De quoi CND est-il le non ?

Initialement publié le 22 août 2020

Depuis quelques semaines, les publications de CND font l’objet de commentaires très négatifs, souvent agressifs. Qu’il s’agisse de posts sur des mobilisations antiracistes, féministes, des révoltes au Liban ou en Biélorussie, ou même des Gilets Jaunes. On pourrait se dire que c’est le « jeu » des réseaux sociaux, surtout pour un média des luttes sociales et politiques. Sauf que la page existe depuis près de 8 ans, avec une audience importante depuis le début des Gilets Jaunes. Et que c’est la première fois que nous connaissons un tel afflux de commentaires « contre » nos publications. Pour ne pas dire contre CND.

Cela ne nous empêche pas de dormir, et nous ne pensions pas écrire sur le sujet. Mais de nombreuses personnes nous ont envoyé des messages pour nous alerter sur ces commentaires et nous demander des explications.

Nous avons fait le choix de ne bannir et supprimer que les messages racistes, homophobes, sexistes, ou d’incitation à la haine. Tous les autres commentaires restent visibles, y compris ceux qui nous dénigrent. C’est un choix. Celui de la liberté d’expression et du respect des différences de points de vue.

Mais il convient d’expliquer et de contextualiser cet afflux massif de commentaires négatifs, qui a commencé fin mai. Que s’est-il passé à cette période ? La mort de George Floyd et le mouvement BLM, que nous avons abondamment couvert. S’en sont suivies de nombreuses mobilisations françaises antiracistes et contre les violences policières, notamment à l’initiative du Comité Adama.

Cela a provoqué des centaines de commentaires et messages privés d’insultes (voire de menaces). Pourtant, il ne s’agissait en rien d’un changement de positionnement de CND, qui a connu sa première grosse visibilité dès l’acte 2 des Gilets Jaunes, grâce à un événement facebook que nous avions créé : « Gilets Jaunes anti racistes ». Dès l’acte 3 nous faisions un événement coorganisé par le Comité Adama.

Nous n’avons donc jamais « avancé masqué » sur la question de l’antiracisme. Ni sur celle de l’homophobie ou du sexisme. La page est ouverte à toutes les idées et nous postons des points de vues contradictoires, mais avec comme seule ligne le respect de tous et des différences. Cela laisse un spectre très large d’opinion.

Une petite partie de notre audience a probablement été « surprise » de cet antiracisme assumé. Des gens qui avaient connu notre média en cours de route, à un moment où les questions de racisme n’étaient pas aussi présentes. A ceux-là, nous leur disons que notre plateforme sera toujours du côté de ceux qui combattent les oppressions.

Mais nous pensons aussi qu’une bonne partie de ceux qui nous attaquent/dénigrent n’ont jamais été « fans » de notre média. Nous le voyons puisque plus de la moitié des personnes que nous devons bannir suite à des commentaires racistes ne « likent » pas la page au moment du commentaire.

Nous savons aussi que notre page fait l’objet d’attaques coordonnées de certains groupes. Cela a été le cas il y a un an avec des militants macronistes ou d’extrême droite. A l’époque, nous avions trouvé des posts dans des groupes facebook (notamment pro police) qui appelaient à faire des signalements massifs et coordonnés de nos publications. Entre le printemps et l’automne 2019, nous avons subi au moins 4 blocages majeurs de notre page facebook. A chaque fois, nous avons fait appel et avons sensibilisé notre audience à ces censures abusives.

Mais depuis plusieurs mois, cette tendance semble s’être calmée. Il n’est pas déraisonnable d’envisager que ces groupes voulant porter préjudice à CND ont changé de tactique : plutôt que signaler nos posts en espérant que la page soit bloquée (voire supprimée), ils décident de commenter nos publications de façon négative dans l’optique de décrédibiliser notre page. Créer un bruit et une ambiance négative autour de nos contenus.

La stratégie est d’autant plus gagnante pour eux puisqu’elle permet de ternir l’image de CND mais aussi de faire fuir certaines personnes lassées de lire des commentaires aussi haineux et agressifs. Nous avons d’ailleurs reçu des dizaines de messages de personnes qui nous suivent depuis longtemps et qui, n’en pouvant plus de ces commentaires, envisagent de se désabonner.

L’idée est aussi de faire germer quelques doutes sur les intentions de notre page. A force de lire plusieurs fois par jour en commentaire, que CND est financé par Soros, certains de nos abonnés peuvent légitimement se dire qu’il n’y a peut-être pas de fumée sans feu. Qu’après tout, si tant d’internautes l’écrivent sur nos publications, cela ne doit pas sortir de nulle part.

En effet, cela ne sort pas de nulle part. Il s’agit de quelques petits groupes qui ne voient pas d’un bon œil que CND et d’autres médias indépendants connaissent une forte audience tout en assumant un positionnement antiraciste. Du coup, l’objectif est de dire que ces médias ne connaissent un succès que parce qu’ils ont derrière une force de frappe financière.

Quand nous postons des contenus qui couvrent le mouvement Black Lives Matter, c’est donc selon ces groupuscules, Soros qui nous finance. Quand nous postons sur la révolte à Hong Kong, c’est le gouvernement américain. Quand on poste sur les révoltes sud américaines, c’est l’œuvre de la Russie ! Etc…

Cette situation s’inscrit également dans un contexte général très propice au développement de ces attaques par « petits groupes » sur les réseaux sociaux. 50 ou 100 personnes très organisées et actives peuvent aujourd’hui créer une vraie force de frappe en ligne, et en convaincre plusieurs milliers. Tout cela dans un contexte où les mouvements sont de plus en plus internationaux. N’oublions pas que l’année 2020 est celle des présidentielles aux USA et que l’arrivée de nouveaux trublions des réseaux comme le Qanon ne relève pas du hasard du calendrier. Et même si ce mouvement complotiste/pro Trump pèse principalement sur les réseaux anglo-saxons, son poids en France commence à être assez sérieux et inquiétant.

Nous tenions à faire ces éclaircissements en cette période où tout semble confus. Non pas pour nous justifier, mais pour tenter d’expliquer à ceux qui nous suivent et nous apprécient, le pourquoi et comment de cette arrivée massive de commentaires négatifs.

Pour terminer, nous rappelons donc que CND est animé par plusieurs personnes, avec des points de vues parfois différents sur certaines questions, et qui laisse la porte ouverte à d’autres prises de positions (tribunes, vidéos…) extérieures, qui permettent d’alimenter un débat sur les questions de société. CND a aussi vocation a relayer des contenus de médias alternatifs pour leur donner une plus forte visibilité. Parmi ces médias, tous n’ont pas la même ligne éditoriale.

A chaque fois, notre seule ligne de front est celle du respect de tous. Nous combattons le racisme, le sexisme, l’homophobie et toutes les formes d’oppression.

Et même si quelques dizaines d’internautes tentent de faire croire le contraire, nous pensons farouchement que ces combats ne sont pas des éléments repoussants pour de nombreux militants, qu’ils soient syndicalistes, Gilets Jaunes ou simple citoyens en colère.


Bas les (anti) masques

Initialement publié le 8 août 2020

BAS LES (ANTI) MASQUES

La situation actuelle nous semble nécessiter une mise au point concernant le mouvement « anti masques ».

CND n’est pas, a priori, ce qu’on appelle un média complaisant envers le pouvoir et le système. On nous reproche même d’être trop dans la critique du gouvernement.

Pourtant, nous ne pouvons relayer ou encourager les attaques actuelles contre l’efficacité du port du masque, voir même sur la remise en cause du Covid et de son impact sani taire.

Dès le début de la crise, nous avons dénoncé le manque de masques pour le grand public. Surtout, nous avons crié notre colère face aux mensonges du pouvoir, et des « experts médiatiques » qui clamaient que le masque était totalement inutile (voir même contre-productif) pour la population. A l’époque, on nous traitait de complotistes ! Cette conviction que le masque était un élément important pour ralentir la propagation du virus, nous l’avons acquis auprès d’études et de chercheurs étrangers. Avant le Covid 19, la planète avait déjà connu de nombreuses épidémies meurtrières. Notamment en Asie. Différentes études de ces crises ont montré à quel point l’usage massif du masque par la population contribuait à ralentir la propagation de ces virus.

Si Macron et son gouvernement ont prétendu le contraire pendant des semaines, c’est à nos yeux moins par incompétence que par choix stratégique pour éviter une panique générale (la France étant à ce moment en pénurie).

Maintenant que les stocks sont suffisants, le pouvoir change totalement de discours (et les médias du pouvoir avec). Le masque serait l’unique solution pour éviter une deuxième vague.

Si ce changement de discours est risible (et grave), il n’empêche que l’usage massif du masque par la population reste objectivement un des leviers pour freiner la remontée du virus. Nous ne voyons pas comment il est aujourd’hui possible de remettre en cause ce fait. Les masques ne nous protègent pas à 100% mais réduisent très fortement la propagation. Le porter permet bien plus de protéger les autres que de se protéger. Et c’est essentiel.

Loin de nous la perte d’envie de dénoncer le cynisme de Macron et de son monde, y compris dans la gestion du Covid. Mais il y a malheureusement bien des sujets sur lesquels se focaliser pour ne pas avoir à en créer un de toute pièce : demander des masques gratuits, notamment pour les plus démunis, dénoncer les mesures liberticides, le traçage de nos vies sous prétexte sanitaire, les abus d’une police qui s’est sentie toute puissante en période d’état d’urgence sanitaire, les choix politiques qui se font pour les patrons des grandes entreprises et sur le dos des plus précaires, le manque de mesures sanitaires pour les travailleurs…

L’un des principaux arguments des anti-masques à travers le monde est de pouvoir « avoir le choix ». La liberté individuelle. Mais où étaient ces milliers de défenseurs des libertés au moment du confinement ? En France, où étaient-ils quand des personnes se sont fait tabasser par la police pour être sorti sans autorisation ou pour avoir dépassé la distance de son domicile ? On entendait personne à ce moment là. Mais là, quand il s’agit de défendre sa liberté fondamentale de ne pas porter un masque de protection…C’est une toute autre histoire. Étrange histoire à nos yeux.

Et puis il y a les soignants. Ces travailleurs en première ligne, qui ont payé au prix fort les erreurs politiques et économiques de la France, notamment par manque de masques et de combinaisons. Ces soignants que nous avons applaudi tous les soirs à 20h. Ces soignants que nous avons accompagné en manifestations dès les premiers jours de déconfinement. Ces soignants qui restent farouchement en colère contre Macron et son gouvernement, mais qui continuent de nous dire qu’il faut plus que jamais porter un masque pour éviter de se retrouver dans une nouvelle séquence où les hôpitaux seraient totalement saturés. Et lors de laquelle ils devraient « choisir » quels patients soigner.

Cette réalité, qui peut la nier sans salir la mémoire des milliers de morts et le travail de centaines de milliers de soignants ?

Alors, oui, nous continueront à dénoncer ce système et ceux qui en profitent, y compris sur la gestion du Covid. Mais non, nous n’irons pas remettre en question l’intérêt du port du masque.


Ce qui se passe à Portland est observé de près - témoignage de Gwenola Ricordeau

Initialement publié le 29 juillet 2020

Je suis arrivée à Portland (Oregon) hier, lundi 27 juillet. Ça fait donc environ 24 heures que je suis ici – je suis venue de Californie du Nord où j’habite car depuis une semaine Portland est au centre de l’attention des médias, des militant.e.s, des politiques… Je voulais en savoir plus sur les seules images que je voyais sur les réseaux sociaux et à la télé qui laissaient penser que la ville était en train de s’embraser !

« America never was America to me » : référence au poème de Langston Hughes écrit en 1935, qui parle du rêve américain qui n’a jamais existé pour l’Américain des classes pauvres et de la liberté et de l’égalité que chaque immigrant espérait mais n’a jamais reçues.

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur le contexte : Portland, une ville où les mouvements syndicalistes et anarchistes ont une longue tradition, les mobilisations aux USA qui ont suivi le meurtre de George Floyd, la campagne présidentielle… Mais pour aller à l’essentiel : y a une semaine, le Président Trump a envoyé à Portland les « Feds » (des agents fédéraux – des forces de police fédérales) contre l’avis des pouvoirs locaux (État de l’Oregon et municipalité de Portland notamment). Trump prétend, par l’envoi de ces agents, protéger les bâtiments fédéraux, mais surtout rétablir l’ordre dans cette ville où il y a eu environ 60 manifestations massives depuis le meurtre de George Floyd fin mai. Ce qui se passe à Portland est observé de près car l’envoi des Feds dans ce genre de contexte (de manifestations) est rare (il est routinier pour le contrôle des frontières, la répression des mouvements dans les centres de rétention…). Cela pose brutalement la question de la répression des droits politiques (les Feds ont notamment procédé à des brèves arrestations de manifestant.e.s) et de la démocratie (quid de la prise de décision par des personnes élues localement ?) dans un contexte de campagne présidentielle où Trump est nettement en perte de vitesse et cherche à remobiliser sa base – en apparaissant comme l’homme du parti de l’ordre (« Law and Order »).

« Violents anarchistes distribuant des boissons énergisantes »

En ce moment, les manifestations sont très concentrées au centre-ville autour d’un parc avec d’un côté la mairie, de l’autre la cour fédérale et la maison d’arrêt du comté. Tous les soirs, à la nuit tombée, des milliers de gens se rassemblent. En permanence, il y a des tentes installées avec des volontaires qui assurent des soins médicaux (« street medics ») et fournissent des repas gratuits 24/24. L’équipe de volontaires qui cuisine en permanence a fermé son appel aux dons après avoir reçu plus de 300’000$. 
Hier soir a été un soir qui a ressemblé aux autres selon tous les gens avec qui j’ai pu parler. A la grosse centaine de personnes qui étaient sur place vers 18 heures et qui pour certaines s’occupaient de taches collectives comme la nourriture, les soins…, se sont ajoutés de plus en plus de gens.

Tente médic et Free shop

Ce qui marque au premier abord, c’est la diversité de la foule réunie. Y a beaucoup de jeunes, mais j’ai aussi parlé avec une dame qui avait manifesté contre la guerre au Vietnam. Et puis, il y a les « Mamans », qui s’habillent en jaune et se mettent en ligne ensemble devant la police : elles sont plusieurs dizaines tous les soirs et leur groupe s’est constitué de façon informelle après qu’un jeune ait été grièvement blessé par la police. Il y a aussi les « Papas » qui ont décidé de se mobiliser (ils sont moins nombreux que les « Mamans ») et certains d’entre eux portent des souffleurs aspirateurs ordinairement utilisés pour le ramassage des feuilles mortes mais qui peuvent très utilement aussi repousser les nuages de gaz lacrymogènes. Et puis il y a aussi les vétérans… Dans le contexte des vastes mobilisations #BLM et par rapport aux manifestations d’autres grandes villes, on peut être surpris du relatif faible nombre de Noirs et d’autres minorités ethniques. Mais Portland est une ville très blanche en raison de la longue histoire du suprématisme blanc dans l’Oregon : la dernière loi interdisant aux Noirs de s’installer dans l’État a été abolie en 1926.

Wall of moms, Portland

Vers 21h, alors qu’il y avait plusieurs milliers de personnes rassemblées dans le parc et devant le bâtiment fédéral et la cour du comté, des prises de parole, ponctuées de slogans, ont commencé dans un endroit. Ailleurs (devant le bâtiment fédéral), les manifestant.e.s faisaient face aux grilles aménagées spécialement pour défendre le bâtiment et qui résistent très bien aux assauts répétés… Vers 22h, les prises de parole ont cessé : certaines personnes ont commencé à quitter le rassemblement, mais d’autres arrivaient encore… Et comme tous les autres soirs, la police a invité les manifestant.e.s à rentrer chez eux par haut-parleur, indiquant que le rassemblement était désormais considéré comme illégal. Vers 23h30, les premiers tirs de lacrymogènes ont commencé, ne dispersant qu’une petite partie des manifestant.e.s qui sont pour beaucoup équipées en masques. J’ai quitté les lieux vers minuit et quart – alors qu’il y avait encore sans doute un millier de manifestant.e.s… Mais tout le monde m’a assuré que ce ne serait que partie remise pour ce soir.

Je vais donc être à nouveau sur place à partir de 21 h (heure locale), soit 6 heures du matin (heure française, mercredi) – si vous voulez me suivre sur Twitter (@g_ricordeau), je vous donnerai des nouvelles !

J’ai été réveillée par les grenades. Regardez #PortlandProtest pour suivre ce qui se passe. Moi je retourne essayer de dormir 😴 🔥 https://t.co/W2BZdMiEh0

— Gwenola Ricordeau (@G_Ricordeau) July 29, 2020

Souffleur Makita pour repousser les gaz lacrymogène

MULTICOLORES SOUS NOS CAGOULES ! discours contre l'impérialisme, le colonialisme et le capitalisme

Initialement publié le 24 juin 2020

Quand la sincérité est une arme fédératrice, un uppercut pour le parti de l’ordre. La scène se passe le 20 juin, lors de la commémoration pour Lamine Dieng. Ian du collectif Désarmons les, livre un discours coup de poing, une parole de combat rappelant que du black bloc aux luttes anti-colonialistes en passant par les émeutes de banlieues, il n’y a qu’une force multicolore et populaire qui se dresse pour l’émancipation, contre l’impérialisme, le colonialisme et le capitalisme.

Merci à SmartShoot78 et Street Live, pour les images

https://www.youtube.com/watch?v=1IlzH5qtJPE

Je m’appelle Ian, je fais partie d’un collectif qui se bat contre l’Etat et ses milices, Désarmons-les.

Je suis venu parler de notre histoire, de résilience et d’insurrection.

Il faut se rappeler d’où on vient pour comprendre ce qu’on est devenus.

Moitié allemand, je suis le petit-fils d’un sous-officier de l’armée nazie. On ne choisit pas son passé familial. Mais c’est en regardant l’histoire en face qu’on apprend. C’est en la regardant que je suis devenu antifasciste. Pour ne jamais reproduire les saloperies du passé.

Cette semaine, nous avons pleuré la mort de l’un des témoins de cette lointaine période en noir et blanc, Maurice Rajsfus. Maurice était un grand homme de famille juive qui a voué sa vie à dénoncer l’institution policière après que ses parents ont été déportés par la police française et assassinés dans les camps nazis. Je suis heureux d’avoir croisé le chemin de Maurice qui, sans le savoir, m’a permis de boucler une boucle. Si je pouvais, je lui rendrai un hommage dans toutes les langues du monde.

Car il faut aussi savoir regarder ailleurs, hors des frontières, pour comprendre ce que le mot « système » signifie. Violence systémique, racisme systémique…

Le 26 juillet 2014, j’ai vu un homme de 17 ans se faire tuer devant moi en Palestine, lors d’une manifestation devant le check-point de Qalandia, la tête perforée par une balle israélienne. Son nom était Muhammad Al-Araj. Une opération de maintien de l’ordre, dans une démocratie. Cette année a été pour moi la confirmation que le colonialisme, c’est la mort. Car le colonialisme, c’est l’extension du capitalisme par la violence armée.

Et ce colonialisme se poursuit, ici, maintenant, dans les quartiers populaires d’une part, mais aussi dans l’esprit nauséabond d’une partie importante de la population française.

A l’heure où l’exécution insoutenable de George Floyd a réveillé le souvenir des luttes noires américaines, il faut relire et réécouter les Black Panthers, Frantz Fanon, Angela Davis, pour comprendre qu’on ne combat pas le capitalisme sans combattre le racisme, et qu’on ne combat pas le racisme sans combattre le capitalisme. Et dans la sagesse politique de ces révolutionnaires noirs, il y avait un universalisme puissant qu’on tend à oublier : à cette époque, Alger était la mecque des Révolutionnaires, et toutes les couleurs de peau menaient un combat commun contre l’impérialisme, le colonialisme et le capitalisme.

Il est temps de se le dire : nous sommes tous légitimes dans ce combat !

En 2005, il y a exactement 15 ans, lors du contre-sommet du G8 en Ecosse, j’ai participé au Black Bloc, constitué à mes yeux des seuls êtres politisés qui ne négociaient pas leurs droit d’exister avec les autorités. Et derrière le noir des cagoules, il y a des êtres multicolores. Le Black Bloc existe aux USA, à Hong Kong, à Beyrouth et à Santiago. Pour eux, pour nous, il s’agit de rendre coup pour coup, de répondre à la violence hégémonique de l’Etat, qui s’abat au quotidien sur tous les pauvres. Des pierres contre des fusils.

« Tant que la Justice ne sera que violence, la violence du peuple ne sera que justice »

Fin 2005, je me suis donc trouvé tout naturellement aux côtés des émeutiers de banlieues qui, suite à la mort de Zyed et Bouna, ont laissé exploser leur légitime colère face à la saloperie de ce monde, qui honore les tortionnaires et écrase les humbles. Etions-nous de la racaille ? Oui, nous en étions !
Des pierres contre des fusils.

Sarkozy a été notre cauchemar.
Un mois après son investiture, sa police étouffait Lamine Dieng.

Six mois plus tard, sa police tuait Laramy et Moushin en tamponnant leur moto à Villiers le Bel, entraînant, comme à chaque fois que la police tue, son cortège d’émeutes.

Des émeutes écrasées avec le consentement muet de la majorité, cette même majorité qui s’est tue lorsqu’on déportait des juifs, qui s’est tue encore quand on jetait des Algériens dans la Seine, celle-là encore qui est sortie dans la rue par milliers pour soutenir l’escroc De Gaulle et mettre fin à la révolte de mai 68, trop effrayée par la liberté. Cette majorité qui écoute docilement les immondices de CNews et BFM TV.

En 2007 toujours, le Lanceur de balles de défense faisait sa première victime, crevant l’oeil d’un lycéen de Nantes, Pierre. Nous venions d’entrer dans l’ère du Flashball.

Moi cette année là, je découvrais les violences policières contre les migrants de Calais. Je dormais avec un groupe d’amis afghans et presque chaque matin, les CRS venaient les réveiller à renfort de matraque et de gaz en criant
« Café croissants ! ». Hilares.

Humour de porcs, comme en 42. Etonnament, on ne crie plus CRS-SS. Est-ce trop radical ?
La police humilie, frappe, mutile et tue. C’est son métier, où qu’elle se trouve.

Alors si l’on prétend combattre les violences policières, il faut s’attaquer radicalement à leur source : l’Etat lui- même, où qu’il se trouve ! L’apartheid ne vise pas qu’une couleur, il s’adapte en fonction du contexte : l’Etat neutralise indistinctement tous les corps indociles, dans une guerre de basse intensité.

Ce que j’appelle de mes vœux aujourd’hui, ce n’est pas une réforme de la police. Il ne s’agit pas de remplacer la guillotine par la chaise électrique ou la clé d’étranglement par le taser !

De la même manière que le capitalisme, la police n’est pas réformable. Ils doivent être abolis.

Et pour les abolir, nous n’avons pas le choix. Je suis de la génération Zyed et Bouna. Ce n’est pas d’une fausse révolte instagramable que nous avons besoin, mais d’une intifada globale. Des ghettos juifs de 42 aux camps de réfugiés palestiniens et syriens, des quartiers de Beyrouth à ceux de Minneapolis, des rues de Santiago à celles d’Alger, Paris ou Argenteuil.

A Désarmons-les, nous travaillons ces liens, patiemment et avec humilité. Que l’Etat se tienne sage !

Hommage à toutes les victimes de crimes racistes et sécuritaires !


FÊTE DE LA MUSIQUE : UNE EXTENSION DU DOMAINE DE LA LUTTE MALGRÉ ELLE

Initialement publié le 22 juin 2020

Un an après la mort de Steve à Nantes, la fête de la musique a une nouvelle fois été attaquée par la police et la gendarmerie. A Paris, la police semait la terreur en évacuant la rue de Lancry, sans hésiter à user de la matraque sur les fêtards, pendant qu’à Nantes la gendarmerie noyait le cortège festif sous les lacrymos.

S’il est un signe que nous sommes entrés dans une nouvelle ère, en voilà un de plus. Toujours un de trop. En France, la police frappe les fêtards. En France, l’Etat met en danger de mort la population lorsqu’elle sort simplement danser sur son sol, sur son territoire. En France, on argue d’un risque du Covid pour des fêtes en plein air, mais on s’accommode des municipales en lieu clos. La science établit des liens entre municipales et contagion, mais c’est dehors à l’air libre, dans l’espace populaire, que règne l’interdiction et la répression.

A Nantes hier, chacun a pu assister à une drôle de fête. A une fête de résistance. Les interdictions proclamées par le Préfet Claude d’Harcourt, déjà en place quand Steve est mort, ont été bravées. Comme un peu près toutes les interdictions de manifestations en France ces dernières semaines.

A la manière de ce camion sono emportant un bon millier de personnes en cortège festif hier à Nantes, la multitude d’individus présents a su inventer, a su oser. Comme par un geste naturel qui ignore les entraves qu’on s’apprête à lui mettre, le dispositif de gendarmerie a pendant un bon moment été balayé, ignoré. Méprisé comme il se doit. Au nom de quelque chose de vital. Au nom d’un droit écrit nulle part comme tel, celui de vivre et s’exprimer à nombreux quand c’est interdit, surtout quand c’est interdit.

La liberté a cependant fini par être rattrapée. La fête de la musique 2020 à Nantes était en cavale hier. On n’aurait jamais cru possible d’écrire « cavale » et « fête de la musique » dans la même phrase, mais c’était sans compter le climat répressif et brutal qui sévit en France avec Macron et ses préfets criminels. Le camion et son conducteur ont ainsi été rattrapés. Le conducteur toujours en garde à vue risque gros et de payer à titre d’exemplarité car le pouvoir n’aime pas être défié. Le conducteur va avoir besoin de soutien très vite.

Le camion sono et la fête prise dans les lacrymos. Photo : Nantes Révoltée

Nous n’avons d’autres choix que de rentrer en résistance et de se serrer les coudes, car la fête est maintenant devenue malgré elle un espace où il faut lutter. On n’oubliera pas qu’avant cela, celle et ceux qui faisaient vivre la fête libre comme Steve Maia Caniço étaient déjà depuis longtemps les cibles de la répression.

En France en 2020, l’Etat transforme officiellement la joie libérée en comportement criminel. Soyons fortes forts et solidaires pour savoir briser les chaines qui se resserrent. Non loin de Nantes, dans le bocage, il y a la Zad. Et là bas, on avait coutume de dire : Nous sommes la nature qui se défend. Cette phrase vaut maintenant partout.

Pour soutenir le conducteur du camion son et les autres inculpé.es de la soirée du 21 juin, pour ne pas laisser la répression se déchaîner sur eux sans réactions, les proches recherchent des témoignages sur les violences policières ce soir là, des vidéos, du soutien financier. Il est possible de leur écrire à soutienrepression21nantes@riseup.net

Vidéos

Nantes sous les gaz : https://twitter.com/CerveauxNon/status/1274814048442421248
Paris sous les matraques : https://twitter.com/CerveauxNon/status/1274790043790573568

La chanson pour l’auvergnat de Brassens, taguée et adaptée pour Steve dans les rues de Nantes. Photo : Marion Lopez
Photo : Nantes Révoltée

8 mesures pour abolir la police

Initialement publié le 18 juin 2020

Ce texte et ces visuels sont une traduction (et adaptation à la situation française) du projet américain 8ToAbolition.
Réalisé par Anarchaud

Un monde sans prisons ni police, où nous pouvons être en sécurité.
Nous croyons en un monde sans meurtre policier car sans police.
L’Abolition ne peut pas attendre.

8 parties :
1. Démanteler la police,
2. Démilitariser les communautés,
3. Interdire le fichage,
4. Libérer les prisonniers prisonnières,
5. Abroger les lois qui criminalisent la survie,
6. Investir pour l’autonomie de la communauté,
7. Fournir un logement sûr à tous toutes,
8. Investir dans l’entraide, pas dans la police.

1. Démanteler la police :
Exiger la baisse du budget de la Police jusqu’à ce qu’il soit de zéro ; Exiger que la Police soit responsable des fautes et des recours à la violence ; Supprimer l’IGPN, IGGN ; Réduire le pouvoir des syndicats policiers ; Abolir les programmes et lois de confiscation des biens ainsi que l’outrage à agent ; Mettre fin à la prise en charges des frais judiciaires de forces de l’ordre et leurs proches par l’Etat ; Retirer toutes les technologies de surveillance ; Retirer la Police de toutes les écoles ; Interdire les plans d’innovation privé-public qui bénéficient de correctifs technologiques temporaires pour des problèmes systèmique d’abus et de violences policières.

2. Démilitariser les communautés :
Désarmer les forces de l’ordre, y compris la Police, les Gendarmes et la Sécurité Privée ; Mettre fin aux contrats entre la police et les compagnies privées qui fournissent des technologies de surveillances aux forces de l’ordre ; Renoncer aux programmes de militarisation de la police ; Interdire les formations militaires aux forces de l’ordre et séparer la Gendarmerie de l’armée ; Cesser l’exportations d’armes ; Abroger toutes les lois qui protègent, excusent ou permettent les fautes policières.

3. Interdire le fichage :
Cesser les contrôles d’identité, le délit de faciès, le fichage des populations ; Interdire le relevé des empreintes et de l’ADN ; Interdire les applications policières permettant le fichage notamment des personnes LGBTIQ+ ; Démanteler la BAC, la BRAV-M ; Mettre fin au plan VIGIPIRATE et abroger les états d’urgence ; Interdire la Fiche S sur la base de soupçons racistes et à but politique ainsi que les accusations infondées pour « apologie du terrorisme » ; Interdire les perquisitions et les assignations à résidence arbitraires ; Mettre fin aux comparutions immédiates.

4. Libérer les prisonniers prisonnières :
Fermer de manière permanente les prisons et les CRA ; Libérer les prisonniers prisonnières médicaux des hôpitaux… ; Mettre fin aux arrestations obligatoires qui mènent à la criminalisation des survivantes de violences genrées ; Rejeter les « alternatives à l’incarcération » qui sont carcérales par nature ; Réduire le nombre d’arrestations ; Baisser les financements des bureaux des procureurs ; Mettre fin à la détention provisoire, aux surcis ; Libérer toutes les personnes en détention provisoire et pour violation de la libération conditionnelle ; Rendre libres toutes les communications entre et par les prisonniers prisonnières ; Mettre fin à la détention des personnes immigrées, à leur criminalisation et laisser les personnes sans-papiers venir chez elles.

5. Abroger les lois qui criminalisent la survie :
Abroger les lois criminalisant les personnes impliquées dans le travail du sexe, la vente de drogue et l’économie de rue ; Abroger les lois criminalisant l’occupation de l’espace public, en particulier pour les personnes sans-abris et les gens du voyage ; Abroger les statuts qui criminalisent les survivantes de violences genrées ; Mettre fin aux amendes et redevances associées aux procédures judiciaires pénales ; Abroger les lois sur l’absentéisme précarisant les étudiants étudiantes bousiers boursières au Crous ; Abroger les lois contre la dissimulation du visage, y compris le port du voile.

6. Investir pour l’autonomie de la communauté :
Favoriser les conseils de voisinage comme corps représentatif au sein de la prise de décision municipale ; Déterminer les besoins de la communauté et investir dans des ressources à base communautaire ; Investir dans des approches de la santé public à base communautaire, y compris la prévention non-carcérale de la violence comme les programmes d’intervention et l’éducation basée sur les compétences lors d’interventions de témoins, le consentement, les limites et des relations saines.

7. Fournir un logement sûr à tous toutes :
Annuler le loyer sans charges de remboursement pendant le COVID-19 ; Réutiliser les bâtiments, maisons, appartements vides et hôtels pour loger les personnes sans-abris ; Interdire les expulsions ; Fournir un soutien sans équivoque aux personnes réfugiées et aux communautés cherchant l’asile ; Assurer que les survivantes des violences genrées aient accès à des options de logement alternatives ; Fournir des options de logements non coercitives pour les jeunes LGBTIQ+ victimes d’abus ou de rejets par leur famille.

8. Investir dans l’entraide, pas dans la police :
Investir dans l’enseignement et la santé, mentale y compris et soutenir les plannings familiaux ; Transport public gratuit ; Mettre fin à l’inégalité de financement des écoles en fonction de leur appartenance aux banlieues ; Installer des toilettes publiques gratuites sécurisées et non-genrées ; Assurer l’investissement des banques alimentaires, des coopératives d’épiceries, des jardins et des fermes à base communautaire ; Investir dans des programmes de jeunesse qui promeuvent l’apprentissage, la sécurité et le soin communautaire.


VIOLENCE. QUI EST LÉGITIME ? SOUTIEN À FARIDA

Initialement publié le 9 juin 2020

Macron l’a dit : nous sommes en guerre. Reste à savoir contre qui. Et avec qui. Mardi 16 juin à Paris, l’image de Farida violemment interpellée par la police a fait couler beaucoup d’encre.

De nombreuses personnes sont choquées par la violence de l’interpellation d’une soignante de 50 ans, qui a lutté pendant 3 mois pour soigner des patients du Covid, et qui a même été atteinte de la maladie.

Mais d’autres sont surtout choqués que certains puissent prendre sa défense alors que quelques minutes avant, elle faisait des doigts d’honneurs à la police et a même lancé des cailloux. Les médias et l’extrême droite se déchainent depuis quelques heures pour salir Farida et rendre son interpellation violente « légitime ».

Méprisés pendant leur mobilisation débutée il y a plus d’un an pour exiger plus de moyens et soudainement érigés en « héros » par ceux qui ont baissé les budgets, supprimé des milliers de lits, appauvri les personnels soignants pourtant déjà plongés dans le désespoir avant le covid. Pendant des mois, on a applaudi les soignants. On a dit que leur précarité était scandaleuse. Que leur colère était légitime. On a entendu parler de « blouse blanche / colère noire ». On a lu des « plus jamais ça ». Bref, le changement radical était la seule issue pour ne pas revivre un nouveau drame comme celui du Covid 19. A la fois pour le personnel soignant, en première ligne, et pour tous les citoyens.

On sait tous depuis des mois que les manifestations, même ultra massives, sont totalement ignorées (voire méprisées) par le pouvoir. En témoigne l’énorme mouvement de grève/manif contre la réforme des retraites, qui n’a strictement abouti à rien.

Pourquoi et comment le pouvoir a-t-il pu tenir alors que des centaines de milliers de personnes étaient dans la rue et en colère ? Grâce à sa police et à la répression, notamment sur les journées les plus massives à Paris.

Rien d’étonnant si certains soignants et usagers se disent que le combat dont on parle sera forcément un combat sur le terrain, et pas à coup de grand slogan, de sonos ou d’affiches.

Alors oui, lancer une pierre sur un policier est interdit. Ceux qui se prêtent à ce type d’actions prennent donc le risque d’être arrêtés et déférés devant la justice. Mais il n’y a aucune raison de traîner une personne par les cheveux, de lui refuser sa ventoline, ou de l’empêcher de donner son nom / prénom au moment de son interpellation. C’est à la justice de décider de la gravité et de la sanction de son jeté de pierre, pas à la police. Ou alors, on est clairement plus en démocratie.

On remarquera que de nombreux médias français qui couvraient les émeutes aux USA en expliquant les dégradations et les actes offensifs par un contexte de rage et d’impuissance des populations touchées par le racisme et les violences policières ne comprennent pas ici qu’un jeté de pierre résulte du même processus. Ou que ces mêmes médias ne se sont pas indignés lorsque des policiers ont lancé des pavés sur les manifestants (à Paris et Montpellier en 2019).

De tous temps, et partout dans le monde, jeter une pierre est souvent l’un des actes de révolte le plus immédiat. Surtout lorsqu’on est devant une police menaçante. C’est évidemment répréhensible pénalement. Mais cela est parfois légitime. Et cela a été souvent « glorifié » par le passé, que ce soit en France ou à l’étranger.

La violence se mesure à la justesse de la cause. Celle des soignants qui exigent simplement d’exercer dignement et qui en sont empêchés par l’Etat et son bras armé est tout à fait noble.

Alors oui, nous soutenons Farida, et refusons de la jeter en pâture sous prétexte qu’elle a balancé une pierre sur des policiers sur équipés. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises victimes des violences sociales et économiques. Et nous refusons d’estimer que l’attitude des policiers à son encontre est « normale » au vu de ce qu’elle aurait pu faire juste avant.

SOUTIEN A FARIDA !


NOS MAINS TENDUES FACE AUX BRAS TENDUS

Initialement publié le 9 juin 2020

Nul opportunisme. Nulle alliance contre-nature. Il n’y qu’amitié, solidarité et amour.

Samedi, dans les rues de Paris et partout en France, nous appelons les Gilets Jaunes à rejoindre massivement les différents rassemblements Black Lives Matter.
Des Gilets Jaunes s’offusquent d’un tel rapprochement ? Certains anti racistes refusent le soutien des GJ ? Ce n’est pourtant pas le moment de s’étouffer dans des puretés idéologiques.

« Ce mouvement est particulièrement complexe et protéiforme. D’un collectif à l’autre, les logiques et dynamiques semblent bien différentes. C’est aussi un mouvement qui évolue de jour en jour, et fait émerger une lame de fond qui couvait depuis longtemps dans la société. ». Cette phrase, nous l’avons écrit en novembre 2018 pour parler du mouvement GJ, qui secouait depuis quelques jours le pays. A l’époque, nous avions lancé notre premier événement CND : « Front de Gilets Jaunes antiracistes ». Nous précisions ensuite : « Nous devons accepter, et promouvoir, la diversité des profils, des méthodes et des objectifs de lutte. Mais, en ces temps particulièrement dangereux face au danger fasciste (Brésil, Italie, USA), nous nous devons de combattre cette peste brune sur le terrain et dans les luttes. Nous ne ferons reculer l’extrême droite qu’en remportant des batailles sociales contre un pouvoir aux abois détesté par le plus grand nombre. »

Dès cet acte 2, des membres du comité Adama soutiennent l’événement que nous avons lancé. La semaine suivante, pour l’acte 3, le comité lance son propre appel à rejoindre les GJ dans les rues de Paris. A l’époque, certains militants des quartiers populaires grognent et refusent de participer à ce mouvement arguant que ces gens là ne sont jamais venu soutenir les quartiers quand ils en avaient besoin, que ce soit face à la police raciste et violente ou face aux politiques d’abandon de ces quartiers. De la même façon que depuis quelques jours, certains GJ refusent de manifester contre les violences policières et son racisme systémique arguant que trop peu d’orgas des quartiers sont venues aux manifs GJ, qui ont connu une terrible répression de la part du pouvoir, de la police et de la justice.

Alors oui : trop de citoyens n’ont pas vraiment pris conscience du  racisme  qu’on pouvait vivre dans les quartiers. De la même manière que trop peu de personnes ont pris la mesure du traitement totalitaire et fascisant qu’ont subi les Gilets Jaunes. Mais que fait-on une fois qu’on a dit ça ? Chacun reste dans son coin et rumine le manque de solidarité passé ? Ou alors, on fait le premier pas. On tend la main. Et on prend conscience qu’au delà de nos différences, il y a surtout énormément de choses à partager et à construire ensemble.

Il n’y a que deux côtés d’une barricade. La force du pouvoir, c’est d’empêcher tous ceux qui ne sont pas de son côté d’oser s’approcher les uns des autres, pour être assez nombreux et assez forts pour le renverser. Car c’est bien de cela dont il s’agit. Pour nous, il n’y aura pas de véritable victoire sur le front du racisme sans que le pouvoir actuel soit renversé. Sans que le système actuel ne soit détruit. Pas plus qu’il ne pourrait y avoir de véritable victoire sur le front des luttes sociales sans que le pouvoir soit renversé. Sans que le système actuel ne soit détruit.

Une révolution, une vraie, ne peut se faire que de façon globale : sur le front social, écologique et des droits civiques. Lorsqu’on combat l’oppression, on ne peut la combattre que totalement, et lutter avec tous ceux qui sont victimes de ce système oppressif : les plus faibles. Économiquement et socialement. Se battre pour un monde plus juste et égalitaire pour tous ! pour toutes. L’émancipation ne peut être qu’inclusive. Ce combat est celui des Gilets Jaunes, car c’est celui de l’émancipation, de la dignité et de la justice sociale.

Et si tout cela peut vous paraitre totalement déconnecté des réalités du terrain, dites vous qu’il y a plus de 30 ans, dans l’Angleterre de Thatcher, la Gay Pride de 1985 a vu défiler en tête de cortège, des ouvriers du syndicat national des mineurs ! Un an plus tôt,  quelques militants homosexuels avaient créé l’organisation « Lesbiennes et gays en soutien aux mineurs » pour aider financièrement la grève historique en cours. Pour eux, les mineurs luttaient contre le même pouvoir et la même police. Un pouvoir qui détruit et qui opprime. Un pouvoir qui divise et qui stigmatise. Jugée contre nature et opportuniste, cette main tendue par une dizaines de militants a initialement été rejetée par les mineurs, avant que quelques dizaines de mineurs d’un village du Pays de Galle acceptent cette main tendue.

Il est tout aussi difficile d’être le premier à tendre la main que d’être celui qui accepte la main tendue. Mais rares sont ceux qui regrettent d’avoir fait l’un de ces gestes.

Alors, pour ne pas avoir de regrets dans quelques années, tendons nous la main. Dès samedi.


Témoignage : quand les normes sanitaires mettent en danger les personnes fragiles

Initialement publié le 5 juin 2020

Le témoignage d’E. gérante d’un poney-club au Pays-Basque.

Poney club fermé depuis le 17 mars.

Un discours d’une heure et tout le monde enfermé chez soi, comme si tout individu avait un bracelet électronique. Aujourd’hui on nous ‘autorise’ à ouvrir. En réalité on nous oblige étant donné qu’à partir de juin il n’y aurait plus d’aides, et que pour un bon nombre de centres équestres c’est de survie qu’il s’agit. Des protocoles de dingues à mettre en place, et tous les 2 jours, en bon pervers narcissique, le gouvernement donne des injonctions contradictoires ou modifie pour un détail ce que nous avons déjà mis en place.

On me demande de désinfecter tout le matériel, je me retrouve avec une responsabilité démesurée sur les épaules, et par contre lorsque je suis obligée d’aller dans un supermarché… je n ai jamais vu, depuis le début de tout ce foutoir, désinfecter un boîtier de carte bleue ! Combien de personnes par jour les touchent ??
On nous donne des consignes hallucinantes : 5 m de distance entre les enfants à pied ! Les gamins ont été privés de tout pendant 2 mois à cause du manque de moyens (de protection et de tests) et de la gestion absurde de la crise sanitaire, et maintenant ils ne peuvent plus faire de sport ? Et ils restent dans ces carrés peints dans les cours des écoles pendant les récrés… Violence.
Nous devons respecter la distance de 1 m, ce qui implique de ne plus pouvoir recevoir les jeunes en équithérapie. Ceux que nous recevions sont en demande réelle et urgente. La coupure des soins pour certains enfants autistes, fragiles, enfants d’ITEP obligés de retourner dans leur famille avec des éducateurs faisant leur job en télétravail : aberration !!! Violence.

Tous ces jeunes en difficulté ont besoin de soins et d’attention. Etant un lieu accueillant du public, on nous interdit de nous occuper d’eux alors que dans bien d’autres lieux les distances sont totalement oubliées… Il y a des régressions, des rechutes, des pétages de plomb… et nous, pour des questions d’assurances, nous sommes impuissants…
Ça suffit d’être séparés, isolés !!
Nous sommes adultes et en prenant les précautions nécessaires nous pourrions prendre soin de ces enfants qui ont besoin de contact, d’amour et du lien avec les chevaux !
Nous avons fait ce matin notre première séance d’équithérapie adulte. L’état de tensions, de pression et d angoisses est très dur à constater… Des personnes très fragiles mais sur un chemin de mieux-être ont fait un recul dans leurs parcours de vie qui est réel et mesurable. L’isolement.. violence !

Je suis en colère, en rage, et je souhaite par dessus tout en faire quelque chose de constructif, me mettre à l’action sans être aveuglée mais au contraire portée par cette énergie radicale et vitale. Ne nous laissons pas séparer : solidarité et action !


Décrétons l’autodéfense sanitaire - Raoul Vaneigem

Initialement publié le 20 mai 2020

La menace que le coronavirus a fait planer sur la santé des populations du monde entier a démontré que le véritable danger venait d’une dégradation des services médicaux. Cette dégradation, il n’est pas douteux que les impératifs de profit, partout prédominants, ne cesseront de l’accélérer.

Gérer les hôpitaux comme des entreprises à rentabiliser implique de sous-payer et de surexploiter le personnel, de diminuer le nombre de lits et de moyens techniques. Les grandes firmes pharmaceutiques paralysent la vraie recherche, jettent le discrédit sur les scientifiques qu’elles stipendient, interdisent des médicaments à bas prix qui ont fait leurs preuves pour vendre des vaccins douteux dont la seule efficacité garantie est l’intérêt financier qu’ils produiront.

Il va de soi que les États n’hésiteront pas à réitérer le coup des libertés restreintes, qui leur a si bien réussi. Tout en laissant se répandre les virus issus de la fonte du permafrost, ils se serviront sans scrupule du même prétexte épidémique pour confiner préventivement celles et ceux qui s’insurgent contre leur politique criminelle. Il faut dès maintenant déjouer cette manœuvre.

Il y va de notre vie et de celle de nos enfants : décrétons l’autodéfense sanitaire. Dans les rues, les villes, les campagnes, endossons la blouse blanche du personnel hospitalier. Tous aides-soignants, tous promoteurs de santé !

La morbidité de l’État et des institutions supranationales est permanente. À son encontre imposons, par la permanence et l’intransigeance de nos luttes, le droit imprescriptible à la vie.

Gilets jaunes, noirs, rouges, multicolores ne sont que les habits d’une révolution qui engage l’avenir de l’humanité. La blouse blanche est, plus qu’un symbole, une pratique. Si elle envahit les rues, comment l’État policier en viendra-t-il à bout ?

C’est aux peuples, principales victimes des mesures coercitives et des malversations budgétaires, de créer des conditions capables d’assurer à tous et à toutes la garantie d’éradiquer la maladie dont le capitalisme est le virus le plus implacable. Désobéissance civile, résistance à l’oppression, solidarité festive, y a-t-il meilleurs gages de santé ?

Nous sommes tous des aides-soignants. Le combat est partout où le pouvoir des Communes interdit les pesticides et les nuisances, réinvente l’école, les transports, les structures hospitalières, l’existence quotidienne. C’est un adage médical bien connu, que la plupart des maux se guérissent d’eux-mêmes si on leur donne suffisamment de temps. Nous sommes ce temps-là.

Raoul Vaneigem