(Se) préparer (à) la tempête.
Initialement publié le 11 avril 2019
Il y a deux façons d’analyser la période actuelle du mouvement des Gilets Jaunes : la première, celle du gouvernement et des médias, consiste à se convaincre que la mobilisation s’essouffle de samedi en samedi et que le mouvement va petit à petit prendre fin, notamment grâce au miracle du grand débat.
L’autre façon d’analyser cette séquence est beaucoup plus enthousiasmante : depuis quelques jours, une effervescence presque souterraine traverse le mouvement. Au-delà des mobilisations du samedi, de nombreux citoyens se réunissent et lancent des initiatives : l’appel de Saint-Nazaire, la semaine jaune, le front populaire à partir du 27 avril, des propositions de jonction entre mouvement écolo et GJ, l’occupation des ronds-points avec des banquets à partir du 04 mai, l’appel pour un 1er mai offensif et solidaire…
Nous pourrions donc être dans cette fameuse période de « calme avant la tempête ». Avec l’idée que la tempête débuterait le 20 avril avec le deuxième ultimatum sur Paris. A partir de cette date, un enchainement d’actions et d’initiatives pourrait lancer une dynamique de lutte quasi permanente, afin de rompre avec les deux aspects les plus décriés du mouvement : les manifs déclarées et inoffensives et le fait d’agir uniquement le samedi.

Si cette prévision se révèle juste, il importe à tous ceux qui aspirent à un changement radical du système d’utiliser les derniers jours de calme pour préparer au mieux cette tempête.
1/ Se préparer personnellement, pour savoir jusqu’où l’on est prêt à engager son corps et sa vie personnelle/professionnelle dans cette lutte. En cela, il est assez étonnant de voir que malgré les menaces et la répression aveugle que subit le mouvement, plus de 40 000 personnes se sont inscrits sur les divers événements du 20 avril. Encore plus surprenant, plus de 10 000 personnes sont inscrites sur l’événement facebook du 1er mai « Acte Ultime, Paris Capitale de l’émeute » ! C’est un signe fort qu’une partie de plus en plus grande de la population ne supporte plus d’être écrasée et humiliée par quelques puissants, et qu’aucune carotte ni aucun bâton ne pourra calmer cette colère.
L’ampleur des mobilisations du 20 avril, du 27 avril, du 1er mai et des jours suivants sera ultra déterminante. Le mouvement s’approche en effet d’un seuil critique de personnes présentes et offensives. Un seuil qui pourrait transformer la révolte en véritable remise en cause du système. Mais, en plus d’une mobilisation massive et encore supérieure à celle du 16 mars, il faudra également avoir préparé le terrain pour construire des espaces de luttes avant et après les manifestations de rue.
2/ Se préparer collectivement donc. Car les différentes mobilisations auront beau être massives et déterminées, il faudra être en mesure de proposer aux Gilets Jaunes et autres citoyens en colère des lieux pour se réunir dans la durée. Des lieux pour débattre. Des lieux pour initier des propositions politiques et sociales. Des lieux également pour rencontrer les citoyens qui ne seraient pas encore entrés dans la lutte mais qui pourraient le faire : occupations de rond-points, création de cabanes de GJ, occupations de bâtiments, de places… Reprenons ce qui est à nous, et reprenons le pour lutter et pour se rencontrer. De nombreuses autres idées peuvent (et doivent) sûrement voir le jour. La chance du mouvement, et sa force, se trouve dans son horizontalité et dans le fait que chacun peut lancer une idée, et que celle-ci se verra réalisée si assez de GJ la trouve intéressante et souhaitent la mettre en œuvre. Que ces jours soient donc la période où fleurissent les idées et les propositions. Pour que dans quelques jours puissent éclore les fleurs de la révolte.

Gilets Jaunes - Une Stratégie pour la victoire
Initialement publié le 11 avril 2019
[APPEL DE LILLE INSURGÉE]
– Au vu de notre constat, des rendez-vous déjà présent sur notre calendrier, et des propositions de l’assemblée des assemblées qui a eu lieu ce week-end à St-Nazaire, nous proposons ici une stratégie afin que la lutte des gilets jaunes se relance, continue et gagne. Cette stratégie en 7 actes commence le 20 avril et s’étend jusqu’au 11 mai. –
🔶 Le constat 🔶
Le mouvement des gilets jaunes est au départ, un mouvement de proximité. Le 17 novembre, un rond-point était occupé à quelques dizaines de kilomètres de chez soi, au maximum, peu importe où nous habitons. Pourtant, aujourd’hui, les appels à manifester sont des appels régionaux (à l’image de Lille chaque semaine) ou nationaux (à l’image de Rouen lors de l’acte 21). Ces appels, pour des raisons sans doute de fatigue, de temps, et d’argent ne mobilisent que quelques milliers de personnes. Beaucoup ne peuvent plus se permettre de faire plusieurs dizaines, voir centaines de kilomètres de route chaque samedi sans que celui-ci n’amène à la révolution. C’est pourquoi nous pensons, qu’il faut conserver des appels nationaux à Paris (une fois par mois par exemple) mais que, en dehors de ce temps, nous devons décentraliser nos manifestations et nos actions.
🔶 Stratégie en 7 actes 🔶
Acte 1 : Samedi 20 avril, maintenir la pression à Paris avec l’ Acte 23 : Paris Ultimatum Et Révolte Du Peuple !
Acte 2 : Samedi 27 avril, décentralisation des manifestations.
– Nous proposons qu’il y ait plusieurs gros appels, dans des villes stratégiques de chaque région.
– Dans les hauts de France, cela se traduirait par de gros appels à Dunkerque, Béthune, Douai, Cambrai par exemple. (Pas forcément de manifestation à Lille)
A noté : Une marche nocturne est déjà prévu à Cambrai la veille au soir – Marche Nocturne Cambrai
Acte 3 : Mercredi 1er Mai – Acte Ultime : Paris, capitale de l’émeute – Le but est de faire une convergence entre les chasubles rouges, les gilets jaunes et les k-ways noirs et ainsi mettre un gros coup de pression sur la capitale et sur le pouvoir.
Acte 4 : A partir du 1er Mai – Semaine jaune d’action. Sous propositions de l’assemblée des assemblées, une semaine jaune d’action s’organise du 1er au 8 mai (et après ?). L’appel à cette semaine jaune doit, selon nous, se traduire par un retour massif sur les rond-points, sur les blocages. Nous devons retrouver la force qui nous avait fait bloquer le pays le 17 novembre. Laissons place aux initiatives. Tu veux bloquer le rond-point en bas de chez toi ? Contact tes potes, partage l’info sur les groupes Facebook et go !
Acte 5 : Samedi 4 mai, pour l’acte 25, décentralisons au MAXIMUM les manifestations. Quitte à ce qu’il n’y ai personne sur les grosses villes. Peut importe, le mouvement n’est pas parti d’ici.
Dans la région, le samedi 4 mai, organisons des grosses manifestations à Dunkerque, Cambrai, Béthune, Douai, Valencienne, Boulogne sur mer, Arras etc.
Le but est ici de remobiliser les personnes qui ont pu quitter le mouvement et de ne pas avoir à se déplacer pour manifester.
Acte 6 : Jeudi 9 mai – convergence (nécessaire) avec l’appel unitaire de tous les syndicats de la fonction publique. Actions de blocage et manifestations sont prévu.
Acte 7 : Samedi 11 mai, victoire. Par tous les moyens nécessaires. Car 6 mois de luttes ne peuvent être aussi peu considéré par le pouvoir.
Si cela ne suffit pas, nous vous laissons écrire la suite.
Vous l’aurez compris, après plus d’une vingtaine d’acte, Nous entrons dans un nouveau volet de ce mouvement. Celui du printemps.
Ahou !
On peut tromper une fois mille GJ...
Initialement publié le 3 avril 2019
Le mouvement des Gilets Jaunes, malgré son aspect imprévisible et horizontal, subit la loi des cycles et de la ritualisation.
La séquence actuelle, faite de mobilisations massives mais assez calmes partout en France, de manifs déclarées et fortement encadrées par les forces de l’ordre, nous rappellent ce qui s’est déjà passé trois fois, après des séquences offensives qui avaient secoué le pouvoir et les médias. Petit rappel avec la situation parisienne :
Mi-décembre après plusieurs actes massifs et insurrectionnels, le mouvement connaît plusieurs actes assez « tranquilles ». L’occasion pour les médias et le pouvoir de crier à la fin du mouvement.
Puis, dès le premier samedi de janvier, pour l’acte 8, Paris connaît une énorme mobilisation, aussi bien en nombre de GJ présents qu’en détermination. C’était, notamment, l’épisode Dettinger et du transpalette. Les quatre samedis suivants furent particulièrement encadrés, avec l’arrivée des premières manifestations déclarées sur la capitale.
Puis, lors de l’acte 13, lassés par des manifs de plus en plus inoffensives pour le pouvoir, des centaines de GJ lancent une manif sauvage de plusieurs heures dans Paris, occasionnant de nombreux dégâts matériels autour de la Tour Eiffel.
Les deux weekends suivants sont l’occasion de vivre des nasses géantes et mobiles pendant lesquelles les forces de l’ordre marchent « tranquillement » autour des GJ pour empêcher toute tentative de sauvage.
Et puis, il y eut l’acte 16.

Et nous voici, à l’aube de l’acte 21, dans une situation assez proche des précédentes : la préfecture durcit encore plus les dispositifs et les interdictions. Les mobilisations restent massives. Mais le pouvoir, bien aidé par les médias, continue de minimiser cette mobilisation et fait tout pour l’invisibiliser.
A ce jeu-là, les chiffres du ministère de l’intérieur sont devenus totalement ridicules, et viennent même en contradiction avec les chiffres de contrôles supérieurs à ceux de la mobilisation.
Mais les GJ ne sont plus dupes et ne se soucient même plus de ces annonces. Ni des médias qui relaient sans remettre en cause ces chiffres. Ces médias de masse se rendent complices d’une communication devenue propagande d’état. Il ne faudra pas s’étonner ensuite d’une défiance grandissante envers ces médias.
Reste la question stratégique de la suite à donner : les manifestations déclarées et où aucun débordement n’est possible sont totalement invisibilisées et ne posent aucun rapport de forces réel au pouvoir. Les séquences plus insurrectionnelles ont le mérite d’obliger le pouvoir et les médias à remettre la question des GJ sur la table, mais uniquement par le biais de la question sécuritaire.
Les GJ, après avoir été méprisés et violentés par le pouvoir, ne sont plus dupes de la réalité des rapports de forces politiques et financières. Ils ne seront plus trompés par un grand débat, pas plus que par des annonces de perlimpinpin. Ils ne seront pas non plus découragés par les chiffres ridiculement bas de mobilisation annoncés chaque semaine par le ministère de l’intérieur.
Ces milliers de GJ ne peuvent plus être dupés. Mais reste à réussir à ce que les tous les Français, qui devraient légitimement se lever et se révolter, ne soient plus dupés/trompés par ces mécanismes,
Il faut donc réussir à toucher et à parler à ces millions de citoyens qui peuvent être solidaires de près ou du loin du mouvement et de ses revendications. Mais comment les toucher sans passer par les médias de masse, qui ne relaient le mouvement qu’à travers le prisme de la violence ? Cela passe peut-être par la création de nouveaux espaces de discussions et par une visibilité du mouvement dans les lieux de vie des Français : travail, écoles, transports mais aussi les espaces de loisirs (cinémas, stades, théâtres…). Cela passe aussi par la reprise de nos fameux ronds-point. Par la construction de nouvelles cabanes. Par l’occupation de lieux.
Bref, ne tombons pas dans le piège des actions/réactions où il n’y aurait que des séquences qui se reproduisent de façon ritualisée, que ce soit dans des manifs déclarées ou dans des manifs sauvages plus offensives. Tentons des choses que le pouvoir n’attend pas. Ouvrons des brèches, même l’espace de quelques minutes, pour créer une autre réalité et un autre possible. Trompons le système pour qu’il ne puisse plus nous tromper.
Ode à l'horizontalité
Initialement publié le 27 mars 2019
L’une des composantes essentielle, et hautement subversive, du mouvement des Gilets Jaunes se situe dans sa construction totalement horizontale : pas de chef, pas de leader, pas d’organe de direction.
Le pouvoir et les médias ont bien tenté de faire croire l’inverse en portant certaines figures du mouvement en haut de l’affiche, accentuant ainsi leur visibilité publique. Mais cela n’a pas suffit pour rendre ces personnes représentatives d’autre chose que d’eux-mêmes. Et c’est déjà bien suffisant.
Car il n’y a rien qui dérange plus le système que de ne pas avoir d’interlocuteur identifié; de personnes à cibler pour apaiser la grogne, que ce soit par la menace ou par la séduction.
L’acte 18 est en cela révélateur de cette horizontalité. Aucune « figure médiatique » des GJ n’est à l’origine de cet appel national à converger sur Paris. Certains ont décidé de soutenir l’appel, d’autres non. Mais ils n’étaient en aucun cas à la manœuvre. Pas plus qu’une fantasmatique organisation de black bloc qui aurait décidé de manière centralisée de détruire les Champs-Élysées ce jour-là.
Non, la réalité est que certains GJ ont lancé dans leurs groupes locaux l’idée d’organiser à nouveau un acte centralisé sur Paris. Plusieurs dates circulaient même sur les réseaux sociaux dès le mois de janvier. Et personne n’était en mesure de décider pour tous d’une date. Finalement le 16 mars s’est imposé collectivement par le simple jeu des décisions individuelles : décision de participer aux événements facebook parisiens (et à ceux des régions), décision d’en parler et d’inviter ses amis, décision de lancer des groupes de covoiturage ou d’aide au logement. Ce sont des milliers de décisions prises par des milliers de citoyens qui ont abouti à cet acte 18.
Manif déclarée, manif sauvage, occupation d’un lieux, blocage de rond point, sit-in, barricades… Chaque Gilet Jaune a l’autonomie de prendre part ou non à une action, tout comme il peut lancer une initiative, IRL et/ou virtuelle. Libre ensuite à chacun de s’y associer ou de s’en dissocier.

Si cette organisation totalement horizontale peut, de prime abord, sembler moins efficace qu’une organisation très hiérarchisée avec un organe de direction et des responsables par pôles (communication, juridique, action…), elle est beaucoup plus forte sur le long terme. Car elle évite les jeux de pouvoirs inhérents à toute organisation (y compris celle les plus libertaires).
Elle permet également d’expérimenter les notions d’autonomie et d’autogestion, offrant l’occasion de comprendre que ne pas avoir de chef ne signifie pas vivre dans le chaos.
Le mouvement permet enfin de mettre à mal l’adage selon lequel ce mode de vie serait individualiste puisque refusant l’organisation collective. Prôner l’horizontalité et l’autonomie est, au contraire, un acte éminemment altruiste. Cela signifie se battre pour garder son autonomie de décision mais également, et surtout, se battre pour que les autres gardent cette autonomie, et la respecter. C’est croire en l’humain et en sa capacité à décider par lui-même.
En fait, n’en déplaise aux professionnels de la politique, les Gilets Jaunes représentent un superbe élan démocratique. Au sens le plus noble de ce terme. Il s’agit de remettre le peuple dans les décisions collectives. Ne plus confier la gestion de nos vies à quelques centaines de personnes.
Nous encourageons donc tous les GJ, et globalement tous les citoyens désireux de changer cette société, à lancer des initiatives. A oser. A ne pas se dire que cela ne marchera jamais ou que cela est trop ambitieux, trop dangereux. Car personne ne sait à l’avance comment une situation évoluera. Mais le plus important, le plus précieux, c’est de créer les conditions de cette situation. De ces situations.
Le pouvoir veut nous faire croire que nous n’avons pas de pouvoir. Mais nous pouvons au contraire beaucoup. Nous pouvons détruire, nous pouvons créer, nous pouvons haïr, nous pouvons aimer. Nous pouvons être sages. Nous pouvons être subversifs et indisciplinés.
Et sûrement devons-nous être tout ça.

Crédits photos : Mathias Zwick
Le mouvement venu
Initialement publié le 24 mars 2019
L’un des repères pour comprendre l’ampleur du changement d’une société, c’est la vitesse à laquelle les lignes bougent. En ce sens, le mouvement des Gilets Jaunes est clairement porteur d’un changement radical que le rouleau répressif ne pourra contenir bien longtemps.
Tout va très vite depuis quatre mois. Les mentalités évoluent. De nombreux Gilets Jaunes totalement hostiles à des actions offensives ont désormais fait le choix de ne plus condamner ce type d’opération, voire même d’y participer.
Le côté le plus subversif de ce changement de mentalité n’est pas l’acceptation des modalités d’actions « violentes » mais bien le fait de ne plus considérer la question de la légalité comme supérieure à celle de la légitimité.
Et ce changement ne vient pas uniquement des échanges avec les GJ les plus « radicaux ». C’est aussi, voir surtout, l’attitude du pouvoir, son mutisme social, son arrogance politique et son escalade autoritaire qui ont poussé des milliers de citoyens à se dire que non, cela n’avait plus aucun sens de « respecter toutes les règles » lorsque ces règles sont faites par des personnes immorales ne pensant qu’à protéger leurs privilèges.

La dernière illustration en date est la déclaration indécente et abjecte de Macron concernant Geneviève Légat, 73 ans, militante d’Attac, gravement blessé samedi dernier à Nice.
La situation de Geneviève résume parfaitement le danger actuel en France :
1 – Le pouvoir n’arrive pas à calmer une colère sociale.
2 – Il estime donc de son devoir de modifier la loi et de restreindre les libertés fondamentales pour réussir à retrouver l’ordre.
3 – Une personne décide de s’opposer, pacifiquement, à ces mesures liberticides. Elle en paye le prix fort, physiquement.
4 – Le pouvoir estime que l’erreur vient de cette personne et qu’elle n’avait qu’à respecter les nouvelles « règles ».
Le principe d’un état de droit, d’une démocratie, c’est d’utiliser les mêmes outils (judiciaires et répressifs) qu’importe la situation. D’appliquer une justice et d’accorder la liberté et la présomption d’innocence, même à ceux qui dénigrent ces principes.
Le pouvoir commet donc une erreur grave et historique en modifiant les règles démocratiques pour son propre intérêt.
Lorsqu’un citoyen est accusé d’un vol, d’un crime ou d’un viol mais n’est finalement pas condamné pour diverses raisons judiciaires ou policières, change-t-on ces règles ? Non, et on explique aux victimes, légitimement en colère, que le système ne peut pas toujours répondre à leurs attentes. Mais qu’il faut faire avec. Que c’est le jeu de la démocratie et de nos sociétés modernes.
Mais lorsque le pouvoir n’arrive pas à faire arrêter ou condamner des personnes commettant des violences et des actes légalement répréhensibles, celui-ci aurait le droit de changer les règles ? Et de porter atteinte aux libertés de l’ensemble de la population ?
A vrai dire, l’un des points positifs des actions les plus offensives de certains Gilets Jaunes réside dans le fait d’obliger le pouvoir à montrer son vrai visage. Le principe d’une démocratie, c’est de pouvoir gérer les opposants, y compris les plus violents, dans un cadre démocratique. En France en 2019, une voiture brulée ou un Fouquet’s défoncé suffisent à briser ce pacte essentiel et justifie l’usage de mesures clairement liberticides et autoritaires.
Face à une contestation radicale et déterminée, Macron et son monde ont donc préféré abandonner leur cape démocratique pour préserver l’essentiel : le système économique, ultra libéral. D’ailleurs, il est assez amusant de constater que le pouvoir politique et médiatique ne cesse de dénigrer les GJ en les affublant du qualificatif « ultra »… tantôt de gauche, tantôt de droite. Tantôt ultra-violents.
Mais au final, la chose qui est la plus « ultra » dans notre société, et qui est totalement acceptée par les puissances politiques et médiatiques, c’est le système économique : ultra libéral. Pour le coup, cela ne pose pas de problème et n’est jamais associé à la violence.
Pourtant, la première des violences, celle qui génère toutes les autres, c’est cette violence libérale qui provoque l’injustice sociale et qui brise des vies.
Macron ne veut pas en entendre parler.
Nous n’écouterons donc plus ses leçons de morale et de sagesse.
La sagesse, c’est celle de Geneviève . C’est celle de Commercy. C’est celle de St Nazaire. La sagesse, c’est nous. Et elle sait aussi se faire colère.

Crédit Photo : Le Désastre / Jérémie Rozier
Et maintenant !
Initialement publié le 20 mars 2019
La force d’un mouvement, c’est d’être toujours en mouvement. Ne pas répéter les mêmes pratiques et modalités jours après jours.
C’est en partie pour cette raison que le mouvement syndical a énormément perdu de son attrait et de sa force, notamment sur les actions collectives et dans la rue. C’est pour cela que le cortège de tête a eu un tel attrait pendant plusieurs mois, jusqu’à devenir un rituel qui se singe lui-même, et donc tombe dans les travers d’un mouvement qui ne répète que ses réussites passées.
En ce sens, les Gilets Jaunes ont apporté un souffle nouveau et puissant dans le paysage des luttes. Des occupations de ronds points en passant par les manifs sauvages, les barricades, les blocages de dépôts pétroliers, les cabanes jaunes ou les ouvertures de péages, les GJ ont montré qu’ils n’étaient pas enfermés dans une pratique ritualisée et codifiée de la lutte.
Tout simplement parce que la grande majorité de ces GJ ne sont pas des « professionnels » de l’agitation sociale. Et c’est tant mieux. Et c’est ce qui dérange autant le pouvoir car son caractère imprévisible rend la riposte plus difficile.
Aujourd’hui, le mouvement se trouve à un moment crucial. L’acte 18 a été une réussite dans le sens où la question des Gilets Jaunes a été remise très frontalement dans l’agenda politique et médiatique. Mais, cela peut aussi être vu comme un échec, dans la mesure où cette question n’est abordée par le pouvoir (et les principaux médias) que par le biais des violences et de la façon de les contenir. Les questions sociales, économiques et sociétales n’ont quasiment pas été abordées ces derniers jours.
Face à une répression qui s’annonce encore plus indistincte et aveugle (le pouvoir ne s’en cache même plus), face à un rouleau compresseur médiatique d’indignation face aux vitrines cassées et magasins brulés, il apparaît important de ne pas tomber dans le piège d’une escalade inutile.
Encore une fois, la question n’est pas de savoir s’il faut casser une banque ou le Fouquet’s. La question reste de trouver des moyens de lutter radicalement contre un pouvoir et un système politique qui a pour lui tout l’arsenal policier, judiciaire et même médiatique.
Nous savons que les manifs déclarées et totalement nassées du début à la fin par la police n’ont aucun intérêt. Discuter avec la préfecture pour définir comment la journée « se passera bien », c’est accepter que le pouvoir puisse dormir sur ses deux oreilles. Chose impensable dans cette société qui laisse crever de faim des dizaines de milliers de laissés-pour-compte.
Pour les empêcher de dormir tranquillement, mais aussi d’aller dans leurs restaurants de luxe ou sur les pistes de ski, nous n’avons pas énormément d’outils. Mais nous ne sommes pas démunis. Nous savons ce qui compte pour eux : leur portefeuille, leur confort, leur intérêt et leur image médiatique. A nous de trouver comment nuire à ces aspects.
A nous également de remettre les questions de fond sur le devant de la scène : l’injustice sociale, climatique, économique. Cela parait presque évident, et nous pensons que tous les Français sont au courant. Mais il est nécessaire de rappeler sans cesse les conséquences quotidiennes des politiques ultra-libérales sur notre société et sur les laissés-pour-compte, que ce soient ceux des campagnes ou ceux des banlieues.
Le pouvoir espère que le 16 mars était le chant du cygne des Gilets Jaunes, leur dernier baroud d’honneur. Il l’espère tellement qu’il le crie sur tous les toits.
Mais nous savons que les GJ ont encore de la ressource et vont de nouveau surprendre. Reste à savoir quand et comment.
Nous ne sommes plus une classe bien sage. Nous n’avons pas peur d’être hors la loi dans une société où les lois deviennent liberticides et antidémocratiques. Nous n’avons pas peur d’être (mal) jugés par un pouvoir cynique et violent, tout autant que par ses chiens de garde médiatique. Dans plusieurs décennies, l’histoire jugera qui aura été du bon côté.
En attendant, soyons inventifs et motivés. Essayons de faire dérailler le système tout en proposant des actions non violentes. Que la ligne de démarcation ne soit plus celle des gentils manifestants et des méchants casseurs mais de ceux qui veulent changer le système et ceux qui acceptent de vivre dans une société qui laisse crever ses plus faibles.
Ne nous soucions pas du jugement de ceux que l’on combat mais essayons de faire comprendre au plus grand nombre la justesse de notre cause et l’injustice de cette société. Cela passe peut-être par des actions moins clivantes sur l’aspect de la violence. Mais cela ne doit en aucun cas enlever la radicalité du mouvement. Sous peine de le voir devenir docile et indolore pour les puissants.
Lettre aux Gentils de la République
Initialement publié le 17 mars 2019
C’est fait : le 16 mars restera gravé dans les dates importantes du mouvement social des Gilets Jaunes.
Face à la violence des réactions politiques, médiatiques et économiques, il convient de se dire les choses clairement, sans hypocrisie.
Commençons par du factuel : c’est vrai, de nombreux GJ sont venus à Paris pour cet acte 18 dans l’optique de déborder le système et de mettre à mal la gestion de « l’ordre public ». Ils n’étaient peut-être pas majoritaires mais ils étaient assez nombreux et déterminés pour parvenir à des résultats. Ces milliers de GJ n’avaient pas tous une tactique de black bloc. Il y avait de nombreux GJ de la première heure, munis simplement de leur gilet, de masque et de lunettes de protection. Il y avait également quelques manifestants en bloc, qu’ils soient en kway noir et/ou en gilet jaune.
Surtout, tous les manifestants étaient totalement partie prenante de la manif du jour. Aucune scission n’est jamais apparue entre groupes de « gentils GJ » et « méchants casseurs ». La très grande majorité des manifestants présents soutenait ou, a minima, acceptait les actions offensives, sans forcément vouloir faire pareil.
Plusieurs vidéos montrent qu’au niveau de la place de l’Étoile, en milieu de matinée, l’arrivée d’un bloc d’une trentaine de manifestants a été accueillie par une haie d’honneur et des applaudissements.
Alors oui, cela vous choque et vous dérange peut-être. Mais c’est la réalité de la France de 2019 : des dizaines de milliers de citoyens acceptent aujourd’hui que la lutte se fasse de façon offensive. Vous pouvez leur jeter le discrédit, les traiter de casseurs, de complices, de beaufs ou de racistes. Vous pouvez tenter de leur ôter toute humanité.
Mais la réalité est tout autre : ce n’est pas par plaisir que ces personnes acceptent (et/ou encouragent) les actions violentes. C’est par nécessité. Ce n’est pas pour la violence en elle-même mais pour ses conséquences dans la lutte sociale. Des conséquences, forcément incertaines et parfois dangereuses, mais qui constituent un horizon plus positif que le statut quo social actuel.
Sincèrement, au fond de vous-même, ne voyez-vous pas que c’est en raison de ces débordements l’acte 18 a eu un retentissement très important dans le monde politique et médiatique ? Que le même nombre de manifestants dans un cortège déclaré où il ne se serait « rien passé » aurait été totalement nié et méprisé par ces mêmes politiques et médias ?
Ce ne sont pas les GJ qui ne comprennent que la langue de la violence et du rapport de force, c’est tout le système actuel. Dans cette société où il faut être le plus féroce et le plus puissant possible, comment pourrait-on espérer changer la donne en restant faible et docile ?
Les médias de masse ne s’intéressent au mouvement que lorsqu’il leur offre des images « sensationnelles » pour faire de l’audimat. Deux jours avant l’acte 18, se tenait à la bourse du travail une rencontre entre des figures du mouvement et des intellectuels. La Bourse était pleine à craquer et des centaines de personnes sont restées à l’extérieur. Pourquoi ne pas avoir parlé de cette initiative constructive et apaisée ? Pourquoi, depuis plusieurs semaines, des milliers de GJ se rassemblent-ils dans les villes sans que cela n’intéresse plus les médias ? Parce qu’il n’y a plus rien à « vendre » aux téléspectateurs.
Du côté des politiques, en 17 semaines, la seule période où le pouvoir a semblé faire des concessions fut lors des actes les plus violents de fin novembre et début décembre. Là, comme par hasard, après presque deux mois pendant lesquels le pouvoir a totalement méprisé la question sociale et les Gilets Jaunes, Macron écourte ses vacances pour reprendre les choses en main. Nous savons qu’il ne prendra pas les questions sociales à bras le corps et qu’il abordera la question des GJ par son seul prisme de la violence. Mais au moins, la question revient sur la table.
Soyons lucides : le pouvoir politique se contrefout des raisons profondes de la colère de son peuple. Ce qui l’intéresse, c’est de calmer cette colère, pour sa propre tranquillité et celle de tous les puissants.
Macron affirme que les personnes présentes hier sur les Champs veulent « détruire la République ». Parce que la République, c’est le Fouquet’s ? Cartier ? Les Banques ?
Ce gouvernement, tout comme les précédents, dénigra des millions de citoyens, les laisse tomber dans une précarité de plus en plus insupportable, alors même que les milliardaires continuent de devenir de plus en plus riches. Depuis 4 mois que les Gilets Jaunes se battent, combien de personnes ont été mises au chômage pour que leur entreprise fasse plus de profits ? Combien de retraités sont tombés encore plus dans la précarité ? Combien de malades n’ont pas pu bénéficier des soins nécessaires faute de moyens ?
Combien de morts cette politique libérale a-t-elle engendrés en quatre mois de lutte ? Le chiffre est impossible à connaitre mais il est évident qu’il est colossal.
L’ultra-libéralisme tue, blesse, détruit des vies et des familles. Il ne s’agit pas de « grandes paroles » pour faire de la poudre de perlimpinpin. C’est totalement factuel. Et de nombreux gilets jaunes de campagne ou de banlieue le savent très bien puisqu’ils le vivent quotidiennement.
Alors, si vous estimez que les citoyens qui détruisent une banque ou construisent une barricade sont des ennemis de la République, mais que ceux qui licencient et s’enrichissent sur la misère de ces même citoyens sont les amis de la République, voire leurs protecteurs, nous avons en effet une vision totalement différente de ce que doit être la République.
Si la violence d’une boutique de luxe ravagée vous dérange bien plus que des personnes qui meurent ou qui sombrent dans la misère, alors oui, nous ne parlons pas le même langage.
Votre morale à œillères n’est pas celle qui nous habite. Car être moral de façon sélective, c’est être immoral. Vous êtes immoraux. Et vous pourrez traiter les GJ d’ennemis de la République, ils resteront bien plus moraux et bien plus proches des valeurs de la République que vous.
Arrêtez de vous offusquer de la violence d’un mouvement social lorsque vous le niez et l’ignorez totalement, sauf en cas de violence.
A ce moment-là seulement, nous pourrons discuter de moralité.
Du 16 mars à Jupiter !
Initialement publié le 11 mars 2019
Samedi 16 mars s’annonce comme une date importante pour le mouvement des Gilets Jaunes. Personne ne peut prédire le résultat de cette nouvelle mobilisation nationale à Paris. Ce qui est sûr, c’est qu’elle sera un tournant pour la suite. Il ne tient qu’à nous que ce tournant prenne la bonne direction. Celle de la révolte contre ce système et ceux qui en profitent sur le dos des plus faibles. C’est la fin du grand débat, et le début du grand débarras.
Certains caressent l’espoir de revivre un 17 novembre ou un 1er décembre. Nous pensons que cela n’arrivera pas. En quatre mois, le pouvoir et ses forces armées ont totalement changé leur façon de gérer les rassemblements des GJ. En quatre mois, plus de 15 000 GJ ont été blessés et/ou incarcérés. 15 000 !
Non, le 16 mars doit devenir LE 16 mars. Une des dates importantes dans l’histoire des Gilets Jaunes, et peut être même au delà. Nous ne savons pas où, quand, et comment. Mais nous savons que des milliers de citoyens en colère seront présents et décidés à ne plus enchaîner les manif « bien dociles » qui ont été imposées depuis 4 ou 5 semaines par quelques dizaines de GJ ayant joué le jeu du pouvoir en déclarant les manif et en acceptant que le cortège soit encerclé de CRS.
Ces milliers de GJ déterminés vont tous jouer un rôle ce 16 mars. Chacun à son niveau, chacun à sa manière, mais tous solidaires et tolérants avec les pratiques des autres.
Car nous savons où est l’ennemi : à l’Élysée et dans tous les palais de la République. Dans tous les sièges de banques et de multinationales.
Nous savons que les personnes âgées vivent dans une précarité de plus en plus intolérable. Nous savons que l’éducation nationale est en pleine crise de moyens. Nous savons que les hôpitaux et tous les services de santé sont en sous effectifs, pour raison financière. Nous savons que les millions de français aux revenus les plus modestes ont de plus en plus de mal à vivre. Et même à survivre.
Et nous savons que les quelques milliers d’ultras riches en France sont de plus en plus riches, y compris depuis la crise financière.
Sachant cette injustice, nous ne pouvons plus continuer nos vies comme si tout allait bien. Comme si tout était normal. Ce serait immoral et inhumain.
C’est notre humanité et notre désir d’un monde meilleur pour le plus grand nombre qui va nous pousser samedi à exprimer notre colère, et pas qu’avec des paroles.
Une colère qui sera renforcée par l’insoutenable bilan de la répression de ce mouvement depuis quatre mois : plus de 2 500 blessés, plus de 14 000 tirs de LBD, 22 éborgnés, 5 mains arrachées, un décès, plus de 8 500 arrestations, dont la plupart totalement arbitraires.
La Ligue des droits de l’Homme, Amnesty International, la commission européenne ou encore l’ONU ont lancé des avertissements au gouvernement français. Nous savons que l’histoire retiendra de Macron et de son gouvernement qu’il a répondu à une crise sociale par une ultra violence aveugle mais totalement calculée.
Reste à savoir si cette réponse sera appréhendée dans les cours d’histoire comme une réponse efficace (à défaut d’être morale), ou si elle aura au contraire accéléré le soulèvement de tout un peuple. Le 16 mars va, en ce sens, être un début de réponse. Tout reste encore possible.
Il nous reste 5 jours pour mettre toutes les chances de notre côté, en étant le plus nombreux possible dans les rues de Paris samedi.
A vous tous, il vous appartient de mobiliser votre entourage : amis, familles, collègues. En premier lieu ceux qui ont déjà participé à des rassemblements de GJ depuis quatre mois, et qui auraient peut être perdu la force. S’il n’y a qu’un seul samedi à consacrer à nouveau à la lutte, c’est celui là. Mais également à tous vos amis et familles qui n’ont pas encore franchi le pas mais qui partagent ce sentiment d’injustice sociale et d’indécence des plus riches et des plus puissants. Les tenants du pouvoir s’efforcent par tous les moyens à nous faire croire qu’aucun autre horizon n’est possible, et que le seul mécontentement possible est celui qui s’exprime dans le cadre de leurs règles, elles mêmes faites pour maintenir le système.
Mais leur pouvoir ne tient finalement qu’à un fil. Et sous leur apparence de fermeté et de tranquillité, Macron et son monde espèrent fortement que le mouvement s’essouffle (depuis le temps qu’on vous le dit). Car s’il ne s’essouffle pas, il suffira de souffler sur les braises pour que leur château s’enflamme.
Et si leurs remparts tombent, il sera alors bien plus facile d’aller les chercher.
GJ de Paris, redevenez des loups !
Initialement publié le 25 février 2019
En dehors du soleil et de la forte mobilisation, l’acte 15 parisien ne fut que déception et déconvenue.Sans un changement radical de stratégie, les actes du samedi n’ont plus aucune utilité pour la lutte.
En plus d’une désormais « traditionnelle » déclaration de la manif auprès de la préfecture (et donc d’un tracé décidé par les autorités) les milliers de Gilets Jaunes venus à Paris ont marché dans une « nasse géante et mobile » sur 15km : des forces de l’ordre occupant massivement les rues en début et fin de cortège et entourant totalement les GJ en faisant des cordons de policiers sur les deux côtés.
Cela ressemblait à une manif. Mais cela n’en était plus une. Les Gilets Jaunes étaient totalement parqués. Comme des bêtes. Sans aucune liberté d’action et de mouvement (en dehors de celle décidé par la préfecture).
Le pouvoir avait déjà tenté cette approche très radicale du maintien de l’ordre lors d’une ou deux manif contre la loi travail, mais avait dû renoncer face au côté anxiogène et aux affrontements qui en avaient découlés.
Lors de l’acte 15, les forces de l’ordre ont pu tranquillement tenir en laisse les milliers de manifestants sans être quasi inquiétées.
L’image est forte, terrible. Comment un mouvement social qui a connu autant de victimes (blessures, arrestations arbitraires, humiliations) peut-il se laisser mater aussi docilement par ses propres bourreaux ?
Les Gilets Jaunes clament que les moutons sont devenus des Loups. Mais quel intérêt d’être un loup si l’on accepte d’être tenu en laisse ?
Le problème n’est pas que cette stratégie policière puisse empêcher des violences mais qu’elle empêche tout (en dehors de marcher d’un point A à un point B). Les GJ n’ont ainsi pas pu faire d’arrêt, changer de tracé, occuper une intersection, bloquer la circulation ou faire fermer un magasin…bref aucune action de blocage ou de débordement n’a été possible. Difficile d’envisager quelque mouvement révolutionnaire dans ces conditions.
Or, la plupart des GJ se battent pour un changement radical du système. Un changement qui ne pourra se faire avec les personnes actuellement au pouvoir. On parle donc de renverser un pouvoir que l’on trouve injuste et inhumain.
On ne renverse pas un pouvoir en discutant et en négociant avec lui. Encore moins en lui donnant les clés de la gestion de ses propres rassemblements.
Les organisateurs de ces manif déclarées nous expliquent que ce cadre permet de rassurer le plus grand nombre de GJ et donc d’assurer une mobilisation importante. C’est totalement faux. Pourquoi ces rassemblements sont-ils depuis quatre semaines ceux qui rassemblent le plus sur Paris ? Tout simplement parce que les GJ cherchent un rendez-vous clair pour se réunir. Ce n’est pas le fait que la manif soit déclarée qui les motive, mais la certitude que la plupart des GJ seront à ce point de rdv. Cepedant, une fois pris dans le piège de la nasse géante, impossible d’en sortir.
D’autre part, nous rappellerons que les premiers actes sur Paris furent sans aucun doute les plus violents et insurrectionnels du mouvement, sans commune mesure avec les « violences » de ces dernières semaines.Et pourtant, la mobilisation n’a pas faibli les semaines suivant les actes les plus violents.
Mais une chose a profondément changé : le pouvoir n’a plus du tout peur. Souvenez-vous : le jour de l’acte 4, Macron était retranché dans un « bunker » présidentiel, avec un hélicoptère prêt à l’exfiltrer en cas de complication. Pour l’acte 15, le même Macron se promène au salon de l’agriculture.
Nous espérons un sursaut de la part des GJ qui se rendront aux actes parisiens dans les prochaines semaines. Que les loups refusent de se faire promener en laisse et retrouvent vraiment leur liberté. Ne pas chanter « Paris, debout, soulève toi » ou « tout le monde déteste la police » en restant escorté par les forces de l’ordre.
Nous avons alerté les organisateurs des manif parisiennes déclarées sur le danger de cette stratégie. Si elle permet à ces quelques personnes de s’offrir une visibilité « médiatique » et une pseudo légitimité, elle se révèle dangereuse, voire même mortelle, pour la suite du mouvement.
Nous savons que ces personnes ne changeront pas d’avis et continueront à déclarer les manifs et à travailler « main dans la main » avec la préfecture et le pouvoir.
Reste donc à savoir comment agir collectivement face à cette situation. Cela doit probablement passer par le refus de rejoindre ces manifestations « officielles », et de proposer d’autres points de rdv. Avec le risque de dispersion que le mouvement parisien a connu courant décembre. Mais il en va de la survie du mouvement.
500 loups en liberté et déterminés seront toujours plus dangereux que 5000 loups domestiqués et résignés.
Parce que c'est notre victoire !!!
Initialement publié le 19 février 2019
Les semaines passent, et la situation n’évolue pas.
Le gouvernement campe sur ses positions. Aucune démission, aucun remaniement, aucune élection anticipée.
De l’autre côté, les Gilets Jaunes restent fortement mobilisés et déterminés. Trois mois de mobilisation tout azimut, et ce, malgré une vague répressive sans précédent :
– 8 400 interpellations
– 1 800 condamnations
– 2 000 blessés dont 400 gravement (ainsi qu’un décès que le gouvernement tente de faire oublier)
A cela s’ajoutent les blessures morales qu’infligent en permanence le pouvoir et les médias dominants aux Gilets Jaunes, tantôt accusés d’être insensibles aux questions écologiques, tantôt d’être racistes ou sexistes. Et en permanence, d’être des assoiffés de violence et de chaos.
Trois mois après le début du mouvement, malgré un tel bilan de blessés, d’interpellés et une telle campagne de discrédit, des dizaines de milliers de Gilets Jaunes continuent de lutter, avec dignité et courage. Qu’importe les risques physiques, judiciaires et d’images auprès de leurs proches.
Il s’agit d’une énorme victoire pour le mouvement. Une victoire qui semble difficile à saisir et à verbaliser puisqu’elle ne contient aucun recul du pouvoir, aucune démission, aucune concession. Mais elle est peut être plus importante qu’une victoire circonstancielle, dans le sens où elle permet de faire évoluer les mentalités et des dynamiques au sein des classes populaire et des laissés-pour-compte.
Les puissants se sont efforcés à présenter le mouvement comme une force réactionnaire, anti taxe, égoïste et portée sur la haine de l’autre. Sur le terrain, les Gilets Jaunes ont créé des maisons du peuple, des assemblées populaires, des groupes autonomes et autogérés. Ils ont construit des passerelles entre les laissés-pour-compte ruraux et ceux des banlieues défavorisées. Ils ont rejeté tous ceux qui ont tenté d’instrumentaliser le mouvement et d’en faire un parti politique. Ils rejettent également en masse l’idée de service d’ordre et même de déclaration des manifestations auprès de la préfecture. Les Gilets Jaunes ne deviendront ni un parti politique, ni un syndicat. Ils ne tomberont pas dans le piège du pouvoir qui, par le biais d’avantages et de postes, ont transformé des forces d’opposition en garde fou du système.
Jours après jours, semaines après semaines, mois après mois, entre chaque manifestation et occupation, des citoyens apprennent de nouvelles pratiques politiques et expérimentent un nouveau vivre ensemble. Une nouvelle façon de résister également.
Car c’est bien là l’essence du mouvement et sa force subversive : les Gilets Jaunes, en se rencontrant sur les ronds points, dans les assemblées ou en manifestation, se rendent compte que le système n’est fait que pour rendre les puissants encore plus puissants (et riches) et leur donnent les miettes nécessaires pour éviter un soulèvement. Se rendre compte de la situation est déjà éminemment subversif. Qu’importe comment le pouvoir va tenter de sortir de cette crise, ces dizaines de milliers de citoyens voient désormais clair dans le jeu des puissances (politiques, économiques et médiatiques).
Nous savons désormais que le pouvoir ne lâchera rien. Lâcher un petit peu, c’est donner raison aux Gilets Jaunes et prendre le risque de devoir lâcher plus.
Mais nous savons également que les Gilets Jaunes ne lâcheront rien non plus.
Nous sortons donc du contexte d’un « simple » mouvement social pour entrer dans une bataille au long court pour renverser le système en place. Une bataille avec des épisodes insurrectionnels mais aussi des moments moins spectaculaires mais tout aussi structurants de rencontres, de débats et de construction de nouveaux processus démocratiques.
Le printemps qui arrive sera celui de tous les possibles. Nous savons que le mouvement va perdurer jusqu’à l’été. A nous de profiter de ces moments de manifestations, d’AG, d’occupation, de blocage, pour créer des liens, pour lancer des initiatives, pour écrire l’histoire, notre histoire.
Les Gilets Jaunes ont bien compris que le pouvoir tente de nous faire croire que rien n’est possible en dehors du système libéral actuel. Que les seules alternatives sont celles de régimes autoritaires et réactionnaires. Mais nous savons que tout cela n’est qu’une illusion qui permet de maintenir leurs privilèges.
Ils nous veulent dociles et résignés. Nous serons farouches et rêveurs.
Ils nous veulent diviser et haineux. Nous serons solidaires et fraternels.
Ils nous veulent loosers. Nous serons victorieux.
Crédit photo : Samuel Boivin