Alors que le bilan s’alourdit, à l’heure ou nous écrivons ces lignes, on compterait déjà 126 morts dont 7 israéliens d’un côté et 119 Palestiniens de l’autre parmi lesquels au moins 31 enfants, plus de 800 blessés, la destruction d’écoles, de bâtiments officiels, du siège des médias et des dizaines d’habitations rasées par les bombardements. Beaucoup de choses ont déjà été dites.

Cependant, il nous paraît important de resituer le contexte dans lequel intervient cette escalade de la violence coloniale pouvant aboutir à une troisième intifada alors que les organisations palestiniennes, dont le Hamas, demandent à la communauté internationale d’encadrer et sécuriser un cessez-le-feu général, ce que le gouvernement israélien a délibérément refusé.

« Les terroristes n’ont pas payé un prix suffisamment lourd pour leurs attaques » (B. Netanyahu dans Times of Israel)

L’histoire se répète et va de mal en pis, l’état israélien accélère son processus de colonisation dans le quartier de Sheick Jarrah, autour de la mosquée de Al-Aqsa, lieu hautement symbolique de Jérusalem-Est, ville séparée par un mur, symbole même de ce régime d’apartheid. En effet, le feu aux poudres a été déclenché par la menace d’expulsion de 70 familles palestiniennes. Pour le coup, le procès en cours qui devait se dérouler le 10 mai, a dû être repoussé pour le moment.

A la veille du 73ème anniversaire de la Nakbah (synonyme de « grande catastrophe »), correspondant à l’édification de l’état sioniste et de l’exil forcé de 800 000 Palestiniens, tout laissait entrevoir une montée du conflit avec une voie sans issue. Une partie de la population palestinienne vit enclavée entre la bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est. D’autres Palestiniens appelés « arabes-israéliens » vivent en Israël (où ils représentent 20 à 30% de la population) le plus souvent dans la pauvreté et discriminés, en étant dotés d’un passeport israélien avec une mention spécifique à cette identité, également dans l’état civil.

Nous utilisons ce terme d’« arabes-israéliens » avec parcimonie, rappelant qu’historiquement et même actuellement, il existe de nombreux juifs de culture arabe qui le revendiquent (issus du Moyen-Orient et du Maghreb). Nous préférerons donc l’emploi général du terme Palestinien et refuserons cette expression, utilisée par Israël pour isoler la minorité palestinienne sur son sol du reste de la communauté palestinienne enclavée.

 

 

Renforcé après le mandat du précédent président américain Donald Trump, artisan de la normalisation des relations diplomatiques pré-existantes mais dorénavant officialisées d’Israël avec des pays arabes parmi lesquels l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis ou le Maroc, le gouvernement de Netanyahu a le champ libre après l’échec total de la gauche israélienne.

Provocation suprême, après le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, les palestiniens se retrouvent encore plus esseulés et ignorés par l’ensemble de la communauté internationale à de rares exceptions telles que l’Irlande (dont le nord subit encore une occupation militaire et étatique) et l’Afrique du Sud (qui a connu une situation similaire en termes d’occupation, on n’ignore pas non plus que ce pays a subi l’apartheid ), quand bien même Biden a rétabli l’aide financière américaine. Si le sort des Palestiniens n’intéresse pas outre mesure les institutions mondiales, il existe heureusement une solidarité internationale infaillible réunie autour de la campagne BDS afin de faire pression sur ces instances.

Le gouvernement d’extrême droite israélien a pu légiférer légalement l’apartheid avec une loi sur le concept d’un état juif approuvé par la Knesset (assemblée). Elle est dorénavant appliquée pour accélérer le processus de colonisation, incitant largement les colons à prendre possession des terres et des maisons à Jérusalem-Est dans le quartier de Sheick Jarrah autour de Al Quads (Esplanade des Mosquées), tandis que ce qui reste de territoires palestiniens rétrécit déjà à vue d’œil au fur et à mesure des années comme le montre le graphique ci-joint. Tout s’accélère.

Encouragés par ces mesures, des colons d’extrême droite protégés par Tsahal, ont multiplié les intimidations sous des formes pré-pogromistes aux cris de « Mort aux Arabes ! » au cours des derniers mois, alors que l’armée israélienne appuie cette multiplication des tentatives d’expulsions des logements et des terres palestiniennes dans le but de mettre à « bien » son projet d’annexion totale. Les recours juridiques de la population palestinienne passent à la trappe, certains qui devaient passer en appel le 10mai sont reportés à cause des événements en cours.

Aux abords de la mosquée Al Aqsa, l’occupation sioniste réprime les fidèles à l’approche de la fin de Ramadan, ce qui est vu comme une provocation extrême d’autant que le peuple palestinien s’apprête à commémorer la Nakbah. La colère populaire s’est ainsi logiquement propagée et reportée sur l’ensemble des territoires occupés.

Si nous voulons saisir les enjeux, même en les survolant, il est important de rappeler le facteur démographique (voir photo) notamment concernant la population de Jérusalem, environ 920 00 personnes dont environ 500 000 israéliens pour 220 000 colons à Jérusalem-Est.
Plus de la moitié de la population palestinienne a moins de 25 ans, la nouvelle génération a seulement des souvenirs de la deuxième Intifada, elle a grandi à la sortie d’une guerre civile fratricide entre le Hamas et le Fatah, pleine de désillusions sur son avenir, accentuée par la corruption de ses instances à Jérusalem, Gaza comme en Cisjordanie. Tous les Palestiniens subissent la répression féroce de l’occupant dès le plus jeune âge, souvent la prison, les seules perspectives d’avenir sont de partir sans pouvoir revenir (Israël interdit aux Palestiniens de revenir sur leurs terres), ou de rester, lutter, résister mais forcément subir.

 

 

Revenant à l’aspect démographique, il y a une réelle peur chez une partie des israéliens d’être « remplacée » sur ses terres conquises, la natalité « arabe » étant plus forte et sa population plus jeune sur son sol et dans les territoires occupées. La peur d’un « grand remplacement » et la férocité du nationalisme israélien ainsi que son arsenal militaire et répressif, fait que cet état est de plus en plus érigé en tant que modèle par une partie non-négligeable de l’extrême-droite largement antisémite et de la suprématie blanche de manière globale, on pourra citer Bolsonaro, le gouvernement polonais qui légifère des lois mémorielles négationnistes, ou encore Orban en Hongrie, en passant par Modi en Inde.

Israël accuse forcément le Hamas d’être à la manœuvre parce que ses milices sont celles qui disposent du plus de moyens pour lui tenir tête. Tsahal en profite pour riposter, attaquer ses bases et se débarrasser de ses têtes de réseaux. A plusieurs reprises, les Cerveaux non Disponibles ont été interpellé-e-s voir accusé-e-s de soutenir le Hamas. Il nous paraît nécessaire de répondre brièvement et d’éclairer notre grille de lecture analytique d’un point de vue décolonial et matérialiste. Il faut souligner que par le passé, Israël a tenté d’affaiblir le Fatah par tous les moyens possibles.

L’arrivée au pouvoir du Hamas en 2000 par un processus démocratique est le résultat d’un demi siècle d’occupation et de colonisation. Le Hamas qui n’existe que depuis 1987, n’est pas un État et ne dispose en aucun cas des moyens militaires de Tsahal, malgré des aides financières parfois importantes venues de l’étranger.

Les Palestiniens de Gaza étouffent tous, sous le blocus israélien. Ce n’est ni le Hamas, ni le FPLP, ni le Djihad Islamique, ni même le Fatah qui sont en capacité de stopper la colonisation, les blocus sur l’eau et l’électricité, de freiner les humiliations quotidiennes de la police et l’armée, l’attitude « pogromiste » des colons, donc et surtout de décréter une paix, juste et durable à laquelle aspirent les palestiniens.

 

 

Le président de l’autorité palestinienne Mahoud Abbas, qui semble avoir lâché sa population, ne répond plus par la force , et par le passé le Hamas a respecté les cessez-le-feu, auxquels il appelle encore aujourd’hui. En dehors des « regains de tensions », l’expansion des territoires annexés n’a jamais cessé, ni les persécutions envers les palestiniens, ni les check-points, ni toutes les persécutions coloniales.

Israël est seule à pouvoir manœuvrer si toutefois elle désirait l’arrêt du « conflit », ses interlocuteurs sont prêts, mais ça ne pourra se faire qu’à la seule condition de la justice et la dignité trop longtemps bafouées. Seulement voilà, le 1er ministre, B.Netanyahou, plutôt préoccupé de légitimer sa position devenue fragile à force de procès pour détournements et corruption, en sollicitant l’appui des partis ultraorthodoxes d’extrême droite, ne semble pas du tout être engagé dans un processus de paix… Bien au contraire, ce dirigeant, qui a tout de même permis l’implantation de ces nouvelles colonies israéliennes, n’a jamais donné de signe en ce sens et une partie de la gauche israélienne se tait, à de rares exceptions.

Toutes les vies se valent, qu’importe les confessions, mais les cartes de la résolution du conflit sont donc logiquement dans la main de l’oppresseur, l’opprimé lui, ne fait que résister par tous les moyens qui lui semblent bons et possibles, cela a toujours été le cas durant les guerres coloniales.

Face à cette injustice insupportable qui dure depuis trop longtemps, nous appelons à nous mobiliser dans différentes villes de France, et ailleurs dans le monde, ce samedi et pour la suite des événements. Vous trouverez ci dessous une liste des rassemblements dans la francophonie :

Vive la Palestine libre et vive la paix et la dignité pour tous !

Mobilisations ce samedi :

• Albertville, devant la sous-préfecture, 11h
• Bordeaux, place de la Victoire, 15h
• Bruxelles, place Albertine, à 15h
• Caen, place du théâtre, à 16h
• Clermont-Ferrand, place de Jaude, 15h
• Genève, zone piétonne du Mont Blanc, 14h
• Lannion, devant la sous-préfecture, 11h
• Le Havre, Hotel de ville, 14h
• Lille, Grand Place, à 15h00
• Lyon, place Bellecour, à 15h
• Marseille, place Bargemon, à 15h
• Metz, place Saint-Jacques, à 11h
• Montpellier, St Paul la Paillade, à 10h30
• Nancy, place Maginot, à 15h
• Nantes, carrefour Barillerie/50 otages, 14h30.
• Nice, place Massena, à 15h
• Nîmes, avenue Feuchères, à 15h
• Orléans, place du Martroi, 15h
• Paris, métro Barbès, à 15h
• Poitiers, place de la mairie, 15h
• Reims, Fontaine de la solidarité (Place d’Erlon), à 14h30
• Rennes, place de la République, à 15h
• Saint-Étienne, place Chavanelle, à 15h
• Strasbourg, place de l’Université, à 14h30
• Toulouse, place du Capitole à 11h
• Tours, place Jean Jaurès, 15h