Initialement publié le 2 mai 2019
Le 1er mai est donc passé. Et il ne s’est rien passé d’inquiétant pour le pouvoir, plus que jamais en place et sûr de son fait. Castaner et la préfecture ont parfaitement réussi leur coup de force consistant à terroriser et attaquer l’ensemble de la manifestation pour éviter le moindre débordement. La France est désormais tombée dans une doctrine du maintien de l’ordre par la terreur.
Jamais depuis le début du mouvement des GJ, mais peut-être même jamais depuis des décennies, nous n’avions assisté à une stratégie aussi ultra-offensive. Ce mercredi, les forces de l’ordre n’ont même pas cherché à prendre pour excuse des attaques de manifestants pour « répliquer ». Des milliers de personnes se sont retrouvées asphyxiées, étouffées, prises dans des mouvements de foule, matraquées… Terrible vision de personnes âgées qui paniquent, d’enfants qui pleurent. Par moments, nous avions l’impression d’assister à des scènes de guerre. Avec des gens qui s’abritaient dans des ruelles et attendaient les street medics.
Ce qui est le plus inacceptable dans cette situation, c’est qu’elle a été provoquée et voulue par la préfecture, alors qu’il n’y a quasiment eu aucun « débordement » : une vitre de banque pétée et trois poubelles en feu ? Pour 50 000 manifestants dans les rues de Paris. Clairement, il faut se faire à l’idée aujourd’hui que les forces de l’ordre ne sont plus là pour « maintenir l’ordre » mais pour aider le pouvoir dans sa bataille face à la colère sociale. C’est dans cette logique que, plusieurs fois dans la journée, la police a chargé et gazé ultra violemment la manif pour la couper en plusieurs « sections ».
Deux heures avant le début officiel de la manif, les premières charges et gazages avaient lieu. Dès 10h du matin, toutes les zones à quelques kilomètres du trajet étaient plongées dans une atmosphère hallucinante et anxiogène, avec des patrouilles mobiles qui attrapent au hasard des groupes de manifestants pour les fouiller de façon hyper agressive. Le moindre masque de protection contre le gaz ou lunettes de natation sont saisis, comme du matériel de guerre. Certains masques à gaz sont même suffisants pour être embarqué en GAV. L’objectif est clair : dissuader le maximum de personnes à se rendre sur la manifestation, et enlever le plus de protections possible contre le gaz lacrymo. Des centaines de gilets jaunes sont saisis par la police et confisqués aux manifestants. Là encore, pas pour maintenir l’ordre, mais pour minimiser l’impacte des GJ sur cette manif du 1er mai. France 2019.
Une fois la manifestation lancée, on se rend compte que le cortège de tête n’est plus vraiment un cortège de « tête » : les syndicats sont totalement noyés dans les milliers de GJ, Kway noirs et simples citoyens qui désirent manifester et lutter dans la rue. A l’avant bien sûr, mais également après le cortège syndical et même en plein milieu. Si l’an passé on pouvait parler d’un cortège de tête qui rivalisait en nombre avec le cortège syndical, aujourd’hui, on ne peut même plus parler en ces termes tant la majorité de la colère qui s’exprime dans la rue sort de tout cadre syndical.
Ce 1er mai est clairement une défaite pour les luttes sociales. Il confirme que désormais, face à un pouvoir autoritaire et ultra-violent, il n’est plus possible de jouer la carte des manifestations déclarées et concertées avec la préfecture. En effet, cette manif de mercredi aura été l’une des plus violentes pour les manifestants alors qu’elle a été l’une de celles qui ont connu le moins de dégradations. Le discours qui consiste à nous dire qu’il faut aller en manif déclarée pour rassembler un maximum de citoyens en colère qui ont peur des violences ne tient plus du tout.
Il va falloir également réfléchir à de nouvelles modalités d’actions et de manifestations, prenant acte des nouvelles stratégies des forces de l’ordre. Nous en avons les moyens et les forces. Car la seule victoire du 1er mai, c’est bien d’avoir vu autant de personnes descendre dans les rues de Paris et de toutes les villes de France, malgré le climat totalitaire et les menaces du pouvoir. Des personnes déterminées, joyeuses et qui ne laisseront pas des matraques ou des gaz les stopper dans leur lutte.