Il y a des promesses qu’il est important de tenir. Des espoirs qu’il ne faut pas décevoir. Le « nouveau » mouvement climat entre aujourd’hui dans une période clé de son existence. Le moment de tenir ses promesses et son ambition. Ou de disparaitre, en même temps que la planète !

Depuis plusieurs mois, le paysage des luttes écologiques dans le monde a totalement été bouleversé par l’arrivée de nouvelles têtes, très jeunes, et de nouveaux groupes tout aussi jeunes ( notamment Youth For Climat et Extinction Rebellion). Lancée il y a tout juste un an, la première « grève étudiante pour le climat » a, depuis, été reprise partout dans le monde. Le 15 mars 2019, plus de 2 000 manifestations ont été organisées partout dans le monde, avec plusieurs centaines de milliers de personnes dans les rues.

« Urgence climatique », « rébellion internationale », « ultimatum »…  au-delà de l’ampleur des mobilisations, on retient aussi le caractère offensif et radical de plusieurs slogans, discours, tracts et prises de positions publiques. Face à la situation extrêmement critique, XR et YFC veulent rompre avec les pratiques trop tièdes du militantisme à papa. Défendant une structure horizontale, XR promeut même les initiatives locales prises par n’importe lequel de ses membres.

De là à y voir les bases d’une écologie radicale prônant l’autogestion et l’horizontalité, il n’y a donc qu’un pas.

Oui mais voilà, depuis la création de XR France il y a quelques mois, les actions radicales et réellement bloquantes pour le pouvoir et les entreprises polluantes se font toujours attendre. Des actions coup de poing (et médiatiques) ont bien été menées (avec succès) : déversement de faux sang au Trocadéro, blocage du pont de Sully, ralentissement du périph en vélo, cercueils déambulant dans les rues…

XR a énormément gagné en notoriété et a vu de nombreux jeunes (et moins jeunes) rejoindre ses rangs. La couverture médiatique du mouvement a été énorme, aussi bien en France qu’à l’étranger. A Londres, XR a même fait son entrée au Victoria & Albert Museum. C’est donc une stratégie gagnante. Mais pas suffisante. Car il est évident que pour organiser des actions radicales de grande envergure, il faut de nombreux militants. Mais désormais que ce seuil est atteint (tout comme la notoriété), il ne faudrait pas que la structure reste sur ce type d’actions symboliques, médiatiquement fortes, mais sans réel impact sur le système.

Car il est désormais clair que les puissants de ce monde (politiques et économiques) ne changeront pas profondément le système. Sauf s’ils y sont obligés. Et nous ne pourront les obliger qu’en leur opposant un rapport de forces radical et puissant. Pour y parvenir, il faudra se décider à réaliser des opérations réellement bloquantes pour le système.

Le mouvement climat nous annonce une rentrée très chaude, avec deux temps forts : la grève du 20 septembre et une action internationale de XR le 07 octobre. Nous espérons les rassemblements massifs. Mais nous espérons aussi que les actions seront clairement offensives, radicales et porteuses d’une réelle insurrection climatique.

L’autre aspect sur lequel nous attendons XR et toute la nouvelle génération climat, c’est son positionnement face au système libéral. Nous voyons en effet deux tendances se détacher : celle qui cherche à lutter contre le réchauffement climatique en adaptant le système capitaliste, et celle qui cherche à détruire ce système, principal responsable de cette folle envolée climatique de ces dernières décennies.

Il ne s’agit même pas de parler de « convergence des luttes » mais simplement d’acter le fait que ceux qui se sont enrichis de façon indécente depuis plus de 40 ans l’ont fait au détriment de la planète, et qu’il n’y a pas lieu de penser qu’un cercle vertueux permettrait de continuer de vivre dans une société ultra libérale qui serait totalement écologique et respectueuse des autres espèces vivantes.

Il y a quelques jours, suite au nouveau rapport de GIEC, toujours aussi pessimiste, le journal Le Monde titrait « L’humanité épuise la terre ». Sous ses airs innocents et préoccupés, ce titre résume à lui seul le danger actuel du mouvement climat : laisser penser que chacun de nous est autant responsable de la catastrophe climatique actuelle. Penser qu’un pays comme le Soudan doit autant contribuer à l’effort climatique que la France. Penser qu’un ouvrier doit autant faire d’efforts qu’un patron d’une multinationale prenant l’avion 4 fois par semaine et allant tous les weekends profiter de son yatch en Méditerranée.

Pour rappel, si le monde entier vivait comme les USA, il faudrait actuellement cinq planètes pour vivre. Il en faudrait trois si tout le monde vivait comme la France, et seulement 0,6 si tout le monde vivait comme l’Inde.

Envisager que la responsabilité soit partagée et égale, c’est dédouaner les principaux responsables de la situation, ceux qui se sont enrichis sur ce système. C’est aussi s’empêcher de changer profondément la situation puisque laisser le système économique et financier intact. Les entreprises tenues par ces ultra-riches polluent de façon indécente par leur simple recherche du profit le plus important et le plus immédiat. Et ce n’est pas leur Greenwashing, devenu nouvelle source de profits et de marketing, qui changera la donne.

S’il est louable et souhaitable que de plus en plus de citoyens décident de boire dans une gourde, de ne plus prendre de sac plastique dans les magasins ou de consommer en circuit court, il ne faudrait pas penser que ces gestes seront suffisants face à l’urgence climatique. Surtout, il ne faudrait pas que cela « suffise » à la majorité de la population dans leur geste environnemental. Les puissances politiques et économiques sont les principaux responsables et sont surtout ceux qui pourraient faire rapidement et profondément changer la donne. Il est intolérable que les mêmes qui ont voté les accords de Paris et qui se sont engagés dans les recommandations du GIEC puissent aujourd’hui voter le CETA, l’accord de libre-échange qui va augmenter le flux des containers polluants qui traversent les océans.

Il y a donc une double urgence : celle d’agir enfin de façon radicale et bloquante pour le système, et celle d’assumer clairement que le changement climatique ne passera que par un changement du système économique et social. Face à ces deux enjeux, nous espérons que XR et d’autres structures feront les bons choix et prendront les bonnes décisions. Il en va de l’avenir de leur mouvement, mais surtout, de la planète.