Nous n’allons pas vous proposer un compte rendu de ce nouvel acte qui s’est joué le 1er décembre un peu partout en France. Les réseaux sociaux autant que les médias “traditionnels” ont largement couvert et analysé l’événement. Mais ce traitement interroge et nous pousse à poser quelques contradictions circulant ces dernières heures.
  1. CASSEURS VS GILETS JAUNES ?
    On commence à être habitué à cette dialectique du gouvernement, de la préfecture et des médias. Mais aujourd’hui, cela en devient ridicule tellement cette position ne tient pas. Ridicule mais aussi dangereux.Le pouvoir parlait de quelques centaines de casseurs présents sur Paris. Dans ce cas là, comment expliquer qu’un dispositif policier largement plus important que lors du 1er mai, de plus de 5000 policiers, ai pu être à ce point dépassé ? La réalité, c’est qu’il y avait bien bien plus que les 5 500 “manifestants” annoncés par la préfecture (et docilement relayés par les médias). Que des dizaines de rues, voir de quartiers de Paris, on été envahi de gilets jaunes. Des dizaines de milliers de manifestants. Et parmi eux, des façon d’exprimer leur colère très diverses. Mais bien plus que quelques centaines se sont prêtés à des pratiques violentes de manifestation : de la construction de barricade au jet de pierre à la casse de vitrine en passant par l’allumage de feux. Tous n’ont pas été d’accord avec toutes les pratiques et chacun y a mis ses limites et ses lignes rouges à ne pas franchir. Évidemment que la très grande majorité auraient condamné les feux allumés dans des immeubles. Mais bien moins de gilets jaunes présents condamneront les barricades et les feux sur les routes.

    Surtout : nous ne pouvons pas laisser le pouvoir et les médias continuer d’opérer une scission entre “casseurs” et “gilets jaunes”. Si l’émeute parisienne du 1er décembre n’avait été le fait que des “professionnels du désordre” (dixit Castaner), jamais les forces de l’ordre n’auraient pu être autant mis en échec. Qu’on se le dise : samedi, des milliers de Gilets Jaunes se sont opposés aux forces de l’ordre : refusant d’être parqué, refusant d’être fouillé, refusant de se laisser gazer. De nombreuses vidéos et photos le prouvent. Nous vous invitons d’ailleurs à enrichir cet article en postant en commentaires des images de cette journée.

    L’avenir du mouvement se joue en partie dans la façon dont les gilets jaunes réussiront à sortir du piège du gouvernement et de la préfecture. Nous espérons qu’un maximum de monde prendra ses responsabilités et assumera que cette violence n’est rien face aux blessures et aux décès qu’engendre la précarité et ce système. Qu’il n’est plus possible de pleurer une voiture ou une vitrine et de laisser des retraités, chômeurs, immigrés crever de faim et de froid. Qu’il serait génial de pouvoir réaliser une révolution sociale sans avoir à opérer la moindre violence mais que face à un pouvoir hautain et autiste, le rapport de force se doit d’être également physique.

  2. PARIS VS RÉGION ?
    L’autre refrain largement chanté ces dernières heures serait que l’émeute parisienne ne refléterait en rien le mouvement national et la réalité des gilets jaunes en région, notamment dans les territoires ruraux.Là encore, l’objectif est de diviser (pour mieux régner). Mais l’affirmation ne tient pas et on se demande comment les médias arrivent, dans la même journée, à faire des reportages sur ces gilets jaunes remplissant des cars de toute la France, se levant à 3h du matin pour arriver à Paris et prendre part à la manif. A nous faire des portraits de personnes allant manifester pour la première fois de leur vie, et certains découvrant Paris pour l’occasion. Puis, dans la foulée, nous sortir qu’il s’agit d’un épiphénomène parisien et déconnecté du monde rural et du reste du mouvement.

    Sans oublier qu’en ce 1er décembre, de nombreux gilets jaunes un peu partout en France ont également opté pour des opérations bien plus violentes que précédemment : aéroports bloqués, voitures incendiées, préfectures envahies et même incendiées… De Marseille à Nantes en passant par Charleville Mezière, Tours ou Puy-en-Velay , le mouvement s’est durci. Et reflète le niveau d’épuisement et de colère de toute une partie de la population.

  3. ACTE 4, ÉPILOGUE ?
    La prochaine séquence (qui a déjà commencé) va être encore plus incertaine que les précédentes. Le pouvoir va monter d’un cran dans la peur et la menace, et tenter de diviser de partout les gilets jaunes. Impossible de savoir à quoi ressemblera l’acte 4 du 8 décembre. Mais il nous appartient d’imprimer notre propre calendrier, nos propres modalités d’actions et de revendications.Qu’ils instaurent l’état d’urgence, qu’ils interdisent les rassemblements, qu’ils criminalisent le mouvement… La force des gilets jaunes, jusqu’à présent, a été de refuser le jeu très codé et normé d’un mouvement avec des interlocuteurs, avec des lieux de rassemblement déclarés, avec un parcours, avec un service d’ordre.

    Cette révolte décentralisée, sans tête, comporte son lot de dérives et d’incohérences politiques. Mais c’est aussi sa force et ce qui la rend aussi incontrôlable par les forces de police et par le pouvoir.

    Que le mouvement garde son ADN initial. Que les forces progressistes et sociales continuent de s’y greffer s’en tenter de les contrôler. Et que chacun prenne position et prenne ses responsabilité lorsque l’acte 4 arrivera. Il sera alors temps d’envisager un acte 5.