Yellow is the new black (bloc)

Le piège n'est pas nouveau. Et c'est un exercice permanent de contorsion que les gilets jaunes antiracistes doivent effectuer depuis le début du mouvement : d'un côté, le gouvernement et les médias de masse tentent en permanence de faire passer les GJ pour des beaufs racistes ne pensant qu'à leur portefeuille. De l'autre, les groupuscules d'extrême droite profitent de la situation pour se rendre visibles et paraître plus gros qu'ils ne le sont. Du côté des forces progressistes, anticapitalistes et antiracistes, certains se sont impliqués dès les premiers jours dans ce mouvement fondamentalement opposé au libéralisme et aux inégalités. D'autres ont préféré suivre de loin, puis s'y associer mais sans se mélanger. Enfin, certains ont carrément décidé de ne pas du tout se mêler à ce magma trop disparate et parfois contradictoire. C'était, et cela reste, le choix de chacun. Et nous devons le respecter.

Mais les choses se compliquent, notamment depuis l'acte 11 et l'attaque du cortège NPA par un groupe de nazillons. Si cette attaque ne nous surprend pas, il va falloir très vite faire front et s'y opposer, y compris physiquement.

Nous sommes conscients de la diversité du mouvement. Cela fait partie de son ADN. C’est autant sa force que sa faiblesse. Mais nous ne pouvons pas laisser quelques dizaines de fachos prendre en otage tout un mouvement en réalisant des attaques ciblées pendant nos rassemblements.

Nous soutenons donc toutes les initiatives lancées ces derniers jours pour avoir dans les rassemblements un maximum de forces antiracistes soutenant les gilets jaunes. Nous espérons également que tous les GJ qui se sont impliqués depuis des mois dans ce mouvement, et qui ne se reconnaissent nullement dans les pratiques et idées nauséabondes des identitaires et autres groupuscules fascistes, prennent part à cette lutte contre la tentative de récupération politique.

Nous pouvons (et devons) promouvoir la diversité au sein du mouvement des Gilets Jaunes. Mais cela ne peut se faire avec la présence de personnes qui combattent la diversité au sein de la société.

Concernant la présence d'autonomes, antifas et autres militants de la gauche radicale, nous la souhaitons évidemment la plus forte et massive possible. Mais que cela se fasse de façon fraternelle avec les autres GJ (en dehors des fachos) et dans le respect des pratiques de chacun.

Que les GJ peu habitués de ces sphères ne s'inquiètent pas et accueillent ces forces progressistes et anticapitalistes comme partie prenante du mouvement. On rappellera également que le Black bloc, mot lancé comme épouvantail depuis l'acte 11, n'est pas un mouvement, ni même une structure. C'est simplement un mode d’action utilisé lors de certains rassemblements, à certains moments. Un mode d'action offensif et solidaire, qui peut parfois revêtir une forme de violence contre des biens (souvent fortement identifiés au capitalisme) ou contre les forces de l'ordre. Mais il ne s'agit jamais de violence gratuite et aveugle. D'ailleurs, les premiers actes des GJ ont connu de nombreuses actions relevant des pratiques du black bloc : barricades, jets de pierre, voitures renversées...

Les tactiques offensives sont présentes au sein des GJ depuis le début du mouvement. Tout autant que les pratiques de dialogue avec la population, de blocages des routes, de débats… Si le mouvement a été aussi fort et dangereux pour le pouvoir, c’est en partie grâce à des manifestations qui ont débordées et qui ont inquiétées le pouvoir.

Concernant les forces de la gauche radicale qui décideraient de venir samedi, nous espérons que cela se fera de façon inclusive, ou, tout du moins, en étant le moins possible coupé du reste du mouvement. Car apparaitre comme une force qui viendrait s'opposer à la police, aux fachos, mais sans jamais se mêler aux reste des GJ serait une erreur. Ce serait même la meilleure chose qui pourrait se passer pour le pouvoir (et pour l’extrême droite). Il serait alors, en effet, très facile pour les deux de présenter la gauche radicale comme extérieure au mouvement et cherchant simplement à en profiter pour commettre des actes violents.

Même si cela peut paraitre difficile à admettre pour certains, il est évident que le mouvement des Gilets Jaunes a su créer une subversion totalement nouvelle chez des milliers de citoyens. Sans être en noir, sans être masqué (sauf pour se protéger des gaz), des centaines de GJ sont allés au contact et on réussi à faire reculer les forces de l'ordre, ont réussi à occuper l'espace public pendant des heures, ont mis à terre des CRS, ont forcé les portes d'une banque centrale ou d'un ministère. Il ne s'agit pas d'un black bloc comme on le connait depuis des décennies, mais l'énergie et la détermination n'en restent pas moins similaires. A nous d'y ajouter les savoirs et les forces que le black bloc ou le cortège de tête ont pu nous apporter. Mais de façon collective et ouverte aux autres (encore une fois, en dehors des groupes fascisants).

Avec ou sans gilet jaune. Avec ou sans capuche noire. Samedi, soyons tous dans la rue, tous solidaires. Contre les inégalités, contre les injustices, contre le racisme et pour faire tomber le pouvoir.


Pour une marée jaune qui déborde. Vraiment.

Difficile dire si l'acte 10 fut une nouvelle victoire du mouvement ou plutôt du gouvernement.

D'un côté la mobilisation a été encore très importante (battant même des records dans certaines villes). D'un autre, les rassemblements n'ont jamais semblé si inoffensifs pour le pouvoir, et n'ont jamais autant ressemblé à des manifestations traditionnelles, avec un parcours défini et un service d'ordre. Tout du moins sur Paris. C'est peut-être moins vrai dans les autres villes (et heureusement).

Si cette tendance se confirme sur les actes à venir, le pouvoir se frottera les mains. Les rassemblements pourront continuer pendant des mois, sans jamais l'inquiéter. Les membres du gouvernement feraient quelques déclarations, quelques annonces de perlimpinpin...et laisseraient le mouvement mourir à petit feu.

Car qui peut aujourd'hui penser que Macron pourrait abandonner sa politique, et même son gouvernement, si le mouvement restait aussi important pendant des semaines mais dans un cadre bien maitrisé par le pouvoir et les forces de l'ordre, sans débordements ?

Ceux qui veulent un véritable changement, qui aspirent à renverser un pouvoir inique et méprisant, à offrir un avenir plus égalitaire et plus humaniste, savent. Ils savent que le combat devra se faire de façon plus offensive que dans le cadre de manif déclarée avec parcours et service d'ordre. Si les syndicats ont autant échoué et se sont coupés d'une grande partie de la population (y compris des plus pauvres), c'est notamment à cause de leur volonté de respecter les règles du jeu des manifs dictées par le pouvoir. Si les gens ont délaissé les manif sono/merguez pour aller en cortège de tête ces dernières années, ce n'est pas pour reproduire les mêmes simili-révoltes dans les rassemblements des GJ.

Nous l'avons déjà dit mais la force des premiers rassemblements a été, en grande partie, son refus d'obéir aux ordres, aux règles, imposées par le pouvoir. Non pas pour le plaisir d'être hors la loi mais parce que les GJ estimaient que ces ordres n'étaient pas justes et légitimes. Ce fut le cas pour l'acte 2 lors du rassemblement interdit sur les Champs Élysées. Ce fut le cas pour les actes suivants avec le refus de fouilles ou de parcages, avec les barricades et les débordements.

En étant aussi nombreux à être indisciplinés, le mouvement a totalement surpris les forces de l'ordre et le pouvoir, et l'a fait trembler (temporairement au moins).

Des centaines de milliers de personnes ont bouleversé leurs vies depuis des semaines pour cette lutte, pour que ce mouvement débouche sur des avancées sociales. Des milliers de GJ ont été blessés, mutilés, incarcérés, humiliés. Mais cela n'a en rien freiné le mouvement. Au contraire.

Aujourd'hui, nous devons faire un choix : celui de constater que rien ne change et que le pouvoir reste droit dans ses bottes qu'importe l'ampleur des mobilisations. Et donc de reprendre nos vies "normales". Ou celui de faire que ces deux mois de rencontres, d'échanges et de luttes ne deviennent qu'une introduction à un mouvement de lutte bien plus massif et total. Cela inclut évidemment la nécessité d'y mettre encore plus d'énergie, de temps et de force. Et donc, que nos quotidiens en soient encore plus bouleversés. Mais le jeu n'en vaut-il pas la chandelle ?

Bousculer nos vies pour renverser leur vie de château.
Bousculer nos quotidiens pour construire un nouveau futur.
Ne plus se contenter des miettes mais réclamer, et obtenir, toute la boulangerie.

N'ayons pas peur d'être ambitieux, d'être idéalistes, d'être incontrôlables.
Multiplions les brèches, les débordements, les endroits où les règles sont sans cesse remises en question selon nos principes et non ceux imposés par le pouvoir.

Alors les actes futurs pourront devenir des actes fondateurs et nous pourront commencer à bâtir une nouvelle société, sur les cendres de celle que nous auront renversée. Mais il n'y a pas de cendres sans feu.

Et on déclarera nos manifs quand ils déclareront leurs revenus.

A samedi.

Crédit photo : Marion Vacca Martiarena / Macadam Press / Hans Lucas


Quand le vent tournera

Les motifs de satisfaction pour cet acte 9 ne manquent pas :
- La mobilisation encore en forte hausse, le gouvernement n'ose même plus parler d’essoufflement.
- L'échec de la grossière tentative de criminaliser tous les manifestants, devenus complices des violences. Un revers pour Castaner vu le nombre massif de GJ présents mais aussi au vu des nombreux messages de soutiens (affiches, chants) aux manifestants arrêtés et condamnés.
- La détermination des GJ une nouvelle fois très forte. Face aux centaines de CRS, canons à eau, flashball, chars et autres outils répressifs, les manifestants sont restés debout et on fait face, malgré la violence inouïe des forces de l'ordre.

Ces petites victoires, samedi après samedi, rendent d'autant plus insupportable l'idée même d'une défaite potentielle du mouvement face au pouvoir en place.

En deux mois, le mouvement déplore des centaines de blessés (dont plusieurs mutilés), plus de 6 000 interpellations et des centaines de condamnations. Et pourtant, de nombreuses villes ont connu pour cet acte 9 un record de mobilisation ! Malgré la peur des bavures policières et des arrestations abusives. Malgré les épouvantails brandis par le gouvernement : tantôt les "casseurs", puis les racistes, puis les anarchistes.

Rien que pour ça, l'acte 9 est une énorme victoire.
Une victoire au goût amer tant elle est totalement niée et méprisée par le pouvoir. Son mépris pour le mouvement ne se cache même plus. Et son silence face aux dérives policières ne peut plus être pris pour un dysfonctionnement. C'est une stratégie de lutte. Ce n'est plus du maintient de l'ordre mais du maintient au pouvoir.

Nous devons prendre acte de cette situation et en tirer les conséquences. Jamais dans la 5e République un mouvement social n'avait été aussi lourdement réprimé. Et ce, sans la moindre remise en cause du pouvoir. Le ministre de l'Intérieur est bien en place. Le gouvernement aussi.

*** MESSAGE AUX NON GJ ***
Mais le vent tournera. Et quand les cendres de la lutte s’envoleront pour laisser entrevoir le soleil, nous ne resterons pas bouche bée et bras croisés à se satisfaire de ce nouvel horizon. Non, nous seront assez lucides pour regarder derrière et ne pas oublier les corps meurtris qui joncherons le chemin emprunté. Et nous demanderons des comptes. Nous demanderons justice. Les coupables seront jugés.

Mais nous nous souviendrons aussi des complices de ce drame, ceux qui, par leur position sociale, par leur statut public ou par leur influence politique, auraient pu et auraient du s'indigner et s'insurger contre la politique anti sociale et anti démocratique mise en place par le pouvoir actuel.Ne pas prendre position est désormais un soutient aux dérives autoritaires du pouvoir. Quelques associations, syndicats, ONG, collectifs, artistes, journalistes, philosophes, professeurs, avocats et autres citoyens ont eu le courage de prendre position et de dénoncer les violences et arrestations arbitraires. Nous espérons que cela va s'amplifier.

A ceux qui préfèrent rester silencieux face à ce carnage démocratique : Que vous n'ayez pas compris l'essence du mouvement, ou que vous n'en validiez pas la légitimité idéologique ne vous exonère pas de voir la vérité de la dérive autoritaire et anti démocratique du pouvoir. La nier ou la cacher sous prétexte que le mouvement n'est pas totalement à votre goût vous rendra définitivement complice, et ce, jusqu'à la victoire du mouvement. Et même après.

*** MESSAGE AUX GJ ***
A l'aube de l'anniversaire des deux mois de lutte et du dixième acte, se posent plusieurs questions stratégiques. La déclaration des manifs semble vouée à l’échec. Si elle permet de pouvoir se regrouper plus facilement, elle empêche aussi tout débordement et toute mise en difficulté du pouvoir. Samedi à Paris, les seuls moments où les GJ ont semblé en mesure d'inquiéter le pouvoir ont été lors des manifs sauvages de fin de journée. Bref, on déclarera nos manifs quand ils déclareront leurs revenus.

La surdité du gouvernement face à la colère populaire doit être prise très au sérieux. Si, fin décembre, le gouvernement utilisait l'argument d'un essoufflement et donc d'une grogne désormais très minoritaire pour ne pas se remettre en cause, aujourd'hui, il reconnait une montée en puissance de la mobilisation. Mais sans sembler vraiment inquiet.

Au delà du mépris pour les centaines de milliers de personnes qui se sacrifient depuis deux mois sur les routes et rond points, c'est un signal que nous ne pouvons pas ignorer. Le pouvoir nous dit "gueulez tant que vous voulez, mais faites le en respectant les règles". Sauf qu'en même temps, sa police respecte de moins en moins les droits de chaque citoyens. La justice commence aussi à perdre les pédales. Mais pour le pouvoir, l'important, c'est que le peuple reste à sa place : chez lui, à son travail ou dans les magasins.

Le fleuve ne doit pas déborder. Il peut couler et pleurer tant qu'il le veut, mais il doit rester dans le sillon bien tracé. Ce n'est pas un hasard si le moment où le gouvernement a le plus tremblé depuis deux mois correspond aux actes 2,3 et 4, ceux ayant connu le plus d'insoumission et d'actes de rébellion.

Il ne s'agit pas de prôner la violence et d'y voir la seule alternative possible. Non, loin de là. Mais il s'agit de regarder en face la vérité du rapport de force actuel. Et de comprendre que le soutient très fort de la population, et le nombre croissant de manifestants dans les rues doit s'accompagner d'actions de débordement pour pouvoir vraiment faire vaciller le système.

Nous ne pouvons plus enchainer les actes sans se renouveler, sans innover, sans tester de nouvelles méthodes de lutte. Cela peut passer par des actions festives, musicales, fraternelles. Cela peut aussi passer par des actions plus virulentes et plus radicales (qu'elles soient violentes ou non).

Les jours qui viennent seront particulièrement décisifs pour l'avenir du mouvement, pour l'avenir de la France, pour l'avenir de nos sociétés. Il n'est pas concevable que nous retrouvions notre quotidien passé sans qu'un profond changement politique et social s'opère. Et nous sommes désormais certains que ce changement ne pourra se faire sans que le pouvoir actuel ne chute. Et nous savons que pour le faire chuter, il faudra être encore plus forts, encore plus nombreux et encore plus déterminés.

Mais nous avons le sens de l'effort. Et nous allons très vite le prouver.


Soyons tous des boxeurs transpalettes

Les dès sont tellement pipés que les annonces d'Édouard Philippe n'auront surpris personne. Le poison liberticide est si bien ancré dans notre nourriture quotidienne que l'on accepte le vomi sécuritaire en le trouvant presque bon, tout du moins salutaire.

Nous savions que les réponses du pouvoir face à l'intensité de l'acte 8 seraient féroces et violentes. Choqué par les coups de poing reçus par des CRS et la porte d'un ministère défoncée par un transpalette, le gouvernement joue la même carte que depuis le début : l'escalade répressive. Objectif : mater toute rébellion, en jouant sur la peur d'être blessé et/ou condamné. Quitte à délaisser nos sacro-saints Droits de l'Homme, bien peu utiles quand il s'agit de défendre des intérêts de classe.

L'ultra-sévérité contre l'utra-violence. Discours implacable. Indiscutable : 5 500 gardes à vue, 815 comparutions immédiates, 1 500 manifestants blessés dont plus de 15 personnes avec des membres arrachés (œils, mains, pieds...). Pour quel bilan en face ? Combien de membres arrachés chez les CRS, ou même d'hospitalisation ? Et surtout, combien de mesure de suspension de travail, voir de procédures judiciaires ouvertes face aux centaines de bavures recensées (et répertoriées en photos et vidéos) ?

Sans compter le décès à Marseille de Zineb Zerari suite à une grenade tirée par un CRS dans son appartement. Et, puisqu'on est à Marseille, et qu'on fait le bilan des drames de la crise actuelle, on pourrait rajouter dans la balance à charge du pouvoir les huit morts de la rue d'Aubagne. Auxquels nous pouvons rajouter les dizaines de récents décès liés au mal logement et aux conditions de vie indignes. Car oui, derrière ces drames se cachent toujours des enjeux économiques et des arbitrages du pouvoir et des puissances financières. Et oui, une partie de la population commence à s'en rendre compte et à s'y opposer, fermement, y compris physiquement.

Mais non, il nous faut nous choquer et nous scandaliser d'un homme ayant donné des coups de poing à des CRS sur-équipés et casqués. Nous devrions nous indigner d'une porte défoncée par un transpalette et d'un ministre ayant presque senti l'odeur des sans-dents.

Les nouveaux chiens de garde sont là pour appeler les Gilets Jaunes à retrouver "la raison", à se désolidariser des plus radicaux et des plus violents. Même mécanisme qu'à chaque soulèvement depuis des décennies.

Le discours, à peine voilé, est le suivant : "gueulez tant que vous voulez, mais restez à votre place, et surtout, respectez la loi." Ce respect de la loi qui est sans cesse invoqué pour exclure les parties les plus turbulentes et indisciplinées d'une révolte. Mais qui n'a plus lieu d'être lorsqu'il s'agit des représentants de l’État.

Comment comprendre une société qui accepte sans s’offusquer de voir depuis six semaines autant de bavures policières (passages à tabac, humiliations, violence gratuite) et autant de décisions de justice clairement arbitraires et politiques, et qui s'indigne pour des voitures brûlées et une porte défoncée ? La seule réponse logique est que l’inquiétude ne vient pas de l'acte mais des conséquences potentielles de l'acte, à savoir une insurrection. Voir une révolte populaire.

Le mécanisme légal que le gouvernement veut utiliser contre les manifestants "radicaux" est exactement celui testé il y a près de dix ans par Sarkozy et Hortefeux sur les supporters de foot. Officiellement, et donc aux yeux du "bon peuple français", il s'agissait d’empêcher des hooligans racistes et assoiffés de sang d'accéder aux stades les jours de match, et ce, même si ces personnes n'avaient pas été condamnées par un tribunal. C'est la préfecture qui jugeait de la dangerosité desdits hooligans. Sauf que la mesure à surtout permis de criminaliser les ultras (qu'ils soient de gauche, de droite ou apolitique) et de les empêcher de vivre leur passion dans les tribunes de façon cohérente avec leur mouvement, à savoir en autonomie du club, des autorités et de la fédération. Ce qui gênait Sarkozy et le pouvoir, ce n'était pas quelques dizaines de nazillons (déjà identifiés) mais les milliers d'ultras qui vivaient dans une contre-culture de plus en plus subversive et hors du système ultra libéral du foot de haut niveau.

L'exemple des supporters interdits de stade est donc ô combien éclairant et inquiétant : avec l'épouvantail du raciste violent, le pouvoir va chercher à criminaliser tous les Gilets Jaunes avides de liberté, d'autonomie et de changements radicaux.

La riposte face à ce nouveau virage sécuritaire et liberticide va être très compliqué à trouver. Le pouvoir espère isoler les plus déterminés, puis les voir aller encore plus loin dans la radicalité, pour pouvoir encore plus les isoler et les criminaliser.

Il est donc plus que jamais nécessaire, essentiel, vital, d'être encore plus nombreux samedi 12 janvier dans toutes les villes de France. Et d'être encore plus déterminé, en première ligne, qu'importe la violence de la riposte policière. Ceux qui sont sur le terrain depuis des semaines se rendent compte qu'il n'y a pas d'un côté les Gilets Jaunes Bisounours et de l'autre la foule haineuse tant espérée par Macron. Non, il y a une population extrêmement hétéroclite et solidaire, qui se retrouve. Et se découvre l'envie commune de renverser la table. Une table pourrie sur laquelle le nombre de cadavres et d'injustices ne font que s'amonceler de jour en jour. Car n'en déplaise à BFM et à Macron, ce dont rêvent les Gilets Jaunes, ce n'est pas de sang et de larmes mais bien de bonheur et de fraternité.

Alors si un boxeur et un transpalette ont pu faire trembler ce pouvoir mortifère et nauséabond, soyons des milliers de boxeurs et de transpalettes lors de l'acte 9 de samedi prochain.


Paris : pour un acte 8 massif

C'est désormais une certitude : le mouvement des Gilets Jaunes n'a pas été stoppé par les vacances, noël et le jour de l'an. N'en déplaise au pouvoir, les GJ n'ont pas voulu être les dindons de la grande farce du gouvernement. Et ils redescendrons dans la rue dès samedi.

L'un des enjeux de cet Acte 8 sera de réussir la mobilisation parisienne. Nous savons que Paris n'est pas la France. Que le mouvement est né dans les territoires ruraux et que c'est encore là qu'il y trouve sa vitalité (en témoigne la force du mouvement des GJ de Commercy).

Mais nous savons aussi que les rdv du samedi dans les grandes villes de France constituent des temps forts et structurants. Notamment dans une logique de rapport de force avec un gouvernement de plus en plus prompt à répondre par le mépris et la matraque.

A cet égard, ce qui se passe à Paris joue un rôle important dans ce rapport de force. C'est dans la capitale que se concentrent les lieux de pouvoirs et la plupart des attentions politiques et médiatiques.

Ce n'est pas un hasard si le moment où le pouvoir a semblé le plus fragilisé, où certains ont évoqué une démission du ministre de l'intérieur et/ou du premier ministre, voir même une dissolution de l'assemblée, ce moment correspond aux jours suivants les actes 2, 3 et 4, ceux qui furent les plus importants en terme de nombre de GJ présents dans Paris mais aussi d'intensité.

Le pouvoir a, depuis, tout fait pour invisibiliser les rassemblements parisiens : des milliers de GAV avant même de pouvoir arriver en manif, des interdictions de porter des gilets jaunes ou encore l'usage excessif et systématique de lacrymo et de charges de CRS. Très vite, les GJ parisiens ont tenté de répliquer avec une stratégie de dispersion dans tout Paris, et de rassemblement par petits groupes. Si cela a permis quelques jolis coups et a surpris les forces de l'ordre, nous devons également constater que cela a en partie invisibilisé leur présence.

Les GJ parisiens semblent l'avoir compris. Pour samedi, un rdv unique devrait être donné au dernier moment. Nous pensons que c'est la meilleure des solutions. Quelques pistes supplémentaires pour réussir ce nouveau test :
- Rester dans une même zone mais de façon très mobile.
- Ne pas donner un lieu de rdv qui pourrait faire l'objet d'une nasse trop facile.
- Donner une heure assez précise de rassemblement pour être les plus nombreux possible dès le début.
- Assumer de porter le Gilet Jaune dès qu'on est arrivé sur le lieu du rassemblement.
- Filmer toute demande des forces de l'ordre de retirer ses gilets. Et les diffuser massivement

Enfin, et surtout, nous appelons tous les GJ mobilisés depuis le début à considérer cet acte 8 comme essentiel et tout faire pour y participer sur Paris. A en parler à ses amis, à sa famille. Essayer de convaincre certains hésitants à franchir le pas et à nous rejoindre. En gros, à massifier encore plus le mouvement.

Il nous appartient de questionner les personnes présentes sur Paris lors des actes 2, 3 et 4 et n'ayant pas rejoint la capitale sur les actes suivant. Comprendre les raisons (forcément légitimes) de cette absence nous permettra peut être de renouer avec des actes parisiens puissants et imposants.

Nous savons à quel point il est contraignant de "sacrifier" tout son samedi, notamment pour ceux présent depuis un mois et demi. Nous savons à quel point il est difficile (et couteux) de se rendre à Paris pour ceux vivant en banlieue (et encore plus en régions).

Mais cet Acte 8 va être structurant pour la suite du mouvement. La vie est souvent affaire de symbole. Et nous ne pouvons nous permettre que le premier rdv de 2019 puisse être en demi teinte et donner au pouvoir l'occasion d'en faire un symbole de la fin du mouvement. Au contraire, nous devons utiliser ce premier rdv de l'année comme le symbole d'une lutte qui n'est qu'à son début et de Gilets Jaunes plus que jamais mobilisés et déterminés.