Initialement publié le 15 décembre 2018

Ils auront donc réussi à avoir leur image tant espérée : des Champs Élysées presque vide de Gilets Jaunes. Des rues de Paris plutôt calmes et sous contrôle. Le gouvernement et les médias vont pouvoir annoncer la fin du mouvement, lassé par les violences et/ou convaincu des mesures de Macron.

Sauf qu’à y regarder de plus près (exercice que les médias semblent avoir abandonné depuis longtemps), la situation semble bien plus complexe.

Oui, le pouvoir a réussi son coup.
Mais non, ce n’est pas une défaite des Gilets Jaunes.
En revanche, il s’agit d’une défaite très violente, par KO, sur la démocratie et sur le droit de manifester et la liberté d’expression.

En ce samedi 15 décembre, sous une pluie glaciale, la ratp décide de fermer 56 stations de métro. Tous les axes menant aux Champs Elysées sont totalement bloqués par des grilles et des fourgons de CRS. Des fouilles ont lieu dans toutes les gares et principaux péages menant à Paris.Certains bus de GJ sont même bloqués plusieurs heures. Pour arriver vers les Champs, il faut donc marcher plus d’une heure.

Les rassemblements annoncés par différents collectifs à Gare du Nord, à Opéra ou encore à République sont systématiquement nassés, pendant plusieurs heures. Impossible pour les manifestants de ressortir pour rejoindre d’autres Gilets Jaunes.

Forcément, aux alentours des Champs, la foule est beaucoup moins nombreuse que les samedi précédents. Et ceux qui réussissent à arriver sur l’avenue n’auront pas un meilleur sort que les milliers de GJ nassés ailleurs : les CRS ont en effet décidé de disloquer en permanence la mobilisation pour éviter qu’un groupe trop important de Gilets Jaunes se forme. On aperçoit alors plusieurs unités de CRS foncer dans la foule et séparer les GJ par petits groupes.

Lassés par cette stratégie agressive empêchant toute dynamique de groupe, les manifestants désirant sortir des Champs doivent alors passer par de nouvelles fouilles ! Et là, pour quitter l’avenue, il faut abandonner tout matériel de protection (lunette, masque) mais aussi son Gilet Jaune (cf photo). Preuve que les consignes dépassent de très loin celle du maintien de l’ordre .

Autre exemple frappant : vers 16h, un millier de manifestants arrive à former un petit cortège aux abords de la rue de Rivoli. La Fanfare Invisible est présente. L’ambiance est très festive et totalement pacifique. La Fanfare commence à lancer des chants repris par plusieurs centaines de Gilets Jaunes. Tout le monde danse, sans se soucier des forces de l’ordre. Quelques minutes plus tard, alors qu’aucun manifestant n’avait jeté le moindre projectile, les CRS inondent le ciel et les rues de gaz lacrymogène. Là encore, il ne s’agissait plus de maintenir l’ordre mais bien de disperser tous les Gilets Jaunes et d’empêcher les images d’une foule nombreuse, motivée et pacifique.

[ Mise à jour – une vidéo du gazage : https://www.facebook.com/parallelidea/videos/2242364639334114/ ]

Le gouvernement va donc pouvoir de nouveau bomber le torse et mépriser le mouvement social. Les médias vont se contenter d’avoir vu les Champs à moitié vides et aucune voiture brulée pour en déduire que le mouvement s’essouffle.

Mais les très fortes mobilisations dans de nombreuses villes en région montrent que c’est tout le contraire. Et le cas parisien offre une vision déformée par la stratégie ultra agressive du pouvoir qui a transformé Paris en nasses géantes et empêché tout rassemblement.

Mais que Macron et son monde ne se réjouissent pas trop vite. Les Gilets Jaunes sont loin d’avoir baissé les bras. Il va falloir être ingénieux et déterminés pour réussir à contourner la machine à casser les manifs mise en place jours après jours par Castaner.

Et que le reste de la société (médias, syndicats, partis ou simplement citoyens) s’inquiètent de la dérive clairement autoritaire de ce gouvernement. Ce qui se passe actuellement préfigure une nouvelle approche du maintien de l’ordre qui assume restreindre les libertés des opposants politiques sur l’autel de la sécurité. Accepter cette situation pour avoir (enfin) la paix sociale et économique serait une erreur historique, et pas que pour les Gilets Jaunes.