Le 1er mai est donc passé. Et il ne s’est rien passé d’inquiétant pour le pouvoir, plus que jamais en place et sûr de son fait. Castaner et la préfecture ont parfaitement réussi leur coup de force consistant à terroriser et attaquer l’ensemble de la manifestation pour éviter le moindre débordement. La France est désormais tombée dans une doctrine du maintien de l’ordre par la terreur.
Jamais depuis le début du mouvement des GJ, mais peut-être même jamais depuis des décennies, nous n’avions assisté à une stratégie aussi ultra-offensive. Ce mercredi, les forces de l’ordre n’ont même pas cherché à prendre pour excuse des attaques de manifestants pour « répliquer ». Des milliers de personnes se sont retrouvées asphyxiées, étouffées, prises dans des mouvements de foule, matraquées… Terrible vision de personnes âgées qui paniquent, d’enfants qui pleurent. Par moments, nous avions l’impression d’assister à des scènes de guerre. Avec des gens qui s’abritaient dans des ruelles et attendaient les street medics.
Ce qui est le plus inacceptable dans cette situation, c’est qu’elle a été provoquée et voulue par la préfecture, alors qu’il n’y a quasiment eu aucun « débordement » : une vitre de banque pétée et trois poubelles en feu ? Pour 50 000 manifestants dans les rues de Paris. Clairement, il faut se faire à l’idée aujourd’hui que les forces de l’ordre ne sont plus là pour « maintenir l’ordre » mais pour aider le pouvoir dans sa bataille face à la colère sociale. C’est dans cette logique que, plusieurs fois dans la journée, la police a chargé et gazé ultra violemment la manif pour la couper en plusieurs « sections ».
Deux heures avant le début officiel de la manif, les premières charges et gazages avaient lieu. Dès 10h du matin, toutes les zones à quelques kilomètres du trajet étaient plongées dans une atmosphère hallucinante et anxiogène, avec des patrouilles mobiles qui attrapent au hasard des groupes de manifestants pour les fouiller de façon hyper agressive. Le moindre masque de protection contre le gaz ou lunettes de natation sont saisis, comme du matériel de guerre. Certains masques à gaz sont même suffisants pour être embarqué en GAV. L’objectif est clair : dissuader le maximum de personnes à se rendre sur la manifestation, et enlever le plus de protections possible contre le gaz lacrymo. Des centaines de gilets jaunes sont saisis par la police et confisqués aux manifestants. Là encore, pas pour maintenir l’ordre, mais pour minimiser l’impacte des GJ sur cette manif du 1er mai. France 2019.
Une fois la manifestation lancée, on se rend compte que le cortège de tête n’est plus vraiment un cortège de « tête » : les syndicats sont totalement noyés dans les milliers de GJ, Kway noirs et simples citoyens qui désirent manifester et lutter dans la rue. A l’avant bien sûr, mais également après le cortège syndical et même en plein milieu. Si l’an passé on pouvait parler d’un cortège de tête qui rivalisait en nombre avec le cortège syndical, aujourd’hui, on ne peut même plus parler en ces termes tant la majorité de la colère qui s’exprime dans la rue sort de tout cadre syndical.
Ce 1er mai est clairement une défaite pour les luttes sociales. Il confirme que désormais, face à un pouvoir autoritaire et ultra-violent, il n’est plus possible de jouer la carte des manifestations déclarées et concertées avec la préfecture. En effet, cette manif de mercredi aura été l’une des plus violentes pour les manifestants alors qu’elle a été l’une de celles qui ont connu le moins de dégradations. Le discours qui consiste à nous dire qu’il faut aller en manif déclarée pour rassembler un maximum de citoyens en colère qui ont peur des violences ne tient plus du tout.
Il va falloir également réfléchir à de nouvelles modalités d’actions et de manifestations, prenant acte des nouvelles stratégies des forces de l’ordre. Nous en avons les moyens et les forces. Car la seule victoire du 1er mai, c’est bien d’avoir vu autant de personnes descendre dans les rues de Paris et de toutes les villes de France, malgré le climat totalitaire et les menaces du pouvoir. Des personnes déterminées, joyeuses et qui ne laisseront pas des matraques ou des gaz les stopper dans leur lutte.
4 Commentaires
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Les tactiques et modalités de luttes sociales ne sont pas toujours élaborées et décidées par celles et ceux qui y participent. Quelques fois c’est l’ennemi qui les imposent. Désormais et face à la répression qui monte, nous sommes contraint(e)s de les changer. Les manifestations de masse, qu’elles soient déclarées ou pas, ne répondent plus à la situation. Il faut de petites manifestations par des groupes de 50 à 100 personnes, qui pourraient s’organiser entre elles, pour quelques minutes, entre 15 à 30, avant que les forces de répression arrivent sur place. Ce genre de tactiques renforce les participant (e)s et épuisent de jour en jour les forces de répression.
exemple : barrer le Bd d’accès à la place d’Italie avant la fin de la manif, envoyer canon à eau et gazages pour faire reculer les manifestants, puis, une heure après laisser libre le même accès pour que les gens remontent vers la place d’Italie, comme prévu dans la manif déclarée. C’est effectivement une stratégie immonde par la terreur. S’ils avaient un peu d’intelligence en face (je ne dirai pas d’humanité), ils comprendraient que cela ne fonctionne pas et que la révolte n’est pas prête de s’éteindre. Quand aux FdO, une petite part d’entre elles devraient commencer à se pose la question : pourquoi les gens se mettent-ils à les détester et à les mépriser désormer ?
Comme le disait Nelson Mandela : « C’est toujours l’oppresseur, non l’opprimé qui détermine la forme de lutte. Si l’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’aura pas d’autre choix que de répondre par la violence. Dans notre cas, ce n’était qu’une forme de légitime défense. »
La première émission de Denis Robert en tant que directeur de la rédaction au Média hier était excellente, et il s´est discuté en sortie d´émission de commencer la vraie convergence syndicat/GJ, Denis Robert a proposé Le Media comme lieu parfait pour organiser une réunion sur le sujet et amorcer une vraie discussion stratégique pour faire gagner le mouvement. Ce n´est pas en allant courageusement se faire gazer, tabasser et mutiler tous les samedis et jours fériés que le mouvement obtiendra quoi que ce soit.
Le ton ultra-répressif est déjà donné depuis longtemps. Jusqu´à quel chiffre il faudra faire monter les compteurs de David Dufresne sur https://alloplacebeauvau.mediapart.fr pour que les endormis finissent par ouvrir les yeux sur la nature de ce gouvernement ? Je crains que la réponse ne soit pas très réjouissante avec les médias dominants qui passent leur temps à diaboliser les GJ à base de propagation de fake news et d´éditorialistes inféodés au pouvoir, et à invisibiliser la violence d´état à l´oeuvre.
Il faut donc changer de stratégie. Organiser des manifestations éparpillées dans toute la ville pour mettre en échec la répression, se mêler aux foules des centre-villes pour déjouer la répression qui tuerait sa propre légitimité si elle venait à gazer massivement même les « honnêtes gens » et finir éventuellement par se regrouper sur une destination tenue secrète et coordonnées via Telegram entre les différents mini-cortèges par exemple.
Les FDO sont clairement mieux équipées que les manifestants lorsqu´il s´agit de partir à la confrontation physique, et je ne suis pas certain que balancer des cocktails molotov sur la police aiderait le mouvement, cela ne ferait qu´augmenter la désapprobation des endormis, fuir beaucoup de GJ, et légitimer que la police commence à tirer à balles réelles sur la foule… personne n´a envie d´en arriver là.
Mais les manifestations du samedi ne doivent pas être un but en soi. Il faut aussi qu´elles s´accompagnent d´une stratégie pour gagner. Cette stratégie passe par la convergence avec les syndicats qui restent le principal pouvoir mobilisateur que nous ayons en dehors des GJ. Il faut communiquer, réveiller les gens, faire du porte à porte pour expliquer, reprendre les rond-points, continuer les assemblées des assemblées et accepter un peu moins d´horiziontalité (tout en gardant le contrôle de ceux à qui on confierait un quelconque pouvoir) pour qu´en ressorte une liste de revendications complète claire et figée une bonne fois pour toutes. Et à un moment, il faudra bien finir par aller chercher Macron chez lui comme le dit la chanson…
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