A l’approche du 10 septembre, entre enthousiasme ici, scepticisme là, et trouille croissante en face, la conscience d’une confrontation à venir ne cesse de croître.

Quelle forme prendra-t-elle ? Pour en avoir une idée, dressons l’inventaire des armes dont vont disposer les deux camps appelés à se former et s’affronter.

Extrait d’un article de
Serge Quadruppani à retrouver
en intégralité sur Lundi Matin

D’un côté, il y aura l’impressionnant arsenal trop bien connu, des flashballs aux véhicules blindés de la gendarmerie en passant par ces grenades spécialement conçues pour plonger un mouvement social et ses partisans dans le coma ;

il y aura l’appareil de propagande des gouvernants de la presse oligarchique, et tout un personnel politique disposé à faire du Bardella pour lui faire barrage, et Bardella lui-même, qui crieront et crient déjà halte à la bordellisation (ce à quoi se résume la totalité de leur programme). […]

Il y aura aussi les techniques d’ingénierie sociale et les dispositifs d’acceptabilité, du tri sélectif entre bonnes et mauvaises pratiques, que mettront en œuvre les partisans de la domination molle dont le Monde est et restera l’organe central et les socialistes et assimilés, les exécutants, au dialogue : car ce qui nous menace autant que les armes soi-disant non létales, c’est cet esprit citoyenniste qui nous resservirait, sous une forme ou sous une autre, l’éteignoir d’un « grand débat national ». […]

Se méfier de la méfiance s’est avéré pertinent aussi bien au 20e siècle (ah, les « provocateurs » chers à la CGT en 68 et après) qu’au 21e. […]

On se trouve de nouveau confronté à des réticents signalant que des souverainistes sont à la manœuvre.

Parmi les réticents, on trouve aussi les gens qui déplorent le manque de revendication unitaire comme il y en avait eu au départ chez les Gilets (la taxe sur l’essence).

Chers révolutionnaires du clavier toujours prêts à appuyer sur la touche « méfiance », restez donc chez vous, vous avez raison, ne rien faire sera toujours la meilleure manière de ne pas se tromper.

Même si divers mouvements qui ont adhéré au mot d’ordre du 10 septembre ont apporté leur catalogue de revendications (et on apprécie particulièrement celles des Soulèvements de la terre), la seule unité du mouvement, c’est le mot d’ordre
« Bloquons Tout ». Et ce qui apparaît comme une faiblesse aux yeux de certains est en réalité sa plus grande force. […]

Parce qu’avancer une revendication unitaire comme ce fut le cas pour les Gilets jaunes, c’est courir le risque que le pouvoir la satisfasse, du moins en partie et provisoirement, faisant ainsi retomber l’élan et oublier tout ce qui s’était agrégé autour, qui souvent allait beaucoup plus loin. Il semble que le principal sujet soit non pas « que demander, exiger, réclamer ? » mais
« comment allons-nous agir » ? Voilà un départ particulièrement heureux, car l’existences de pensées critiques construites avant le mouvement est certes importante, mais l’essentiel sera ensuite les pensées qui se construiront pendant celui-ci.
La conscience naît de la pratique.

« Bloquons tout ? » Chiche !

Mais c’est quoi, « tout » ?
Définir ce qui le compose et en faire nos cibles, c’est dès à présent amorcer une critique de l’existant, en nous attaquant à ce qui, dans la vie concrète, emprisonne nos vies.

« Essayez encore. Rater encore. Rater mieux » (Beckett)

Article de Serge Quadruppani
à retrouver en intégralité
sur Lundi Matin