Sans la police

Ce texte est la version complète d'un texte publiée sur Lille Insurgée concernant l'offensive policière que subit le quartier Moulins à Lille suite à l'agression d'une femme fin juillet.

Axelle, aide-soignante, lâchement assassinée à Lyon. Philippe, chauffeur de bus, frappé à mort à Bayonne. Une femme agressée dans le quartier Moulins à Lille, double fracture de la mâchoire.
L'insécurité de nos quartiers est une réalité à laquelle nous devons collectivement répondre.

Chaque fait divers, chaque agression, est abondamment récupérée par la classe politique et toutes sortes d'identitaires pour alimenter leur discours de haine, qui voudrait faire croire que la France est à feu et à sang. La récupération par les identitaires lyonnais du meurtre d'Axelle devrait nous révolter. Non pas contre cette récupération - qui, en soit, n'a rien de surprenant - mais contre nous, car si les identitaires ont pu récupérer cet événement, c'est que nous leurs avons laissé l'espace et les moyens de le faire.

L'absence de ressources, de contenus libertaires sur l'assassinat d'Axelle alors que celui-ci s'est imposé dans l'espace médiatique doit nous interpeller.
Quand les identitaires et l'ensemble de l'extrême droite enchaînent article sur article, action sur action pour récupérer tout fait lié à la sécurité, nous sommes incapables de proposer une alternative désirable à ce paradigme dominant consistant à affirmer que plus de sécurité est égal à plus de moyens dans les polices, des sanctions judiciaires plus fermes, le développement massif des technologies de surveillance et de contrôle etc.

La question de la sécurité et de l'insécurité fait le beurre des racistes, des néolibéraux et autres dictateurs en devenir qui profitent d'événements divers pour mener des politiques répressives et punitives.
En 1999, afin de lutter contre les crimes sexuels, le gouvernement instaurait une loi visant à pouvoir identifier par l'ADN de potentiels agresseurs. Peu de personne s'opposèrent à cette mesure qui semblait louable. Si à l'époque le nombre de personnes dont l'ADN avait été récupéré ne se comptait qu'en milliers, le fichier national des empreintes génétiques compte aujourd'hui plus de 3,5 millions de personnes fichées. Et pour cause, le prélèvement ADN ne s'arrête désormais plus aux crimes sexuels, mais à une quantité de délits mineurs. Une simple arrestation et une garde à vue peuvent justifier un prélèvement ADN.
« D'abord limité aux auteurs de crimes sexuels et de violences, étendu aux "suspects" d'infractions plus banales, le "fichier génétique" de la police compte déjà 283 000 dossiers. Inquiétudes civiques. » s'inquiétait le journal Le Monde en 2006 dans un article détaillé sur le sujet¹.

Sur un principe simple et louable de faciliter les arrestations de criminels sexuels par le relevé ADN, cette pratique s'est étendue à une grande partie de la population, créant un énorme fichier de surveillance.
« Lorsqu’on analyse les politiques pénales, on observe que ces dernières décennies, en France comme dans la plupart des pays occidentaux, les femmes ont servi à justifier des politiques de plus en plus punitives. La cause des femmes sert de prétexte à la création de nouvelles catégories de crimes et de délits, à l’allongement des peines, mais aussi à des innovations pénales, comme le bracelet électronique, les prélèvements systématiques d’ADN. » Gwenola Ricordeau²

Le Parti Socialiste et plus largement, la gauche parlementaire n'échappe pas à cette façon de répondre à l'insécurité. Par idéologie ou manque flagrant d'imagination, elle n'a pas d'autres réponses à donner que la surveillance et la punition. La politique et les discours de Manuels Valls en sont de bons exemples. La séquence politique anti-terroriste et la mise en place de l'état d'urgence a vu par exemple permis l'utilisation de mesures exceptionnelles pour réprimer les millitant.e.s écologistes qui s'opposaient à la mascarade de la COP21 ou encore le mouvement contre la loi travail où se sont multipliées les assignations à résidence, les interdictions de manifester, les gardes à vue arbitraires et bien d'autres mesures désormais inscrites dans le droit commun par la loi dite « anti-terroriste », en vigueur depuis l'automne 2017.³

À Lille, Martine Aubry mate depuis des années les quartiers populaires dans un but de gentrification, à grand renfort de bleus. À Rouen, sous prétexte de lutte contre les violences faites aux femmes, un arsenal de nouvelles technologies va être déployé dans les bus de la métropole « socialiste ». L'augmentation de l'insécurité brandite chaque année vient une nouvelle fois légitimer l'installation d'un dispositif de surveillance dernier cri. Et que dire de Nantes, où Johanna Rolland, la Maire PS, enchaîne les politiques sécuritaires, comme le démontre régulièrement le média indépendant local Nantes Révoltée.
Le reste de l'échiquier politique se mure dans un silence assourdissant. La « gauche radicale » n'est pourtant pas incapable de produire un discours sur les questions de sécurité, mais elle se fait battre quasi-systématiquement sur le plan temporel. « Les récupérateurs » proposent des solutions de court terme, pratiques et cadrées, qui semblent efficaces au premier regard, répondant aux attentes directes d'une société noyée dans la peur épidermique d’une population alimentée par le rejet de l’autre à grands coups de Unes délétères : Valeurs actuelles titre le 23 juillet sa Une « le racisme anti français tue ».
Nous n'avons rien à proposer dans l'immédiat, ou si peu.

Pourtant, à chaque agression, à chaque moment où le thème de la sécurité est mis en avant - il va sans dire très souvent - nous devrions mettre en place une machine de guerre pour contrer l'argumentaire sécuritaire fallacieux. Parler, écrire, organiser des rencards comme cela est fait lorsqu'il y a une violence policière. Il faudrait se répéter peut-être, en avoir marre certainement. Il faudrait, à chaque fois qu'une agression traumatise un quartier, y distribuer par dizaines les ouvrages de Angela Davis, Franz Fanon, Gwenola Ricordeau, Michel Foucault… Partager les témoignages du Chiapas ou du Rojava. Se retrouver entre habitant.e.s dans une démarche solidaire (plutôt que de vigilance) et surmonter ensemble et pour du long terme les situations communes.

Le constat est pour l'heure assez mauvais et nous ne pouvons qu'observer notre incapacité à développer cette autre porte de sortie que la police et l'action pénale, en réponse aux crimes et aux agressions. Soyons-en sûr.e.s pourtant, nos idées sont désirables.

Alors qu'à Lille, une femme a été agressée dans le quartier Moulins par un « dealer », cette dernière a lancé un appel aux pouvoirs publics, mairie et préfecture, à « prendre la mesure de la situation » et réagir au plus vite, désignant le quartier Moulins comme « une zone de non droit », ainsi qu'à une surveillance permanente du quartier.

Martine Aubry et la préfecture ont réagi au quart de tour. La maire de Lille en appelle à l'État pour gérer la situation.⁴ Et la réponse ne s'est pas faite attendre.
Mardi 28 juillet, le quartier de la filature, situé à côté de la fac de droit et du métro porte de Douai, était pris en étau par une déferlante de flics venus mener une expédition punitive dix jours après l'agression.
Mercredi 29 juillet, Martine Aubry envoyait un courrier à Gérald Darmanin pour demander des policiers supplémentaires dans les plus brefs délais afin de lutter « contre les zones de non-droits ». Un courrier à vomir, où la maire n'hésite pas à reprendre le terme d'extrême droite d'«ensauvagement» pour désigner le quartier Moulins.
« Vous parlez d'ensauvagement, c'est dans ces zones de non droit qu'il est le plus visible » Insulte insupportable envers les habitant.e.s d'un quartier coincé.e.s entre les agressions multiples, l'occupation policière violente et la brutale gentrification.

Ce dimanche 2 août, Gérald Darmanin était en visite surprise au commissariat de Lille avec la promesse d'augmenter les effectifs et les moyens des polices de la métropole. La promesse aussi d'augmenter les caméras de surveillance, alors que Lille est relativement épargnée par ce phénomène de contrôle de masse.
Surveiller et punir, voilà les lignes de ce nouveau mandat socialiste qui commence.

Une chose est pourtant claire : les politiques répressives ne changeront rien à la situation et il est hors de question que le quartier Moulins et l'ensemble de ses habitant.e.s ne se retrouvent une nouvelle fois les victimes d'une occupation policière violente et de politiques répressives.

Ce quartier est déjà depuis de nombreuses années le théâtre d'expéditions punitives et d'occupations policières. Les CRS sont présents en nombre notamment autour de porte d'Arras. Les unités de police spécialisées multiplient les descentes dans le quartier de la filature et la fac de droit est devenue un bunker où les entrées sont contrôlées. La situation s’est-elle arrangée ? Non. Car croire que l'on apporte de la sécurité à coup de présence policière et de technologies de surveillance est une pensée aussi fausse que difficile à se sortir de la tête.

Alors que depuis 30 ans, nos villes et nos flics ont été équipés de tout l'arsenal possible sous prétexte de lutter contre l'insécurité, depuis 30 ans, les chiffres des violences
physiques et des homicides sont stables voire en baisse, et ce en partie liée à la décrue de la violence politique et du grand banditisme.⁵
Le spectre que l'on nous brandit d'une France à feu et à sang ne permet que de légitimer l'utilisation de la force sur les habitant.e.s des quartiers. Pour autant, les agressions et le sentiment d'insécurité que les habitant.e.s ressentent dans certains quartiers sont des réalités auxquelles nous devons collectivement répondre.

Au gouvernement, on nage dans le paradigme répressif comme un extasié nagerait dans son trip. L'offensive sécuritaire est spectaculaire.
Les déplacements, de commissariat en commissariat pour annoncer des moyens et des effectifs se multiplient depuis l'arrivée du nouveau gouvernement.
Lors de leur déplacement à Nice, ville avec le plus de caméras de surveillance et de policiers de France, les sinistres Darmanin, Dupont-Moretti et Castex ont annoncé des mesures qui devraient nous effrayer :
- Création de 10 000 postes de policier·es
- Extension des pouvoirs de la police municipale
- Durcissement de la justice pénale

Une fois n'est pas coutume, cette opération de communication a affiché la volonté d'une tolérance zéro contre la délinquance. Nous savons bien ce qui en découlera, qui seront les victimes de ces politiques de « tolérance 0 » trempant généralement dans une marinade putréfiée de racisme et d'infantilisation.

Axelle à Lyon, Philippe à Bayonne ou les nombreuses agressions à Lille comme ailleurs sur le territoire ne doivent pas légitimer des politiques répressives stigmatisantes. Il nous faut développer un discours fort qui réponde à nos réalités communes en termes de sécurité tout en refusant de voir, dans chaque événement, une augmentation catastrophique de l'insécurité. Développons donc un autre discours et revendiquons une autre approche de la sécurité s'opposant aux politiques locales et gouvernementales répressives. Hors de question d'inventer de nouvelles pratiques policières ou technopolicières. Pas d'augmentation d'effectifs non plus. Nous parlons bien ici de pratiques communes qui tendraient à se passer des polices à l'échelle communautaire.

À chaque nouvelle violence policière, bon nombre de personnes se posent la question de la police, de son rôle et de son utilité. Les évènements médiatisés comme le décès d'Axelle sont ces moments où certain.e.s de nos ami.e.s doutent. Se demandent si la police, la prison, finalement…

Non, c'est justement dans ces moments qu'il faut penser l'abolition. De la prison, de la justice punitive et de la police. De tout ce qui est policier. De la gestion étatique de nos existences. Il faut penser l'abolition non pas d'une institution, mais d'un monde.

« Abolir réellement la police, cela suppose d'abolir tout ce qui est policier, et donc s'extraire de la société qui la nécessite et la génère. Aucune loi ne peut l'obtenir, cela s'obtient de fait.
Seule la commune, en répartissant les tâches de l'administration à un corps de citoyens révocables faisant la médiation nécessaire, peut abolir toute la police et libérer la société humaine. » La meilleure des polices, Cerveaux non disponibles.

C'est le moment de réaffirmer haut et fort qu'on ne transformera pas les vieux rouages systémiques du fonctionnement de notre monde à coup de matraques, de marteaux et de barres de fer. Il nous faut, même si cela paraît casse-gueule, nous saisir d'évènements comme l'assassinat d'Axelle pour développer notre argumentaire qui, soyons en sûr·es, est désirable – se le répéter est parfois nécessaire. Désirable en premier lieu pour nous, celles et ceux qui partageons les idées d'abolition de la police, d'anticarcéralisme, liées à notre désir de reprendre en main collectivement nos conditions d'existence. Désirable ensuite et surtout pour celles et ceux d'avantages opprimées par la police et la justice. Celles et ceux qu'on contrôle au faciès, qui n'ont pas les moyens de se défendre devant un procureur, que l'on réprime du simple fait de caractéristiques ethniques, genrées, ou sociales. L'écho que le discours abolitionniste peut avoir sur toute une partie de la population grappillera minimalement l'espace conquis par le discours sécuritaire dominant.

Déconstruire le mythe tendant à nous faire croire que la police est indispensable semble être un point qui, au vu de l'actualité autour des violences policières, est à marteler. La police n'empêche pas le crime d'avoir lieu. Elle arrive après pour le constater. La police n'empêche pas ton voisin du 3eme de mettre de la techno jusqu'au lever du soleil. La police n'est construite que sur le principe d'infantilisation de la population. Nous serions des individu.e.s inconscient.e.s, incapables de gérer notre sécurité et celle des autres. Sur ce principe, nous avons délégué ce pouvoir aux hommes armés qui prétendent avec arrogance être les garants du bon déroulement de la vie. Seuls les policiers seraient capables de gérer les conflits.

Le recours systématique à la police découle inéluctablement du fonctionnement systémique de nos sociétés occidentales basées notamment sur l'individualisme.
À l'heure où plus personne n'est dupe sur la question des violences policières (à l'exception de quelques zigotos comme Castaner, Darmanin, ou les guignols de génération identitaire), nous devons nous demander si faire appel aux policiers pour gérer systématiquement ces conflits serait faire preuve de tolérance et cautionner une logique de domination sociale, raciste et hétéropatriarcale.
Il ne s'agit pas ici de pointer du doigt celles et ceux qui ont recours aux policier.e.s pour tout un tas de raison, mais de réussir à se poser des questions : dans qu'elle situation ai-je réellement besoin de la police ? Pourra-t-elle réellement m'aider si…? Comment pourrait-on gérer cette situation autrement. Collectivement.

L'enjeu est de retirer l'argument établi du « on vous protège » représentant la partie émergée de l'iceberg camouflant le « on vous écrase ». L'enjeu est de détricoter la pensée selon laquelle la police serait irremplaçable. Une pensée construite dans le but unique de préserver l'ordre et d'empoisonner nos imaginaires.

« Je suis sûre que la première fois que quelqu’un a crié “Nous devons abolir l’esclavage !”, tout le monde a réagi de la même manière, genre : “Quelle idée stupide ! On se fait plein
d’argent grâce à ce travail gratuit et vous voulez l’abolir ? C’est ridicule !” » Tout le monde peut se passer de la police, Jeff Klak.⁶

L'enjeu est donc de nous mettre dans les conditions propices à la création d'alternatives à la gestion étatique de la sécurité en développant des espaces permettant de répondre à toutes les situations où nous recourons d’ordinaire à ce qui est policier, et ainsi les gérer ensemble.

Ces formes auront leurs problématiques que nous nous efforcerons de soulever, d'assumer et de résoudre ensemble, avec l'ambition permanente de se passer de la force armée et de l'accaparement de la violence physique légitime par un groupe. Si tout reste à faire, rien n'est pour autant à inventer. Inventons oui ! Mais constatons d'abord qu'une flopée de chercheurs et de chercheuses, de millitant.e.s, d'écrivain.e.s, se sont emparé.e.s de la question. Des thèses sur la justice transformative, au travail fourni sur l'abolition de la justice pénale et de la prison. Il faut s'inspirer d’expériences communautaires où la police est reléguée en dernière division notamment dans des collectifs féministes locaux, à la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes, au Chiapas (Mexique), au Rojava, dans le quartier D'Exarcheai à Athènes ou plus récemment dans la Capitol Hill Autonomous Zone (Seattle). Des expériences effectives, loin d'être parfaites, cela va sans dire, mais ô combien inspirantes. Des solutions communautaires où la vie et la sécurité d'une population s'organisent différemment et dont le principal ingrédient est la fluide interaction sociale entre les membres de la communauté.
Recréer des liens, avec nos voisin.e.s, faire société. Un principe simple et consensuel pourtant mis de côté par ce qu'on nous impose dans le strict intérêt de préserver l'ordre établi. Capitaliste, raciste et hétéropatriarcale. Rappelons-le.

« Si tu construis une communauté, alors la violence s’arrête. Quand tu connais tes voisins, tu es beaucoup moins susceptible de leur tirer dessus ou de les voler » Tout le monde peut se passer de la police, Jeff Klak. C'est l'ambition des forces d'autodéfense populaire au Rojava, pensées pour que les volontaires assurent la protection des habitant.e.s de leur propre quartier.

« Les possibilités d’instituer des hiérarchies de pouvoir et d’autorité sont considérablement réduites dans cette méthode alternative. Les personnes sont les protecteurs des personnes, celles avec qui ils vivent et avec qui ils interagissent quotidiennement. La proximité des « forces de sécurité » par rapport à la communauté, étant donné qu’elles sont issues de leur propre quartier, garantit que des violations ne se produisent pas. Lorsqu’elles se produisent, les mécanismes communautaires de justice, d’honneur et de restauration sont immédiatement activés par le biais des communes de quartier. Le monopole de ce processus est encore empêché en encourageant tout le monde à participer grâce à un système de listes. Tout le monde peut se porter volontaire. Cela inclut les personnes âgées, en particulier les femmes, en tant que sources de protection civile. » Hawzhin Azeez, activiste kurde.⁷

Ce modèle ne peut évidemment pas fonctionner seul. Il doit être accompagné d'une profonde transformation de la société, aussi bien politique que sociale. Par la dissolution de
l'état et des valeurs patriarcales, coloniales, nationalistes, patriotiques etc, qui l'accompagnent.

Il nous faut donc déconstruire l'intégralité de ces schémas, ces modèles, ces représentations, cette multitude de roues dentées faisant engrenage dont le fonctionnement automatique nous empêche d'échapper à son inertie.

Créer des îlots de résistance comme il en existe déjà, aussi combatifs que créatifs, pour désosser ces constructions insensibles vampirisant nos capacités à penser autre chose.
Tout ce qui était directement construit doit s'égarer. Se perdre pour retrouver la créativité enfantine déchue qui nous a de nombreuses fois fait embrasser le chaos. Et que c'était bon d'embrasser le chaos.

Nous vous invitons vivement à poursuivre la lecture via les références notées ci-dessous.
______
1. La tentation du fichage génétique de masse :
https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2006/09/25/la-tentation-du-fichage-genetique-de-masse_816576_3208.html

2. Entretien avec Gwenola Ricordeau
https://www.bastamag.net/Abolition-prison-police-abolitionnisme-feminisme-violences-sexistes-Entretien-Gwenola-Ricordeau-Femmes-contre-la-prison

3. Pourquoi le projet de loi antiterroriste menace les libertés fondamentales
https://www.lesinrocks.com/2017/09/26/actualite/actualite/projet-de-loi-antiterroriste-les-libertes-menacees/

4. Agression d'une femme à Lille-Moulins : "C'est l'enfer pour les gens" selon Martine Aubry, qui en appelle à l'Etat
https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/lille/agression-femme-lille-moulins-c-est-enfer-gens-martine-aubry-qui-appelle-etat-1855628.html

5. Sept idées reçues sur l’évolution de la France « depuis trente ans »
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/02/28/sept-idees-recues-sur-l-evolution-de-la-france-depuis-trente-ans_5429436_4355770.html

6. La meilleure des polices
https://cerveauxnondisponibles.net/author/admin1591/

7. Tout le monde peut se passer de la police.
https://www.jefklak.org/tout-le-monde-peut-se-passer-de-la-police/

8. Une société sans police ? Les leçons du Rojava.
https://kurdistan-au-feminin.fr/2020/06/04/une-societe-sans-police-les-lecons-du-rojava/

Pour aller plus loin :

A propos de justice transformatrice et de gestion communautaire des agressions :
- Pour une culture de la solidarité
https://rebellyon.info/Pour-une-culture-de-la-solidarite-22472
- Pas de recette miracle. Perspectives extra-judiciaires face aux agressions sexuelles
https://rebellyon.info/Pas-de-recette-miracle-Perspectives-extra-22481

A propos d'abolition de la police :
- MANIFESTE POUR LA SUPPRESSION GÉNÉRALE DE LA POLICE NATIONALE
https://lundi.am/Manifeste-pour-la-suppression-generale
- VIOLENCES, MENSONGES ET MAINTIEN DE L’ORDRE
https://lundi.am/Violences-mensonges-et-maintien-de-l-ordre
- Que faire de la police ?
https://www.jefklak.org/que-faire-de-la-police/
- 12 choses à faire plutôt que d’appeler la police
https://rebellyon.info/Si-tu-vois-quelque-chose-fais-quelque-22487

A propos d'imaginaire et de créativité :
- « PAS DE POLICE, PAS DE PROBLÈME », déclaration de Loïc Citation lors de son procès pour le contre sommet du G20 à Hambourg.
https://laneigesurhambourg.noblogs.org/post/2020/07/09/loic-keine-polizei-keine-problem/
- Entretien avec Alain Damasio
https://www.bastamag.net/Alain-Damasio-Les-Furtifs-La-Volte-ultra-liberalisme-ZAD-pouvoir-alienation


De quoi CND est-il le non ?

Depuis quelques semaines, les publications de CND font l'objet de commentaires très négatifs, souvent agressifs. Qu'il s'agisse de posts sur des mobilisations antiracistes, féministes, des révoltes au Liban ou en Biélorussie, ou même des Gilets Jaunes. On pourrait se dire que c'est le "jeu" des réseaux sociaux, surtout pour un média des luttes sociales et politiques. Sauf que la page existe depuis près de 8 ans, avec une audience importante depuis le début des Gilets Jaunes. Et que c'est la première fois que nous connaissons un tel afflux de commentaires "contre" nos publications. Pour ne pas dire contre CND.

Cela ne nous empêche pas de dormir, et nous ne pensions pas écrire sur le sujet. Mais de nombreuses personnes nous ont envoyé des messages pour nous alerter sur ces commentaires et nous demander des explications.

Nous avons fait le choix de ne bannir et supprimer que les messages racistes, homophobes, sexistes, ou d'incitation à la haine. Tous les autres commentaires restent visibles, y compris ceux qui nous dénigrent. C'est un choix. Celui de la liberté d'expression et du respect des différences de points de vue.

Mais il convient d'expliquer et de contextualiser cet afflux massif de commentaires négatifs, qui a commencé fin mai. Que s'est-il passé à cette période ? La mort de George Floyd et le mouvement BLM, que nous avons abondamment couvert. S'en sont suivies de nombreuses mobilisations françaises antiracistes et contre les violences policières, notamment à l'initiative du Comité Adama.

Cela a provoqué des centaines de commentaires et messages privés d'insultes (voire de menaces). Pourtant, il ne s'agissait en rien d'un changement de positionnement de CND, qui a connu sa première grosse visibilité dès l'acte 2 des Gilets Jaunes, grâce à un événement facebook que nous avions créé : "Gilets Jaunes anti racistes". Dès l'acte 3 nous faisions un événement coorganisé par le Comité Adama.

Nous n'avons donc jamais "avancé masqué" sur la question de l'antiracisme. Ni sur celle de l'homophobie ou du sexisme. La page est ouverte à toutes les idées et nous postons des points de vues contradictoires, mais avec comme seule ligne le respect de tous et des différences. Cela laisse un spectre très large d'opinion.

Une petite partie de notre audience a probablement été "surprise" de cet antiracisme assumé. Des gens qui avaient connu notre média en cours de route, à un moment où les questions de racisme n'étaient pas aussi présentes. A ceux-là, nous leur disons que notre plateforme sera toujours du côté de ceux qui combattent les oppressions.

Mais nous pensons aussi qu'une bonne partie de ceux qui nous attaquent/dénigrent n'ont jamais été "fans" de notre média. Nous le voyons puisque plus de la moitié des personnes que nous devons bannir suite à des commentaires racistes ne "likent" pas la page au moment du commentaire.

Nous savons aussi que notre page fait l'objet d'attaques coordonnées de certains groupes. Cela a été le cas il y a un an avec des militants macronistes ou d'extrême droite. A l'époque, nous avions trouvé des posts dans des groupes facebook (notamment pro police) qui appelaient à faire des signalements massifs et coordonnés de nos publications. Entre le printemps et l'automne 2019, nous avons subi au moins 4 blocages majeurs de notre page facebook. A chaque fois, nous avons fait appel et avons sensibilisé notre audience à ces censures abusives.

Mais depuis plusieurs mois, cette tendance semble s'être calmée. Il n'est pas déraisonnable d'envisager que ces groupes voulant porter préjudice à CND ont changé de tactique : plutôt que signaler nos posts en espérant que la page soit bloquée (voire supprimée), ils décident de commenter nos publications de façon négative dans l'optique de décrédibiliser notre page. Créer un bruit et une ambiance négative autour de nos contenus.

La stratégie est d'autant plus gagnante pour eux puisqu'elle permet de ternir l'image de CND mais aussi de faire fuir certaines personnes lassées de lire des commentaires aussi haineux et agressifs. Nous avons d'ailleurs reçu des dizaines de messages de personnes qui nous suivent depuis longtemps et qui, n'en pouvant plus de ces commentaires, envisagent de se désabonner.

L'idée est aussi de faire germer quelques doutes sur les intentions de notre page. A force de lire plusieurs fois par jour en commentaire, que CND est financé par Soros, certains de nos abonnés peuvent légitimement se dire qu'il n'y a peut-être pas de fumée sans feu. Qu'après tout, si tant d'internautes l'écrivent sur nos publications, cela ne doit pas sortir de nulle part.

En effet, cela ne sort pas de nulle part. Il s'agit de quelques petits groupes qui ne voient pas d'un bon œil que CND et d'autres médias indépendants connaissent une forte audience tout en assumant un positionnement antiraciste. Du coup, l'objectif est de dire que ces médias ne connaissent un succès que parce qu'ils ont derrière une force de frappe financière.

Quand nous postons des contenus qui couvrent le mouvement Black Lives Matter, c'est donc selon ces groupuscules, Soros qui nous finance. Quand nous postons sur la révolte à Hong Kong, c'est le gouvernement américain. Quand on poste sur les révoltes sud américaines, c'est l’œuvre de la Russie ! Etc...

Cette situation s'inscrit également dans un contexte général très propice au développement de ces attaques par "petits groupes" sur les réseaux sociaux. 50 ou 100 personnes très organisées et actives peuvent aujourd'hui créer une vraie force de frappe en ligne, et en convaincre plusieurs milliers. Tout cela dans un contexte où les mouvements sont de plus en plus internationaux. N'oublions pas que l'année 2020 est celle des présidentielles aux USA et que l'arrivée de nouveaux trublions des réseaux comme le Qanon ne relève pas du hasard du calendrier. Et même si ce mouvement complotiste/pro Trump pèse principalement sur les réseaux anglo-saxons, son poids en France commence à être assez sérieux et inquiétant.

Nous tenions à faire ces éclaircissements en cette période où tout semble confus. Non pas pour nous justifier, mais pour tenter d'expliquer à ceux qui nous suivent et nous apprécient, le pourquoi et comment de cette arrivée massive de commentaires négatifs.

Pour terminer, nous rappelons donc que CND est animé par plusieurs personnes, avec des points de vues parfois différents sur certaines questions, et qui laisse la porte ouverte à d'autres prises de positions (tribunes, vidéos...) extérieures, qui permettent d'alimenter un débat sur les questions de société. CND a aussi vocation a relayer des contenus de médias alternatifs pour leur donner une plus forte visibilité. Parmi ces médias, tous n'ont pas la même ligne éditoriale.

A chaque fois, notre seule ligne de front est celle du respect de tous. Nous combattons le racisme, le sexisme, l'homophobie et toutes les formes d'oppression.

Et même si quelques dizaines d'internautes tentent de faire croire le contraire, nous pensons farouchement que ces combats ne sont pas des éléments repoussants pour de nombreux militants, qu'ils soient syndicalistes, Gilets Jaunes ou simple citoyens en colère.


Bas les (anti) masques

BAS LES (ANTI) MASQUES

La situation actuelle nous semble nécessiter une mise au point concernant le mouvement « anti masques ».

CND n'est pas, a priori, ce qu'on appelle un média complaisant envers le pouvoir et le système. On nous reproche même d'être trop dans la critique du gouvernement.

Pourtant, nous ne pouvons relayer ou encourager les attaques actuelles contre l’efficacité du port du masque, voir même sur la remise en cause du Covid et de son impact sani taire.

Dès le début de la crise, nous avons dénoncé le manque de masques pour le grand public. Surtout, nous avons crié notre colère face aux mensonges du pouvoir, et des « experts médiatiques » qui clamaient que le masque était totalement inutile (voir même contre-productif) pour la population. A l'époque, on nous traitait de complotistes ! Cette conviction que le masque était un élément important pour ralentir la propagation du virus, nous l'avons acquis auprès d'études et de chercheurs étrangers. Avant le Covid 19, la planète avait déjà connu de nombreuses épidémies meurtrières. Notamment en Asie. Différentes études de ces crises ont montré à quel point l'usage massif du masque par la population contribuait à ralentir la propagation de ces virus.

Si Macron et son gouvernement ont prétendu le contraire pendant des semaines, c'est à nos yeux moins par incompétence que par choix stratégique pour éviter une panique générale (la France étant à ce moment en pénurie).

Maintenant que les stocks sont suffisants, le pouvoir change totalement de discours (et les médias du pouvoir avec). Le masque serait l'unique solution pour éviter une deuxième vague.

Si ce changement de discours est risible (et grave), il n’empêche que l'usage massif du masque par la population reste objectivement un des leviers pour freiner la remontée du virus. Nous ne voyons pas comment il est aujourd'hui possible de remettre en cause ce fait. Les masques ne nous protègent pas à 100% mais réduisent très fortement la propagation. Le porter permet bien plus de protéger les autres que de se protéger. Et c'est essentiel.

Loin de nous la perte d'envie de dénoncer le cynisme de Macron et de son monde, y compris dans la gestion du Covid. Mais il y a malheureusement bien des sujets sur lesquels se focaliser pour ne pas avoir à en créer un de toute pièce : demander des masques gratuits, notamment pour les plus démunis, dénoncer les mesures liberticides, le traçage de nos vies sous prétexte sanitaire, les abus d'une police qui s'est sentie toute puissante en période d'état d'urgence sanitaire, les choix politiques qui se font pour les patrons des grandes entreprises et sur le dos des plus précaires, le manque de mesures sanitaires pour les travailleurs...

L'un des principaux arguments des anti-masques à travers le monde est de pouvoir « avoir le choix ». La liberté individuelle. Mais où étaient ces milliers de défenseurs des libertés au moment du confinement ? En France, où étaient-ils quand des personnes se sont fait tabasser par la police pour être sorti sans autorisation ou pour avoir dépassé la distance de son domicile ? On entendait personne à ce moment là. Mais là, quand il s'agit de défendre sa liberté fondamentale de ne pas porter un masque de protection...C'est une toute autre histoire. Étrange histoire à nos yeux.

Et puis il y a les soignants. Ces travailleurs en première ligne, qui ont payé au prix fort les erreurs politiques et économiques de la France, notamment par manque de masques et de combinaisons. Ces soignants que nous avons applaudi tous les soirs à 20h. Ces soignants que nous avons accompagné en manifestations dès les premiers jours de déconfinement. Ces soignants qui restent farouchement en colère contre Macron et son gouvernement, mais qui continuent de nous dire qu'il faut plus que jamais porter un masque pour éviter de se retrouver dans une nouvelle séquence où les hôpitaux seraient totalement saturés. Et lors de laquelle ils devraient « choisir » quels patients soigner.

Cette réalité, qui peut la nier sans salir la mémoire des milliers de morts et le travail de centaines de milliers de soignants ?

Alors, oui, nous continueront à dénoncer ce système et ceux qui en profitent, y compris sur la gestion du Covid. Mais non, nous n'irons pas remettre en question l'intérêt du port du masque.


La meilleure des polices

LA MEILLEURE DES POLICES

"La meilleure des polices ne porte pas l'uniforme" – La Rumeur

Alors que les forces de l'ordre et leurs actions sont finalement sous le feu médiatique, il semble nécessaire de rappeler l'évidence : ce n'est pas l'action de la police qui devient subitement plus catastrophique, mais l'ordre catastrophique du monde qui a de plus en plus recours à la police.

Une part grandissante de la population mondiale sent instinctivement où mène la marche du monde et se révolte. Elle rencontre partout la police, que le pouvoir équipe en conséquence. Le surarmement policier est le durcissement du capitalisme sur sa ligne de défense.

Si les médias ne se privent plus de commenter les violences policières, c'est que la démocratisation des moyens du spectacle, de prise de vue et de diffusion d'images, ont rendu visible l'exercice d'une violence auparavant connu de ceux qui en était les sujets.

C'est aussi et surtout qu'un nombre croissant de personnes goûte cette violence, parce que le capitalisme ne supporte plus aucune contradiction, et nécessairement, parce que ce durcissement et cette intransigeance attise le feu de la révolte. C'est aussi parce que l'écart entre le discours officiel et la pratique politique est devenu abyssal. Le mensonge entretenu de l'illusion démocratique marque un retard qui crève les yeux -littéralement- avec le totalitarisme concret du marché mondial.

Ce totalitarisme a sa raison économique, le capitalisme est en travaux : la fusion informatique de l'Etat et du marché s'opère sous nos yeux. Pendant cette transition fragile, le rôle historique de la police est de contenir les populations, pendant qu'on aggrave partout leurs conditions de vie par la surveillance, la destruction du milieu vivant, l'exploitation accrue. Tout ce qui était tenu pour acquis à la fin du vingtième siècle, comme l'intimité, la santé, le temps libre, tout doit disparaître. Les violences policières ne sont que l'écume de cette lame de fond.

Contradiction démocratique

La police, instrument du pouvoir est l'étincelle qui met le feu aux poudres. Elle agit comme un révélateur politique, parce qu'elle incarne physiquement le coeur de la contradiction "démocratique". Officiellement mandatée pour protéger la population, elle protège bien plutôt l'Etat contre la population. Elle est l'incarnation casquée et armée de l'Etat, qui apparaît sous le discours officiel, et révèle sa véritable signification. Et l'Etat, comme le pouvoir qu'il est, fait la guerre pour son maintien, et concentre ses assauts sur ceux qu'il a le plus dépossédé, mène une guerre préventive contre la revanche des humiliés.

La meilleure des polices

Les immigrés et leur descendance – qui étaient comme le rappelle Hamé de La Rumeur en première ligne des combats du mouvement ouvrier sont aussi ceux qui subissent, avec les pauvres excentrés de la métropole et les "migrants" – cette seconde classe d'immigration traitée en sous-êtres, le combat de plein fouet.

L'Etat lui-même n'étant qu'un instrument de la domination économique, la police s'illustre également par la défense des biens contre les personnes, la protection des rapports de propriété contre ceux qui les subissent. Pour s'en convaincre il suffit de voir les barrières anti-émeutes pour protéger les magasins Louis Vuitton, les C.R.S qui font barrage de leur corps aux vitrines de banques, jusqu'à l'ex-patron des services secrets qui organise des infiltrations et des écoutes pour le compte de Bernard Arnault (il faut vraiment être François Ruffin pour s'étonner de la fusion de l'Etat et du Capital au XXIè siècle.)

Mais la police ne s'arrête pas là, elle prend aussi activement part, dans certains marchés très lucratifs du crime organisé (Il y a encore quelques années, c'était le numéro un des stups qu'on a "découvert" être à la tête du trafic de drogue européen de cannabis, voir l'enquête de libération ("Drogues : Révélations sur un trafic d'Etat" et "Stup ou encore, le patron de la lutte antidrogue accusé d'être au coeur du trafic"). Elle joue avec toutes les mafias un jeu de miroir de la pacification sociale : tant que la population ghettoisée trafique, elle travaille de loin en loin pour l'Etat, et parfois directement pour lui, les petits poissons menant aux gros (voir le cas Serge Dassault : "Essonne, vie et mort d'un soldat de Dassault"dans l'Express et "Le scandale Dassault" publié par Médiapart)

C'est cette brêche béante qui s'ouvre sous la police, et ceci est compris dans ses rangs où les suicides sont de plus en plus nombreux, face à l'absurdité de cette tâche qu'est la guerre de l'Etat et du marché contre leurs esclaves rémunérés.

Pour toutes ces raisons, la seule lutte contre les violences policières est indéniablement absurde : la violence est la fonction de la police, et il n'y a pas de violence policière, il n'y a que des violences d'Etat. La police est l'outil de l'incarnation du monopole que s'est octroyé l'Etat pour légitimer sa violence. Voilà sur quoi s'étrangle la nouvelle défenseure des droits, car même le dernier des bacqueux est "dépositaire de l'autorité publique".

En France, mais aussi ailleurs, ceux qui l'exercent volontiers ont tous la même odeur : le puanteur de vieux cuir moisi de la servilité fasciste. Pour preuve l'enquête de Street Press qui a fait beaucoup de bruit, où certains policiers participants des groupes Facebook parlent ouvertement de guerre raciale. Dans notre pays, et c'est aussi le cas pour beaucoup d'autres, la situation est telle que le pouvoir dit républicain s'appuie sur un corps de défense intégralement fasciste – prêt à remplacer l'administration défaillante pour mener les affaires, c'est-à-dire le capitalisme. Mais comme disait déjà Orwell en 1937, "fascism and bourgeois democracy are tweedledum and tweedledee".

Violence Pandémique

Face à ce désastre, certains en sont encore à se demander comment réformer une telle institution, d'autres s'indignent en découvrant que "le confinement a révélé le caractère raciste des polices européennes" (Amnesty International). Evidemment l'état d'urgence sanitaire mis en place sur la moitié du globe est une des raisons pour lesquelles la police se trouve, de Portland à Paris, au cœur de la critique. Mais le déroulement historique est plutôt le suivant : d'abord, la pandémie en tant que telle, a démontré l'ampleur de la violence faite à la nature et aux populations par le capitalisme. Dans les pays touchés, tous ou presque ont été condamnés à contracter cette maladie par la marche forcée d'un monde dont personne n'a pu décider, maladie issue de la déforestation et diffusée par les voies de circulation commerciales. Les morts du coronavirus sont les martyrs du monde de la marchandise.

À cette violence du marché s'est ajouté la violence de l'Etat. Prouvant partout ou presque qu'il est impossible de "gouverner" – pénurie puis surproduction de masques et de gel, instabilité criminelle des prix, avalanche de décisions contradictoires et absurdes – l'Etat en France et ailleurs a cru bon de durcir en confinant à l'aveugle, suspendant immédiatement les restes de "libertés publiques". Ce faisant il a condamné les mêmes parties de la population à une mort plus certaine, et ce sans même rentrer dans le détail assassin de la "gestion politique" de la santé contemporaine.

Cette catastrophe double devait aussi révéler l'étendue de son absurdité par les effets positifs du confinement de l'économie sur le milieu vivant, qui a temoigné partout de la générosité de la nature en termes de régénération, et du caractère stérile, artificiel et inutile de la plus grosse part de l'activité du capitalisme.

Par dessus ce tableau, c'est la violence habituelle de la police – qui discipline usuellement des pauvres, parfois en les tuant – qui s'est trouvée exagérée par les pleins pouvoirs de l'état d'exception. Les morts de la pandémie s'ajoutant à ceux de l'institution, le feu de la révolte est parti des Etats-Unis, puis dans le reste de ses colonies culturelles que sont les états d'europe. C'est ceci est pas autre chose qu'a révélé le confinement, mais quand le sage montre l'histoire, l'imbécile regarde le droit.

L'illusion de l'abolition

Face à un trait si constitutif de l'institution, prétendre que la violence est un problème de contrôle, le racisme un problème de management n'est pas juste de la bêtise, c'est de la collaboration. On peut virer le pire préfet de France, dissoudre l'IGPN, désarmer la police, rien de tout cela ne changera rien : réformer la police, c'est encore organiser son maintien.

La police n'est douce que là où le contrôle social est fort, c'est à dire là où chacun est le policier de sa propre vie. Là où il n'y a pas besoin de force armée pour policer la population, qui justifie de son existence par la rentabilité qu'elle donne à ses employeurs, et la docilité à l'Etat. Là où le travail, la peur, les managers, la dépression et les divertissements numériques font leur office.

D'autres militants qui se pensent plus radicaux en viennent à réclamer l'abolition de la police. Et ces efforts portent, la ville de Minneapolis a même, dans un élan de sens stratégique , concédé à dissoudre sa police municipale pour obtenir la paix sociale. Priver les émeutiers de leurs ennemis donne l'illusion de la victoire. Mais la dissolution de tout ou partie des forces de l'ordre n'est pas la dissolution de la police, si tout le reste est conservé. Cela revient plutôt à accélérer la dématérialisation du travail policier, le reste étant confié à de la sécurité privée, comme c'est déjà souvent le cas aux États-Unis, où Microsoft gère la police en tenant sa logistique. Les forces de l'ordre pourront être dissoutes dans l'Etat lorsque celui-ci aura transféré leur contrôle dans les infrastructures urbaines elles-mêmes, par l'établissement des "villes intelligentes" et des dispositifs de contrôle connectés de toutes sortes. Exactement comme en Chine, où le crédit social généralise la police de soi, et permet à des agents très loin du terrain d'avoir une action punitive efficace. "En attendant la cybernétique, les flics" disait un tract de Nanterre en 1968. Il semble que certains militants soient impatients malgré eux.

Demander une réforme d'abolition, c'est demander à la loi de supprimer ce qui est la base de sa force, son existence concrète, son asymétrie fondamentale. Abolir réellement la police, cela suppose d'abolir tout ce qui est policier, et donc s'extraire de la société qui la nécessite et la génère. Aucune loi ne peut l'obtenir, cela s'obtient de fait. Seule la commune, en répartissant les taches de l'administration à un corps de citoyens révocables faisant la médiation nécessaire, peut abolir toute la police et libérer la société humaine. Comme disait Courbet en 1871 :

"Paris est un vrai paradis! Point de police, point de sottise, point d’exaction d’aucune façon, point de dispute. Paris va tout seul comme sur des roulettes. Il faudrait pouvoir rester toujours comme cela. En un mot, c’est un vrai ravissement. Tous les corps d’État se sont établis en fédération et s’appartiennent."

C'est ce qu'ont esquissé ceux qui ont tenu la CHAZ, qui, comme à chaque fois qu'un exemple d'auto-organisation prouve sa valeur, s'est vu démantelée il y a quelques semaines. Mais tout reste à refaire.

Texte anonyme