Fou le camp l'armée française

Revers pour l’impérialisme français au Burkina Faso

Depuis jeudi 18 Novembre, un convoi militaire de l'opération militaire Barkhane qui devait relier Niamey (Niger) à Gao (Mali) effectuant des liaisons régulières avec Abidjan (Côte d'Ivoire) est bloqué par des manifestants dans un camp militaire à une trentaine de kilomètre de la capitale du Burkina Faso, Ouagadougou.

Plusieurs fois dans le pays, des manifestations importantes ont eu lieu : des véhicules de l'armée essuient des jets de cailloux et les insultes fusent à l'encontre des militaires français, accusés d'aggraver la crise que subit le pays en proie à des troubles liés à la présence de groupes proches de Daesh et Al Qaïda depuis l'intervention française au Sahel.
Il faut rajouter à ça une situation sociale difficile, écrasée par le poids du rapport de domination Nord/Sud défavorable, imposé notamment par la présence française. Les militaires représentent le bras armée de l'ancien colonisateur aux yeux d'une partie de la population. Le convoi dont nous parlons est actuellement suspendu.

Sorti de 27 ans de dictature en 2014, après un soulèvement contre Blaise Compaoré soutenu par l'Elysée, qui avait fait assassiné le président panafricaniste Thomas Sankara (nous y reviendrons), le pays subit successivement un coup d'état et une période de troubles internes.
Pour essayer de comprendre comment le pays a pu basculer et se retrouver dans une telle situation de déstabilisation devenue hors de contrôle, nous devons interroger le rôle de la présence française.
La genèse de cette situation prend racine après la mort de Kadhafi et la destruction de la Libye.
L'un des arsenals parmi les plus puissants d'Afrique se retrouve dispatché dans les mains de plusieurs milices.
Parmi elles, se trouvent des groupes takfiristes : Daesh, Al Qaïda, Mujao, Ansar Dine (devenus Al-Mourabitoune puis GSIM), opérant progressivement un peu partout à travers le Sahel.

D'un épiphénomène cantonné surtout aux frontières de l'Algérie et du Niger, ces groupes gagneront du terrain d'abord depuis le Nord Mali où ils assiègent temporairement Gao et Toumboutkou (on se rappelle avec tristesse des destructions et de pillages des mausolées).
En représailles, la France décrète alors une intervention militaire de taille, d'abord au Mali (opération Serval) puis dans plusieurs pays, menant une coalition avec des alliés occidentaux ainsi que le G5-Sahel comprenant le Tchad, la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso.
Cette opération nommée Barkhane, a pour vocation de freiner la progression des groupes liés à Al Qaïda et Daesh, mais le but est aussi et probablement surtout de protéger les intérêts français. Notamment les ressources pillées, à l'instar de l'uranium qu'exploite Aréva au Niger.

Depuis quelques années, l'effet tâche d'huile contamine le territoire burkinabé, pays jusque là épargné par ces groupes obscurs. L'opération militaire est pour le moment un échec total qui n'est pas sans rappeler la déblacle américaine en Afghanistan. Les groupes prétendus "islamistes" ont gagné du terrain au fil des années et perpétuent des massacres de civils : on évoque plus de 2000 morts et 1 million et demi de déplacés pour le seul Burkina Faso. Impossible aussi de faire l'impasse sur de nombreux crimes de guerre liés à l'occupation.
Au Mali voisin, l'intervention française a tué plus de civils que ces groupes liés à Al Qaida ou Daesh.

A cela, s'accumule une histoire douloureuse reproduite inlassablement par les gouvernements successifs à travers la Françafrique et ses mutations. Comme en témoigne l'attitude arrogante et d'un mépris incommensurable d'Emmanuel Macron lors de son intervention à l'université de Ouagadougou y compris lorsqu'il s'adresse au président du Burkina Faso : "il est parti changer la clim"'. Des étudiants qui manifestaient dans la capitale contre le président Macron avaient alors rebaptisé le boulevard du général De Gaulle "Avenue Sankara".

Le Burkina Faso est classé 151e pays le plus pauvre sur 190. L'or représente 11% du PIB et le coton représente 95 % des exports du pays. Le secteur tertiaire représente lui 50% du PIB bénéficiant du "boom" des services de communications et financiers. Le Burkina Faso est le 8ème client subsaharien de la France. Au 1er semestre 2020, les exportations françaises vers le Burkina Faso ont progressé de 17,3% à 158,9 M d'euros.

"Selon la Banque mondiale, près de 40% de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté, l’espérance de vie à la naissance se situe autour de 60 ans et plus de 65% des personnes âgées de plus de quinze ans ne sont pas alphabétisées. Les inégalités de revenus sont aussi prégnantes, selon le PNUD, les 20% de la population les plus riches ont un revenu moyen 7 fois supérieur aux 20% les plus pauvres. Le Burkina Faso qui connait une situation sécuritaire dégradée depuis 2014 est également marqué par d’importants déplacements de populations, estimés à plus de 2,2 millions de personnes.  (...)
Dans l’ensemble, la présence française est estimée à une cinquantaine de filiales d’entreprises françaises (stricto sensu) et à une centaine d’entreprises burkinabè à intérêts capitalistiques et/ou management par des ressortissants français, présentes dans la plupart des secteurs de l’économie : l’agriculture (notamment le coton avec Geocoton ou encore Advens), le secteur agroalimentaire (brasserie Castel dans Brakina, huilerie SN-CITEC de Geocoton), l’industrie de la transformation, le BTP (Vinci/Sogea-Satom), la logistique et les transports (Air France, Groupe Bolloré), le commerce, la distribution (Total) et les services bancaires (Société Générale) et assurances (Sunu ex-Allianz).
La dernière implantation significative est celle du groupe Orange en 2017, suite au rachat des actifs d’Airtel Burkina, qui représente un investissement de l’ordre de 100 Mds FCFA (150 M EUR). Par ailleurs, une cinquantaine d’entrepreneurs français seraient établis dans les secteurs de l’hôtellerie-tourisme sur l’ensemble du territoire. (source ministère de l'économie et des finances)

Pour conclure et lier le rejet de la population burkinabaise à l'histoire du néo-colonialisme français, il paraît impensable de ne pas évoquer le destin brisé d'un pays qui aurait du servir d'exemple pour l'ensemble du sud Global à travers le parcours de Thomas Sankara, celui qui disait « Il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l'eau potable pour tous ». La haute volta devient  "Pays des hommes intègres" en 1984, après la prise du pouvoir par le Capitaine Thomas Sankara. A cette époque le pays est l'un des plus pauvres du monde.
Thomas Sankara est considéré par les révolutionnaires du monde entier comme un symbole de la résistance envers l'impérialisme aussi important que le Che. Entre 1984 et 1987, Il mettra en application des réformes politico-sociales d'envergure (démocratie participative, vaccination, réformes agraires, alphabétisation, interdiction des mariages forcées, économie localiste...) et aussi écologique.
La malnutrition disparaît temporairement et des progrès spectaculaires sont réalisés dans tous les domaines. En plus de refuser l'occidentalisation, le concept de développement au sens libéral, il affirme une identité panafricaine et marxisante avec humilité et fermeté. Son discours sur la dette face au conseil des Nations Unies, et le refus de la mendicité des ONG auprès de la charité impérialiste raisonnent encore et trouvent écho auprès de toute une génération qui affirme son héritage.

Aujourd'hui, celle-ci semble prête à vouloir devenir actrice de son futur, prendre son destin en mains, et ne semble pas prête à courber l'échine, nous la soutenons.

L'impérialisme à bas :  nous vaincrons !


Témoignage : l'État réprime des familles à la rue

Étudiant en sciences humaines, je suis bénévole chez Utopia 56 Paris depuis un an maintenant. L’association vient en aide de manière inconditionnelle aux personnes à la rue, majoritairement exilées, et gère surtout des situations d’urgence. Fin 2020, je consacrais mes deux premiers billets pour raconter 31h et 32h dans ma vie militante, à propos de la violence institutionnalisée de l’État et par extension de la police à l’égard des personnes sans domicile fixe et exilées notamment. En région parisienne, elles sont des milliers chaque année à subir les conséquences de ces politiques anti-immigration agressives, exclusives et férocement décomplexées.

Il y a un peu plus de deux semaines, le jeudi 28 octobre 2021 s’est tenue sur la place de l’Hôtel de Ville à Paris une action revendicative réclamant aux pouvoirs publics des hébergements pour des familles et mineurs à la rue. Environ 250 personnes exilées étaient présentes sur place pour demander à l’État de respecter la loi, car l’accès à un hébergement pour tou·tes est une obligation légale. Cette action a été violemment réprimée par la police.

J’ai été témoin direct de scènes plus qu’alarmantes. Rien n’a changé depuis l’année dernière. Ou alors cela s’est empiré. Triste et révoltante nécessité, je ne me vois pas ne pas à nouveau témoigner des faits profondément choquants dont j’ai été témoin, et parfois victime.

VOICI MON TÉMOIGNAGE.

◼️10h.

L’action est prévue aux alentours de midi. Je retrouve une partie des familles et des bénévoles à un des différents points de rendez-vous qui ont été donnés. Au moment où j’arrive, une mère épuisée par la nuit passée part prendre un café pour se réchauffer et se préparer pour la journée qui nécessitera beaucoup d’énergie. Elle nous confie son bébé assis sagement dans sa poussette. Paniqué au bout de trente secondes par l’absence de sa mère, l’enfant se met à pleurer. Même après être passé dans les bras de plusieurs mères et bénévoles, inconsolable, ses larmes ne s’arrêteront pas de couler avant que sa mère ne revienne, une dizaine de minutes plus tard.

Le soleil du matin éclaire faiblement les silhouettes, il fait froid. Une femme m’explique en pointant du doigt son mari, assis sur un banc et emmitouflé dans sa doudoune, qu’il est très malade et qu’il ne dort pas de la nuit. Elle s’inquiète beaucoup pour lui. En France, l’accès aux soins pour les personnes exilées est rendu très compliqué. Avant tout, elles ne sont pas toutes au courant qu’elles y ont droit, ou n’y vont pas par peur d’être arrêtées par la police. Surtout, les suivis médicaux de qualité sont très difficiles (voire impossibles) à mettre en place tant les moyens alloués à cet effet sont insuffisants.

◼️11h.

Nous partons du point de rendez-vous pour prendre le bus. Nous expliquons avec une amie à un père de famille qu’il est très risqué pour lui de prendre part à l’action en vue de son statut administratif (procédure Dublin). Il risquerait d’être intercepté par la police et d’être expulsé hors de France. Il fait donc le choix de ne pas participer, quittant ainsi sa femme et ses enfants. Elle/eux peuvent espérer obtenir une mise à l’abri si l’action réussit.

Une fois arrivé.e.s devant l’abribus, le père s’en va brusquement en tournant le dos au groupe et part à gauche au coin de rue. Nous le perdons de vue rapidement. Cinq minutes plus tard, le bus arrive. Le groupe composé d’enfants, de pères, de mères dont certaines enceintes, monte à l’intérieur.

◼️11h45.

Nous descendons du bus et nous rendons sur le lieu en question. Dans la minute, nous apprenons que le lieu originel de l’action est impossible d’accès. L’information a fuité : alors que le lieu était tenu secret, la police a appris où l'action devait se tenir. De nombreux groupes sont suivis par des policier.e.s infiltré.e.s (des renseignements généraux). Des familles sont bloquées par la police à Stalingrad. Des camions de CRS circulent dans le nord-est parisien pour l’occasion.

Tout semble déjà savamment mis en place pour empêcher à tout prix des familles et mineurs vivant à la rue d’obtenir un toit pour l’hiver. Après avoir discuté de la situation avec les familles, nous nous répartissons en petits groupes autour d’un carrefour dans le 11e arrondissement. Nous proposons aux familles de patienter et d’attendre un peu de temps dans la rue avant de nous diriger vers un nouveau lieu. L’attente et le harcèlement policier sont des situations discriminantes qui se reproduisent quotidiennement pour les personnes exilées.

◼️12h30.

Je discute avec François*, parent avec sa femme Isabelle d’une famille de quatre enfants, le plus petit encore bébé. Il m’explique à quel point leur vie est difficile. Il y a quelques années de cela, il fuyait la Côte d’Ivoire en espérant pouvoir reconstruire sa vie en France. Aujourd’hui, après avoir trimé pour obtenir un titre de séjour, il subit encore et toujours le mépris des autorités françaises. Ce mépris se répercute sur sa famille : ces derniers mois, ils/elles ont enchaîné galères sur galères, jusqu’à ce qu’ils/elles se fassent expulser de leur logement. Maintenant, ils/elles sont SDF. Pourtant, François a obtenu un CDD dans une boîte d’intérim récemment, mais il ne peut pas laisser sa femme seule s’occuper des quatre enfants, encore très jeunes. Il n’a d’autre choix que de mettre de côté son travail pour l’instant. Il ressent une tristesse et une désillusion profondes. Pourtant, il/elle font preuve d’une féroce détermination, plus qu’inspirante, à l’image de l’association qu’il/elle ont créé il y a peu de temps. Elle a pour objectif d’envoyer des jouets aux enfants précaires en Côte d’Ivoire.

Cette discussion réveille en moi une fervente colère envers ces politiques étatiques qui rendent la vie des personnes exilées impossible, même pour celles qui parviennent à obtenir un statut administratif « stable » ; et elles sont rares.

◼️13h.

Nous apprenons le nouveau lieu où doit se tenir l’action : ce sera sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris.

Une fois des bouteilles d’eau distribuées au groupe, nous empruntons le métro en direction du lieu dit. Les poussettes sont nombreuses à rouler sur le bitume des tunnels piétons du métro. Les changements de lignes sont éprouvants pour les familles. Chaque escalier est un calvaire en plus, il faut porter ensemble les poussettes une à une. Nous attendons à plusieurs reprises une mère enceinte qui reprend sous souffle, épuisée.

◼️13h30.

Nous sortons enfin des méandres métropolitains. Je discute avec une mère, ses deux enfants lui tiennent la main. Comme elle est encore assurée d’avoir un hébergement d’urgence pour encore trois jours, si elle est contrôlée par les services administratifs sur le lieu de l’action, elle pourrait se voir retirer la garde de ses enfants. Elle serait en effet considérée comme une mère maltraitante pour avoir remis à la rue ses enfants alors qu’ils/elle ont accès à un logement. Depuis ce matin, nous essayons de lui faire prendre conscience du risque qu’elle encourt. Elle a beaucoup de mal à comprendre, moi aussi d’ailleurs. Comment peut-on infliger cela à une mère en détresse, qui sait pertinemment la difficulté que représente l’obtention d’un logement et le temps que cela peut prendre ? Elle souhaite simplement offrir une vie décente à ses enfants, mais l’administration française ne veut pas l’accepter. Livide, elle est contrainte à cause de ce fonctionnement de reprendre le métro avec ses enfants. Elle retourne donc dans leur hébergement temporaire du 115 (Samu social) à 1h30 de l’école où ses enfants sont scolarisés. François l’aide à descendre la poussette.

◼️13h35.

Nous ne sommes pas encore arrivé.e.s sur le lieu de l’action lorsqu’elle commence. En présence de quelques journalistes, sur le parvis de l’Hôtel de Ville, soutiens, familles à la rue et mineurs isolés déplient des tentes en nombre. Un campement spontané se dresse pour exiger des logements pour l’hiver aux familles et mineurs participants à l’action. Nous pressons le pas, je prends la poussette d’une mère enceinte pour faciliter son avancée. Il faut arriver avant que la police ne bloque tout accès à la place.

◼️13h40.

Lorsque nous arrivons, deux rangées d’une dizaine de camions de CRS chacune sont garées en face de la place. Des CRS encerclent le campement. Par chance, nous parvenons à entrer à l’intérieur. L’ambiance est très tendue, les forces de l’ordre ont réagi violemment très rapidement. Dès la première tente dépliée, elles sont intervenues. Elles raflent les tentes du campement, puis les entassent sur un côté du parvis, solidement gardées par des policier.e.s. Peu importe que des personnes se trouvent à l’intérieur des habitats de toile : une policière en tire et en soulève un froidement, sans se soucier de la femme qui l’occupe, contrainte d’en sortir brutalement. D’autres de ses collègues l’imitent. Une amie est sauvagement jetée à terre par un agent de police alors qu’elle tentait de l’empêcher de saisir une tente. Nous apprenons qu’un soutien s’est fait embarquer sèchement par les CRS après s’être interposé devant une scène semblable, cinq minutes seulement après que l’action ait débuté. Des personnes crient sous la pression virulente de nos prétendu.e.s gardien.ne.s de la paix. La police est là pour intimider, pour apeurer, pour traumatiser.

Je me trouve auprès des familles que j’ai accompagné au lieu de l’action et nous assistons à ces scènes. François se tient à côté de sa famille et m’interpelle. Il est scandalisé et se sent impuissant. Sans savoir où vraiment poser son regard, essuyant vivement les larmes naissantes dans ses yeux, il me dit ce qu’il ressent : un dégoût profond envers ces policier.e.s, un désir sincère d’être accepté tel qu’il est et de pouvoir enfin, avec sa femme, offrir une vie tranquille à sa famille. Sa détermination et sa rage de vivre me bouleversent, je ne sais quoi faire d’autre que de l’écouter avec la plus grande attention. Ce moment est d’une puissance sans nom. Par respect, je ne me laisse pas submerger par les émotions, et dépose ma main contre son dos en guise de soutien. Soutien forcément insuffisant compte tenu des souffrances qu’il a accumulées depuis de nombreuses années. Je me sens totalement impuissant.

La honte. Jamais nous n’aurions pu imaginer que la Préfecture de Police puisse se comporter ouvertement ainsi à l’égard de familles et de mineurs vulnérables. La honte. Ce mot tourne en boucle dans ma tête. La honte. La police, impunie, agit en roue libre totale. L’État français brise des vies.

◼️14h15.

La police se replie légèrement et marque un temps de pause, fière du succès de sa première opération : une grande partie des tentes ont déjà été saisies, entassées et désormais bien gardées. Nous sommes maintenant nassé.e.s, encerclé.e.s par les forces de l’ordre : plus personne ne peut entrer, mais n’importe qui peut sortir. Pour les personnes exilées, sortir signifie abandonner la possibilité de pouvoir dormir au chaud ce soir, et pendant l’hiver. Pour les bénévoles et militant.e.s, sortir signifie se soumettre une nouvelle fois à la politique de non-accueil de l’État et laisser tomber les personnes qu’elles/ils se sont engagé.e.s à soutenir. Aucun individu ne souhaite sortir, donc.

Sur la place, des gens s’agglutinent autour du rassemblement et observent la scène. Ils/elles se mélangent aux personnes exilées qui n’ont pas pu arriver à temps sur le lieu de l’action, ou qui ont décidé sous la pression de sortir de la nasse. En effet, un certain nombre de personnes, notamment des mineurs isolés, ont préféré abandonner l’idée d’obtenir un logement, angoissées et apeurées par la violence de l’organe répressif de l’État.

L’atmosphère est très tendue, personne ne s’attendait à ce que les agents en bleu soient aussi violent.e.s. Le silence criant qui se répand sur le parvis est significatif de l’état de choc et de stupéfaction dans lequel nous sommes. A cet instant, une seule personne a la force et la rage suffisantes pour exhaler son ahurissement et sa colère. Debout et au bord des larmes, François invective les femmes et hommes en bleu qui nous encerclent. Forte et tremblante, sa voix résonne et brise le silence. Ses trois enfants sont assis juste derrière lui, à l’intérieur d’une des tentes encore restantes. Leurs six yeux écarquillés suivent intensément leur père du regard. Ses mots sont lourds et sensés, puissants et assumés. Il exprime tout le mépris et la colère qu’il ressent à l’égard de l’État français et de sa police qui rejettent violemment sa communauté, comme il dit, elles, personnes exilées et ultra-vulnérables.

Entouré de dizaines de ses subalternes qui nous encerclent, un gradé empoigne un microphone. Première, deuxième et troisième sommations. Ils/elles vont faire usage de la force si nous ne daignons pas partir et rentrer chez nous, car notre manifestation est illégale. Chez nous ? La majorité des personnes présentes dorment à la rue et sont justement là pour réclamer un chez soi. Ses propos sont absurdes, d’une indécence sans nom. En fin de journée, une amie me racontera qu’à ce moment, sous la pression, un père de famille s’est taillé les veines. Sa femme était en panique. Ils/elles ont été sorti.e.s du rassemblement.

Suite à ces annonces, François se retourne, dos aux forces de l’ordre. Il encourage ardemment les quelques 180 personnes encore présentes à tenir tête, jusqu’à ce que nos revendications soient entendues. Son intervention est saisissante ; elle me remotive.

◼️14h30.

Les CRS commencent à intervenir et s’immiscent au milieu du camp en file indienne et le scindent en deux. Nous sommes sur le qui-vive, la tension est à son comble. Les soutiens tentent de constituer une chaîne humaine, fragile, entre le camp et la police. Un bénévole se fait prendre par le bras par deux policiers qui le sortent hargneusement de la nasse. Il semble que les forces de l’ordre aient pour objectif d’expulser un à un les soutiens avant les personnes exilées. Nous avons le réflexe de nous asseoir afin de rendre plus difficile à la police de nous éjecter.

Assis juste devant des familles et quelques tentes avec un bénévole, Alexis, nous nous serrons les coudes. Une petite dizaine de CRS se dirige vers nous. Ils nous demandent de nous lever. Nous refusons. Ils réitèrent leur demande. Nous la rejetons à nouveau. Très vite, ils s’avancent vers nous et empoignent énergiquement avec leurs gants coqués nos bras et nos jambes.

Nous sommes rapidement séparés. Trois CRS me soulèvent et me portent. Mon sac traine au sol. Mon téléphone tombe par terre. Celui qui me tient les bras avance que je suis trop lourd et me lâche les poignets la seconde suivante. Je me retrouve soudainement vulgairement traîné au sol en toute illégalité par ses deux collègues, indifférents, qui me tirent par les chevilles en direction de l’entrée de métro la plus proche. Cela me vaudra plusieurs écorchures au dos et aux bras. Cinq mètres plus loin, le même policier me reprend les poignets pour me soulever à nouveau. Arrivé devant l’entrée de métro, ils me menacent de me jeter dans les escaliers si je ne daigne pas me lever. Même si j’accepte de me lever, cela n’empêche pas l’un d’eux de me pousser droit vers les escaliers. Je manque de tomber. Alexis a lui aussi été emmené de force au même endroit. Trois policiers restent devant les escaliers pour nous empêcher de revenir sur le lieu de l’action. Nous refusons de partir malgré leur insistance.

A peine levé et un peu sonné, j’entends à quelques dizaines de mètres plusieurs cris venant du rassemblement. Alors que nous en avons été évincés, les policie.re.s entrent en confrontation : ils/elles font des percées dans le campement pour secouer, récupérer des tentes, pour attraper de manière arbitraire de nombreuses personnes et les extraire de la nasse. Ces interventions produisent systématiquement une montée en pression et frappent les esprits. Plusieurs personnes sont blessées. Lors d’une percée, des policiers attrapent vigoureusement une femme exilée atteinte d’un handicap moteur. Une amie me racontera que, dès que la mère a vu les hommes en bleu s’avancer vers elle, elle a poussé par réflexe sa fille pour la protéger et l’écarter du danger. Sa fille a vu sa mère se faire agresser à deux mètres d’elle. D’après beaucoup de soutiens, ses pleurs et ses cris furent terrifiants. Les policiers finirent par relâcher la femme et poursuivirent mécaniquement leur intervention. Dans la cohue, une autre amie me rapportera qu’un policier s’était emparé du portefeuille d’un homme exilé. Cet agent finit finalement par rendre le portefeuille à son propriétaire lorsqu’il se rendit compte qu’il avait été pris en flagrant délit par la caméra de mon amie.

Les cas de violences physiques et psychologiques ne font que s’accumuler par dizaines depuis ce matin. Que nous en soyons victimes ou spectateur.rice.s, nous sommes injustement impuissant.e.s face à ces scènes abjectes. Nous ne pouvons que compter sur les nombreuses caméras de bénévoles et celles de quelques journalistes qui saisissent sur le vif ces images. C’est tout ce qui semble nous rester.

◼️15h.

Peu de temps après, d’autres agents de police ramènent un mineur isolé à la bouche de métro où nous sommes toujours bloqués avec Alexis. Ils lui ont enlevé sont haut pour faciliter le fait de le porter. Celui-ci se retrouve torse nu, humilié pour avoir tenté calmement d’entrer au sein de la nasse et espérer une mise à l’abri. Arrivés devant l’entrée du métro, les CRS nous le jettent sèchement dessus, acte qui manque de nous faire tomber tous les trois dans les escaliers. Furieux, nous les invectivons. Le jeune, anglophone, est particulièrement remonté contre les policiers : il les insulte vigoureusement, laissant sa colère s’exprimer. Les policiers tentent de le faire taire, l’un d’eux déclare : « On est en France ici ! On parle Français ! Ok ? ». Ils finissent par nous demander éhontément de le faire taire.

Alors que l’on nous retient dans les escaliers de l’entrée de la bouche de métro, ma tête se trouve à la même hauteur que le sol du parvis. J’observe à travers les grilles de l’escalier les jambes des passant.e.s empruntant chacun.e des trajet différents. Certaines jambes passent leur chemin, d’autres s’arrêtent devant la scène, puis repartent. D’autres interrompent leur trajet ; les jambes s’immobilisent. Je lève la tête. Accompagnée de deux jeunes enfants, une femme nous dépose un regard bienveillant puis tourne la tête vers les policiers et se met à les interpeller. Cernés par les critiques exprimées par de nombreuses bouches qui les entourent, les trois agents de police peinent à rester de marbre. Ils sont déstabilisés mais font mine de ne pas l’être. Accoudée à la barrière juste au-dessus de moi, la femme me propose avec un sourire complice une cigarette que j’accepte volontiers. Son attitude confère un soutien rassurant et éloquent.

Un député de Seine Saint Denis, Eric Coquerel, vient à peine d’arriver. Il nous adresse un mot de soutien, appuyé sur la rambarde de la barrière de la bouche de métro. Il se dirige par la suite vers le rassemblement rejoindre le peu d’élu.e.s présent.e.s sur place pour tenter de raisonner le commissaire chargé de l’opération de répression. Cela ne changera malheureusement pas grand-chose. D’autres soutiens sont amené.e.s dans l’escalier métropolitain, une femme et un homme exilé.e.s y sont aussi dirigé.e.s sous les ordres des policiers. Alors que nous sommes maintenant nombreux.ses à y être entassé.e.s, l’un d’eux nous ordonne de faire attention car elle est enceinte. Quel cynisme.

Depuis le début de l’action, beaucoup de femmes enceintes ont été violentées par ses collègues. Plusieurs d’entre elles ont fait des crises de panique du fait de l’atmosphère ultra anxiogène créée de toute pièce par les forces de l’ordre. Deux ont fait un malaise et ont dû être évacuées, prises en charge par les secours. En tant que témoin de plusieurs scènes affligeantes, une amie me rapportera d’ailleurs que les propos déplacés tenus par ce policier devant l’escalier n’étaient pas un cas à part. Lors de leurs interventions, un CRS a demandé à ses collègues de ne pas toucher aux femmes enceintes ; en guise de réponse, un autre lui a ri au nez en levant les yeux au ciel. Un autre a scandé en riant à un de ses collègues en regardant les femmes exilées : « Qu’est-ce qu’elles pondent celles-là ! ».

◼️15h30.

Sachant que la station de métro Hôtel de Ville comporte plusieurs accès, nous décidons d’emprunter un.e à un.e ou en petits groupes le tunnel souterrain pour prendre un autre escalier et nous libérer enfin du blocage policier pour rejoindre à l’extérieur le rassemblement. Lorsque je descends à mon tour dans le tunnel, vide, j’entends derrière moi le cris puissant d’une bénévole en pleure ; il résonne dans tout le souterrain. Elle arbore un énorme bleu sur la pommette. Elle court se réfugier dans la rame de métro. Elle reviendra quelques minutes plus tard à l’extérieur, le visage fermé.

Dehors, pratiquement l’entièreté des soutiens a été évincée du rassemblement. En face de l’Hôtel de Ville, nous sommes une quarantaine réuni.e.s en bloc devant les forces de l’ordre qui encerclent le rassemblement, composé d’une grosse centaine de personnes exilées et d’une dizaine de bénévoles affichant une détermination certaine. On peut apercevoir encore quelques tentes qui ont échappées aux mains des CRS, sous lesquelles des enfants s’abritent. A l’extérieur de la nasse, nous discutons entre bénévoles : nous sommes sidéré.e.s, outré.e.s par ce qu’il se passe.

Sur notre droite, nous apercevons des policer.e.s suréquipé.e.s se diriger de manière flegmatique vers le rassemblement. Cagoulé.e.s et revêtant des casques intégrales, les BRAV-M (Brigades de Répression de l’Action Violente Motocycliste) ont été mobilisées par la Préfecture de Police. Les BRAV-M sont les brigades créées en mars 2019 par Didier Lallement, alors fraîchement nommé préfet de Paris, afin de réprimer le mouvement des Gilets Jaunes (et les années suivantes contre les mobilisations opposées à la réforme des retraites, la loi de Sécurité globale et à la réforme du chômage). Ces brigades motorisées sont très largement critiquées : elles sont là pour surprendre, pour faire peur, pour réprimer la contestation. Qualifiées par beaucoup d’ultra-violentes, elles rappellent pour maintes personnes les pelotons de « voltigeurs » des années 1980 à l’origine de la mort de Malik Oussekine en 1986 (qui furent dissous suite à cette affaire).

Pour la majorité des membres de la brigade, leur RIO (Référentiel d’Identité et de l'Organisation) est illisible ou absent de leur équipement, ce qui est illégal. Ce matricule permet de les identifier individuellement : le fait de ne pas le porter ou de le rendre illisible leur permet d’être beaucoup plus difficilement reconnaissable, et donc d’éviter d’être identifié.e si une enquête pour violences policières est ouverte. L’un d’entre eux/elles a même osé rayer vulgairement au feutre noir les deux tiers de son matricule. Le sentiment d’impunité est total.

Nous sommes indigné.e.s, apeuré.e.s et révolté.e.s de les voir poser pied à terre et se diriger vers les personnes nassées. La préfecture de Paris a fait le choix de les faire intervenir sur place pour réprimer une action pacifique, composé d’individus ultra-vulnérables et non violents. Certain.e.s d’entre eux/elles remplacent une partie des CRS près du rassemblement. D’autres s’arrêtent près de nous.

◼️15h40.

Un gros camion de CRS avance vers la place et s’arrête juste devant le tas de tentes précieusement gardé par les BRAV-M. Des CRS ouvrent les portes du véhicule, vide. D’autres commencent à s’activer en empoignant les tentes une à une puis en les chargeant dans le camion. Le matériel de survie est stocké au fur et à mesure dans le camion, de manière assez désordonnée. Les tentes ‘’3 secondes’’ sont en effet difficiles à plier… Cette scène nous rappelle exactement celle qui s’était déroulée le 24 novembre 2020 où l’installation d’un camp d’hommes exilés sur la place de la République à Paris avait été lourdement réprimée. La police avait là aussi saisie les tentes, appartenant pourtant aux SDF. Une plainte collective encore en cours avait été déposée notamment pour "vol en bande organisée" contre les préfets de police de Paris, de Seine-Saint-Denis et d’Île-de-France (1).

L’État est plus rapide à mobiliser un véhicule pour transporter des tentes plutôt que pour transporter des familles et mineurs à la rue vers un lieu de mise à l’abri. Non seulement il les violente mais il leur confisque en plus leur matériel de survie. Comment peut-on ne pas avoir honte d’effectuer ce genre de mission ? Avec d’autres soutiens, c’est la question que nous posons aux agents sur place. Aucun d’entre eux/elles ne semble prêter attention à ce que nous leur disons.

Les CRS nous ordonnent de reculer et de passer de l’autre côté de la rue afin de toujours plus nous écarter des personnes encerclées, qui peuvent encore espérer une mise à l’abri. Ils interviennent en même temps à l’intérieur de la nasse pour récupérer des tentes et expulser certains individus. Une femme exilée est évincée du rassemblement et ramenée vers nous. Elle explique paniquée aux CRS qu’elle veut retrouver sa fille qui est toute seule à l’intérieur de la nasse. Ils refusent. Témoins de cette nouvelle scène abjecte, nous appuyons sa demande avec d’autres soutiens. Malgré un léger instant de flottement, les policier.e.s refusent à nouveau froidement. Ils sont en train de provoquer en direct de lourds traumatismes, en pleine état de conscience.

Suite à cela, un CRS me fixe d’un regard noir. Il défend le fait que c’est ainsi que cela doit se passer. Je lui tiens tête. Il n’aime pas ça, et me répond sèchement mots pour mots qu’il a « hâte de me fumer ». Bien qu’ils/elles se trouvent à côté de lui, ses collègues ne bougent pas d’un iota, se rendant de fait complices de sa menace outrancière.

Nous nous retrouvons maintenant à une soixantaine de mètres du rassemblement. De loin, nous distinguons difficilement les dizaines de silhouettes cachées pour la plupart par les corps alignés des policier.e.s. D’un seul coup, malgré la violence de ces dernières heures, les personnes exilées nassées scandent haut et fort des messages de soutien et d’encouragement dans note direction. Elles chantent aussi ensemble leur souhait d’obtenir des maisons. Cela redonne de la force, et nous leur renvoyons les encouragements en prononçant fièrement notre solidarité avec les personnes exilées.

◼️16h.

Les forces de l’ordre finissent de boucler le secteur autour du parvis de l’Hôtel de Ville. Tous les soutiens sont éloignés du rassemblement, tout comme les quelques journalistes présent.e.s sur place. Indépendant.e.s ou pas, les CRS les mettent à l’écart : c’est par exemple le cas de Rémy Buisine, journaliste chez Brut, ou encore de NnoMan, photoreporter.

Cela fait désormais plusieurs heures que l’action dure, aucune personne encerclée n’a pu sortir de la nasse. Interdites de sortir de la nasse, des personnes sont contraintes d’uriner dans des bouteilles en plastiques vide. Des enfants se font réprimander par un CRS car ils jouent au football. A nouveau, une femme enceinte fait un malaise. L’attente, toujours l’attente. Et le harcèlement policier qui n’en finit pas, humiliant et traumatisant.

Il ne reste plus qu’un îlot composé d’une grosse centaine de personnes au milieu de la place vide, défendue par des rangées de policier.e.s qui y bloquent l’accès. D’autres CRS persistent à nasser le groupe au milieu de la place. Technique de maintien de l’ordre très largement utilisée depuis le mouvement des Gilets Jaunes, la nasse a pourtant été interdite en juin dernier par le Conseil d’Etat. D’après le communiqué de cet organe étatique, elle porte notamment « atteinte à la liberté d’aller et venir » et « rien ne garantit que son utilisation soit adaptée, nécessaire et proportionnée aux circonstances » (2). Seulement, Didier Lallement laisse faire volontairement, et nos gouvernant.e.s ferment consciemment les yeux. Cela amène donc à des situations comme celle qui se déroule depuis ce début d’après-midi : des nourrissons, bébés, enfants, hommes et femmes vulnérables victimes de violences psychologiques et physiques par l’Etat via la police.

Familles, mineurs isolés et soutiens, nous sommes une centaine posté.e.s sur le trottoir rue de Rivoli à quelques dizaines de mètres du rassemblement, retenu.e.s par la police. Les familles et les mineurs avec nous ne peuvent pas espérer une mise à l’abris par l’Etat ce soir, seules celles nassées ont ce droit. A côté de moi, quatre enfants âgés de 5 à 8 ans jouent à la balle devant un policier tout en observant le rassemblement. L’un d’entre eux reconnaît au loin deux camarades de jeux dans la nasse, qu’il avait l’habitude de voir aux maraudes d’Utopia 56. Il lance un regard envieux à ses camarades et dit aux trois autres enfants à côté de lui : « Ils ont trop de la chance ! J’aimerais trop pouvoir avoir une maison moi aussi ! ». Ses copains acquiescent ses propos avec enthousiasme, puis ils se remettent à jouer, sous les yeux du jeune CRS.

◼️16h30.

Comme beaucoup de personnes encerclées n’ont pas pu manger ni s’hydrater aujourd’hui, nous décidons avec des ami.e.s d’aller acheter des biscuits et des bouteilles d’eau afin de les leur distribuer. Quelques minutes plus tard, nous revenons avec un caddie de supérette rempli et nous nous arrêtons devant la rangée de CRS. Ils refusent de nous laisser passer. Leur gradé, intrigué par la scène, intervient. Il finit par accepter qu’une seule personne ramène le cadi au centre de la place. Je suis désigné pour y aller. Jamais nous n’aurions pensé que nous devrions négocier pour distribuer de l’eau et des gâteaux. Je traverse le no man’s land en poussant le caddie jusqu’au rassemblement. En m’apercevant arriver, les personnes exilées se lèvent, crient de joie et entonnent des slogans. Je lève le point en l’air, mais je me sens profondément mal à l’aise. Comment est-il possible que l’on acclame la venue de ce caddie alors que j’amène simplement des bouteilles d’eau et des biscuits ? Cette scène en dit long sur les innombrables privations matérielles dont les personnes exilées sont victimes. Préméditée, violente et systémique, la politique de non-accueil les empêche d’accéder à une existence digne.

Les vivres leur sont distribuées. Les enfants s’agglutinent autour du caddie pour demander une madeleine et une bouteille d’eau. Une fois le caddie vidé, je ramène le caddie et retrouve mes ami.e.s qui observaient la scène depuis la rue de Rivoli.

◼️17h.

Les cars doivent bientôt arriver et prendre en charge l'ensemble des personnes exilées retenues par les CRS au centre de la place depuis des heures. Les familles et les mineurs se lèvent pour constituer une file d’attente. Elle s’étend sur plusieurs dizaines de mètres. Familles et mineurs devront attendre deux heures dans cette position avant de pouvoir monter dans les cars.

◼️19h30.

Après des heures d’attentes, les 126 personnes rassemblées jusqu’au bout s’installent enfin dans des cars. Elles seront emmenées dans la soirée dans un gymnase réquisitionné à l’occasion par la mairie de Paris pour les loger en attendant une solution pérenne d’hébergement. Pendant ce temps, la maraude du soir de mise à l’abri des familles et des mineurs isolés d’Utopia 56 s’organise de l’autre côté de la place, gérée par des bénévoles qui viennent d’arriver. Sur le trottoir, une grosse centaine de personnes à la rue est présente et réclame de l’aide. En effet, seulement la moitié des personnes ayant participé à l’action bénéficie ce soir d’une mise à l’abri.

La fracture entre les personnes exilées assises dans les cars et celles réunies dehors dans le froid sous la lumière blafarde des lampadaires est profondément déstabilisante et déroutante. Ce soir, ces personnes à la rue dormiront soit sous tentes, soit dans un des hébergements du réseaux solidaires d’Utopia 56.

◼️19h30.

Lorsque les cars partent, les policier.e.s lèvent leur dispositif. De nouveau accessible, la place redevient soudainement un lieu de passage emprunté par des dizaines de personnes à la minute. Nous retrouvons des ami.e.s qui ont passé toute l’après-midi nassé.e.s. Nous prenons le temps d’échanger au sujet de ce qu’il s’est passé aujourd’hui avant dans rentrer chacun.e chez nous, choqué.e.s et épuisé.e.s.

Je ne me voyais pas ne pas témoigner tant ce dont j’ai été témoin me semble alarmant. Alors que nous subissions le climat politico-médiatique plus qu’inquiétant, donnons-nous la possibilité de revendiquer et de défendre la société dans laquelle nous souhaitons vivre.

Pour beaucoup de soutiens, beaucoup de scènes lors de cette action étaient similaires à la très dure répression policière qui s’était tenue en fin novembre 2020 contre l’installation d’un campement spontanée, sur la place de la République à Paris. C’était il y a un an. Politiquement, rien ne semble changer, si cela ne s’est pas empiré. Cette journée et la façon dont les pouvoirs publics ont géré la situation est représentative et symptomatique de la période dans laquelle nous vivons actuellement.

Ces actes de violence déshumanisants ne sont pas des cas isolés. Ils répondent à une stratégie politique de harcèlement en France et jusqu’aux frontières de l’Europe qui vise à briser la vie des personnes exilées, à les dissuader de se penser comme des êtres égaux/égales en droit avec le reste de la population. Ces stratégies politiques rejettent en bloc de manière décomplexée les droits fondamentaux des personnes exilées et les accords internationaux que la France a pourtant signé en ce sens (Droits de l’Homme, de l’Enfant et Droit d’Asile).

Depuis jeudi 28 octobre et la mise à l’abri des 126 personnes, l’association Utopia 56 accueille quotidiennement une cinquantaine de famille à la rue. Chaque soir, une dizaine de familles et plusieurs dizaines de mineurs isolés accompagné.e.s par Utopia 56 sont contraint.e.s de dormir dehors, dans nos rues. Le réseau d’hébergement citoyen de l’association ne permet pas de loger à la nuitée toutes les personnes vulnérables. Le 115 ne répond pas aux demandes constantes des familles car les Centres d’Hébergement d’Urgence sont saturés.

A l’heure où l’on peut se demander librement sur une chaîne d’information en continu sans trop se faire de soucis si il faudrait « tirer sur les migrants » (3) ou bien « les laisser crever dans le froid » (4) ; à l’heure où notre Président ignore la grève de la faim de militant.e.s à Calais (5), affirmant de manière éhontée qu’à chaque expulsion les personnes exilées sont mises à l’abri (6) ; à l’heure où un maire peut ordonner l’expulsion d’un refuge d’accueil d’exilé.e.s dans les montagnes au début de l’hiver (7) ; à l’heure où des milliers de personnes survivent dans les rues en bas de chez nous alors que l’on recense plus de 3 millions de logements vacants en France (😎 ; il y a urgence.

Pour les personnes qui sont en mesure de le faire, mobilisons-nous ! Ne nous laissons pas dépasser par les élections présidentielles et une grande partie de la classe politique qui ne nous écoute pas. Faisons valoir nos choix de sociétés de manière collective contre la montée des idées d’extrêmes droite. Luttons contre la dystopie autoritaire et institutionnalisée.

Je vous remercie très sincèrement de m’avoir lu.

Je remercie également Pauline Tournier d’avoir accepté que je diffuse ses photographies, particulièrement parlantes, à retrouver sur https://blogs.mediapart.fr/emile-rabreau/blog/151121/un-jour-dans-ma-vie-militante-l-etat-reprime-impunement-des-familles-la-rue

~ Emile R.

* : L’identité des personnes a été volontairement modifiée afin de respecter leur anonymat.


Emeute à Rotterdam contre le pass sanitaire

Réflexions et rapport sur les émeutes du 19 novembre à Rotterdam - article paru dans itsgoingdown.org

Traduction d'un article du site itsgoingdown.org

Un camarade des Pays-Bas a envoyé un rapport de première main sur les extraordinaires émeutes anti-police de la nuit dernière à Rotterdam, aux Pays-Bas, au cours desquelles la police néerlandaise a tiré dans la foule.

Certains "gauchistes" déconnectés de la réalité ont essayé de rejeter ces émeutes parce qu'elles coïncidaient avec une manifestation organisée par la droite contre de nouvelles restrictions gouvernementales. Cependant, un événement tel que le soulèvement des jeunes contre la police la nuit dernière ne peut être aussi simplement réduit - comme le montre clairement notre auteur.

Je ne sais pas par où commencer pour écrire sur ce sujet. D'une part, je suis submergé par l'émotion, je suis encore en train de traiter les choses dont j'ai été témoin la nuit dernière. D'autre part, j'essaie de donner un sens à ce qui s'est passé du point de vue de quelqu'un qui croit en la révolution sociale. Je ne pense pas pouvoir faire entrer ce dernier point dans ce texte court et chargé d'émotion, mais certaines choses doivent être dites à ce sujet maintenant. Ce qui s'est passé hier soir est bien plus que la supposée "émeute fasciste" que beaucoup considèrent comme telle.

La nuit dernière, une manifestation contre les mesures (renouvelées) contre le coronavirus a été organisée. Cette manifestation a été clairement initiée par des personnes qui devraient, pour la plupart, être qualifiées de fascistes. Ces manifestations attirent cependant une foule beaucoup plus diverse que les seuls fascistes, et le mécontentement s'élargit, surtout maintenant que l'État impose une répression de plus en plus stricte pour contrôler la propagation du virus.

Pendant tout ce temps, je n'avais pas vu un seul signe lié à la manifestation, pas entendu un seul slogan, pas vu une seule bannière. Il s'agissait d'une haine collective et généralisée de la police. On pouvait la goûter, la sentir et la ressentir à chaque coin de rue cette nuit-là.

Le potentiel de ce mouvement est en grande partie alimenté par l'approche totalement aléatoire et irresponsable du gouvernement néerlandais face à la crise de la pandémie. La frustration à l'égard des mesures contre la pandémie est croissante et diverse. Elle comprend des personnes qui pensent que la pandémie est sérieuse et qu'il faut y faire face, ainsi que des personnes qui croient aux mensonges du mouvement anti-vax et se laissent prendre à leurs réponses faciles. Il serait difficile de trouver des personnes qui soutiennent l'approche du gouvernement face à la pandémie : une politique qui consiste à laisser le virus se propager tant que les hôpitaux peuvent gérer l'arrivée de personnes dans les services de soins intensifs, au lieu de prévenir sa propagation et de se concentrer sur la vaccination et la mise à disposition d'installations de dépistage suffisantes.

Les cas d'infection atteignent un niveau record depuis que le gouvernement a décidé d'abandonner de manière aléatoire toutes les mesures de lutte contre la pandémie en septembre dernier. Même le strict minimum, comme le port d'un masque et le maintien d'une distance sociale, a été abandonné d'un jour à l'autre.

Des protestations contre la réponse du gouvernement ont eu lieu depuis le début de la pandémie et ont été dominées par les fascistes, ne nous y trompons pas. Mais ce serait une erreur de discréditer la tendance sociale plus large et croissante de la frustration envers le gouvernement néolibéral comme étant la même chose. Quiconque n'est pas furieux de ce qui se passe n'est pas suffisamment attentif. Les fascistes abusent de ces frustrations, et cela ne devrait surprendre personne, mais discréditer tous les participants en les qualifiant de "fascistes" est une approche facile qui empêche toute analyse sérieuse. Les événements d'hier étaient bien plus qu'une manifestation pandémique. Il s'agissait d'une révolte généralisée contre la police à laquelle se sont joints des masses de jeunes, des jeunes qui n'avaient pas grand-chose à voir avec les manifestations mais qui avaient toutes les raisons de saisir l'occasion et de riposter. Prétendre que les événements de la nuit dernière étaient "une émeute fasciste" est tout simplement un mensonge.

"Les révoltes ne peuvent être comprises que par ceux qui ont les mêmes besoins que les rebelles, c'est-à-dire par ceux qui ont le sentiment de faire partie de la révolte." - Filippo Argenti

Au début de cette année, lorsque de nouvelles mesures gouvernementales ont été introduites, des émeutes ont éclaté dans le sud de la ville. Parallèlement aux manifestations anti-vaccins, les jeunes ont commencé à se révolter en réponse à ces mesures.

La nuit dernière, j'ai entendu dire qu'il y avait à nouveau des émeutes et j'ai décidé d'y jeter un coup d'œil, mais je n'avais aucune idée de ce qui m'attendait. Lorsque je suis arrivé sur les lieux, je n'ai pas vu de policiers. Une camionnette de police se trouvait au milieu de la route, abandonnée et détruite. En continuant à marcher, j'ai vu une voiture de police en flammes au coin de la rue. Des masses de personnes s'étaient rassemblées et se trouvaient dans les rues. La plupart d'entre eux semblent n'avoir rien à voir avec la manifestation initiale ; la foule est principalement composée de jeunes qui traînent dans le centre-ville. Ici et là, de petits groupes de hooligans étaient actifs, manifestement plus organisés que la plupart des gens présents. Ce que je ne savais pas, c'est que la police avait déjà tiré des coups de feu.

J'étais déconcerté par cette situation apparemment calme ; il s'avère que la police s'était retirée juste avant mon arrivée. J'ai décidé de me promener un peu pour voir ce qui se passait en bas de la rue.

Lorsque je suis arrivé sur les lieux, je n'ai pas vu de policiers. Une camionnette de police se trouvait au milieu de la route, abandonnée et détruite. En continuant à marcher, j'ai vu une voiture de police en flammes au coin de la rue. Des masses de personnes s'étaient rassemblées et se trouvaient dans les rues. La plupart d'entre eux semblent n'avoir rien à voir avec la manifestation initiale ; la foule est principalement composée de jeunes qui traînent dans le centre-ville. Ici et là, de petits groupes de hooligans étaient actifs, manifestement plus organisés que la plupart des gens présents. Ce que je ne savais pas, c'est que la police avait déjà tiré des coups de feu.

J'étais déconcerté par cette situation apparemment calme ; il s'avère que la police s'était retirée juste avant mon arrivée. J'ai décidé de me promener un peu pour voir ce qui se passait en bas de la rue. Je ne pouvais pas dire si la plupart des gens étaient là en train de regarder ou de participer à quoi que ce soit, mais environ un millier de personnes étaient dans les rues de cette zone. Plus loin dans la rue, des barricades en feu avaient été érigées, principalement à l'aide des scooters électriques de location, superflus et nombreux.

Un groupe de flics anti-émeute est apparu depuis une rue latérale et a commencé à former une ligne devant la voiture de police en feu. Alors qu'ils tentaient de fermer la ligne, ils ont été attaqués par une grande partie de la foule avec des pierres, des feux d'artifice, des panneaux de signalisation, etc. Les policiers ont instantanément sorti leurs armes et ont commencé à tirer sur la foule. Malgré les fortes attaques provenant d'une direction, la police a tiré dans une autre direction sur une personne qui, d'après ce que j'ai pu voir, ne les attaquait pas du tout. Cette personne est tombée au sol après avoir été touchée par une balle et a finalement été traînée par les policiers anti-émeute une fois que de nombreuses personnes ont reculé, réalisant ce qui venait de se passer. Quelques minutes après mon arrivée, des dizaines de coups de feu ont été tirés, certains en l'air, d'autres dans la foule.

Après cela, les policiers, toujours en infériorité numérique, ont commencé à utiliser leurs fourgons anti-émeutes comme armes, roulant à grande vitesse, pourchassant tous ceux qui se trouvaient devant leur fourgon. Cela a donné lieu à une heure de poursuites au cours desquelles les policiers ont foncé dans la foule avec leurs fourgons. Les gens se sont battus contre eux avec ce qu'ils ont pu trouver. Les groupes se sont disséminés, mais la foule globale a semblé grandir elle aussi.

Les escarmouches avec les flics avaient lieu non seulement sur le long boulevard où tout a commencé, mais aussi dans les rues secondaires. Partout où je suis allé, des jeunes se tenaient debout, semblant ne rien faire, mais lorsque les policiers passaient, les jeunes les attaquaient encore et encore. Pendant tout ce temps, je n'avais pas vu un seul signe lié à la manifestation, pas entendu un seul slogan, pas vu une seule bannière. Il s'agissait d'une haine collective et généralisée envers la police. Quelque chose que l'on pouvait goûter, sentir et ressentir à chaque coin de rue cette nuit-là.

Rien n'a changé pendant une heure environ, alors que la police tentait de se regrouper et de rassembler des renforts. Une fois qu'ils se sont enfin rassemblés, ils ont attaqué avec des canons à eau et des centaines de flics anti-émeute, et les choses se sont transformées en une course-poursuite qui a duré toute la nuit et s'est étendue au centre ville. J'ai décidé d'en rester là, n'ayant pas encore tout à fait enregistré ce qui venait de se dérouler devant moi.

J'ai vu des manifestations, des émeutes et des combats de rue plus intenses que ce qui s'est passé hier soir. J'ai déjà vu des flics utiliser leur voiture comme arme. Mais tout cela se passait dans d'autres pays où les policiers réagissaient d'abord avec des gaz lacrymogènes, des canons à eau, des balles en caoutchouc, etc.

J'ai toujours pensé que si de telles émeutes se produisaient aux Pays-Bas, la police commencerait à tirer rapidement. Cependant, je n'aurais jamais prédit un tel niveau d'empressement à utiliser la violence mortelle. Je n'aurais jamais prédit l'ampleur avec laquelle elle a été utilisée hier soir, souvent sans discernement. Plus tard dans la nuit, le maire a déclaré sans ironie que "la permission d'utiliser des gaz lacrymogènes a été demandée. Elle a été accordée, mais pas nécessaire". Et autant je suis bouleversé par ce qui s'est passé, autant je me sens naïf d'en être surpris.

De plus, je n'ai jamais été témoin d'une révolte aussi généralisée contre la police ici. La police de Rotterdam a construit un héritage de comportements violents et racistes et est ouvertement et publiquement soutenue par notre maire et une grande partie du conseil local. Comme nous avons dû endurer un gouvernement de plus en plus corrompu et éhonté, de plus en plus de gens se rendent compte que l'État ne se soucie pas d'eux. Ils réalisent que la police et toutes les autres institutions de l'État ne se battent que pour les plus privilégiés. Ils ne sont pas là pour nous, ils ne l'ont jamais été et ne le seront jamais.

Pour analyser plus avant ce qui s'est passé, nous devrions examiner les émeutes de Londres de 2011, les émeutes de Paris de 2005 et tous les autres soulèvements anti-police qui ont eu lieu dans cette partie du monde au cours de la dernière décennie.
Ces émeutes sont spontanées, chaotiques et destructrices et incarnent souvent certaines des tendances les plus toxiques que la vie moderne a créées. Les anarchistes ont tendance à romantiser "l'émeute" et à oublier sa laideur. Elle est laide, toujours, mais elle porte en elle quelque chose que nous devons embrasser, et si nous n'y travaillons pas activement en tant qu'anarchistes, nous ne pouvons pas prétendre nous battre aux côtés des moins privilégiés.

Je me souviens que nous nous sommes posés des questions sur nos positions concernant ces précédentes émeutes. Il est difficile de répondre à ces questions. Elles n'ont pas de réponse unique pour commencer. Mais, le plus important, c'est que ces questions nous obligent à réfléchir à notre propre position en tant qu'anarchistes, au lieu d'inventer des excuses pour expliquer que la situation ne nous concerne pas... parce qu'elle nous concerne.

Il manque encore un million de choses dans ce rapport mais je sens que le sujet a une urgence qui ne permet pas une longue période de réflexion avant de publier ce petit texte. Il est destiné à contrer le faux récit selon lequel il s'agirait d'une "émeute fasciste" et à nous faire réfléchir sur notre rapport aux révoltes en général. Le nombre de gauchistes autoproclamés qui ont applaudi les violences policières de la nuit dernière est répugnant et totalement hypocrite. Pendant qu'ils encourageaient la violence policière sur Internet, j'ai vu des jeunes, principalement des jeunes migrants qui sont harcelés par la police raciste tous les jours, se faire battre et tirer dessus. Ici, il ne devrait pas y avoir de discussion pour savoir de quel côté nous sommes.


Le procès du CRS Dominique Caffin : la fabrique de l'impunité

Le CRS Dominique Caffin était jeudi 18 novembre en procès pour avoir matraqué Mélanie à la nuque pendant une manif Gilets Jaunes (acte 23, avril 2019). Provoquant évanouissement et longues séquelles. Son acte barbare est un archétype des violences policières dont la bourgeoisie a besoin et que la justice ne condamne jamais.


En 2019, il est même décoré par Castaner. Sa réputation d’ultra violent ne fait pourtant pas de doute. Et il trimballe quelques casseroles : en 2003, plusieurs faits graves sont identifiés dans l'unité qu'il dirige : agressions sexuelles, violences contre des migrants, chants nazis. (Libération). Mais trois fois rien dans la police…

Dominique Caffin est aussi le CRS qui mène la charge lors du tabassage général du 1er décembre au Burger King (Libération), où les images de quasi tortures infligés par les flics aux Gilets jaunes à terre ont fait le tour des médias.

Hier à son procès, Caffin qui était venu avec sa tenue d'apparat « explique calmement qu'il est choqué d'être visé par une plainte et que le terme violences policières le crispe" (Action Antifasciste Paris banlieue/Twitter/lien du thread)

Bien que dans le dossier IGPN de Mélanie figure expressément qu’elle venait d’un cortège calme, le qualificatif « de situation insurrectionnelle » employé par Caffin fait figure de chèque en blanc pour justifier son arbitraire si lourd de conséquence. Le qualificatif "insurrectionnel" est une boite de pandore dans la bouche de la police et offre un angle mort monumental pour faire du sale tout en sachant que la justice n'aura rien à y redire. C'est une manière aussi de décider à postériori si la police était débordée ou non, pour justifier après coup de l'emploi complétement disproportionné de la force.

« - Je ne sais pas si elle est personnellement violente. Mais elle est dans le groupe. Je ne l'ai pas vu jeter de projectile. Mais elle était là pour entraver notre manœuvre. Et elle a un sac à dos. 
- Et ? Demande à son tour, l’avocat de Caffin.
- Les projectiles ne sortent pas de nulle part. L'individu présentait un danger potentiel.» (live tweet de David Dufresne)

Des termes et accusations totalement subjectives faits par dessus la jambe qui ne seront pas examinés pour en démontrer le caractère d’auto persuasion mensongère, tellement propre au métier de policier.

« L’audience a duré cinq heures. Un cas d'école de la fabrication de l'impunité et du déni, sous l'œil complaisant du Parquet, et d'au moins un des trois juges (sachant qu'un dormait à moitié, ça nous en laisse un, une en l'espèce, à peu près bien). » (David Dufresne)

Ce procès était donc un simulacre de justice. Mais qu’attendre de plus ? Au moins on pourra se dire que ce Caffin aura du trainer sa carcasse pour s’expliquer devant des juges grâce à la persévérance de Mélanie. Au lieu de rester tranquillement chez lui ou même d’aller tabasser des gens comme c’est l’usage qu’il fait de son métier, il a du venir s'expliquer, son costume d'apparat de policier ne trompant que le regard d'une justice partiale et bourgeoise reconnaissant dans la barbarie de Caffin l'expression de la violence qui est nécessaire pour maintenir un ordre inégalitaire.

Le verdict sera donné le 7 décembre.

PS : Pour un portrait plus complet de cet officier des forces de répressions françaises :
https://desarmons.net/2019/10/02/le-zele-agressif-de-dominique-c-alias-go-crs/


Excuses aux gilets jaunes

EXCUSES AUX GJ - Lettre anonyme

Voici une lettre d'un GJ que nous avons reçue hier en messagerie et que nous avons décidé de vous relayer à l'occasion des 3 ans du mouvement

Trois ans.. Si loin, si proche.
Quand je repense aux premiers actes GJ, des frissons me prennent. Ce fut l'un des moments les plus forts de ma vie. Des souvenirs dingues. Des rencontres. Et l'espoir ! Pendant plusieurs semaines, tout nous semblait possible. Changer la société, changer nos vies.

Mais j'ai aussi d'énormes regrets et un vrai sentiment de gâchis : je m'en veux de ne pas avoir été assez loin, de ne pas avoir pris plus de "risques" lors des actes où cela aurait pu basculer.

Quand je pense aux milliers de GJ qui ont été blessés ou qui ont fait de la prison, je me dis que je n'ai pas été à la hauteur. Que j'aurais du engager mon corps et ma vie encore plus.

J'étais présent dès le premier acte. J'ai participé à plus de 100 rassemblements GJ en trois ans. J'ai monté des barricades, j'en ai enflammé. J'ai été en première ligne. J'ai participé à des manif sauvages extrêmement déterminées, à des envahissements de lieux (publics et privés), à des occupations. A plusieurs moments, j'aurais pu être interpellé, condamné et/ou blessé. On pourrait donc considéré que "j'ai fait ma part".

Mais non, à y réfléchir, je n'ai pas fait tout ce que j'aurais pu. Et je le regrette. Et je m'en excuse auprès des milliers de GJ qui eux, sont allés au bout de leur rêve, et l'ont payé au prix fort.

Car aujourd'hui, quand je vois l'état de notre société, comment Macron et sa police ont réussi à écraser l'espoir d'une révolution populaire, et que seules les pulsions réactionnaires semblent encore audibles, je me dit une chose : s'il avait fallu que je fasse quelques mois de prison ou que je sois blessé pour que l'issue du mouvement débouche sur un renversement du système, je l'aurais fait. Sans hésiter.

Évidemment, je n'ai pas la prétention de penser que mes actes auraient changé le cours de l'histoire. Sauf qu'on sait que plus de 4 000 Gilets Jaunes ont été blessés et plus de 3 200 condamnés. On peut donc estimer que près de 10 000 citoyens ont payé, d'une façon ou d'une autre, le prix de cette révolte. 10 000. C'est énorme. Mais on sait aussi qu'on était au moins cinq à dix fois plus à être prêts à presque tout pour voir le mouvement aboutir à la chute du régime et du système. Or, si dans ces 30 000 à 50 000 Gilets Jaunes déters, qui ont eu la chance de ne pas subir les conséquences de la répression, nous avions été 10 000 de plus à pousser d'un cran notre engagement, et ce dans les actes les plus insurrectionnels, alors oui je pense que l’issue aurait pu être différente.

On ne vit pas avec des regrets.
Mais je tenais à profiter de ce troisième anniversaire du plus beau mouvement populaire que j'ai connu de ma vie pour remercier ceux qui y ont participé, qui s'y sont engagés, corps et âme. Les remercier, et m'excuser de ne pas avoir été aussi loin que ce que j'aurais finalement voulu, et pu faire.


Guerre hybride Pologne/Biélorussie : Exilés pris en tenaille, L'innommable déni européen 

Actuellement, entre 3000 et 4000 réfugiés politiques originaires principalement d’Irak et d’Afghanistan  se retrouvent bloqués à la frontière entre la Pologne et Biélorussie et survivent dans des conditions épouvantables. 

Pour le régime polonais et l'Union Européenne, il s'agirait d'une tentative de déstabilisation par la Biélorussie.
Les régimes lituaniens et polonais (globalement hostiles à la Russie et tout aussi anti-immigration) évoquent logiquement une manoeuvre qui viendrait de la Russie, alliée de Minsk.

De son côté, le président Biélorusse, Loukachenko dément et renvoie ces responsabilités à l'Union Européenne, il appelle "à mettre en garde à l'avance la partie polonaise contre l'utilisation de toute provocation", contre elle "pour justifier d'éventuelles actions belliqueuses illégales" contre les migrants (source France info).
Les sanctions économiques, évoquées comme principal facteur de cette "guerre hybride" interviennent suite à la répression violente d'un mouvement social important à la suite de la réélection contestée de l'actuel président. Comme en Ukraine en 2014, ce mouvement a été soutenu par l'OTAN, des manifestants ont évoqué une récupération émanant d'acteurs libéraux et parfois nationalistes.

Toujours est-il que le long de cette zone frontalière de 418 kilomètres, on évoque une situation absolument désastreuse. D'après le site infomigrants, des exilés évitent des tirs croisés émanant des deux côtés de la frontière, celles et ceux qui souhaitent revenir en arrière et rentrer dans leurs pays d'origine seraient piégés et ne peuvent retourner sur le sol biélorusse ou franchir la frontière polonaise.
Entre 400 et 800 personnes tentent de franchir la frontière chaque jour avec les moyens du bord. Des milliers de personnes sont actuellement condamnés à dormir dans la forêt par le froid, le plus souvent privés d'eau et de nourriture.
La Pologne aurait envoyé des dizaines de milliers de SMS depuis sa frontière, afin de dissuader les exilés et les encourager à rebrousser chemin. La Biélorussie, elle, est même accusée d'accorder des visas provisoires, de laisser son aéroport et son sol comme  zone de transit pour y conduire les exilés vers les pays Baltes, la Pologne et plus rarement l'Ukraine.

Les deux camps se renvoient la balle, dur de savoir qui dit la vérité, sachant que les deux pays mènent une politique migratoire dure : la Pologne, gouvernée par l'extrême-droite vient d'ailleurs de débloquer plus de 350 millions d'euros en urgence dans le but de construire un mur équipé de détecteurs de mouvements. Les deux pays ont légiféré sur le refoulement à leurs frontières.
Ursula von der Leyen, présidente de la commission européenne, a annoncé il y a une semaine que l'Europe ferait tout pour que les exilés soient renvoyés dans leurs pays d'origines dans les "meilleures conditions" et prévoit de nouvelles sanctions contre Minsk. Bagdad promet de rapatrier les citoyens qui le veulent et la Turquie demande à la compagnie aérienne Belavia de ne plus prendre d'irakiens, yémenites et syriens.
Ces exilés se retrouvent donc coincés dans l'agenda géopolitique des règlements de compte entre Minsk et Bruxelles.

Cette situation n'est pas sans rappeler celle de la frontière grecquo-turque en février 2020, où le régime d'Ankara avait effectué des manoeuvres similaires menaçant d'ouvrir ses frontières à l'Europe (la Turquie accueille près de trois millions de réfugiés).

L'Union Européenne est particulièrement mal placée pour donner des leçons d'humanité, en particulier sur ce sujet. Elle laisse des familles entières mourir dans la mer Méditerranée, c'est sur son sol qu'on érige des barbelés. C'est elle qui finance Frontex, une agence de garde côtes et gardes frontaliers dont le budget dépasse aujourd'hui les 322 millions d'euros ayant pour but de persécuter et d'interpeller des exilés qui seront par la suite enfermés dans des camps. Pour balayer devant notre porte, c'est en France que l'on a évoqué la possibilité d'un délit de solidarité et que les conditions du droit d'asile sont désormais très restreintes et qu'on harcèle des migrants en proie aux violences systémiques de la police.
De plus, l'UE porte une responsabilité de poids quant à ces crises sur le plan économique, dans le rapport de domination et des déséquilibres entre des pays du Nord du Sud global, mais aussi et surtout à travers ses interventions participant à des guerres impérialistes (Moyen Orient, Afghanistan, Sahel etc.).

On pourrait dire que démographiquement, quelques dizaines de milliers de personnes ne représentent absolument rien, que les pseudos effets d'appel d'air n'existent pas ou pire encore, les arguments type "l'immigration rapporte plus que la lutte contre la clandestinité"... Même si tout ceci est vrai, ces arguments contribuent à la déshumanisation et sont de considération purement libérale pour l'être humain, amené à n'être qu'un objet de plus dans une logique de rentabilité.

S'il est évident que dans l'idéal, personne ne devrait fuir son pays et le quitter à moins de le souhaiter par lui même, cette situation intenable n'est malheureusement pas prête de s'arrêter. Bien sûr que le problème doit être combattu à sa racine. En attendant, il faut agir, aussi saluons toutes les belles âmes, à Calais, à Briançon, de la frontière américano-mexicaine à Lesbos et partout dans le monde qui essayent tant bien que mal de trouver encore un minimum de dignité.


En France, 1,1 milion de logements vides

Un million de logements vides... On squatte qui ?

EN FRANCE, 1,1 MILLION DE LOGEMENTS SONT VIDES DEPUIS AU MOINS DEUX ANS

Il y a quelques jours, les chiffres des logements privés vides des communes françaises ont été mis en ligne en accès libre par le gouvernement.

On y apprend qu'au 1er Janvier 2019 à Toulouse, 29195 habitations n'étaient pas occupées, soit 11.4% du parc privé, dont 3951 d'entre elles depuis plus de deux ans.
24 183 à Lyon (9.4%), 13290 à Nantes (8.9%), 108532 à Paris (9.89%), 46382 à Marseille (12.11%), 13814 à Strasbourg (11.6%), 21571 à Nice (9.9%), 18 440 à Montpellier (12.8%), 17348 à Lilles (15.3%)...

Mais qui peut se permettre de garder ces 1.1 millions de logements vides ?
Dont 300 000 dans les zones tendues, ces zones où l'offre ne peut pas répondre à la demande et où l'on connaît les pires galères de logement.

Des petits propriétaires qui proposent un bien à la vente sans trouver d'acheteur ?
Des héritiers en attente du règlement d'une succession ?
De gros propriétaires suffisamment friqués pour oublier qu'ils pourraient louer ?
Ou de gros bailleurs qui jouent la spéculation immobilière ?

Belle hypocrisie en tout cas du gouvernement, qui pointe du doigt le privé en ne communiquant que les données de leurs parcs.
Pas très joli de la part du premier acteur et réalisateur de la crise du logement...
Car même si l'Etat se fait discret sur le sujet, on se souvient qu'en 2015 les journalistes Denis Boulard et Fabien Piliu avaient dévoilé que l'Etat détenait 11.1 millions de mètres carrés de logements et bureaux vacants.

Bailleurs sociaux, église, état... tous jouent ce petit jeu de la propriété privée inoccupée.
Un jeu sordide et inhumain quand on sait que 4 millions de personnes sont mal logées ou non logées en France.

Selon les chiffres de la Fondation Abbé Pierre
300 mille personnes vivent dans la rue, un chiffre qui a triplé en 20 ans...
En 2020, 587 SDF sont officiellement morts dans la rue ou dans des abris de fortune selon le Collectif les Morts de la rue. Qui admet que ce nombre est loin d'être exhaustif.
Un jeu criminel donc.

Alors, on squatte qui ?


Des acteurs du mouvement Hip-hop se mobilisent contre Rachel Kahn

Au centre culturel Hip-hop La Place, des acteurs du mouvement se mobilisent contre Rachel Kahn, co-directrice du lieu qui revendique idéologiquement un universalisme proche de l'extrême droite.

Cofondé par la mairie de Paris et le Conseil départemental de la Seine Saint Denis, La Place est le premier centre culturel en France voué au hip-hop (rap, djing, beatbox, graffiti, danse, mode...). Situé au nord de la canopée du forum des Halles, il accueille des événements, met à disposition des espaces destinés à la création artistique, la production d'événements et également le développement entrepreneurial et associatif.

La création du centre engendre déjà quelques polémiques concernant l'institutionnalisation d'une culture populaire, autant sur sa présidente d'honneur, la styliste Agnès B, que sur la gestion et les objectifs du lieu qui paraissent tous deux assez éloignés de la réalité de terrain des actrices et acteurs du mouvement.

Pour autant, la vie suit son cours et La Place se développe.

Reste qu'en Janvier 2020, la nomination de Rachel Kahn passe mal. Dès le début, se pose la question de sa légitimité, car sa nomination ressemble à un parachutage plus ou moins forcé de l'équipe municipale de Madame Hidalgo. La mairie de Paris est censée siéger au Conseil d'administration au même titre que les bénévoles.

A ce moment, son livre n'est pas encore publié, elle ne préside pas encore la commission sport de la LICRA et elle n'affirme pas encore vraiment ses engagements au sein du Printemps Républicain et son penchant politique vers l'extrême droite.

En mars 2021 , le conseil d'administration de La Place publiera le communiqué suivant : "Les propos actuellement tenus par Mlle Rachel Khan dans les médias dans le cadre de la promotion de son livre n'engagent qu'elle, et ne reflètent en aucun cas les opinions des membres du conseil d'administration de La Place - Centre Culturel Hip-Hop de la Ville de Paris." Son ancienne amie Agnès B fera parti des signataires et se désolidarisera finalement, après l'avoir quand même félicité pour la sortie de son livre. La mairie de Paris s'énerve et demande la convocation d'un CA exceptionnel, d'après le Figaro)... Une grande partie du CA démissionnera quelques mois plus tard alors qu'elle promotionne son livre "Racée" félicitée depuis par Marine Le Pen. Reste Bruno Laforestie, ancien président de l'association Hip-Hop citoyens qui organise le festival Paris Hip-hop, également directeur de la radio Mouv', dont la soeur était par ailleurs agente artistique de Rachel Kahn, qui choisit de garder son siège.

Depuis, Rachel a fait du chemin, vomissant l'antiracisme au sens large quitte à instrumentaliser l'antisémitisme, elle siège notamment au think-thank de Jean Michel Blanquer dont le but est d'observer les militants antiracistes. Mieux encore, elle fait la promotion d'Alain Finkelkraut, reprenant une citation d'un de ses textes sur une instru d'Eminem durant une émission de radio où elle prétend "rapper". Oui c'est grotesque à lire mais encore plus pathétique à regarder.

Une dernière précision : selon des sources proches du CA, Rachel Kahn serait quasi toujours absente des lieux, avec un salaire de 3500 euros mensuel cumulant déjà de nombreux postes.

Face à elle, un groupe de passionné-e-s rassemblant des actifs dans les milieux du rap, du graffiti, de la danse, de simples amateurs et amatrices ainsi que des journalistes spécialisé-e-s ont décidé de sensibiliser l'opinion publique pour présenter leur pétition dont vous trouverez le lien en commentaire.

Cette pétition a été distribuée samedi dernier, pour la première fois avant le concert de Benjamin Epps et The Alchimist à un public amateur de rap globalement stupéfait se demandant "Comment c'est possible ? ".

Ce n'est pas pour le hip-hop que l'on connaît Rachel Kahn mais bien les idées politiques qu'elle véhicule.

Chez Cerveaux non Disponibles, vous êtes nombreux à aimer tout ce qui touche cette culture, certains d'entre v(n)ous la vivent depuis toujours, aussi le message est clair : casse-toi Rachel, tu as le droit de faire la coupole sur le discours de Zemmour mais garde le pour tes fachos admirateurs !

Le lien de la pétition : https://www.mesopinions.com/petition/art-culture/communaute-hip-hop-se-mobilise/161939


GRAMSCI : CRISES & MONSTRES 

« La crise consiste justement dans le fait que l'ancien [monde] meurt et que le nouveau ne peut pas naître. Pendant cet inter-règne, on observe les phénomènes morbides les plus variés. » Antonio Gramsci

Antonio Gramsci est un philosophe italien marxiste qui a notamment développé la thèse de l'hégémonie culturelle et co-fondé le parti communiste italien. Le philosophe italien a toujours lutté contre les figures et les pouvoirs fascistes. Ceux qui l'ont fait croupir en prison pendant près de 20 ans afin « d'empêcher son cerveau de fonctionner ».

Mais c'est justement en prison que Gramsci a développé la plupart de ses hypothèses. Il a touché du doigt les conditions nécessaires à l'avènement des révolutions en Europe de l'ouest avec le développement des thèses sur l'hégémonie culturelle.
La lutte des classes, dit Gramsci, doit désormais inclure une dimension culturelle ; elle doit se poser la question du consentement des classes subalternes à la révolution. La force et le consentement sont les deux fondements de la conduite des Etats modernes, les deux piliers d’une hégémonie. Quand le consentement vient à manquer, les conditions sont réunies pour le renversement du pouvoir en place.

Gramsci a également fait le constat vérifiable au présent. Du fait de nos temps de crises, économique dans un premier temps (2007), terroriste dans un second (2014), sanitaire et écologiques d'aujourd'hui et de demain.
Que lors de ces périodes, le pouvoir en perdition tente de se maintenir à flot et use pour ça de toutes les stratégies. Il ne lâche rien et empêche ainsi le nouveau monde d'apparaître. Il n'arrive plus à obtenir le consentement de sa population et fait face à des tentatives de débordement, de renversement et entre dans un processus de fascisation.

Ainsi surgissent les monstres.

Alors même que Zemmour tente de récupérer les idées de Gramsci en le citant sans honte là où il le peut, nous devons l'appréhender en tant que symptôme de l'époque, ou pour reprendre l’expression de Gramsci, comme « phénomène morbide ». Il n’est que la face publique du processus de fascisation actuel que seul un antifascisme populaire, solidaire, radical pourra contrer en créant les conditions propices à l'avènement du nouveau monde.


Rencontre internationaliste à Montreuil

Les Peuples Veulent ! 3.0 du 12 au 14 novembre à Montreuil

Les rencontres internationalistes "Les Peuples Veulent” reviennent pour une troisième édition !

Des activistes du monde entier sont attendu.e.s en novembre à Montreuil pour nous raconter leurs expériences, partager leurs idées, analyses et espoirs.

Pendant trois jours, tables rondes, projections, concerts et bien sûr savoureux repas seront proposés dans ce magnifique espace qu'est AERI. Pour nous permettre de nous rencontrer, de se régaler, de danser et de réfléchir ensemble.

En compagnie d'invité.e.s, venu.e.s d'Inde, du Liban, des Etats Unis, de Tunisie, d'Iran, de France, de Grèce et du Chili et à partir des pistes d’ores et déjà creusées ici et ailleurs nous essayerons de dessiner ensemble des horizons émancipateurs à mêmes de traverser frontières et océans.

📍À l'espace AERI au 57 rue Etienne Marcel Montreuil - Metro Croix de Chavaux

Cette édition se déploiera atour de trois thèmes :

🌊 L'Internationale Féministe 🌊

La vague de révolte féministe ne cesse de grossir dans le monde entier. Ces dernières années les combats féministes n'ont cessé de bouleverser l'ordre établi et d'imaginer un futur plus égalitaire pour toutes et tous.
Alors que certaines revendications sont parfois spécifiques aux contextes locaux, il existe plus que des résonances entre les luttes féministes en Amérique Latine, en Europe, au Moyen-Orient ou ailleurs. Ces mobilisations et la circulation des outils, des idées et des formes d’actions peuvent être comprises comme une expérience collective, à la fois locale et transnationale.

Ainsi, l’internationale féministe, ne serait-il pas une hypothèse révolutionnaire à part entier ?

🌎 Internationalismes d'hier et de demain 🌍

Comment traduire et mettre en résonance des situations, des expériences et des soulèvements aux quatre coins du monde ? Comment faire dialoguer des résistances dont les contextes sont très différents mais qui partagent la même volonté de changement radical ? Comment organiser l’entraide transnational depuis l'exil et comment unir plusieurs fronts face aux logiques autoritaires et néo-libérales ? Il existe une diversité d’initiatives, passées et présentes, visant à construire et consolider des liens entre les luttes dans différents pays.

Pour les renforcer et les multiplier, quelles nouvelles stratégies internationalistes pouvons nous imaginer pour aujourd'hui et demain ?

🧭 Les voies du changement 🧭

Entre les partis discrédités et les soulèvements populaires sans chefs, des hypothèses politiques émergent pour proposer des alternatives à la fois au système actuel et aux organisations politiques d'auparavant.
Hypothèses communalistes aux états unis, nouvelles formes d'organisation en France ou au Liban, coordinations féministe au Chili ou au Soudan réseaux affinitaires dans de nombreux territoires… autant de manières de faire pression, d'expérimenter la solidarité et d'avancer sur les chemins de l’émancipation.

Quelles sont les hypothèses en expérimentation ou à élaborer pour arriver à bouleverser régimes autoritaires, systèmes inégalitaires et structures réactionnaires ?

❗ PROGRAMME ❗

🌐 Vendredi 12 novembre 🌐

▶ 18H30 🎥 Projection
Une sélection de courts-métrages qui documentent des luttes passés et contemporaines.
▶ 20H 🥣 Dîner syrien

▶ 21H30 🪕 Concert

🌐 Samedi 13 novembre 🌐

▶14H00 - 16H30 : Internationalismes d'hier et de demain 🌍
avec Longo Maï (Europe), Collectif98 (Iran), Alpha Kappa (Grèce) Crimethinc. (USA) et Buzuruna Juzuruna (Liban)
▶17H30 - 20H00 Les voies du changements 🧭
avec Mégaphone (Liban), Coordinadora Feminista 8M (Chile), Longo Maï (Europe), Alpha Kappa (Grèce), MASA (Inde) et Crimethinc. (USA).
▶20H 🥣 Dîner syrien

▶21H30 🎶 Dj set

🌐 Dimanche 14 novembre 🌐

▶12H 🥣 Brunch Syrien
▶14H 🎥 Projection de « Born in Flames »
De Lizzie Borden, 1h 30 mins, 1983. VOSTF
"Dans un futur où le gouvernement socialiste gagne le pouvoir, un groupe de femmes planifie une révolte."
▶ 16H - 18H30 L'Internationale Féministe 🌊
avec Coordinadora Feminista 8M (Chile), Roula Seghaier (Liban, Tunisie), Arya Thomas (Inde), Somayeh Rostampour (Kurdistan, Iran) - Syrian Feminist Society (Syrie) par vidéo

▶19H Apéro de fin

🎧 Tout au long de l'événement un plateau radio permettra de discuter et de présenter chacun.e.s de nos invité.e.s plus en détail (programme complet des interviews à venir) 🎧

🎪 Espace créatif pour les enfants et les plus grands 🎪

Nous remercions chaleureusement :
▶L'espace AERI
▶La fondation Danielle Mitterrand
▶Le Service International-Via le monde du conseil départemental de Seine-Saint- Denis dans le cadre de l'Appel à Agir 2021

▶ Lizzie Borden et la Film Foundation and the Hollywood Foreign Press

Pour leur soutien précieux dans l'organisation de cette troisième édition des Peuples Veulent ❗

 

À l'espace AERI au 57 rue Etienne Marcel Montreuil - Metro Croix de Chavaux

Évènement initialement publié ici pour les utilisateurs de facebook