Tout est question de fric !

Initialement publié le 5 novembre 2020

Nous voilà rendus à la cage départ. La cage du confinement. Pour la bonne cause, pour sauver des vies. Sauf que désormais, on sait que cette crise sanitaire inédite ne provoquera pas de remise en cause globale du système. Au printemps, l’intensité du choc nous a permis de rêver à une prise de conscience massive et à un monde d’après différent. Vraiment différent.

Que s’est-il passé depuis ? Pas grand chose. Si ce n’est que la société est devenue encore plus sécuritaire et encore plus libérale. Aucun plan massif d’investissement dans la santé et dans l’hôpital public. Ni dans l’éducation. Aucun changement politique majeur concernant le réchauffement climatique.

Pourtant, il serait faux de dire que rien n’a changé. Les conséquences des mesures liées au Covid sont énormes. Et nous n’en voyons que les prémices. Au moins un million de Français-es ont basculé dans la pauvreté cette année et des millions de personnes vont être au chômage. Des centaines de milliers vont tomber dans l’extrême pauvreté. Des dizaines de milliers de petites entreprises vont fermer. Des personnes vont être expulsées de leur logement. En fait, l’énorme crise n’est pas encore arrivée. Mais elle est inéluctable. C’est une question de semaines. De mois tout au plus.

On pourrait se dire que c’est terrible mais qu’on n’y peut rien. Que c’est la faute au virus et qu’il fallait de toute façon prendre des mesures pour éviter des dizaines de milliers de morts supplémentaires.

En effet. Mais surtout, il ne faut pas oublier que, depuis le début de cette crise, les plus riches mettent tout en œuvre pour éviter d’être eux aussi des perdants de cette séquence. N’oublions pas qu’en mars, l’Etat a pris d’énormes mesures pour faire cesser le krach boursier. Pour rassurer le Cac 40 : baisse des taux d’intérêts, aides, allègement des charges… Le gouvernement a donné des milliards aux plus grands groupes. Officiellement pour sauver de l’emploi. Sauf qu’on connait bien la chanson. Cela n’empêchera pas les licenciements.

Le grand problème, c’est que ces milliards donnés aux ultras riches, ce sont autant de milliards qui n’ont pas été mis dans la santé, dans l’école, dans tous les services publics. Autant d’argent qui ne sera pas disponible pour éviter à des millions de personnes de tomber dans la pauvreté. Il n’y a pas d’argent magique ma petite dame !

Il faut donc le redire : tout est question d’argent. S’il n’y a toujours pas plus de lits à l’hôpital ou de personnel de santé, c’est une question de fric. Si le gouvernement a choisi de laisser les enfants aller en cours à la rentrée, c’est une question de fric. S’il n’y a pas eu assez de centres de test et que les délais de résultat ont parfois dépassé deux semaines, c’est une question de fric. S’il n’y a quasiment aucun travaux de ventilation dans les bâtiments publics, c’est une question de fric.

Jeff Bezos a vu sa fortune augmenter de plus de 80 milliard depuis la crise. Les milliardaires français sont, avec les chinois, ceux qui ont vu leur fortune le plus augmenter ces dernières années. Cela ne tient pas du hasard.

Les émeutes actuelles en Espagne et en Italie partent d’un refus des restrictions sanitaires mais s’ancrent dans une colère face à la misère sociale du plus grand nombre. Il y a quelque chose de désormais insoutenable à comprendre que les gouvernements occidentaux ne gèrent cette crise qu’au prisme des élections et du profit des plus riches. Leur objectif, c’est que cette crise ne change rien dans le système actuel, dont ils profitent eux et leurs amis. Mieux, si la crise du Covid peut permettre de renforcer les dispositifs de contrôle pour éviter la contestation sociale tout en cassant le droit du travail… c’est gagnant/gagnant !

On ne va pas se mettre à rêver d’une prise de conscience générale qu’un autre monde est possible. Les derniers mois nous ont montré le contraire. Et l’acceptabilité par la population des mesures contraignantes du gouvernement démontrent que sa stratégie paie. Pour l’instant.Un sondage IFOP début novembre, montre que plus de 7 Français sur 10 sont prêts à rester confinés pendant les fêtes de fin d’année.

Par contre, la réalité sociale qui est en train de se mettre en place va forcément aboutir à des colères difficilement canalisables par les structures politiques et syndicales. Reste à savoir si ces colères sauront se focaliser sur les vrais responsables. Ou si le système réussira, encore une fois, à trouver un bouc émissaire pour canaliser cette colère et se maintenir en place…


Obscure hantise

Initialement publié le 2 novembre 2020

Quand on se bat pour la liberté et l’émancipation de tous et de toutes, il ne peut y avoir de compromission avec l’obscurantisme et le fanatisme. Qu’il soit nationaliste et/ou religieux.

En ce sens, les actes atroces commis à Conflans et à Nice ces derniers jours nous écœurent et nous révoltent. Ils sont le fait de personnes aux valeurs totalement opposés aux nôtres, prônant l’oppression, l’obscurantisme et la mort. Ils ne trouveront aucune once de sympathie ou d’empathie chez nous. Cela peut paraître une évidence, mais la période actuelle semble imposer ce rappel.

Et nous n’avons pas attendu que cette terreur s’exerce en France pour avoir un rejet absolu de ce fanatisme islamiste. Les premières victimes de cet obscurantisme sont, depuis longtemps, les musulmans et les populations vivant sur des territoires où ces fascistes peuvent agir. On pense notamment aux Kurdes ou aux Arméniens mais aussi aux militants communistes, libertaires, anarchistes, féministes et tous ceux qui se battent pour une émancipation des peuples.

Ce fanatisme est un poison qui tente de faire sombrer dans l’obscurité le plus grand nombre possible de personne et de territoire. Tout comme le fanatisme juif, catholique ou hindouiste. Tout comme le suprémacisme blanc. Pour le combattre, certains pensent qu’il faut combattre l’ensemble de la culture et de la religion dont ces fanatiques prennent l’étendard. En l’occurrence, combattre l’Islam pour combattre les fanatiques islamistes. Comme s’il fallait combattre les blancs pour faire reculer le suprémacisme, ou combattre les juifs pour mettre en échec les intégristes juifs.

C’est totalement à côté de la plaque. Pire, cela ne fait que renforcer ces mouvances. On le voit depuis des décennies où la montée d’une islamophobie généralisée et décomplexée, bien au delà de l’extrême droite, n’a en rien fait reculer le fondamentalisme musulman. Loin de là. très loin de là.

Comprendre ce mécanisme ne signifie pas excuser les actes odieux dont on parlait en début de texte. Mais il est essentiel de comprendre ce qu’il se joue quand, à la faveur d’un drame comme celui d’un attentat, toute une population se retrouve accusée. Quand, par sa couleur de peau, sa religion, sa tenue, on se retrouve à faire peur à son voisin, à son collègue, aux passants dans la rue. Se faire rejeter, voire insulter ou accuser d’être complice du pire, conduira forcément de nombreuses personnes à se renfermer sur les seuls qui ne jugeront pas. En l’occurrence les personnes ayant la même religion, la même couleur de peau, la même tenue. C’est un piège tendu par les fanatiques islamistes. Quand ils commettent un attentat, ils espèrent qu’il aura un écho énorme médiatiquement et dans la population. Ils espèrent que les réactions seront à la hauteur de l’horreur perpétrée, et créera des réactions de rejet, voire de haine, envers les musulmans. Ils se réjouissent que l’extrême droite s’empare et prenne le quasi monopole de la réaction face à leur acte. Ils se réjouissent que cela occupe le devant de la scène politique et médiatique.

Alors bien sûr, être conscient de cette stratégie ne signifie pas qu’il faut, pour les mettre en échec, ne pas s’indigner et ne pas parler de ces atrocités. Mais il faut le faire en évitant de leur donner les éléments pour leur victoire : à savoir cliver la société et ne laisser le choix que d’être islamophobe ou intégriste islamiste. Cela peut paraître un peu grossier, mais, avouons-le, la méthode de pensée de ces gens là ne fait pas dans la finesse.

Que faire donc face à la montée de la terreur, et sa réaction raciste et tout aussi fasciste?

Rester droit dans ses bottes concernant les principes de libertés et d’émancipation, tout en restant fortement attaché aux respects des croyances et au combat contre le racisme. Cela n’évitera pas de nouveaux drames. Mais reconnaissons que cela n’est pas de notre ressort. Qu’un illuminé pourra toujours créer l’horreur. Et ainsi, notre victoire sera que son acte ne puisse pas influer sur le basculement de nos sociétés vers l’obscurité.

Interrogeons également les systèmes de renseignements français et européens. Depuis des années, le pouvoir a mis en place une véritable société du contrôle et du fichage. Sauf que ce contrôle se fait aussi (surtout?) pour des militants (écolo, Gilets jaunes, féministes, anarchistes). L’État est capable d’interpeller un GJ , et de l’enfermer plusieurs mois, pour simple « présomption » de vouloir commettre des dégradations. Mais il est incapable d’avoir les moyens pour repérer les fanatiques islamistes sur le territoire national. Ces ratages sont d’autant plus problématiques que des moyens juridiques, techniques, matériels et humains considérables sont mis en œuvre au nom de la lutte contre le terrorisme.

Interrogeons aussi le jeu malsain et hypocrite de la France qui soutient militairement et diplomatiquement des régimes parmi les plus obscurantistes du monde, et que l’on sait objectivement proche de terroristes islamistes. A commencer par l’Arabie Saoudite, berceau de l’Islam sunnite, ouvertement en conflit avec l’Iran chiite et que l’occident a décidé de soutenir financièrement, militairement et diplomatiquement, sachant pertinemment ses liens avec des groupes terroristes (y compris l’Etat Islamique). Et qui a participé à des guerres qui sous couvert de combattre le terrorisme ont massacré des populations civiles au moyen orient.


Une politique de santé se mène avec la population, pas malgré elle

Initialement publié le 31 octobre 2020

Il nous parait important d’expliquer notre positionnement actuel suite aux différents appels à manifester contre les récentes mesures de restriction du gouvernement.

CND n’a jamais nié la gravité de la crise sanitaire et de ce virus particulièrement dangereux. Nous avons également toujours insisté sur l’importance du masque. C’était le cas en mars quand le gouvernement disait qu’il ne servait à rien pour la population. Et c’est toujours le cas aujourd’hui que le gouvernement estime qu’il doit être obligatoire. Nous n’avons jamais remis en cause l’intérêt et l’importance du premier confinement du printemps. Par contre c’est le manque de moyens mis par l’Etat dans le système de santé, l’aménagement des transports, les écoles, les ventilations, bref dans ce qui est notre service public en général, et la façon de réprimer ceux qui pouvaient être hors des clous (50m en dehors de leur périmètre, 20mn trop tard….) qui nous a scandalisés. La façon dont l’Etat a utilisé ce confinement pour augmenter la société du contrôle et de la répression, notamment des populations les plus fragiles. Rappelons nous que sous le 1er confinement, la police a fait quasiment autant de morts qu’elle en fait d’habitude en 1 an. Rappelons que des drones de la police volaient illégalement au dessus de nos têtes.

Alors pourquoi aujourd’hui appeler à refuser et à dénoncer les mesures sanitaires du pouvoir ? Nous estimons que le pouvoir a joué un jeu mortifère en espérant une immunité collective, juste pour satisfaire les grandes entreprise et le CAC 40. Et notamment sur la question de l’école, en affirmant que les enfants ne sont pas vecteurs du virus. Et en considérant que rester plusieurs heures à 300 dans un amphi de l’université, n’était pas dangereux tant qu’on était masqué. Idem dans les transport en commun ou en entreprise. La quasi totalité des études scientifiques le montrent : le masque ralentit fortement la propagation du virus. Il est plus que nécessaire. Mais il est loin d’être suffisant, notamment dans des environnements clos et mal ventilés. Ce qui est le cas des classes , des transports et des bureaux !

Le pouvoir aurait pu (et aurait dû) prendre des mesures importantes à l’été pour anticiper une reprise du virus : ventilation des établissements publics (y compris scolaires), investissement massif pour réduire le nombre d’élèves par classe, remettre à flot le secteur de la santé à l’hôpital et dans la médecine de ville, mais aussi investir pour que la stratégie du « tester, tracer et isoler » soit véritablement efficace en ciblant par exemple les personnes fragiles ou les métiers exposés, ou encore en pratiquant régulièrement les tests dans le milieu de travail ou dans les collèges et lycées. Tous ces choix, toutes ces « erreurs sanitaires » l’ont été uniquement pour des raisons budgétaires. De la même manière qu’avant le covid, la politique de Macron est restée une politique néo libérale de crevard. C’est ainsi que le 1er déconfinement n’a été qu’un empilement de mesurettes inefficaces.

Que dire de la solution de traçage liberticide choisie avec une application lamentable qui inspire plus la crainte qu’une possibilité de lutter contre le covid ? Là encore, une manière de faire des économies de bout de chandelles pour éviter un investissement conséquent de fond avec des enquêtes humaines de terrain, par quartiers et respectueuses des libertés et de la vie privée.

Aujourd’hui que la 2e vague est là, le pouvoir refuse de mettre en place un réel confinement, qui serait clairement efficace. Il laisse les écoles ouvertes et ouvre les vannes du travail en entreprise (si cela est jugé nécessaire… Mais nécessaire par qui ? Le patron ?). Pire, des grandes enseignes comme la Fnac ou Darty restent ouvertes ! Par contre, tout ce qui touche à la culture, aux sorties (y compris en extérieur), à la vie de famille ou entre amis… est désormais interdit. Mépris de la culture, devenue secondaire…

Donc oui, il y a une colère et un refus de laisser ce pouvoir faire les choix les plus catastrophiques possibles avec des conséquences surtout désastreuses pour les plus pauvres. D’ailleurs un des mots d’ordre qui circule dans la contestation actuelle, aussi bien en France qu’en Italie ou en Espagne, c’est de demander aux ultra riches de payer pour les conséquences de cette crise. La stupeur du printemps n’a plus lieu d’être. Depuis cette période, le système n’a strictement rien changé en profondeur, ni dans la façon d’appréhender le vivant, ni dans la façon d’investir dans la santé. Les conséquences économiques et sociales (et donc humaines) des décisions politiques du pouvoir seront énormes, et couteront des vies, difficilement quantifiables. Si nous continuons ainsi, nous devrons subir plusieurs séries de confinements et de mauvais déconfinements (la stratégie du stop and go) qui au final seront aussi catastrophiques qu’avoir fait le choix contestable de l’immunité de groupe.

Macron se contente de mettre des rustines sur des problèmes de fond et pousse à agir dans l’urgence au lieu d’investir correctement pour pouvoir vivre en côtoyant ce virus tout en sachant y faire face. Voilà qui nous amène à un 2e confinement, encore une fois une stratégie du choc dévastatrice pour les précaires.

Les politiciens sont certainement aujourd’hui les personnes les moins dignes de confiance pour nous sortir de là. Pendant la 1ere vague, ce sont les soignants, le travail des premiers de corvée, les associations, et les initiatives autonomes qui ont tenu la baraque et permis à la population (notamment les plus pauvres) de pouvoir se soigner et d’avoir de la nourriture quand tout s’effondrait. Jusque là, les politiques ne font que pourrir ces énergies vitales et ne montrent aucune capacité d’anticipation. A-t’on vraiment besoin d’eux ?

Si le pouvoir avait décidé il y a plusieurs semaines un véritable confinement, il aurait duré moins longtemps, aurait sauvé plus de vies que ce demi confinement et aurait « couté » moins à l’économie, notamment pour les petits commerces et entreprises. Si ce n’est pas ce chemin qui a été pris par Macron et son monde, ce n’est pas un hasard, c’est un choix. Un choix politique de fuite en avant à la seule faveur de l’aspect économique et autoritaire, dans une infantilisation abjecte. Ce choix que nous combattons et combattrons encore. Malgré la crise sanitaire.

Il est plus que temps de s’emparer des questions sanitaires pour ne plus les laisser entre les mains d’incompétents seulement intéressés par le PIB et la prochaine élection. Il n’y a aucune transparence de la part du gouvernement et nous ne pouvons pas continuer à écouter des imbéciles qui nous disent que pour lutter contre le covid, il ne faut pas sortir de chez soit dehors à plus d’un kilomètre et qu’il faut continuer à s’entasser dans les écoles, les transports et les lieux de travail.

Rappelons que la pandémie que nous vivons est le fruit d’une exploitation de la planète totalement inconséquente :

– La déforestation et l’exploitation de chaque goutte de ressource au détriment de la nature amène par exemple l’Homme a être de plus en plus au contact de maladie infectieuse véhiculée par certaines espèces.

– Ce ravage des écosystèmes conduit à une réduction de l’espace vital des animaux sauvages qui ont alors plus de chance de combiner leurs virus entre eux.

– Le commerce d’espèces potentiellement dangereuses finissent par infecter l’Homme dans son assiette.

– Le trafic aérien outrancier par lequel chaque humain est réduit à n’être plus qu’un agent fluidifiant de l’économie mondiale, pas un voyageur, mais une machine à consommer, s’est monumentalement retourné contre nous.

– Et que dire de l’aménagement du territoire et du monde du travail qui ne font que concentrer les humains dans des environnements toujours plus stressants et étroits.

Les virus ont toujours été là avec pour certains un potentiel de pandémie. Mais c’est notre monde capitaliste qui en est le plus grand révélateur et propagateur. Et c’est ça que nous devrions sauver ?

Aujourd’hui, les dirigeants de la planète, n’ont qu’une seule idée en tête. Prétendre que le virus est un ennemi extérieur auquel il faut faire la guerre pour continuer à vivre normalement. Normalement ; c’est à dire en continuant à faire prospérer ce qui a permis à ce virus de devenir une pandémie mondiale. Et qui le permettra aussi à d’autres. Le remède qu’on nous impose aujourd’hui est en vérité ce qui nous tue.

Si nous ne changeons pas radicalement de politique, si une révolution majeure n’a pas lieu, notre futur se résumera à cette phrase scandée par les gilets jaunes : « travaille, consomme et ferme ta gueule ». Et ne sors pas à plus d’un kilomètre de chez toi sauf pour travailler, sinon tu attraperas le covid.


De quoi CND est-il le non ?

Initialement publié le 22 août 2020

Depuis quelques semaines, les publications de CND font l’objet de commentaires très négatifs, souvent agressifs. Qu’il s’agisse de posts sur des mobilisations antiracistes, féministes, des révoltes au Liban ou en Biélorussie, ou même des Gilets Jaunes. On pourrait se dire que c’est le « jeu » des réseaux sociaux, surtout pour un média des luttes sociales et politiques. Sauf que la page existe depuis près de 8 ans, avec une audience importante depuis le début des Gilets Jaunes. Et que c’est la première fois que nous connaissons un tel afflux de commentaires « contre » nos publications. Pour ne pas dire contre CND.

Cela ne nous empêche pas de dormir, et nous ne pensions pas écrire sur le sujet. Mais de nombreuses personnes nous ont envoyé des messages pour nous alerter sur ces commentaires et nous demander des explications.

Nous avons fait le choix de ne bannir et supprimer que les messages racistes, homophobes, sexistes, ou d’incitation à la haine. Tous les autres commentaires restent visibles, y compris ceux qui nous dénigrent. C’est un choix. Celui de la liberté d’expression et du respect des différences de points de vue.

Mais il convient d’expliquer et de contextualiser cet afflux massif de commentaires négatifs, qui a commencé fin mai. Que s’est-il passé à cette période ? La mort de George Floyd et le mouvement BLM, que nous avons abondamment couvert. S’en sont suivies de nombreuses mobilisations françaises antiracistes et contre les violences policières, notamment à l’initiative du Comité Adama.

Cela a provoqué des centaines de commentaires et messages privés d’insultes (voire de menaces). Pourtant, il ne s’agissait en rien d’un changement de positionnement de CND, qui a connu sa première grosse visibilité dès l’acte 2 des Gilets Jaunes, grâce à un événement facebook que nous avions créé : « Gilets Jaunes anti racistes ». Dès l’acte 3 nous faisions un événement coorganisé par le Comité Adama.

Nous n’avons donc jamais « avancé masqué » sur la question de l’antiracisme. Ni sur celle de l’homophobie ou du sexisme. La page est ouverte à toutes les idées et nous postons des points de vues contradictoires, mais avec comme seule ligne le respect de tous et des différences. Cela laisse un spectre très large d’opinion.

Une petite partie de notre audience a probablement été « surprise » de cet antiracisme assumé. Des gens qui avaient connu notre média en cours de route, à un moment où les questions de racisme n’étaient pas aussi présentes. A ceux-là, nous leur disons que notre plateforme sera toujours du côté de ceux qui combattent les oppressions.

Mais nous pensons aussi qu’une bonne partie de ceux qui nous attaquent/dénigrent n’ont jamais été « fans » de notre média. Nous le voyons puisque plus de la moitié des personnes que nous devons bannir suite à des commentaires racistes ne « likent » pas la page au moment du commentaire.

Nous savons aussi que notre page fait l’objet d’attaques coordonnées de certains groupes. Cela a été le cas il y a un an avec des militants macronistes ou d’extrême droite. A l’époque, nous avions trouvé des posts dans des groupes facebook (notamment pro police) qui appelaient à faire des signalements massifs et coordonnés de nos publications. Entre le printemps et l’automne 2019, nous avons subi au moins 4 blocages majeurs de notre page facebook. A chaque fois, nous avons fait appel et avons sensibilisé notre audience à ces censures abusives.

Mais depuis plusieurs mois, cette tendance semble s’être calmée. Il n’est pas déraisonnable d’envisager que ces groupes voulant porter préjudice à CND ont changé de tactique : plutôt que signaler nos posts en espérant que la page soit bloquée (voire supprimée), ils décident de commenter nos publications de façon négative dans l’optique de décrédibiliser notre page. Créer un bruit et une ambiance négative autour de nos contenus.

La stratégie est d’autant plus gagnante pour eux puisqu’elle permet de ternir l’image de CND mais aussi de faire fuir certaines personnes lassées de lire des commentaires aussi haineux et agressifs. Nous avons d’ailleurs reçu des dizaines de messages de personnes qui nous suivent depuis longtemps et qui, n’en pouvant plus de ces commentaires, envisagent de se désabonner.

L’idée est aussi de faire germer quelques doutes sur les intentions de notre page. A force de lire plusieurs fois par jour en commentaire, que CND est financé par Soros, certains de nos abonnés peuvent légitimement se dire qu’il n’y a peut-être pas de fumée sans feu. Qu’après tout, si tant d’internautes l’écrivent sur nos publications, cela ne doit pas sortir de nulle part.

En effet, cela ne sort pas de nulle part. Il s’agit de quelques petits groupes qui ne voient pas d’un bon œil que CND et d’autres médias indépendants connaissent une forte audience tout en assumant un positionnement antiraciste. Du coup, l’objectif est de dire que ces médias ne connaissent un succès que parce qu’ils ont derrière une force de frappe financière.

Quand nous postons des contenus qui couvrent le mouvement Black Lives Matter, c’est donc selon ces groupuscules, Soros qui nous finance. Quand nous postons sur la révolte à Hong Kong, c’est le gouvernement américain. Quand on poste sur les révoltes sud américaines, c’est l’œuvre de la Russie ! Etc…

Cette situation s’inscrit également dans un contexte général très propice au développement de ces attaques par « petits groupes » sur les réseaux sociaux. 50 ou 100 personnes très organisées et actives peuvent aujourd’hui créer une vraie force de frappe en ligne, et en convaincre plusieurs milliers. Tout cela dans un contexte où les mouvements sont de plus en plus internationaux. N’oublions pas que l’année 2020 est celle des présidentielles aux USA et que l’arrivée de nouveaux trublions des réseaux comme le Qanon ne relève pas du hasard du calendrier. Et même si ce mouvement complotiste/pro Trump pèse principalement sur les réseaux anglo-saxons, son poids en France commence à être assez sérieux et inquiétant.

Nous tenions à faire ces éclaircissements en cette période où tout semble confus. Non pas pour nous justifier, mais pour tenter d’expliquer à ceux qui nous suivent et nous apprécient, le pourquoi et comment de cette arrivée massive de commentaires négatifs.

Pour terminer, nous rappelons donc que CND est animé par plusieurs personnes, avec des points de vues parfois différents sur certaines questions, et qui laisse la porte ouverte à d’autres prises de positions (tribunes, vidéos…) extérieures, qui permettent d’alimenter un débat sur les questions de société. CND a aussi vocation a relayer des contenus de médias alternatifs pour leur donner une plus forte visibilité. Parmi ces médias, tous n’ont pas la même ligne éditoriale.

A chaque fois, notre seule ligne de front est celle du respect de tous. Nous combattons le racisme, le sexisme, l’homophobie et toutes les formes d’oppression.

Et même si quelques dizaines d’internautes tentent de faire croire le contraire, nous pensons farouchement que ces combats ne sont pas des éléments repoussants pour de nombreux militants, qu’ils soient syndicalistes, Gilets Jaunes ou simple citoyens en colère.


Bas les (anti) masques

Initialement publié le 8 août 2020

BAS LES (ANTI) MASQUES

La situation actuelle nous semble nécessiter une mise au point concernant le mouvement « anti masques ».

CND n’est pas, a priori, ce qu’on appelle un média complaisant envers le pouvoir et le système. On nous reproche même d’être trop dans la critique du gouvernement.

Pourtant, nous ne pouvons relayer ou encourager les attaques actuelles contre l’efficacité du port du masque, voir même sur la remise en cause du Covid et de son impact sani taire.

Dès le début de la crise, nous avons dénoncé le manque de masques pour le grand public. Surtout, nous avons crié notre colère face aux mensonges du pouvoir, et des « experts médiatiques » qui clamaient que le masque était totalement inutile (voir même contre-productif) pour la population. A l’époque, on nous traitait de complotistes ! Cette conviction que le masque était un élément important pour ralentir la propagation du virus, nous l’avons acquis auprès d’études et de chercheurs étrangers. Avant le Covid 19, la planète avait déjà connu de nombreuses épidémies meurtrières. Notamment en Asie. Différentes études de ces crises ont montré à quel point l’usage massif du masque par la population contribuait à ralentir la propagation de ces virus.

Si Macron et son gouvernement ont prétendu le contraire pendant des semaines, c’est à nos yeux moins par incompétence que par choix stratégique pour éviter une panique générale (la France étant à ce moment en pénurie).

Maintenant que les stocks sont suffisants, le pouvoir change totalement de discours (et les médias du pouvoir avec). Le masque serait l’unique solution pour éviter une deuxième vague.

Si ce changement de discours est risible (et grave), il n’empêche que l’usage massif du masque par la population reste objectivement un des leviers pour freiner la remontée du virus. Nous ne voyons pas comment il est aujourd’hui possible de remettre en cause ce fait. Les masques ne nous protègent pas à 100% mais réduisent très fortement la propagation. Le porter permet bien plus de protéger les autres que de se protéger. Et c’est essentiel.

Loin de nous la perte d’envie de dénoncer le cynisme de Macron et de son monde, y compris dans la gestion du Covid. Mais il y a malheureusement bien des sujets sur lesquels se focaliser pour ne pas avoir à en créer un de toute pièce : demander des masques gratuits, notamment pour les plus démunis, dénoncer les mesures liberticides, le traçage de nos vies sous prétexte sanitaire, les abus d’une police qui s’est sentie toute puissante en période d’état d’urgence sanitaire, les choix politiques qui se font pour les patrons des grandes entreprises et sur le dos des plus précaires, le manque de mesures sanitaires pour les travailleurs…

L’un des principaux arguments des anti-masques à travers le monde est de pouvoir « avoir le choix ». La liberté individuelle. Mais où étaient ces milliers de défenseurs des libertés au moment du confinement ? En France, où étaient-ils quand des personnes se sont fait tabasser par la police pour être sorti sans autorisation ou pour avoir dépassé la distance de son domicile ? On entendait personne à ce moment là. Mais là, quand il s’agit de défendre sa liberté fondamentale de ne pas porter un masque de protection…C’est une toute autre histoire. Étrange histoire à nos yeux.

Et puis il y a les soignants. Ces travailleurs en première ligne, qui ont payé au prix fort les erreurs politiques et économiques de la France, notamment par manque de masques et de combinaisons. Ces soignants que nous avons applaudi tous les soirs à 20h. Ces soignants que nous avons accompagné en manifestations dès les premiers jours de déconfinement. Ces soignants qui restent farouchement en colère contre Macron et son gouvernement, mais qui continuent de nous dire qu’il faut plus que jamais porter un masque pour éviter de se retrouver dans une nouvelle séquence où les hôpitaux seraient totalement saturés. Et lors de laquelle ils devraient « choisir » quels patients soigner.

Cette réalité, qui peut la nier sans salir la mémoire des milliers de morts et le travail de centaines de milliers de soignants ?

Alors, oui, nous continueront à dénoncer ce système et ceux qui en profitent, y compris sur la gestion du Covid. Mais non, nous n’irons pas remettre en question l’intérêt du port du masque.


Ce qui se passe à Portland est observé de près - témoignage de Gwenola Ricordeau

Initialement publié le 29 juillet 2020

Je suis arrivée à Portland (Oregon) hier, lundi 27 juillet. Ça fait donc environ 24 heures que je suis ici – je suis venue de Californie du Nord où j’habite car depuis une semaine Portland est au centre de l’attention des médias, des militant.e.s, des politiques… Je voulais en savoir plus sur les seules images que je voyais sur les réseaux sociaux et à la télé qui laissaient penser que la ville était en train de s’embraser !

« America never was America to me » : référence au poème de Langston Hughes écrit en 1935, qui parle du rêve américain qui n’a jamais existé pour l’Américain des classes pauvres et de la liberté et de l’égalité que chaque immigrant espérait mais n’a jamais reçues.

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur le contexte : Portland, une ville où les mouvements syndicalistes et anarchistes ont une longue tradition, les mobilisations aux USA qui ont suivi le meurtre de George Floyd, la campagne présidentielle… Mais pour aller à l’essentiel : y a une semaine, le Président Trump a envoyé à Portland les « Feds » (des agents fédéraux – des forces de police fédérales) contre l’avis des pouvoirs locaux (État de l’Oregon et municipalité de Portland notamment). Trump prétend, par l’envoi de ces agents, protéger les bâtiments fédéraux, mais surtout rétablir l’ordre dans cette ville où il y a eu environ 60 manifestations massives depuis le meurtre de George Floyd fin mai. Ce qui se passe à Portland est observé de près car l’envoi des Feds dans ce genre de contexte (de manifestations) est rare (il est routinier pour le contrôle des frontières, la répression des mouvements dans les centres de rétention…). Cela pose brutalement la question de la répression des droits politiques (les Feds ont notamment procédé à des brèves arrestations de manifestant.e.s) et de la démocratie (quid de la prise de décision par des personnes élues localement ?) dans un contexte de campagne présidentielle où Trump est nettement en perte de vitesse et cherche à remobiliser sa base – en apparaissant comme l’homme du parti de l’ordre (« Law and Order »).

« Violents anarchistes distribuant des boissons énergisantes »

En ce moment, les manifestations sont très concentrées au centre-ville autour d’un parc avec d’un côté la mairie, de l’autre la cour fédérale et la maison d’arrêt du comté. Tous les soirs, à la nuit tombée, des milliers de gens se rassemblent. En permanence, il y a des tentes installées avec des volontaires qui assurent des soins médicaux (« street medics ») et fournissent des repas gratuits 24/24. L’équipe de volontaires qui cuisine en permanence a fermé son appel aux dons après avoir reçu plus de 300’000$. 
Hier soir a été un soir qui a ressemblé aux autres selon tous les gens avec qui j’ai pu parler. A la grosse centaine de personnes qui étaient sur place vers 18 heures et qui pour certaines s’occupaient de taches collectives comme la nourriture, les soins…, se sont ajoutés de plus en plus de gens.

Tente médic et Free shop

Ce qui marque au premier abord, c’est la diversité de la foule réunie. Y a beaucoup de jeunes, mais j’ai aussi parlé avec une dame qui avait manifesté contre la guerre au Vietnam. Et puis, il y a les « Mamans », qui s’habillent en jaune et se mettent en ligne ensemble devant la police : elles sont plusieurs dizaines tous les soirs et leur groupe s’est constitué de façon informelle après qu’un jeune ait été grièvement blessé par la police. Il y a aussi les « Papas » qui ont décidé de se mobiliser (ils sont moins nombreux que les « Mamans ») et certains d’entre eux portent des souffleurs aspirateurs ordinairement utilisés pour le ramassage des feuilles mortes mais qui peuvent très utilement aussi repousser les nuages de gaz lacrymogènes. Et puis il y a aussi les vétérans… Dans le contexte des vastes mobilisations #BLM et par rapport aux manifestations d’autres grandes villes, on peut être surpris du relatif faible nombre de Noirs et d’autres minorités ethniques. Mais Portland est une ville très blanche en raison de la longue histoire du suprématisme blanc dans l’Oregon : la dernière loi interdisant aux Noirs de s’installer dans l’État a été abolie en 1926.

Wall of moms, Portland

Vers 21h, alors qu’il y avait plusieurs milliers de personnes rassemblées dans le parc et devant le bâtiment fédéral et la cour du comté, des prises de parole, ponctuées de slogans, ont commencé dans un endroit. Ailleurs (devant le bâtiment fédéral), les manifestant.e.s faisaient face aux grilles aménagées spécialement pour défendre le bâtiment et qui résistent très bien aux assauts répétés… Vers 22h, les prises de parole ont cessé : certaines personnes ont commencé à quitter le rassemblement, mais d’autres arrivaient encore… Et comme tous les autres soirs, la police a invité les manifestant.e.s à rentrer chez eux par haut-parleur, indiquant que le rassemblement était désormais considéré comme illégal. Vers 23h30, les premiers tirs de lacrymogènes ont commencé, ne dispersant qu’une petite partie des manifestant.e.s qui sont pour beaucoup équipées en masques. J’ai quitté les lieux vers minuit et quart – alors qu’il y avait encore sans doute un millier de manifestant.e.s… Mais tout le monde m’a assuré que ce ne serait que partie remise pour ce soir.

Je vais donc être à nouveau sur place à partir de 21 h (heure locale), soit 6 heures du matin (heure française, mercredi) – si vous voulez me suivre sur Twitter (@g_ricordeau), je vous donnerai des nouvelles !

J’ai été réveillée par les grenades. Regardez #PortlandProtest pour suivre ce qui se passe. Moi je retourne essayer de dormir 😴 🔥 https://t.co/W2BZdMiEh0

— Gwenola Ricordeau (@G_Ricordeau) July 29, 2020

Souffleur Makita pour repousser les gaz lacrymogène

MULTICOLORES SOUS NOS CAGOULES ! discours contre l'impérialisme, le colonialisme et le capitalisme

Initialement publié le 24 juin 2020

Quand la sincérité est une arme fédératrice, un uppercut pour le parti de l’ordre. La scène se passe le 20 juin, lors de la commémoration pour Lamine Dieng. Ian du collectif Désarmons les, livre un discours coup de poing, une parole de combat rappelant que du black bloc aux luttes anti-colonialistes en passant par les émeutes de banlieues, il n’y a qu’une force multicolore et populaire qui se dresse pour l’émancipation, contre l’impérialisme, le colonialisme et le capitalisme.

Merci à SmartShoot78 et Street Live, pour les images

https://www.youtube.com/watch?v=1IlzH5qtJPE

Je m’appelle Ian, je fais partie d’un collectif qui se bat contre l’Etat et ses milices, Désarmons-les.

Je suis venu parler de notre histoire, de résilience et d’insurrection.

Il faut se rappeler d’où on vient pour comprendre ce qu’on est devenus.

Moitié allemand, je suis le petit-fils d’un sous-officier de l’armée nazie. On ne choisit pas son passé familial. Mais c’est en regardant l’histoire en face qu’on apprend. C’est en la regardant que je suis devenu antifasciste. Pour ne jamais reproduire les saloperies du passé.

Cette semaine, nous avons pleuré la mort de l’un des témoins de cette lointaine période en noir et blanc, Maurice Rajsfus. Maurice était un grand homme de famille juive qui a voué sa vie à dénoncer l’institution policière après que ses parents ont été déportés par la police française et assassinés dans les camps nazis. Je suis heureux d’avoir croisé le chemin de Maurice qui, sans le savoir, m’a permis de boucler une boucle. Si je pouvais, je lui rendrai un hommage dans toutes les langues du monde.

Car il faut aussi savoir regarder ailleurs, hors des frontières, pour comprendre ce que le mot « système » signifie. Violence systémique, racisme systémique…

Le 26 juillet 2014, j’ai vu un homme de 17 ans se faire tuer devant moi en Palestine, lors d’une manifestation devant le check-point de Qalandia, la tête perforée par une balle israélienne. Son nom était Muhammad Al-Araj. Une opération de maintien de l’ordre, dans une démocratie. Cette année a été pour moi la confirmation que le colonialisme, c’est la mort. Car le colonialisme, c’est l’extension du capitalisme par la violence armée.

Et ce colonialisme se poursuit, ici, maintenant, dans les quartiers populaires d’une part, mais aussi dans l’esprit nauséabond d’une partie importante de la population française.

A l’heure où l’exécution insoutenable de George Floyd a réveillé le souvenir des luttes noires américaines, il faut relire et réécouter les Black Panthers, Frantz Fanon, Angela Davis, pour comprendre qu’on ne combat pas le capitalisme sans combattre le racisme, et qu’on ne combat pas le racisme sans combattre le capitalisme. Et dans la sagesse politique de ces révolutionnaires noirs, il y avait un universalisme puissant qu’on tend à oublier : à cette époque, Alger était la mecque des Révolutionnaires, et toutes les couleurs de peau menaient un combat commun contre l’impérialisme, le colonialisme et le capitalisme.

Il est temps de se le dire : nous sommes tous légitimes dans ce combat !

En 2005, il y a exactement 15 ans, lors du contre-sommet du G8 en Ecosse, j’ai participé au Black Bloc, constitué à mes yeux des seuls êtres politisés qui ne négociaient pas leurs droit d’exister avec les autorités. Et derrière le noir des cagoules, il y a des êtres multicolores. Le Black Bloc existe aux USA, à Hong Kong, à Beyrouth et à Santiago. Pour eux, pour nous, il s’agit de rendre coup pour coup, de répondre à la violence hégémonique de l’Etat, qui s’abat au quotidien sur tous les pauvres. Des pierres contre des fusils.

« Tant que la Justice ne sera que violence, la violence du peuple ne sera que justice »

Fin 2005, je me suis donc trouvé tout naturellement aux côtés des émeutiers de banlieues qui, suite à la mort de Zyed et Bouna, ont laissé exploser leur légitime colère face à la saloperie de ce monde, qui honore les tortionnaires et écrase les humbles. Etions-nous de la racaille ? Oui, nous en étions !
Des pierres contre des fusils.

Sarkozy a été notre cauchemar.
Un mois après son investiture, sa police étouffait Lamine Dieng.

Six mois plus tard, sa police tuait Laramy et Moushin en tamponnant leur moto à Villiers le Bel, entraînant, comme à chaque fois que la police tue, son cortège d’émeutes.

Des émeutes écrasées avec le consentement muet de la majorité, cette même majorité qui s’est tue lorsqu’on déportait des juifs, qui s’est tue encore quand on jetait des Algériens dans la Seine, celle-là encore qui est sortie dans la rue par milliers pour soutenir l’escroc De Gaulle et mettre fin à la révolte de mai 68, trop effrayée par la liberté. Cette majorité qui écoute docilement les immondices de CNews et BFM TV.

En 2007 toujours, le Lanceur de balles de défense faisait sa première victime, crevant l’oeil d’un lycéen de Nantes, Pierre. Nous venions d’entrer dans l’ère du Flashball.

Moi cette année là, je découvrais les violences policières contre les migrants de Calais. Je dormais avec un groupe d’amis afghans et presque chaque matin, les CRS venaient les réveiller à renfort de matraque et de gaz en criant
« Café croissants ! ». Hilares.

Humour de porcs, comme en 42. Etonnament, on ne crie plus CRS-SS. Est-ce trop radical ?
La police humilie, frappe, mutile et tue. C’est son métier, où qu’elle se trouve.

Alors si l’on prétend combattre les violences policières, il faut s’attaquer radicalement à leur source : l’Etat lui- même, où qu’il se trouve ! L’apartheid ne vise pas qu’une couleur, il s’adapte en fonction du contexte : l’Etat neutralise indistinctement tous les corps indociles, dans une guerre de basse intensité.

Ce que j’appelle de mes vœux aujourd’hui, ce n’est pas une réforme de la police. Il ne s’agit pas de remplacer la guillotine par la chaise électrique ou la clé d’étranglement par le taser !

De la même manière que le capitalisme, la police n’est pas réformable. Ils doivent être abolis.

Et pour les abolir, nous n’avons pas le choix. Je suis de la génération Zyed et Bouna. Ce n’est pas d’une fausse révolte instagramable que nous avons besoin, mais d’une intifada globale. Des ghettos juifs de 42 aux camps de réfugiés palestiniens et syriens, des quartiers de Beyrouth à ceux de Minneapolis, des rues de Santiago à celles d’Alger, Paris ou Argenteuil.

A Désarmons-les, nous travaillons ces liens, patiemment et avec humilité. Que l’Etat se tienne sage !

Hommage à toutes les victimes de crimes racistes et sécuritaires !


FÊTE DE LA MUSIQUE : UNE EXTENSION DU DOMAINE DE LA LUTTE MALGRÉ ELLE

Initialement publié le 22 juin 2020

Un an après la mort de Steve à Nantes, la fête de la musique a une nouvelle fois été attaquée par la police et la gendarmerie. A Paris, la police semait la terreur en évacuant la rue de Lancry, sans hésiter à user de la matraque sur les fêtards, pendant qu’à Nantes la gendarmerie noyait le cortège festif sous les lacrymos.

S’il est un signe que nous sommes entrés dans une nouvelle ère, en voilà un de plus. Toujours un de trop. En France, la police frappe les fêtards. En France, l’Etat met en danger de mort la population lorsqu’elle sort simplement danser sur son sol, sur son territoire. En France, on argue d’un risque du Covid pour des fêtes en plein air, mais on s’accommode des municipales en lieu clos. La science établit des liens entre municipales et contagion, mais c’est dehors à l’air libre, dans l’espace populaire, que règne l’interdiction et la répression.

A Nantes hier, chacun a pu assister à une drôle de fête. A une fête de résistance. Les interdictions proclamées par le Préfet Claude d’Harcourt, déjà en place quand Steve est mort, ont été bravées. Comme un peu près toutes les interdictions de manifestations en France ces dernières semaines.

A la manière de ce camion sono emportant un bon millier de personnes en cortège festif hier à Nantes, la multitude d’individus présents a su inventer, a su oser. Comme par un geste naturel qui ignore les entraves qu’on s’apprête à lui mettre, le dispositif de gendarmerie a pendant un bon moment été balayé, ignoré. Méprisé comme il se doit. Au nom de quelque chose de vital. Au nom d’un droit écrit nulle part comme tel, celui de vivre et s’exprimer à nombreux quand c’est interdit, surtout quand c’est interdit.

La liberté a cependant fini par être rattrapée. La fête de la musique 2020 à Nantes était en cavale hier. On n’aurait jamais cru possible d’écrire « cavale » et « fête de la musique » dans la même phrase, mais c’était sans compter le climat répressif et brutal qui sévit en France avec Macron et ses préfets criminels. Le camion et son conducteur ont ainsi été rattrapés. Le conducteur toujours en garde à vue risque gros et de payer à titre d’exemplarité car le pouvoir n’aime pas être défié. Le conducteur va avoir besoin de soutien très vite.

Le camion sono et la fête prise dans les lacrymos. Photo : Nantes Révoltée

Nous n’avons d’autres choix que de rentrer en résistance et de se serrer les coudes, car la fête est maintenant devenue malgré elle un espace où il faut lutter. On n’oubliera pas qu’avant cela, celle et ceux qui faisaient vivre la fête libre comme Steve Maia Caniço étaient déjà depuis longtemps les cibles de la répression.

En France en 2020, l’Etat transforme officiellement la joie libérée en comportement criminel. Soyons fortes forts et solidaires pour savoir briser les chaines qui se resserrent. Non loin de Nantes, dans le bocage, il y a la Zad. Et là bas, on avait coutume de dire : Nous sommes la nature qui se défend. Cette phrase vaut maintenant partout.

Pour soutenir le conducteur du camion son et les autres inculpé.es de la soirée du 21 juin, pour ne pas laisser la répression se déchaîner sur eux sans réactions, les proches recherchent des témoignages sur les violences policières ce soir là, des vidéos, du soutien financier. Il est possible de leur écrire à soutienrepression21nantes@riseup.net

Vidéos

Nantes sous les gaz : https://twitter.com/CerveauxNon/status/1274814048442421248
Paris sous les matraques : https://twitter.com/CerveauxNon/status/1274790043790573568

La chanson pour l’auvergnat de Brassens, taguée et adaptée pour Steve dans les rues de Nantes. Photo : Marion Lopez
Photo : Nantes Révoltée

8 mesures pour abolir la police

Initialement publié le 18 juin 2020

Ce texte et ces visuels sont une traduction (et adaptation à la situation française) du projet américain 8ToAbolition.
Réalisé par Anarchaud

Un monde sans prisons ni police, où nous pouvons être en sécurité.
Nous croyons en un monde sans meurtre policier car sans police.
L’Abolition ne peut pas attendre.

8 parties :
1. Démanteler la police,
2. Démilitariser les communautés,
3. Interdire le fichage,
4. Libérer les prisonniers prisonnières,
5. Abroger les lois qui criminalisent la survie,
6. Investir pour l’autonomie de la communauté,
7. Fournir un logement sûr à tous toutes,
8. Investir dans l’entraide, pas dans la police.

1. Démanteler la police :
Exiger la baisse du budget de la Police jusqu’à ce qu’il soit de zéro ; Exiger que la Police soit responsable des fautes et des recours à la violence ; Supprimer l’IGPN, IGGN ; Réduire le pouvoir des syndicats policiers ; Abolir les programmes et lois de confiscation des biens ainsi que l’outrage à agent ; Mettre fin à la prise en charges des frais judiciaires de forces de l’ordre et leurs proches par l’Etat ; Retirer toutes les technologies de surveillance ; Retirer la Police de toutes les écoles ; Interdire les plans d’innovation privé-public qui bénéficient de correctifs technologiques temporaires pour des problèmes systèmique d’abus et de violences policières.

2. Démilitariser les communautés :
Désarmer les forces de l’ordre, y compris la Police, les Gendarmes et la Sécurité Privée ; Mettre fin aux contrats entre la police et les compagnies privées qui fournissent des technologies de surveillances aux forces de l’ordre ; Renoncer aux programmes de militarisation de la police ; Interdire les formations militaires aux forces de l’ordre et séparer la Gendarmerie de l’armée ; Cesser l’exportations d’armes ; Abroger toutes les lois qui protègent, excusent ou permettent les fautes policières.

3. Interdire le fichage :
Cesser les contrôles d’identité, le délit de faciès, le fichage des populations ; Interdire le relevé des empreintes et de l’ADN ; Interdire les applications policières permettant le fichage notamment des personnes LGBTIQ+ ; Démanteler la BAC, la BRAV-M ; Mettre fin au plan VIGIPIRATE et abroger les états d’urgence ; Interdire la Fiche S sur la base de soupçons racistes et à but politique ainsi que les accusations infondées pour « apologie du terrorisme » ; Interdire les perquisitions et les assignations à résidence arbitraires ; Mettre fin aux comparutions immédiates.

4. Libérer les prisonniers prisonnières :
Fermer de manière permanente les prisons et les CRA ; Libérer les prisonniers prisonnières médicaux des hôpitaux… ; Mettre fin aux arrestations obligatoires qui mènent à la criminalisation des survivantes de violences genrées ; Rejeter les « alternatives à l’incarcération » qui sont carcérales par nature ; Réduire le nombre d’arrestations ; Baisser les financements des bureaux des procureurs ; Mettre fin à la détention provisoire, aux surcis ; Libérer toutes les personnes en détention provisoire et pour violation de la libération conditionnelle ; Rendre libres toutes les communications entre et par les prisonniers prisonnières ; Mettre fin à la détention des personnes immigrées, à leur criminalisation et laisser les personnes sans-papiers venir chez elles.

5. Abroger les lois qui criminalisent la survie :
Abroger les lois criminalisant les personnes impliquées dans le travail du sexe, la vente de drogue et l’économie de rue ; Abroger les lois criminalisant l’occupation de l’espace public, en particulier pour les personnes sans-abris et les gens du voyage ; Abroger les statuts qui criminalisent les survivantes de violences genrées ; Mettre fin aux amendes et redevances associées aux procédures judiciaires pénales ; Abroger les lois sur l’absentéisme précarisant les étudiants étudiantes bousiers boursières au Crous ; Abroger les lois contre la dissimulation du visage, y compris le port du voile.

6. Investir pour l’autonomie de la communauté :
Favoriser les conseils de voisinage comme corps représentatif au sein de la prise de décision municipale ; Déterminer les besoins de la communauté et investir dans des ressources à base communautaire ; Investir dans des approches de la santé public à base communautaire, y compris la prévention non-carcérale de la violence comme les programmes d’intervention et l’éducation basée sur les compétences lors d’interventions de témoins, le consentement, les limites et des relations saines.

7. Fournir un logement sûr à tous toutes :
Annuler le loyer sans charges de remboursement pendant le COVID-19 ; Réutiliser les bâtiments, maisons, appartements vides et hôtels pour loger les personnes sans-abris ; Interdire les expulsions ; Fournir un soutien sans équivoque aux personnes réfugiées et aux communautés cherchant l’asile ; Assurer que les survivantes des violences genrées aient accès à des options de logement alternatives ; Fournir des options de logements non coercitives pour les jeunes LGBTIQ+ victimes d’abus ou de rejets par leur famille.

8. Investir dans l’entraide, pas dans la police :
Investir dans l’enseignement et la santé, mentale y compris et soutenir les plannings familiaux ; Transport public gratuit ; Mettre fin à l’inégalité de financement des écoles en fonction de leur appartenance aux banlieues ; Installer des toilettes publiques gratuites sécurisées et non-genrées ; Assurer l’investissement des banques alimentaires, des coopératives d’épiceries, des jardins et des fermes à base communautaire ; Investir dans des programmes de jeunesse qui promeuvent l’apprentissage, la sécurité et le soin communautaire.


VIOLENCE. QUI EST LÉGITIME ? SOUTIEN À FARIDA

Initialement publié le 9 juin 2020

Macron l’a dit : nous sommes en guerre. Reste à savoir contre qui. Et avec qui. Mardi 16 juin à Paris, l’image de Farida violemment interpellée par la police a fait couler beaucoup d’encre.

De nombreuses personnes sont choquées par la violence de l’interpellation d’une soignante de 50 ans, qui a lutté pendant 3 mois pour soigner des patients du Covid, et qui a même été atteinte de la maladie.

Mais d’autres sont surtout choqués que certains puissent prendre sa défense alors que quelques minutes avant, elle faisait des doigts d’honneurs à la police et a même lancé des cailloux. Les médias et l’extrême droite se déchainent depuis quelques heures pour salir Farida et rendre son interpellation violente « légitime ».

Méprisés pendant leur mobilisation débutée il y a plus d’un an pour exiger plus de moyens et soudainement érigés en « héros » par ceux qui ont baissé les budgets, supprimé des milliers de lits, appauvri les personnels soignants pourtant déjà plongés dans le désespoir avant le covid. Pendant des mois, on a applaudi les soignants. On a dit que leur précarité était scandaleuse. Que leur colère était légitime. On a entendu parler de « blouse blanche / colère noire ». On a lu des « plus jamais ça ». Bref, le changement radical était la seule issue pour ne pas revivre un nouveau drame comme celui du Covid 19. A la fois pour le personnel soignant, en première ligne, et pour tous les citoyens.

On sait tous depuis des mois que les manifestations, même ultra massives, sont totalement ignorées (voire méprisées) par le pouvoir. En témoigne l’énorme mouvement de grève/manif contre la réforme des retraites, qui n’a strictement abouti à rien.

Pourquoi et comment le pouvoir a-t-il pu tenir alors que des centaines de milliers de personnes étaient dans la rue et en colère ? Grâce à sa police et à la répression, notamment sur les journées les plus massives à Paris.

Rien d’étonnant si certains soignants et usagers se disent que le combat dont on parle sera forcément un combat sur le terrain, et pas à coup de grand slogan, de sonos ou d’affiches.

Alors oui, lancer une pierre sur un policier est interdit. Ceux qui se prêtent à ce type d’actions prennent donc le risque d’être arrêtés et déférés devant la justice. Mais il n’y a aucune raison de traîner une personne par les cheveux, de lui refuser sa ventoline, ou de l’empêcher de donner son nom / prénom au moment de son interpellation. C’est à la justice de décider de la gravité et de la sanction de son jeté de pierre, pas à la police. Ou alors, on est clairement plus en démocratie.

On remarquera que de nombreux médias français qui couvraient les émeutes aux USA en expliquant les dégradations et les actes offensifs par un contexte de rage et d’impuissance des populations touchées par le racisme et les violences policières ne comprennent pas ici qu’un jeté de pierre résulte du même processus. Ou que ces mêmes médias ne se sont pas indignés lorsque des policiers ont lancé des pavés sur les manifestants (à Paris et Montpellier en 2019).

De tous temps, et partout dans le monde, jeter une pierre est souvent l’un des actes de révolte le plus immédiat. Surtout lorsqu’on est devant une police menaçante. C’est évidemment répréhensible pénalement. Mais cela est parfois légitime. Et cela a été souvent « glorifié » par le passé, que ce soit en France ou à l’étranger.

La violence se mesure à la justesse de la cause. Celle des soignants qui exigent simplement d’exercer dignement et qui en sont empêchés par l’Etat et son bras armé est tout à fait noble.

Alors oui, nous soutenons Farida, et refusons de la jeter en pâture sous prétexte qu’elle a balancé une pierre sur des policiers sur équipés. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises victimes des violences sociales et économiques. Et nous refusons d’estimer que l’attitude des policiers à son encontre est « normale » au vu de ce qu’elle aurait pu faire juste avant.

SOUTIEN A FARIDA !