Initialement publié le 13 août 2019
Depuis quelques jours, nous constatons une montée en puissance d’un discours condamnant ceux qui soutiennent de près ou de loin la révolte actuelle à Hong Kong. Pour ces personnes, soutenir les révolutionnaires de Hong Kong revient à soutenir les USA et toutes les puissances capitalistes. Face à cette équation basique et dangereuse, voici notre réponse.
Nous contestons l’adage selon lequel les ennemis de nos ennemis sont nos amis, qui se décline sur les amis de nos amis sont nos amis ou encore les ennemis de nos amis sont nos ennemis… L’histoire a montré que des puissances très différentes pouvaient s’allier ou s’affronter de façon opportuniste et stratégique. Se ranger au côté de toutes ces puissances (ou à l’inverse s’y opposer) n’a donc pas de sens.
Être contre le système ultra libéral en place aux USA (mais aussi en Europe) ne signifie pas prendre le parti inverse à chacune de leurs prises de positions. Il ne faut pas non plus penser que tout soulèvement qui a le soutien (ou juste la sympathie) des USA (ou même de la Russie, de la Chine ou de la Turquie) est un soulèvement réalisé par des personnes souhaitant adopter le mode de vie de ces pays. D’une part, c’est nier la diversité et la complexité de ces mouvements. Les révolutions les plus importantes surgissent souvent parce qu’elles embrassent une partie importante de la population, des franges aux intérêts et aux modes de vie très différents, réunis pour renverser le pouvoir en place. A Hong Kong, dans les manifestations de ces dernières semaines, des cadres très libéraux côtoient des anarchistes très loin des idéaux américains. D’autre part, si certains de ces révoltés acceptent des aides (logistiques, financières, de communication) de puissances étrangères, cela ne doit pas être pris pour une allégeance à ces pays. La plupart des fois, il s’agit de prendre l’aide là où elle se trouve. Certains militants attirent l’attention sur le fait que le mouvement à Hong Kong ne remet pas en cause la propriété privée ni les dominations capitalistes. Si cela est grandement vrai, il y a tout de même une autonomie inventive qui décoiffe les révolutionnaires avec des techniques inédites qui se répandent dans la population. Comme pour les GJ, il y a là une base émancipatrice très intéressante avec de chaque côté, des bornes, dont certaines sont des lignes rouges et représentent un réel danger de contre-révolution qu’il convient de décrire et de combattre.
Il faut aussi garder à l’esprit que les prises de position des dirigeants politiques sur des révoltes dans d’autres pays ne sont parfois que des stratégies diplomatiques et médiatiques. Qu’un président chante les louanges d’une révolte à 10 000km de chez lui ne doit pas nous laisser penser qu’il en a la paternité ou qu’il y a contribué. Sinon, il faudrait considérer que Poutine et la Russie ont joué un rôle important dans le mouvement des Gilets Jaunes, discours qui a été utilisé en France par certaines personnes voulant discréditer le mouvement. Or tous ceux qui ont vécu de l’intérieur la révolte GJ savent que la Russie n’a aucun mérite à tirer de ce soulèvement.
Enfin, peut-être le plus important : qu’importe le nom du régime en place, un peuple qui se soulève et tente de renverser un pouvoir autoritaire qui musèle l’opposition et toutes formes de contestations a toute légitimité et doit être soutenu, dès lors qu’il ne constitue pas lui-même un autre autoritarisme. La lutte pour l’émancipation des peuples passe par la liberté d’expression. Un système, si social et ouvert soit-il, n’a pas de légitimité s’il empêche ceux qui le contestent de s’exprimer. Or, au-delà des différences idéologiques, l’histoire nous montre que très souvent, c’est l’exercice du pouvoir qui corrompt et c’est l’envie de rester au pouvoir qui pousse les dirigeants en place à devenir de plus en plus autoritaires, voire totalitaires. En Tunisie, Ben Ali avait beau se targuer de progrès sur différents aspects de la société, il n’en demeure pas moins qu’il était impossible de le critiquer. La révolution était donc légitime et nécessaire. Même si la situation aujourd’hui n’est pas idéale, faire chuter un tyran est toujours une victoire. Et il ne faut rien regretter. Tant que des tyrans dirigeront des pays, il faudra des révolutionnaires pour les destituer et leur faire payer le prix de leurs années d’oppression.
De l’extérieur, il ne nous appartient pas de distribuer les bons points et de dire quelle révolte est légitime et laquelle n’est qu’une récupération d’une puissance étrangère. Quand des milliers de personnes mettent leur corps en jeu, leur vie en jeu, pour renverser un pouvoir que l’on sait autoritaire, il nous incombe de soutenir, au moins moralement, cette quête de liberté et d’émancipation.
Alors oui, nous soutenons les manifestants à Hong Kong comme nous soutenons la révolte au Soudan, en Algérie ou même en Russie. Oui, nous avons soutenu les révolutions en Tunisie, en Égypte ou au Yémen. Nous n’y voyons aucune incohérence ni aucun renoncement à nos idéaux. Bien au contraire.