Initialement publié le 11 février 2019
Avouons-le : l’acte 13 nous a agréablement surpris et rassurés dans l’avenir du mouvement. En plus de leur détermination, nous savons désormais que les Gilets Jaunes sont en grande partie opposés à jouer le jeu de rassemblement déclaré et encadré.
A Paris, si la plupart des GJ se sont rassemblés sur le lieu de l’unique manifestation déclarée, c’était surtout dans l’optique d’être avec le plus de monde possible, pour rapidement se détourner du parcours prévu par la préfecture. Non pas pour tout casser mais pour reprendre le contrôle de notre mouvement. Pour nous retrouver entre nous et décider de façon autonome et collective des actions à mener. Chose devenue impossible dans une manifestation totalement encadrée par la police et par un service d’ordre.
C’est en début d’après midi qu’une dizaine de manifestants initie le mouvement d’une manif sauvage. Passées les quelques secondes d’hésitation, des centaines de GJ se sont engouffrés dans la petite rue en criant « Grève, blocage, manif sauvage ». A notre grande surprise, la quasi-totalité du cortège décide alors de suivre la sauvage. Pendant plus d’une heure, la manif sauvage se retrouve totalement libérée de toute police ou service d’ordre. Les médias et le pouvoir retiendront les voitures brûlées et les vitres cassées de banques/assurances. Mais la puissance du moment était ailleurs, au delà.
Sans trop comprendre comment/pourquoi (le charme de l’auto gestion), le cortège sauvage s’est finalement retrouvé sur le tracé de fin de manif déclarée. Forcément, les forces de l’ordre ont alors pu reprendre en partie le contrôle de la situation.
Mais l’essentiel est ailleurs. L’esprit de révolte, de subversion et d’insoumission a traversé cette journée. Et reste bien dans l’ADN du mouvement (il l’était dès les premiers actes d’ailleurs).
Pour les partisans de manif déclarée, on remarquera que le drame de la main arrachée par la grenade de désencerclement a eu lieu pendant la partie « déclarée » de la manif parisienne. Jouer le jeu du pouvoir ne protège donc en rien les manifestants. Au contraire.
Désormais, la question est de savoir comment prolonger et dynamiser cet esprit subversif : comment ne pas l’enfermer dans un rituel hebdomadaire, comment le massifier et comment le rendre dangereux pour le pouvoir.
Nous n’avons pas la réponse. Mais nous savons que cela passe par une conquête de liberté, par un refus de canaliser notre colère dans les règles imposées par un pouvoir qui nous méprise et nous meurtri. Cela passe aussi par l’occupation, même temporaire, des espaces de vie des puissants : faire de leurs rues, de leurs commerces, de leurs voitures, des espaces de reconquête et de lutte. Pour le reste, tout est à écrire. Et la détermination du mouvement, alliée à son ingéniosité, ne peut que déboucher sur des actions surprenantes et offensives.
Il n’y a qu’une chose que les puissants ne supportent pas : ne pas pouvoir tout contrôler. Soyons donc incontrôlables.
** crédit photo : Samuel Boivin **