Initialement publié le 9 juin 2020
Nul opportunisme. Nulle alliance contre-nature. Il n’y qu’amitié, solidarité et amour.
Samedi, dans les rues de Paris et partout en France, nous appelons les Gilets Jaunes à rejoindre massivement les différents rassemblements Black Lives Matter.
Des Gilets Jaunes s’offusquent d’un tel rapprochement ? Certains anti racistes refusent le soutien des GJ ? Ce n’est pourtant pas le moment de s’étouffer dans des puretés idéologiques.
« Ce mouvement est particulièrement complexe et protéiforme. D’un collectif à l’autre, les logiques et dynamiques semblent bien différentes. C’est aussi un mouvement qui évolue de jour en jour, et fait émerger une lame de fond qui couvait depuis longtemps dans la société. ». Cette phrase, nous l’avons écrit en novembre 2018 pour parler du mouvement GJ, qui secouait depuis quelques jours le pays. A l’époque, nous avions lancé notre premier événement CND : « Front de Gilets Jaunes antiracistes ». Nous précisions ensuite : « Nous devons accepter, et promouvoir, la diversité des profils, des méthodes et des objectifs de lutte. Mais, en ces temps particulièrement dangereux face au danger fasciste (Brésil, Italie, USA), nous nous devons de combattre cette peste brune sur le terrain et dans les luttes. Nous ne ferons reculer l’extrême droite qu’en remportant des batailles sociales contre un pouvoir aux abois détesté par le plus grand nombre. »
Dès cet acte 2, des membres du comité Adama soutiennent l’événement que nous avons lancé. La semaine suivante, pour l’acte 3, le comité lance son propre appel à rejoindre les GJ dans les rues de Paris. A l’époque, certains militants des quartiers populaires grognent et refusent de participer à ce mouvement arguant que ces gens là ne sont jamais venu soutenir les quartiers quand ils en avaient besoin, que ce soit face à la police raciste et violente ou face aux politiques d’abandon de ces quartiers. De la même façon que depuis quelques jours, certains GJ refusent de manifester contre les violences policières et son racisme systémique arguant que trop peu d’orgas des quartiers sont venues aux manifs GJ, qui ont connu une terrible répression de la part du pouvoir, de la police et de la justice.
Alors oui : trop de citoyens n’ont pas vraiment pris conscience du racisme qu’on pouvait vivre dans les quartiers. De la même manière que trop peu de personnes ont pris la mesure du traitement totalitaire et fascisant qu’ont subi les Gilets Jaunes. Mais que fait-on une fois qu’on a dit ça ? Chacun reste dans son coin et rumine le manque de solidarité passé ? Ou alors, on fait le premier pas. On tend la main. Et on prend conscience qu’au delà de nos différences, il y a surtout énormément de choses à partager et à construire ensemble.
Il n’y a que deux côtés d’une barricade. La force du pouvoir, c’est d’empêcher tous ceux qui ne sont pas de son côté d’oser s’approcher les uns des autres, pour être assez nombreux et assez forts pour le renverser. Car c’est bien de cela dont il s’agit. Pour nous, il n’y aura pas de véritable victoire sur le front du racisme sans que le pouvoir actuel soit renversé. Sans que le système actuel ne soit détruit. Pas plus qu’il ne pourrait y avoir de véritable victoire sur le front des luttes sociales sans que le pouvoir soit renversé. Sans que le système actuel ne soit détruit.
Une révolution, une vraie, ne peut se faire que de façon globale : sur le front social, écologique et des droits civiques. Lorsqu’on combat l’oppression, on ne peut la combattre que totalement, et lutter avec tous ceux qui sont victimes de ce système oppressif : les plus faibles. Économiquement et socialement. Se battre pour un monde plus juste et égalitaire pour tous ! pour toutes. L’émancipation ne peut être qu’inclusive. Ce combat est celui des Gilets Jaunes, car c’est celui de l’émancipation, de la dignité et de la justice sociale.
Et si tout cela peut vous paraitre totalement déconnecté des réalités du terrain, dites vous qu’il y a plus de 30 ans, dans l’Angleterre de Thatcher, la Gay Pride de 1985 a vu défiler en tête de cortège, des ouvriers du syndicat national des mineurs ! Un an plus tôt, quelques militants homosexuels avaient créé l’organisation « Lesbiennes et gays en soutien aux mineurs » pour aider financièrement la grève historique en cours. Pour eux, les mineurs luttaient contre le même pouvoir et la même police. Un pouvoir qui détruit et qui opprime. Un pouvoir qui divise et qui stigmatise. Jugée contre nature et opportuniste, cette main tendue par une dizaines de militants a initialement été rejetée par les mineurs, avant que quelques dizaines de mineurs d’un village du Pays de Galle acceptent cette main tendue.
Il est tout aussi difficile d’être le premier à tendre la main que d’être celui qui accepte la main tendue. Mais rares sont ceux qui regrettent d’avoir fait l’un de ces gestes.
Alors, pour ne pas avoir de regrets dans quelques années, tendons nous la main. Dès samedi.