Initialement publié le 25 février 2019
En dehors du soleil et de la forte mobilisation, l’acte 15 parisien ne fut que déception et déconvenue.Sans un changement radical de stratégie, les actes du samedi n’ont plus aucune utilité pour la lutte.
En plus d’une désormais « traditionnelle » déclaration de la manif auprès de la préfecture (et donc d’un tracé décidé par les autorités) les milliers de Gilets Jaunes venus à Paris ont marché dans une « nasse géante et mobile » sur 15km : des forces de l’ordre occupant massivement les rues en début et fin de cortège et entourant totalement les GJ en faisant des cordons de policiers sur les deux côtés.
Cela ressemblait à une manif. Mais cela n’en était plus une. Les Gilets Jaunes étaient totalement parqués. Comme des bêtes. Sans aucune liberté d’action et de mouvement (en dehors de celle décidé par la préfecture).
Le pouvoir avait déjà tenté cette approche très radicale du maintien de l’ordre lors d’une ou deux manif contre la loi travail, mais avait dû renoncer face au côté anxiogène et aux affrontements qui en avaient découlés.
Lors de l’acte 15, les forces de l’ordre ont pu tranquillement tenir en laisse les milliers de manifestants sans être quasi inquiétées.
L’image est forte, terrible. Comment un mouvement social qui a connu autant de victimes (blessures, arrestations arbitraires, humiliations) peut-il se laisser mater aussi docilement par ses propres bourreaux ?
Les Gilets Jaunes clament que les moutons sont devenus des Loups. Mais quel intérêt d’être un loup si l’on accepte d’être tenu en laisse ?
Le problème n’est pas que cette stratégie policière puisse empêcher des violences mais qu’elle empêche tout (en dehors de marcher d’un point A à un point B). Les GJ n’ont ainsi pas pu faire d’arrêt, changer de tracé, occuper une intersection, bloquer la circulation ou faire fermer un magasin…bref aucune action de blocage ou de débordement n’a été possible. Difficile d’envisager quelque mouvement révolutionnaire dans ces conditions.
Or, la plupart des GJ se battent pour un changement radical du système. Un changement qui ne pourra se faire avec les personnes actuellement au pouvoir. On parle donc de renverser un pouvoir que l’on trouve injuste et inhumain.
On ne renverse pas un pouvoir en discutant et en négociant avec lui. Encore moins en lui donnant les clés de la gestion de ses propres rassemblements.
Les organisateurs de ces manif déclarées nous expliquent que ce cadre permet de rassurer le plus grand nombre de GJ et donc d’assurer une mobilisation importante. C’est totalement faux. Pourquoi ces rassemblements sont-ils depuis quatre semaines ceux qui rassemblent le plus sur Paris ? Tout simplement parce que les GJ cherchent un rendez-vous clair pour se réunir. Ce n’est pas le fait que la manif soit déclarée qui les motive, mais la certitude que la plupart des GJ seront à ce point de rdv. Cepedant, une fois pris dans le piège de la nasse géante, impossible d’en sortir.
D’autre part, nous rappellerons que les premiers actes sur Paris furent sans aucun doute les plus violents et insurrectionnels du mouvement, sans commune mesure avec les « violences » de ces dernières semaines.Et pourtant, la mobilisation n’a pas faibli les semaines suivant les actes les plus violents.
Mais une chose a profondément changé : le pouvoir n’a plus du tout peur. Souvenez-vous : le jour de l’acte 4, Macron était retranché dans un « bunker » présidentiel, avec un hélicoptère prêt à l’exfiltrer en cas de complication. Pour l’acte 15, le même Macron se promène au salon de l’agriculture.
Nous espérons un sursaut de la part des GJ qui se rendront aux actes parisiens dans les prochaines semaines. Que les loups refusent de se faire promener en laisse et retrouvent vraiment leur liberté. Ne pas chanter « Paris, debout, soulève toi » ou « tout le monde déteste la police » en restant escorté par les forces de l’ordre.
Nous avons alerté les organisateurs des manif parisiennes déclarées sur le danger de cette stratégie. Si elle permet à ces quelques personnes de s’offrir une visibilité « médiatique » et une pseudo légitimité, elle se révèle dangereuse, voire même mortelle, pour la suite du mouvement.
Nous savons que ces personnes ne changeront pas d’avis et continueront à déclarer les manifs et à travailler « main dans la main » avec la préfecture et le pouvoir.
Reste donc à savoir comment agir collectivement face à cette situation. Cela doit probablement passer par le refus de rejoindre ces manifestations « officielles », et de proposer d’autres points de rdv. Avec le risque de dispersion que le mouvement parisien a connu courant décembre. Mais il en va de la survie du mouvement.
500 loups en liberté et déterminés seront toujours plus dangereux que 5000 loups domestiqués et résignés.