure locale), soit 6 heures du matin (heure française, jeudi).


8 mesures pour abolir la police

Ce texte et ces visuels sont une traduction (et adaptation à la situation française) du projet américain 8ToAbolition.
Réalisé par Anarchaud

Un monde sans prisons ni police, où nous pouvons être en sécurité.
Nous croyons en un monde sans meurtre policier car sans police.
L'Abolition ne peut pas attendre.

8 parties :
1. Démanteler la police,
2. Démilitariser les communautés,
3. Interdire le fichage,
4. Libérer les prisonniers prisonnières,
5. Abroger les lois qui criminalisent la survie,
6. Investir pour l'autonomie de la communauté,
7. Fournir un logement sûr à tous toutes,
8. Investir dans l'entraide, pas dans la police.

1. Démanteler la police :
Exiger la baisse du budget de la Police jusqu'à ce qu'il soit de zéro ; Exiger que la Police soit responsable des fautes et des recours à la violence ; Supprimer l'IGPN, IGGN ; Réduire le pouvoir des syndicats policiers ; Abolir les programmes et lois de confiscation des biens ainsi que l'outrage à agent ; Mettre fin à la prise en charges des frais judiciaires de forces de l'ordre et leurs proches par l'Etat ; Retirer toutes les technologies de surveillance ; Retirer la Police de toutes les écoles ; Interdire les plans d'innovation privé-public qui bénéficient de correctifs technologiques temporaires pour des problèmes systèmique d'abus et de violences policières.

2. Démilitariser les communautés :
Désarmer les forces de l'ordre, y compris la Police, les Gendarmes et la Sécurité Privée ; Mettre fin aux contrats entre la police et les compagnies privées qui fournissent des technologies de surveillances aux forces de l'ordre ; Renoncer aux programmes de militarisation de la police ; Interdire les formations militaires aux forces de l'ordre et séparer la Gendarmerie de l'armée ; Cesser l'exportations d'armes ; Abroger toutes les lois qui protègent, excusent ou permettent les fautes policières.

3. Interdire le fichage :
Cesser les contrôles d'identité, le délit de faciès, le fichage des populations ; Interdire le relevé des empreintes et de l'ADN ; Interdire les applications policières permettant le fichage notamment des personnes LGBTIQ+ ; Démanteler la BAC, la BRAV-M ; Mettre fin au plan VIGIPIRATE et abroger les états d'urgence ; Interdire la Fiche S sur la base de soupçons racistes et à but politique ainsi que les accusations infondées pour "apologie du terrorisme" ; Interdire les perquisitions et les assignations à résidence arbitraires ; Mettre fin aux comparutions immédiates.

4. Libérer les prisonniers prisonnières :
Fermer de manière permanente les prisons et les CRA ; Libérer les prisonniers prisonnières médicaux des hôpitaux... ; Mettre fin aux arrestations obligatoires qui mènent à la criminalisation des survivantes de violences genrées ; Rejeter les "alternatives à l'incarcération" qui sont carcérales par nature ; Réduire le nombre d'arrestations ; Baisser les financements des bureaux des procureurs ; Mettre fin à la détention provisoire, aux surcis ; Libérer toutes les personnes en détention provisoire et pour violation de la libération conditionnelle ; Rendre libres toutes les communications entre et par les prisonniers prisonnières ; Mettre fin à la détention des personnes immigrées, à leur criminalisation et laisser les personnes sans-papiers venir chez elles.

5. Abroger les lois qui criminalisent la survie :
Abroger les lois criminalisant les personnes impliquées dans le travail du sexe, la vente de drogue et l'économie de rue ; Abroger les lois criminalisant l'occupation de l'espace public, en particulier pour les personnes sans-abris et les gens du voyage ; Abroger les statuts qui criminalisent les survivantes de violences genrées ; Mettre fin aux amendes et redevances associées aux procédures judiciaires pénales ; Abroger les lois sur l'absentéisme précarisant les étudiants étudiantes bousiers boursières au Crous ; Abroger les lois contre la dissimulation du visage, y compris le port du voile.

6. Investir pour l'autonomie de la communauté :
Favoriser les conseils de voisinage comme corps représentatif au sein de la prise de décision municipale ; Déterminer les besoins de la communauté et investir dans des ressources à base communautaire ; Investir dans des approches de la santé public à base communautaire, y compris la prévention non-carcérale de la violence comme les programmes d'intervention et l'éducation basée sur les compétences lors d'interventions de témoins, le consentement, les limites et des relations saines.

7. Fournir un logement sûr à tous toutes :
Annuler le loyer sans charges de remboursement pendant le COVID-19 ; Réutiliser les bâtiments, maisons, appartements vides et hôtels pour loger les personnes sans-abris ; Interdire les expulsions ; Fournir un soutien sans équivoque aux personnes réfugiées et aux communautés cherchant l'asile ; Assurer que les survivantes des violences genrées aient accès à des options de logement alternatives ; Fournir des options de logements non coercitives pour les jeunes LGBTIQ+ victimes d'abus ou de rejets par leur famille.

8. Investir dans l'entraide, pas dans la police :
Investir dans l'enseignement et la santé, mentale y compris et soutenir les plannings familiaux ; Transport public gratuit ; Mettre fin à l'inégalité de financement des écoles en fonction de leur appartenance aux banlieues ; Installer des toilettes publiques gratuites sécurisées et non-genrées ; Assurer l'investissement des banques alimentaires, des coopératives d'épiceries, des jardins et des fermes à base communautaire ; Investir dans des programmes de jeunesse qui promeuvent l'apprentissage, la sécurité et le soin communautaire.


NOS MAINS TENDUES FACE AUX BRAS TENDUS

Nul opportunisme. Nulle alliance contre-nature. Il n'y qu'amitié, solidarité et amour.

Samedi, dans les rues de Paris et partout en France, nous appelons les Gilets Jaunes à rejoindre massivement les différents rassemblements Black Lives Matter.
Des Gilets Jaunes s'offusquent d'un tel rapprochement ? Certains anti racistes refusent le soutien des GJ ? Ce n'est pourtant pas le moment de s'étouffer dans des puretés idéologiques.

"Ce mouvement est particulièrement complexe et protéiforme. D'un collectif à l'autre, les logiques et dynamiques semblent bien différentes. C'est aussi un mouvement qui évolue de jour en jour, et fait émerger une lame de fond qui couvait depuis longtemps dans la société.". Cette phrase, nous l'avons écrit en novembre 2018 pour parler du mouvement GJ, qui secouait depuis quelques jours le pays. A l'époque, nous avions lancé notre premier événement CND : "Front de Gilets Jaunes antiracistes". Nous précisions ensuite : "Nous devons accepter, et promouvoir, la diversité des profils, des méthodes et des objectifs de lutte. Mais, en ces temps particulièrement dangereux face au danger fasciste (Brésil, Italie, USA), nous nous devons de combattre cette peste brune sur le terrain et dans les luttes. Nous ne ferons reculer l'extrême droite qu'en remportant des batailles sociales contre un pouvoir aux abois détesté par le plus grand nombre."

Dès cet acte 2, des membres du comité Adama soutiennent l'événement que nous avons lancé. La semaine suivante, pour l'acte 3, le comité lance son propre appel à rejoindre les GJ dans les rues de Paris. A l'époque, certains militants des quartiers populaires grognent et refusent de participer à ce mouvement arguant que ces gens là ne sont jamais venu soutenir les quartiers quand ils en avaient besoin, que ce soit face à la police raciste et violente ou face aux politiques d'abandon de ces quartiers. De la même façon que depuis quelques jours, certains GJ refusent de manifester contre les violences policières et son racisme systémique arguant que trop peu d'orgas des quartiers sont venues aux manifs GJ, qui ont connu une terrible répression de la part du pouvoir, de la police et de la justice.

Alors oui : trop de citoyens n'ont pas vraiment pris conscience du  racisme  qu'on pouvait vivre dans les quartiers. De la même manière que trop peu de personnes ont pris la mesure du traitement totalitaire et fascisant qu'ont subi les Gilets Jaunes. Mais que fait-on une fois qu'on a dit ça ? Chacun reste dans son coin et rumine le manque de solidarité passé ? Ou alors, on fait le premier pas. On tend la main. Et on prend conscience qu'au delà de nos différences, il y a surtout énormément de choses à partager et à construire ensemble.

Il n'y a que deux côtés d'une barricade. La force du pouvoir, c'est d’empêcher tous ceux qui ne sont pas de son côté d'oser s'approcher les uns des autres, pour être assez nombreux et assez forts pour le renverser. Car c'est bien de cela dont il s'agit. Pour nous, il n'y aura pas de véritable victoire sur le front du racisme sans que le pouvoir actuel soit renversé. Sans que le système actuel ne soit détruit. Pas plus qu'il ne pourrait y avoir de véritable victoire sur le front des luttes sociales sans que le pouvoir soit renversé. Sans que le système actuel ne soit détruit.

Une révolution, une vraie, ne peut se faire que de façon globale : sur le front social, écologique et des droits civiques. Lorsqu'on combat l’oppression, on ne peut la combattre que totalement, et lutter avec tous ceux qui sont victimes de ce système oppressif : les plus faibles. Économiquement et socialement. Se battre pour un monde plus juste et égalitaire pour tous ! pour toutes. L'émancipation ne peut être qu'inclusive. Ce combat est celui des Gilets Jaunes, car c'est celui de l'émancipation, de la dignité et de la justice sociale.

Et si tout cela peut vous paraitre totalement déconnecté des réalités du terrain, dites vous qu'il y a plus de 30 ans, dans l'Angleterre de Thatcher, la Gay Pride de 1985 a vu défiler en tête de cortège, des ouvriers du syndicat national des mineurs ! Un an plus tôt,  quelques militants homosexuels avaient créé l'organisation "Lesbiennes et gays en soutien aux mineurs" pour aider financièrement la grève historique en cours. Pour eux, les mineurs luttaient contre le même pouvoir et la même police. Un pouvoir qui détruit et qui opprime. Un pouvoir qui divise et qui stigmatise. Jugée contre nature et opportuniste, cette main tendue par une dizaines de militants a initialement été rejetée par les mineurs, avant que quelques dizaines de mineurs d'un village du Pays de Galle acceptent cette main tendue.

Il est tout aussi difficile d'être le premier à tendre la main que d'être celui qui accepte la main tendue. Mais rares sont ceux qui regrettent d'avoir fait l'un de ces gestes.

Alors, pour ne pas avoir de regrets dans quelques années, tendons nous la main. Dès samedi.