So Foutu

On a malheureusement pris l'habitude d'être déçus par les médias. Mais quand il s'agit d'un média qu'on estime très fort, cela fait toujours plus mal. C'est ce qu'il s'est passé ce week-end avec la couverture indigne de So Foot sur le match Hongrie-France, qui a donné lieu à une apologie à peine cachée de supporters hongrois qui, détail sans trop d'importance semble-t-il pour le journal, sont nazillons et homophobes.

So Foot, c'est un peu le média qui a bouleversé le paysage de la presse sportive française dans les années 2000. Un ton décalé et piquant, qui ne se cantonne pas qu'aux discussions tactiques, et qui inclut l'environnement des matchs, notamment les supporters. Et de nombreuses enquêtes liant intelligemment des sujets de société au monde du ballon rond. Avec So Foot, on pouvait kiffer le foot sans être ringard ! Mais c'était il y a 15 ans.

On aimait aussi So Foot pour sa façon nuancée et documentée de traiter de l'univers des supporters, entre autres les Ultras, loin des clichés et raccourcis considérant tout supporter comme un assoiffé d'alcool et de violence. C'est une (bonne) chose de ne pas stigmatiser les supporters. Mais c'en est une autre de traiter un groupe de nazillons sous le prisme de l'animation et de l'ambiance, en mettant de côté leur racisme et homophobie.

De quoi/qui parle t on ? Des supporters hongrois, et plus précisément du groupe Carpathian Brigade., qui est un regroupement de supporters de différents clubs hongrois, souvent ennemis, se réunissant le temps des matchs internationaux autour de la grande Hongrie. Une bonne partie des membres ne cache pas son appartenance aux mouvances néo nazies (ils faisaient le salut hitlerien en 2016 lors de la coupe du monde). Sur cet Euro, ils se sont déjà illustrés avec des banderoles anti LGBT et contre le mouvement BLM (Black Lives Matter) avec une opposition à l'idée de poser un genou à terre. Face à la France, certains ont poussé des cris de singes quand des joueurs noirs touchaient le ballon...

Résultat ? So Foot décide de mettre en avant les supporters hongrois, et notamment ce groupe, pour louer la folle ambiance qu'ils ont réussi à mettre dans et hors du stade.

On aurait aimé qu'il s'agisse d'une boulette d'un journaliste qui n'était pas au courant des tendances idéologiques de ces supporters. Mais non.
Après les avoir interpellés sur les réseaux, So Foot nous a répondu qu'ils n'avaient jamais fait l'éloge de ces fascistes, ayant même écrit un autre article sur le sujet.

Sauf que c'est pire. La rédaction avait donc connaissance du fait que le noyau de ce groupe était clairement composé de néo-nazis mais elle a tout de même décidé de mettre en avant leur formidable organisation et l'ambiance qu'ils ont su mettre. Même si, il est vrai, certains sont un peu racistes et un peu homophobes.

Comme si un média musical allait chroniquer un artiste ouvertement néo-nazi, en mentionnant qu'il est quand même un peu raciste. .. Mais que, putain, il assure musicalement !

Ce qui nous met en rage. C'est que cette attitude de So Foot valide et renforce l'idée qu'en 2021, être raciste, ce serait une opinion parmi tant d'autres...Être nazi aussi. Le discours serait : "Oui oui, on entend que ça ne plaise pas à tout le monde. Mais bon, ça ne plaît pas à tout le monde non plus que certains soient anarchistes, ou musulmans, ou homos, ou vegans... Bon bah c'est pareil ! Et puis, faites pas chier, on l'a bien précisé qu'ils étaient nazis, on peut donc parler du reste ? Et notamment de ce qu'ils font de formidable en termes d'animation des stades ?"

Dire cela, même en pointillé, c'est faire de la politique. C'est prendre position. Et, à nos yeux, c'est être du mauvais côté de l'histoire et de l'humanité.

Qui plus est, quand on sait les enjeux politiques du moment. Quand on voit l'offensive raciste qui a poussé l'équipe de France à ne pas poser un genou à terre. C'est d'autant plus rageant que So Foot avait publié une très belle tribune (Genoux à terre, debout à tort ?) prenant position pour que les Bleus ne cèdent pas à la pression de l'extrême droite sur cette question.

On a du mal à saisir qu'un média puisse prendre position pour que les bleus posent un genou à terre puis, deux jours plus tard, fasse l'apologie d'un groupe à l'opposé de ces valeurs antiracistes. Car les Carpathian combattent clairement les différences : de couleur de peau, de religion, de sexualité...

La seule explication encore plausible (et paisible) à nos yeux serait que la rédaction de So Foot ne se soit pas rendue compte que les lignes sur la superbe ferveur hongroise concernaient ce groupe. Et qu'elle n'ose pas le reconnaître.

Si ce n'est pas cela, So foot nous paraît bien foutu...


Colombie : la France complice

"Les entreprises françaises bénéficient en Colombie d’une excellente image. Outre les actions de fondations d’entreprise françaises sur le plan social, les filiales françaises apparaissent année après année comme le premier employeur étranger en Colombie (environ 100 000 emplois directs). De nombreuses entreprises françaises ont connu de beaux succès en Colombie." (source Site Officiel du Medef)

A l'heure où les massacres de la police colombienne et des paras menés par le binôme Uribe/Duque continuent, il nous paraissait important de souligner la complicité de la présence française en Colombie par son silence.

Cette présence c'est plus de 210 entreprises (source chambre du commerce), 130 accords de coopération universitaire, 12 Alliances françaises, des échanges culturels récurrents, une coopération avec la police française qui ne se cantonnerait pas qu'à la lutte contre le narcotrafic (comme un peu partout dans le monde). La Colombie est le premier bénéficiaire de l’aide publique du développement français sur le continent américain, et donc la France contribue à accroître les inégalités sur place. Dans tous les cas, le silence est accablant alors que la situation dans le pays se dégrade.

En effet : ni les dizaines de morts, ni les centaines de disparus, les milliers de blessés, les militants arrêtés arbitrairement, torturés, violés, frappés ne semblent peser sur la conscience morale des industriels venus faire fortune sur le sol colombien. Aucune condamnation réelle y compris de la part des associations d'échanges universitaires qui semblent peu soucieuses du sort réservé aux étudiants et enseignants colombiens au front pour défendre leurs droits depuis 2019.

Il nous paraît légitime et important de préciser que par le passé, dans presque toute l'Amérique du Sud, la France a participé de manière concrète à aider les dictatures et à la formation des groupes paramilitaires d'extrême droite, invitée à exporter son savoir-faire en matière de contre-révolutions pratiqué durant la guerre d'Indochine et surtout d'Algérie (Opération Phénix) mené par Paul Aussaresses. Sur ce sujet, on pourra citer le documentaire de Marie Monique Robin "Escadrons de la mort, l'école française 24". La France était seule à collaborer aussi étroitement avec les USA durant l'Opération Condor, elle avait une présence militaire plus ou moins secrète en Argentine, mais aussi en Colombie, Chili, Brésil et au Vénézuela, d'après Pierre Messmer ministre des armées sous De Gaulle. Dans les années 70, le président Giscard d'Estaing a appuyé les juntes de Videla en Argentine et de Pinochet au Chili. L'héritage diplomatique et industriel paraît assez logique. Nous savons aussi que la police française participe à aider la police colombienne, ici aux côtés de la DEA et du FBI.

 

Les entreprises françaises, numéro 1 parmi les étrangères sur le sol colombien

Nous avons choisi de lister ci-dessous quelques unes des plus grosses entreprises françaises présentes sur le sol colombien, estimant qu'elles se rendent complices des massacres d'état par leur silence :

Groupe Éxito ( groupe Casino), Sanofi-Genfar, Axa-Colpatria, Renault-Sofasa, Groupe Seb-Imusa, L’Oréal-Vogue, Teleperformance-Teledatos, Schneider Electric, Sodexo, Lactalis, EDF, Legrand, Veolia, BNP Paribas, Airbus, Nexans, Mersen, April, Vinci, Alcatel, Thalès, Suez, l'Occitane, Saint-Gobain, Natixis, Crédit Agricole, Accorhôtels (gros projet d'investissement en cours), Royal Canin, Servier, Bolloré, Total, Arcelor-Mital, Air Liquide etc.

Liste détaillée et un peu plus complète des entreprises françaises recensées sur le sol colombien, classées par secteurs comprenant l'adresse du siège social

 

EXITO, filiale du groupe Casino, main dans la main avec l'ESMAD

Premier fait établi, une filiale du groupe Casino : Exito a fait des dons à la police anti-émeute ESMAD ( qui correspond à un mélange de ce que sont nos BRAV et CRS). On doit à ces unités de police la responsabilité de nombreux morts, de cas de tortures et d'exactions très graves sur les manifestants.

Dans cette vidéo, EXITO félicite l'ESMAD et justifie son don félicitant son travail, en présence de Diego Molano (ministre de la défense depuis février 2021). Le représentant d'EXITO, explique que les entreprises privées sont là pour soutenir la force publique. Il remet une carte cadeau de 40 millions de Pesos (plus de 9000euros) au ministre pour les agents et leurs famille qui se seraient battus pour "la démocratie".

 

 

 

De plus, à Cali, épicentre des révoltes, un supermarché EXITO, aurait peut être servi de centre de détention provisoire où des manifestants auraient été torturés d'après cet article et de nombreux témoignages (le groupe nie). Il aurait fallu 24 heures pour que des représentants de l'exécutif et des défenseurs des droits humains puissent y entrer après ces révélations, de nombreuses informations contradictoires en sortie de commission sont décrites par des parlementaires et n'auraient pas été prises en compte dans le rapport officiel (nettoyage par des produits ménagers, emplacement des traces de sang...)

Le groupe français Casino ne serait-ce que par ce don, participe plus ou moins directement à la répression en cours. On se doute qu'il n'est pas seul, ce pourquoi nous espérons que des journalistes ouvriront des investigations.

Si vous avez des informations vérifiées ou vérifiables sur le rôle de la présence française : n'hésitez pas à nous transmettre tout ce qui concernerait cette porosité ou collaboration avec le régime de Duque/Uribe, mais aussi concernant les blocages ou grèves en cours dans ces entreprises.

Nous ferons de notre mieux pour que l'information circule.

 

Que pouvons nous faire ici ?

Nous ne nous faisons aucune illusion sur le fait que ni la diplomatie, ni les entreprises françaises, ni le gouvernement Macron, ni les organisations politiques ne prendront leurs responsabilités et bougeront le petit doigt à moins d'une très forte pression interne. Tout au plus un appel démagogique au "calme" ou "à calmer les tensions des deux cotés".

C'est donc aussi sur notre territoire que nous devons appeler à se mobiliser le plus massivement possible pour soutenir les révoltes actuellement en cours, et mobiliser la presse pour qu'elle enquête afin que la France et ses entreprises prennent leurs responsabilités. C'est un devoir non seulement pour le continent américain, mais aussi pour l'ensemble du sud global et donc pour l'avenir du monde.

Après deux ans de mobilisation, le Chili, pays le plus riche d'Amérique latine et l'un des plus à droite va finalement se débarrasser de la constitution mise en place depuis Pinochet, infligeant un sérieux revers au président Piñera, en sachant qu'une partie des manifestants a pourtant préféré s'abstenir méfiante à l'égard de la démocratie représentative. L'un des terreaux d'expérimentation le plus caricaturales du néo-libéralisme imposé par les USA en tête est donc en train de s'écrouler.

C'est aussi ce qui se joue en Colombie actuellement dont l'influence économique pèse dans de nombreux secteurs économiques de taille : portuaire, numérique, touristique, pétrole et hydrocarbures ou même le narcotrafic. Cinquième pays le plus riche d'Amérique du sud, chasse gardée des USA, prise en tenaille par les paras, l'extrême-droite et les narcos, elle est un exemple concret de tous les travers engendrés par le capitalisme.

L'épicentre révolutionnaire, Cali, n'est pas un symbole mais un exemple à suivre pour tous les révolutionnaires du monde incluant une lutte dans son ensemble : place des minorités, points de blocages, organisation autonome supervisée par les premières lignes, programme de démocratie directe etc.

N'importe quelle victoire remportée par les insurgé-e-s colombiens peut contribuer à l'effet château de cartes à l'échelle d'un continent gangrené par la corruption et par les déstabilisations venues de l'Oncle Sam pour défendre "son" territoire par tous les moyens du soutien à une gauche libérale (Equateur) en allant jusqu'à des coups d'états d'extrême droite échoués ou réussis ces dernières années (Honduras, Venezuela, Bolivie...).

Depuis la France : nous insurgés appelons à soutenir le peuple colombien de toutes les manières possibles.

Nous reviendrons très rapidement sur les événements en cours pour faire un point plus détaillé de la situation sur place avec l'appui de correspondants,

En attendant, toutes nos pensées et tout notre amour révolutionnaire accompagnent les victimes de la répression du régime Duque/Uribe et tou-te-s les manifestant-e-s colombiens.


Réforme de l'assurance chômage : la fabrique à pauvreté du gouvernement

Annoncée comme une lutte contre la précarité et la permittence (novlangue désignant l’alternance de contrats et de chômage) par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, la réforme de l’assurance chômage dite « universelle » était une mesure phare de son programme.

Mais derrière cette belle opération de séduction pré-électorale se cache surtout une économie à venir de 2.3 milliards d’euros par an selon les prévisions de l’Unédic.

Et depuis fin 2019, avec le début de sa mise en place en 3 phases, la réforme se révèle bien moins sociale que ce que le gouvernement voulait nous faire croire : sous couvert de lutter contre l’abus des contrats courts, elle permet en réalité de taper sur ceux qui n’ont pas d’autre choix que d’accepter ce type de contrats.

Un rapport édifiant de l’Unédic, l’association chargée de la gestion de l’assurance chômage en coopération avec Pôle Emploi, alerte sur les effets de cette réforme.

 

⏳ Sur la phase 1 mise en place au 1er Novembre 2019, la période de travail nécessaire au rechargement des droits au chômage d’un demandeur d’emploi a été rallongée. Elle est passée de 1 à 6 mois, puis généreusement revue à 4 mois le temps de la crise sanitaire.

En allongeant les délais et en durcissant les conditions pour être indemnisé, la mesure a fait ses premières victimes. Ce sont les salariés en CDD, les intérimaires, les extras, les saisonniers… qui doivent additionner les contrats courts renouvelables afin de pouvoir recharger leurs droits et continuer à toucher les allocations chômage.

Mais elle a également fait ses premières économies, car en retardant le rechargement de leurs droits, c’est autant de mois d’indemnisations non versées par le gouvernement.

Pour faire mine de respecter les promesses de campagne, l’assurance chômage a toutefois été ouverte à des catégories qui n’y avaient pas droit jusque-là, à des conditions à la limite du ridicule tant elles sont peu atteignables :

Pour les salariés démissionnaires

Avoir au minimum 5 ans d'ancienneté, dans la même entreprise, et présenter un projet de reconversion dont la faisabilité doit être validée par une commission.

Pour les travailleurs indépendants

Être impérativement en liquidation judiciaire après au moins 2 années d'exploitation et avoir eu un revenu annuel minimum de 10.000 euros sur ces 2 dernières années. Conditions pour pouvoir toucher une indemnisation fixée à 800 euros mensuels pendant 6 mois.

 

⏳ Sur la phase 2 qui sera mise en place au 1er Juillet, le montant de l’allocation chômage sera calculé selon de nouvelles règles. Le salaire journalier de référence, qui permet de définir le montant de l’indemnisation versée à un demandeur d’emploi, ne sera plus basé uniquement sur les jours travaillés d’une période, mais prendra également en compte les jours non travaillés de cette même période.

Le résultat de ce changement, une baisse pouvant aller jusqu’à 43% du salaire journalier de référence, qui entraînera donc une baisse d’indemnisation pour 1.15 million de chômeurs la première année.

Selon une étude de l’Unédic, si l’allocation augmentera pour 23% des allocataires de quelques dizaines d’euros, elle baissera de plusieurs centaines d’euros pour 63% d’entre eux, une perte énorme sur un budget.

Objectif assumé du gouvernement : faire en sorte que le travail paye plus que l'inactivité. Et s’il met en avant la durée d’indemnisation allongée par la réforme, passant de 11 à 14 mois en moyenne, il oublie de préciser que 27% des indemnisés reprendront une activité avant la fin de leurs droits, autant d’argent qui ne sera pas versé donc là aussi économisé.

 

⏳ Sur la phase 3 dont la date de mise en place devrait avoir lieu à partir de l’automne 2021, les conditions d’ouverture des droits seront durcies. Il faudra avoir travaillé 6 mois sur les 24 mois qui précèdent l’inscription pour avoir droit à une indemnisation, contre 4 mois sur les 28 précédents actuellement.

Une petite exception pour les plus de 53 ans qui auront eux 36 mois pour effectuer leurs 6 mois, soit 130 jours ou 910 heures.

Près de 500.000 chômeurs, selon l’Unédic, seront lourdement impactés par cet allongement du temps de cotisation qui retardera l’ouverture de leurs droits et repoussera de plusieurs mois leur indemnisation.

Et si dans cette réforme le gouvernement annonce mettre en place un bonus-malus sur les cotisations patronales de certaines entreprises pour les inciter à embaucher en CDI, nous ne sommes pas dupes, ça n’est pas là que se trouvent les 2.3 milliards d’économies annuelles.

Après 15 mois de crise sanitaire, alors que le taux de chômage est déjà élevé (9% en 2020) et qu’on note une augmentation des CDD (87% des embauches en 2019 contre 76% en 2000), la fabrique à précaires ne chôme pas. Et l’Unédic prévoit déjà 2.8 millions de personnes supplémentaires qui ouvriront un droit à l’allocation chômage entre juillet 2021 et juin 2022.

💥 Combien de demandeurs d’emploi déjà précaires basculeront dans la pauvreté ?

Ça l’Unédic ne le dit pas...

Lien source Unédic 📊 https://www.unedic.org/publications/etude-dimpact-de-levolution-des-regles-dassurance-chomage-au-1er-juillet-2021

Lien source embauches 📊 https://partageonsleco.com/2020/10/26/evolution-de-la-part-des-cdi-cdd-1993-a-2019-graphique/