Putain, 5 ans ! Déjà si loin et encore si proche.
Le mouvement des Gilets Jaunes a été le plus fantastique, le plus émouvant et le plus imprévisible depuis plus de 50 ans. Pendant plusieurs semaines, nous avons vécu des moments d’une intensité inouïe. Des moments d’espoir, de joie, d’amour. Et une insurrection magnifique. La révolution était un horizon presque visible. Elle n’a pourtant pas eu lieu.
Pire, 5 ans après, Macron est toujours en place, et rien n’a changé dans le système politique et économique. Cela s’est même dégradé, que ce soit en termes de répartition de richesses, de racisme systémique ou de répression policière.
Mais l’idée n’est pas ici d’expliquer pourquoi ou comment nous en sommes arrivés là. Ni de tenter d’imaginer ce qu’il aurait fallu faire pour que l’issue tourne en faveur du peuple et que nous assistions à la chute les puissants.
Ce qui est important aujourd’hui, c’est de faire vivre la mémoire de ce mouvement, la mémoire de ces Gilets Jaunes anonymes qui ont ouvert, avec leur coeur et leur bras, une brèche dans le carcan de nos vies bien balisées par un système qui nous fait croire que rien ne peut changer. Pas une mémoire pour commémorer, mais pour un jour recommencer.
Si tout semble comme avant les Gilets Jaunes, pourtant, rien n’est vraiment pareil. Si le quotidien reprend les automatismes où chacun joue son rôle (médias, syndicats, partis politiques), tout le monde sait qu’au final, tout peut être remis en cause et renversé par une foule d’anonymes.
Pour cet anniversaire des 5 ans, il n’y aura pas de grand retour. Il n’y aura pas de vague populaire sur les Champs Elysées, pas de portes de ministères défoncées, pas de pouvoir qui tremble. Mais ce n’est pas pour autant que cela devra être vu comme un échec. Ce qui est important, c’est d’entretenir la flamme. Car tant que quelques brindilles continuent de brûler, tout peut s’enflammer au moindre coup de vent. Entretenir la flamme, cela peut se faire en descendant dans la rue pour manifester avec son gilet jaune, mais aussi via une action symbolique ou même simplement en continuant de parler de ce mouvement et de redire à quel point il a été fantastique et qu’il ne doit pas être oublié.
Car au delà des Gilets Jaunes, et malgré la période déprimante, il nous faut prendre de la hauteur pour saisir l’état d’esprit d’une grande partie de la population.
Depuis la fin des grands actes GJ, la France a connu énormément de pics de colère, voire de révoltes : George Floyd, les retraites, le pass sanitaire, Nahel, la loi sécurité globale. Aucune n’a fait reculer le pouvoir.
Mais il faut se rendre compte de ce que cela dit de notre pays et de notre société que d’avoir autant de mouvements massifs et offensifs dans un contexte qui n’a jamais été aussi répressif, autoritaire voire totalitaire.
La force spectaculaire des Gilets Jaunes, ce fut aussi de refuser de jouer avec les règles du système. De refuser le langage imposé. De refuser les méthodes de « débat démocratique ». Et surtout d’imposer ses propres modalités, son propre calendrier, son propre langage, son propre rythme.
Cet état d’esprit, il est plus que jamais nécessaire dans une période asphyxiante où les puissants nous ressortent les épouvantails de la peur de l’autre et de la guerre.
Nous souhaitons donc un excellent aniversaire à tous ceux qui se sentent, se sont sentis et/ou se sentiront Gilets Jaunes. Et nous leur donnons rendez-vous, un jour, dans les rues de France, pour construire quelque chose d’encore plus fou, d’encore plus improbable. D’encore plus vivant.