Les évènements se sont précipités.
Ce lundi 5 août, la Première Ministre du Bangladesh Sheikh Hasina a démissionné et quitté le pays en catastrophe, selon le chef de l’armée. Le 6 août, Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix, et ennemi politique du camp de S.Hasina, est désigné pour diriger un gouvernement intérimaire.

La situation y était très tendue depuis le 6 juin, date de la première manifestation contre le rétablissement du système de quotas d’embauche imposé par le gouvernement dans les emplois publics.

Ce système de quotas réserve 30% des postes de fonctionnaires aux enfants de ceux qui se sont battus pour obtenir l’indépendance du Bangladesh en 1971.

Ce qui rend l’accès de ces postes prisés, très difficile au reste de la population, les étudiant•es sont évidemment les premiers visés. Elle est donc jugée discriminatoire. Elle avait déjà été suspendue en 2018 suite à des mouvements sociaux massifs.

Avec 40% de chômage chez les 18-24 ans (18 millions de personnes), la décision de la Cour suprême en juin de rétablir le système de quotas dans les emplois publics – a été l’élément déclencheur de manifestations étudiantes intenses.

Au moins 200 étudiants sont tués et de nombreux autres blessés pour avoir protesté contre le rétablissement de la loi sur les quotas d’embauche imposés par le gouvernement.

Les étudiants avaient alors une revendication claire: garder uniquement les quotas pour les minorités ethniques, les personnes trans et les personnes en situation de handicap, et refusent toute récupération par les partis politiques.

A cette première revendication s’en sont ajoutées d’autres, au fur et à mesure de l’explosion de la répression policière:
– la démission de membres du gouvernement, de dirigeants de la police, de la direction de certaines universités.
– le dédommagement des familles des tué.e.s et blessé•e•s.
– l’interdiction de toute organisation étudiante liée aux partis dans les universités.

Les premières manifestations ont lieu le 6 juin et début juillet, ce sont alors principalement des sit-in sur les principales avenues de Dacca. Elles tournent à l’émeute le 15 juillet lorsque des étudiant•e•s proches du parti au pouvoir (la Ligue Awami) ont attaqué les étudiant•e•s anti-quota. Les affrontements éclatent partout dans la capitale. Le bilan de cette première émeute est de 15 flics blessés, 6 manifestant•e•s tué•e•s et + de 500 blessé•e•s rien que dans la capitale.

La situation s’envenime ensuite et les méthodes des révolté•e•s sont toujours plus créatives: blocages d’axes routiers et ferroviaires majeurs, pillages de magasins, retranchement dans les campus universitaires, affrontements avec la police, vandalisme et incendie de moyens de transport (voitures, motos, bus, trains), d’infrastructures (rames de métro, péages) et de bâtiments (kiosques et postes de police, bureaux de la télévision publique Bangladesh Television, banques), attaques des représentants du pouvoir (2 leaders du parti au pouvoir, un ancien maire), libération des 826 prisonniers d’une prison.

Le réponse du gouvernement autoritaire ne se fait pas attendre. Le 17 juillet, toutes les universités sont fermées indéfiniement. La police et des forces paramilitaires, puis l’armée sont envoyées pour attaquer les manifestations. Dès le 19 juillet, l’état d’urgence et un couvre-feu total sont mis en place. Toute manifestation est interdite et l’autorisation de tirer à vue est donnée.

D’autre part, internet et les réseaux sociaux sont coupés. Dans le même temps, les porte-parole et leaders des partis d’opposition, et notamment du conservateur Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) et leurs famille sont arrêté•e•s

Le 21 juillet, Cour Suprême tente de mettre fin aux révoltes en descendant les quotas à 5% pour les descendants des héros de la guerre d’indépendance, mais les révoltés refusent d’arrêter. L’Alliance des Etudiant•e•s des Universités Privées du Bangladesh (qui se revendique comme la plus grande organisation étudiante du pays) a appelé le soir même à une révolte de masse sous le slogan « Now or Never, Do or Die ».

Le 4 août, des manifestants se rassemblent par dizaines de milliers dans les rues de la capitale, alors que le gouvernement déclare un couvre-feu à durée indéterminée. Au moins 91 personnes, dont 13 flics sont tuées. Les manifestants sont désignés comme des « terroristes qui veulent déstabiliser la nation » par Hasina, qui appelle ensuite à « supprimer ces terroristes sans faillir ».

Le 5 août, peu après que des manifestants aient pris d’assaut la résidence de la Première Ministre, on avait appris que celle-ci a démissionné et quitté le pays. Les révoltés avaient alors vu leur première revendication accordée.

Le même jour, l’armée annoncait qu’elle allait former un gouvernement par interim. Cette dernière promet alors d’accéder à toutes les demandes des manifestants et que ni la police ni l’armée n’ouvrirait désormais le feu sur les manifestant•e•s en échange du rétablissement de la paix. C’est chose faite le 6 août avec la nomination de Muhammad Yunus.