Initialement publié le 14 janvier 2019
Les motifs de satisfaction pour cet acte 9 ne manquent pas :
– La mobilisation encore en forte hausse, le gouvernement n’ose même plus parler d’essoufflement.
– L’échec de la grossière tentative de criminaliser tous les manifestants, devenus complices des violences. Un revers pour Castaner vu le nombre massif de GJ présents mais aussi au vu des nombreux messages de soutiens (affiches, chants) aux manifestants arrêtés et condamnés.
– La détermination des GJ une nouvelle fois très forte. Face aux centaines de CRS, canons à eau, flashball, chars et autres outils répressifs, les manifestants sont restés debout et on fait face, malgré la violence inouïe des forces de l’ordre.
Ces petites victoires, samedi après samedi, rendent d’autant plus insupportable l’idée même d’une défaite potentielle du mouvement face au pouvoir en place.
En deux mois, le mouvement déplore des centaines de blessés (dont plusieurs mutilés), plus de 6 000 interpellations et des centaines de condamnations. Et pourtant, de nombreuses villes ont connu pour cet acte 9 un record de mobilisation ! Malgré la peur des bavures policières et des arrestations abusives. Malgré les épouvantails brandis par le gouvernement : tantôt les « casseurs », puis les racistes, puis les anarchistes.
Rien que pour ça, l’acte 9 est une énorme victoire.
Une victoire au goût amer tant elle est totalement niée et méprisée par le pouvoir. Son mépris pour le mouvement ne se cache même plus. Et son silence face aux dérives policières ne peut plus être pris pour un dysfonctionnement. C’est une stratégie de lutte. Ce n’est plus du maintient de l’ordre mais du maintient au pouvoir.
Nous devons prendre acte de cette situation et en tirer les conséquences. Jamais dans la 5e République un mouvement social n’avait été aussi lourdement réprimé. Et ce, sans la moindre remise en cause du pouvoir. Le ministre de l’Intérieur est bien en place. Le gouvernement aussi.
*** MESSAGE AUX NON GJ ***
Mais le vent tournera. Et quand les cendres de la lutte s’envoleront pour laisser entrevoir le soleil, nous ne resterons pas bouche bée et bras croisés à se satisfaire de ce nouvel horizon. Non, nous seront assez lucides pour regarder derrière et ne pas oublier les corps meurtris qui joncherons le chemin emprunté. Et nous demanderons des comptes. Nous demanderons justice. Les coupables seront jugés.
Mais nous nous souviendrons aussi des complices de ce drame, ceux qui, par leur position sociale, par leur statut public ou par leur influence politique, auraient pu et auraient du s’indigner et s’insurger contre la politique anti sociale et anti démocratique mise en place par le pouvoir actuel.Ne pas prendre position est désormais un soutient aux dérives autoritaires du pouvoir. Quelques associations, syndicats, ONG, collectifs, artistes, journalistes, philosophes, professeurs, avocats et autres citoyens ont eu le courage de prendre position et de dénoncer les violences et arrestations arbitraires. Nous espérons que cela va s’amplifier.
A ceux qui préfèrent rester silencieux face à ce carnage démocratique : Que vous n’ayez pas compris l’essence du mouvement, ou que vous n’en validiez pas la légitimité idéologique ne vous exonère pas de voir la vérité de la dérive autoritaire et anti démocratique du pouvoir. La nier ou la cacher sous prétexte que le mouvement n’est pas totalement à votre goût vous rendra définitivement complice, et ce, jusqu’à la victoire du mouvement. Et même après.
*** MESSAGE AUX GJ ***
A l’aube de l’anniversaire des deux mois de lutte et du dixième acte, se posent plusieurs questions stratégiques. La déclaration des manifs semble vouée à l’échec. Si elle permet de pouvoir se regrouper plus facilement, elle empêche aussi tout débordement et toute mise en difficulté du pouvoir. Samedi à Paris, les seuls moments où les GJ ont semblé en mesure d’inquiéter le pouvoir ont été lors des manifs sauvages de fin de journée. Bref, on déclarera nos manifs quand ils déclareront leurs revenus.
La surdité du gouvernement face à la colère populaire doit être prise très au sérieux. Si, fin décembre, le gouvernement utilisait l’argument d’un essoufflement et donc d’une grogne désormais très minoritaire pour ne pas se remettre en cause, aujourd’hui, il reconnait une montée en puissance de la mobilisation. Mais sans sembler vraiment inquiet.
Au delà du mépris pour les centaines de milliers de personnes qui se sacrifient depuis deux mois sur les routes et rond points, c’est un signal que nous ne pouvons pas ignorer. Le pouvoir nous dit « gueulez tant que vous voulez, mais faites le en respectant les règles ». Sauf qu’en même temps, sa police respecte de moins en moins les droits de chaque citoyens. La justice commence aussi à perdre les pédales. Mais pour le pouvoir, l’important, c’est que le peuple reste à sa place : chez lui, à son travail ou dans les magasins.
Le fleuve ne doit pas déborder. Il peut couler et pleurer tant qu’il le veut, mais il doit rester dans le sillon bien tracé. Ce n’est pas un hasard si le moment où le gouvernement a le plus tremblé depuis deux mois correspond aux actes 2,3 et 4, ceux ayant connu le plus d’insoumission et d’actes de rébellion.
Il ne s’agit pas de prôner la violence et d’y voir la seule alternative possible. Non, loin de là. Mais il s’agit de regarder en face la vérité du rapport de force actuel. Et de comprendre que le soutient très fort de la population, et le nombre croissant de manifestants dans les rues doit s’accompagner d’actions de débordement pour pouvoir vraiment faire vaciller le système.
Nous ne pouvons plus enchainer les actes sans se renouveler, sans innover, sans tester de nouvelles méthodes de lutte. Cela peut passer par des actions festives, musicales, fraternelles. Cela peut aussi passer par des actions plus virulentes et plus radicales (qu’elles soient violentes ou non).
Les jours qui viennent seront particulièrement décisifs pour l’avenir du mouvement, pour l’avenir de la France, pour l’avenir de nos sociétés. Il n’est pas concevable que nous retrouvions notre quotidien passé sans qu’un profond changement politique et social s’opère. Et nous sommes désormais certains que ce changement ne pourra se faire sans que le pouvoir actuel ne chute. Et nous savons que pour le faire chuter, il faudra être encore plus forts, encore plus nombreux et encore plus déterminés.
Mais nous avons le sens de l’effort. Et nous allons très vite le prouver.