Les Magnifiques Sauvages, notre film sur les Gilets Jaunes

A l’occasion des 5 ans des Gilets Jaunes, CND vous propose de découvrir Les Magnifiques Sauvages.

Que retiendra-t-on des Gilets Jaunes dans quelques décennies ? Si l’on laisse le pouvoir politico médiatique décider, les gilets jaunes resteront dans l’histoire comme un mouvement de sauvages ayant tout détruit pour pouvoir rouler moins cher. Un épiphénomène, certes spectaculaire, mais qui ne laissera aucune trace dans la société. Sauf que nous savons que la réalité est tout autre. Et puisqu’il est encore temps de le rappeler, ce film donne la parole à quelques-uns des dizaines de milliers de magnifiques sauvages qui ont vécu, de l’intérieur ou comme observateurs, cette bataille pour un monde meilleur, plus humain, plus juste, réellement démocratique.

L’occasion de se souvenir à quel point l’amour et l’amitié ont été le principal moteur de ce feu de joie.


5 ans GJ : une flamme en héritage

Putain, 5 ans ! Déjà si loin et encore si proche.
Le mouvement des Gilets Jaunes a été le plus fantastique, le plus émouvant et le plus imprévisible depuis plus de 50 ans. Pendant plusieurs semaines, nous avons vécu des moments d’une intensité inouïe. Des moments d’espoir, de joie, d’amour. Et une insurrection magnifique. La révolution était un horizon presque visible. Elle n’a pourtant pas eu lieu.

Pire, 5 ans après, Macron est toujours en place, et rien n’a changé dans le système politique et économique. Cela s’est même dégradé, que ce soit en termes de répartition de richesses, de racisme systémique ou de répression policière.

Mais l’idée n’est pas ici d’expliquer pourquoi ou comment nous en sommes arrivés là. Ni de tenter d’imaginer ce qu’il aurait fallu faire pour que l’issue tourne en faveur du peuple et que nous assistions à la chute les puissants.

Ce qui est important aujourd’hui, c’est de faire vivre la mémoire de ce mouvement, la mémoire de ces Gilets Jaunes anonymes qui ont ouvert, avec leur coeur et leur bras, une brèche dans le carcan de nos vies bien balisées par un système qui nous fait croire que rien ne peut changer. Pas une mémoire pour commémorer, mais pour un jour recommencer.

Si tout semble comme avant les Gilets Jaunes, pourtant, rien n’est vraiment pareil. Si le quotidien reprend les automatismes où chacun joue son rôle (médias, syndicats, partis politiques), tout le monde sait qu’au final, tout peut être remis en cause et renversé par une foule d’anonymes.

Pour cet anniversaire des 5 ans, il n’y aura pas de grand retour. Il n’y aura pas de vague populaire sur les Champs Elysées, pas de portes de ministères défoncées, pas de pouvoir qui tremble. Mais ce n’est pas pour autant que cela devra être vu comme un échec. Ce qui est important, c’est d’entretenir la flamme. Car tant que quelques brindilles continuent de brûler, tout peut s’enflammer au moindre coup de vent. Entretenir la flamme, cela peut se faire en descendant dans la rue pour manifester avec son gilet jaune, mais aussi via une action symbolique ou même simplement en continuant de parler de ce mouvement et de redire à quel point il a été fantastique et qu’il ne doit pas être oublié.

Car au delà des Gilets Jaunes, et malgré la période déprimante, il nous faut prendre de la hauteur pour saisir l’état d’esprit d’une grande partie de la population.

Depuis la fin des grands actes GJ, la France a connu énormément de pics de colère, voire de révoltes : George Floyd, les retraites, le pass sanitaire, Nahel, la loi sécurité globale. Aucune n’a fait reculer le pouvoir.

Mais il faut se rendre compte de ce que cela dit de notre pays et de notre société que d’avoir autant de mouvements massifs et offensifs dans un contexte qui n’a jamais été aussi répressif, autoritaire voire totalitaire.

La force spectaculaire des Gilets Jaunes, ce fut aussi de refuser de jouer avec les règles du système. De refuser le langage imposé. De refuser les méthodes de « débat démocratique ». Et surtout d’imposer ses propres modalités, son propre calendrier, son propre langage, son propre rythme.

Cet état d’esprit, il est plus que jamais nécessaire dans une période asphyxiante où les puissants nous ressortent les épouvantails de la peur de l’autre et de la guerre.

Nous souhaitons donc un excellent aniversaire à tous ceux qui se sentent, se sont sentis et/ou se sentiront Gilets Jaunes. Et nous leur donnons rendez-vous, un jour, dans les rues de France, pour construire quelque chose d’encore plus fou, d’encore plus improbable. D’encore plus vivant.


La preuve par la Palestine

Que nous disent les événements en Palestine sur l’évolution du champ politique français ?

Entre interdictions de manifestations, répression violente, propagande médiatique et un tapis rouge déroulé à l’extrême-droite, le traitement du mouvement de solidarité envers la Palestine nous en dit long sur la fascisation de la France.

Le samedi 7 octobre 2023, le Hamas lançait une offensive sans précédent sur le sol de l’Etat colonial israélien. Celle-ci s’est soldée par une tuerie de masse qui a suscité de vives réactions à travers le monde.

De nombreux pays ont exprimé leur ferme condamnation, tout en affirmant leur soutien total à Israël. La France fait partie de ceux-ci.

Aux côtés des Etats-Unis, elle ne s’est pas contentée de présenter son soutien et ses condoléances aux familles des victimes israéliennes, elle s’est fermement rangée derrière Israël et Netanyahou. Le jeudi 12 octobre, Macron est même allé jusqu’à légitimer l’horreur de la répression à Gaza, dont les morts se comptent aujourd’hui par milliers.

En parallèle, les manifestations de solidarité avec la Palestine sont interdites, des dizaines de militant·es sont interpellé·es, y compris jusque dans les rangs de l’Union Juive française pour la Paix, simplement pour avoir témoigné de leur soutien au peuple palestinien ou de leur indignation face à la tragédie qui se déroule à Gaza.

Des représentants du gouvernement et des journalistes se permettent des sorties toujours plus islamophobes. Le RN, parti politique dont les fondements même reposent sur la culture du racisme, en particulier de l’antisémitisme, est désormais considéré comme tout à fait respectable, appartenant à ce que le gouvernement et les médias appellent sans honte « l’arc républicain ».

Ce n’est pas un hasard, si le révisionniste Éric Zemmour a bénéficié d’un bain de foule lors de la manifestation organisée par le CRIF tandis qu’Olivier Faure, leader du PS, en a été expulsé. Face à cela, la France insoumise, dont nous devons reconnaître que les positions nous ont surpris, dans le bon sens du terme, se tient plus seule que jamais à l’Assemblée.

Elle fait face à un déferlement médiatique, politiquement confus, d’une ampleur rarement atteinte, qui présente la gauche comme étant un danger à combattre et même une complice du terrorisme. En 75 ans de résistance palestinienne, jamais la France n’avait été aussi partiale, que cela soit dans sa communication internationale ou dans sa politique intérieure.

Dominique de Villepin, qui n’a pourtant rien d’une personne sympathique, nous a justement donné un aperçu de ce qu’était la politique française d’il y a vingt ans vis-à-vis de la situation au Proche-Orient. Aussi imparfaite soit-elle, celle-ci considérait les aspirations du peuple palestinien à la liberté et se voulait plus neutre. Aujourd’hui tout cela n’existe plus.

Nous devons nous interroger sur le soutien idéologique du gouvernement Macron à un régime coloniale d’extrême-droite.

La France s’est définitivement rangée du côté des USA et de l’Atlantisme au point de compter parmi les quatre nations ayant voté contre la résolution du Conseil de sécurité appelant à un cessez-le-feu.

Mais qu’a-t-elle à y gagner ?

Les crimes du Hamas sont l’occasion rêvée pour le pouvoir et les médias à sa botte.

Depuis dix jours, ils sont utilisés pour légitimer des déclarations plus racistes les unes que les autres, pour justifier la mise en place de nouvelles politiques autoritaires, xénophobes et islamophobes.

La mort de plus d’un millier d’enfants gazaoui·es est considérée comme résultant d’une riposte légitime, les Palestinien·nes sont déshumanisé·es, au point que la colonisation et les dizaines de milliers de victimes qu’elle a engendré en 75 ans semblent être un non-sujet.

Les dernières organisations de gauches qui tiennent péniblement le cap sont criminalisées, le NPA et l’UJFP sont menacés par des actions en justice pour « apologie du terrorisme » alors que dans un même temps le gouvernement français se dit solidaire d’un Etat qui a tué plus de 3000 civil·es en l’espace d’une semaine et qui est en train d’en affamer deux millions d’autres.

Plus que jamais les événements en Palestine mettent en évidence la puanteur du climat qui règne en France. On se sert des actions du Hamas et de la surenchère de quelques égarés qui soutiennent encore l’Etat islamique pour justifier d’une véritable haine à l’égard de tout ce qui se rapproche de près ou de loin d’un·e arabe ou d’un·e musulman·e.

Climat qui annonce une fois encore que le pire est à venir, et qu’il nous faudra être plus solidaires que jamais pour y faire face.

Ce qui semble difficile quand on voit le peu d’organisations se disant de gauche qui sont en capacité de tenir une ligne claire sur l’antiracisme et la lutte décoloniale. Qu’importe, les récents événements nous auront permis d’identifier clairement nos allié·es.


L'ART DE PERDRE

C’est un des paradoxes de notre époque : en France, jamais nous n’avons connu autant de mouvements de protestation d’ampleur. En intensité comme en nombre de personnes. Et si rapprochés dans le temps.
Et jamais nous n’avons connu autant de défaites : Gilets Jaunes, Retraites, Grève du climat, BLM puis la révolte des quartiers après la mort de Nahel, Loi sécurité globale, mouvement anti pass sanitaire…

La liste est longue et incomplète.

Le constat est glaçant, et nous oblige à nous questionner. Prenons la dernière défaite majeure en date : la réforme des retraites. Bien sûr, on pourrait tenter de refaire le match et dire ce qu’il aurait fallu faire différemment pour arriver à faire plier le gouvernement. Bien sûr, les syndicats ont été défaillants à bien des égards.

Mais sincèrement, qui pense vraiment qu’il existait un scénario qui ferait plier le pouvoir sur ce point ?

Le mouvement a tout eu : une durée inédite, des mobilisations massives, des actions hors manif, des aspects insurrectionnels et clairement offensifs, un soutien important de la population….

La réalité, c’est que le pouvoir actuel avait décidé de passer sa réforme réactionnaire coûte que coûte. Et que désormais, dans notre société, il est « accepté » qu’un pouvoir fasse passer (en 49.3 en plus) une réforme dont la majeure partie de la population ne veut pas et qui met des millions de personnes dans la rue pendant des mois.

Le pouvoir actuel le sait et en profite. Et les prochains gouvernements feront de même.

En quelques décennies, le contrat implicite passé entre la population et ses « gouvernants » a totalement basculé. Il y a 20 ou 30 ans, on aurait jamais imaginé que des mouvements sociaux d’une telle ampleur ne débouchent pas sur des compromis du gouvernement en place. Aujourd’hui, en raison de la violence de la société ultra libérale et la propagande des médias qui la servent, cela est devenu « normal ».

La preuve de ce terrible constat se trouve également du côté des Gilets Jaunes. Comment pouvait-on imaginer qu’une telle révolte n’aboutisse à aucun changement politique, pas même un remaniement ? Le pouvoir a tremblé, s’est barricadé, mais n’a concédé que des miettes.
Qui aurait pu prédire que tout resterait comme avant ? Voire pire.

Car c’est aussi la force de ce système : non seulement il ne cède pas aux protestations sociales, mais il arrive à se renforcer à chaque séquence, notamment sur son volet répressif, sécuritaire et liberticide.

On se retrouve donc avec l’équation suivante : chaque mouvement de lutte est voué à l’échec, et donne l’occasion au système de renforcer son arsenal répressif et autoritaire.

Pour autant, il ne faut ni blâmer les personnes qui luttent, ni décourager les prochains mouvements. Mais il faut rester lucide sur la situation inédite.

Car l’horizon n’est pas totalement bouché. Il n’y a en fait désormais qu’une seule issue « positive ». Elle est très lointaine mais elle est atteignable et magnifique : il s’agit de faire chuter le système capitaliste. De le détruire. Et de reconstruire un autre monde.

On le sait désormais, il n’y aura plus de « petites victoires ». Le système politique et médiatique a réussi à faire accepter l’idée qu’un pouvoir en place puisse passer en force et écraser toute constestation (qu’importe sa forme et son fond). La victoire viendra donc du fait de détruire ce système. Sans parler d’un grand soir, il s’agit bel et bien d’imaginer la fin du capitalisme et de réussir à créer un nouvel horizon politique et de vie commune, et ce, bien au delà de la France.

Car le système capitaliste est ainsi fait qu’un seul pays (qui plus est occidental) ne peut s’en extraire seul. L’exemple de la Grèce il y a dix ans est pour le coup plus qu’éclairant. Un gouvernement, si anticapitaliste soit-il, ne réussira pas à sortir seul du système capitaliste.

Il faut donc travailler dès maintenant à des jonctions de luttes entre différents pays, que ce soit sur les thématiques climatiques, sociales ou anti racistes. Les raisons de se réunir au-delà des frontières ne manquent pas. Il faut également se déconstruire politiquement pour trouver des horizons et des projets réellement solidaires et à même d’être une alternative aussi crédible que radicale vis à vis du capitalisme.

Il faut aussi préparer le terrain à ce que ce basculement puisse exister. Et il ne se fera pas sur une lutte, mais au travers de plusieurs luttes, qui pousseront ensemble, dans un espace temps commun. Pour cela, une contre-culture révolutionnaire et insurrectionnelle doit se développer. Cinéma, musique, théâtre mais aussi des médias autonomes, des clubs sportifs, des bars, des restaurants, des espaces autogérés. Il faut qu’un maximum d’espaces fassent sécession avec cette société. Sans se fermer au reste du monde, mais en invitant les autres à les rejoindre, même l’espace d’un concert, d’un match de foot ou d’un weekend de teuf.

Tous ces espaces doivent alors se tenir prêts, et pouvoir participer au basculement le jour où il sera possible.

Tout cela est évidemment très diffus et incertain. Mais c’est à nos yeux le seul moyen de sortir vraiment par le haut de cette spirale mortifère pour le vivant dans lequel nous entraîne ce monde capitaliste. L’idée n’est pas de crier à la convergence des luttes. Mais de prendre acte que notre société n’accepte plus que la rue puisse donner son avis et influer sur le cours de l’histoire. Le peuple ne peut désormais « participer » que lors des élections. Et ces élections ne sont en aucun cas une issue pour sortir du système.
Pour changer la donne, il faut donc changer le système. Et pour changer le système, il faudra le détruire. Car les puissants qui en profitent ne laisseront pas les choses changer sans qu’ils y soient contraints.


En cendres, tout devient possible. Même le pire

La séquence actuelle nous plonge dans des sentiments très paradoxaux. Car nous n’avons que peu d’espoir sur le fait qu’elle débouche sur des avancées significatives en terme de recul du racisme systémique ou de lutte contre un état oppresseur et ultra libéral. On pense même assez probable que l’État et son appareil répressif en ressortent renforcés, et encore plus autoritaires. Et que l’extrême droite profite de cette « crise » pour continuer sa morbide ascension.

Mais même avec un horizon aussi sombre, les révoltes actuelles nous paraissent salutaires et importantes.

Evidemment, brûler des voitures ou même des commissariats et des banques ne fera pas disparaître le racisme dans la police et dans toutes les structures de notre société. Cela ne donnera pas de travail à tous ces laissés pour compte.

Nous ne voulons pas non plus essentialiser et romantiser les actes qui ont lieu ces dernières nuits un peu partout en France. Car oui, il y a une part de « kiff » pour certains dans le fait de brûler des poubelles ou des voitures, et il y a un intérêt personnel, immédiat et matériel, à piller des magasins de fringues, de luxe ou d’informatique. Et alors ? Ces actes sont largement moins condamnables que les écritures comptables des criminels en col blanc, qui, en l’espace d’une saisie informatique, volent des millions, avec des conséquences bien plus graves pour ceux en bas de l’échelle.

Mais même avec ces considérations individuelles, matérialistes et presque « nihilistes », nous pensons que ces révoltes sont à soutenir.

Car ce que font ces gamins est assez unique : ils contribuent à dévoiler le vrai visage de l’état dont le masque s’effrite un peu plus chaque jour.

On pourrait évidemment se dire qu’il n’y a aucun intérêt à voir un pouvoir autoritaire devoir montrer son vrai visage si cela ne permet pas de le renverser. Sauf qu’à l’inverse, si l’on pense vivre dans un état autoritaire (et raciste) et qu’on préfère ne pas le provoquer de peur de sa réaction, on offre un boulevard à ce que rien ne change.

Car qui peut encore croire que faire des pétitions, des manifestations ou des tribunes peut faire changer cette société ? Ce n’est même plus le cas pour le monde du travail, pour les luttes ecolo, et cela n’a jamais été le cas pour les Gilets Jaunes… alors imaginez pour ces sauvages de banlieue ? Or cette société, elle tue, quotidiennement. Et pas qu’avec sa police.

Et si jeunes soient-ils, ces enfants de 2023 l’ont totalement compris. Ils l’ont même intégré sans avoir eu à le verbaliser.

Et pour cause… Ces gamins sont de purs ‘produits » de la France. La quatrième voir cinquième génération d’ancêtres « issus de l’immigration » pour utiliser le langage policé et policier. En vrai, ce sont des français, mais ils sont noirs et arabes. Et ils ont très vite compris qu’ils n’étaient pas vus comme les autres français. Ils l’ont compris face à la police, mais également dans tous les moments de leur vie.

Car il faut être aveugle (ou raciste et donc malhonnête intellectuellement) pour ne pas voir la réalité de notre société : les noirs et les arabes sont des citoyens de seconde zone, cantonnés dans une précarité sociale et économique, et sans cesse stigmatisés.

Ces gamins voient bien que leurs aînés travaillent principalement pour faire le ménage, la sécurité ou du Uber/Deliveroo. Et encore, quand ils arrivent à trouver un taff.

Ils ont bien compris que l’ascenseur social n’était qu’un mirage. Qu’à part avec le foot ou le rap, personne de leur quartier n’a de chance de réellement s’en sortir.

Par ces révoltes, ces jeunes reprennent également un pouvoir, un rapport de force, une existence. Qu’importe s’ils sont stigmatisés et traités de sauvages. Au moins, ils existent. Ils comptent. Et c’est déjà énorme. Par leurs actes, ils ont réussi à faire annuler des concerts, des festivals, fermer des centres commerciaux, couper des services de transport. Alors oui, on peut se dire, à raison, que ce n’est pas ça qui fera avancer la question des inégalités sociales et du racisme systémique. C’est vrai; Mais c’est aussi vrai que toutes ces répercussions obligent le pouvoir et le système à regarder le problème. A défaut de le régler, c’est déjà un énorme progrès.

Les gamins de 16 ans sont nés en 2007. Deux ans après la révolte des quartiers suite à la mort de Zyed et Bouna. D’ailleurs, il est fort probable que parmi les émeutiers de 2023, certains soient des enfants d’émeutiers de 2005.

La grande question est donc de savoir comment cette révolte pourrait déboucher sur plus d’avancées que celle d’il y a 18 ans. Comment pourrait-elle faire mieux également que le soulèvement BLM de 2020 après la mort de George Floyd, lui aussi tué par un policier, et lui aussi filmé.

Nous n’avons évidemment pas la réponse.

Mais nous sommes convaincus que les nuits de révoltes permettent d’ouvrir une brèche. Cette brèche n’est pas un boulevard pour les idées progressistes et pour la lutte contre ce système et cette société. Mais elle reste une brèche, quelque chose de si rare de nos sociétés désormais totalement atomisées et contrôlées. Où on nous rabâche qu’il n’y a pas d’autres « vivre ensemble » possible que ce capitalisme puant et raciste.

Il faut donc entrer dans cette brèche et tenter d’y apporter des éléments qui permettront d’infléchir, au moins un peu, la dérive actuelle du pouvoir. Espérer que ces jeunes (dont ne nous faisons pas partie et dont on ne prétend savoir comment ils pourront s’en sortir) sauront trouver des espaces et des structures pour peser durablement, et même pour lutter efficacement. Espérer aussi que la rencontre Beauf et barbares devienne une réalité. Que les oubliés de toutes les périphéries comprennent que c’est le système capitaliste qui est responsable de leur situation.

Le faire en comprenant qu’en plus d’être des citoyens de dernière zone, les habitants des quartiers populaires racisés subissent en plus un racisme systémique et permanent. Et qu’on ne peut mettre cette réalité abjecte en second plan. Qu’il faut l’aborder frontalement, en même temps que la question sociale.

Dire cela ne donnera certainement aucune clé pour sortir d’une impasse que nous craignons. Mais nous n’avons, à l’heure actuelle, pas d’autres mots que ceux-ci.

Et dire, redire, et répéter, qu’une révolte des laissés pour compte n’est jamais illégitime et doit être soutenue et appuyée.

« Ceux qui ont pris tout le plat dans leur assiette, laissant les assiettes des autres vides, et qui ayant tout disent avec une bonne figure “Nous qui avons tout, nous sommes pour la paix !”, je sais ce que je dois leur crier à ceux-là : les premiers violents, les provocateurs, c’est vous !

Quand le soir, dans vos belles maisons, vous allez embrasser vos petits enfants, avec votre bonne conscience, vous avez probablement plus de sang sur vos mains d’inconscients, au regard de Dieu, que n’en aura jamais le désespéré qui a pris les armes pour essayer de sortir de son désespoir. »
L’Abbé Pierre, 1984


Le racisme n'est pas une maladie

Il ne se guérit pas. Il se combat en détruisant les structures qui le créent et qui l’abritent.

Peu de monde semble vouloir mesurer la gravité de ce qu’il vient de se passer en France. Pas seulement l’attentat contre les Kurdes en lui-même, mais également son traitement policier, judiciaire et médiatique. Rendez-vous compte : l’auteur de l’attentat, qui sortait de détention provisoire pour une précédente attaque sur des migrants, déclare lui-même avoir agi par racisme, et avoir ciblé les Kurdes parce qu’ils avaient faits prisonniers des combattants de DAESH, au lieu de les avoir tués. Résultat ? Sa garde à vue a été levée et il a été provisoirement transféré vers l’hôpital psychiatrique.

Le médecin de la préfecture avait en effet estimé que son état de santé mentale n’était « pas compatible avec la mesure de garde à vue ». Qu’importe qu’il ait été renvoyé en GAV dimanche 25 décembre. Le simple fait de l’avoir sorti aussi rapidement et d’avoir déclaré son état de santé mentale incompatible avec un interrogatoire peut déjà dire beaucoup de choses. Des choses graves et indignes pour l’État français mais tout à fait compatibles avec sa ligne politique et ses valeurs républicaines si actuelles.

Imagine-t-on un terroriste salafiste-takfiriste (qualifié d’islamiste ou djihadiste par la presse), venant d’effectuer un attentat à Paris, qui serait sorti de l’interrogatoire pour être envoyé en hôpital psy parce qu’on estimerait sa santé mentale incompatible avec une détention ? Le tollé serait monumental, prenons l’attentat de Nice comme élément comparatif sérieux.

La Justice considère que ces fondamentalistes ne sont pas des malades mentaux mais des personnes endoctrinées et porteuses d’une idéologie mortifère. Leurs idées, si dangereuses soient-elles, sont considérées comme dotées d’une logique et d’une construction « sensée ». Il s’agit d’une idéologie, d’un choix de société.

Tout cela est éminemment politique. Et ce, que la personne soit « un loup solitaire de Daesh » ou totalement intégrée dans des réseaux structurés. On pourrait même pousser le raisonnement jusqu’au point Godwin en se demandant s’il aurait fallu interner tous les nazis dans un hôpital psychiatrique sans les combattre et les condamner ?

Nous ne disons pas qu’il faut considérer toutes ces personnes comme des ennemis dont il faudrait se débarrasser. Nous tâchons de souligner qu’il y a derrière des mécanismes de pensée et une société qui poussent à créer ce qu’elle décrit comme des monstres, jamais comme SES monstres. Et qu’on ne guérit pas le racisme et l’intolérance. On les combat. Idéologiquement, et physiquement s’il le faut.

Que William Mallet souffre de troubles d’ordre psychiatriques ou pas ne change finalement pas grand chose aux conditions matérielles de ses actes. De la même façon que pour les frères Kouachi par exemple. Vouloir éviter ces attentats nous imposerait d’essayer de comprendre pourquoi et comment ces personnes en sont arrivées à devenir ce qu’elles étaient au moment de leur passage à l’acte.

Car on ne naît pas raciste, on ne naît pas fasciste. On le devient. Ne pas le comprendre, c’est être dans le déni de ses propres responsabilités dans les drames passés et à venir. La société est raciste dans son intégralité et nous en sommes malheureusement toutes et tous imprégnés à des niveaux différents, y compris les populations racisées. « Le racisme n’est pas un tout mais l’élément le plus visible, le plus quotidien, pour tout dire, à certains moments, le plus grossier d’une structure donnée » disait Fanon.

Pour en revenir à William Mallet, nous devons prendre conscience du choix politique du pouvoir français, de considérer qu’un Français qui commet des horreurs contre des Kurdes est une personne instable psychologiquement qu’il convient de « soigner » alors qu’un arabe ou un noir ayant commis les mêmes horreurs sur des Français sera considéré comme un ennemi, un combattant, totalement conscient de ses actes.

Le traitement de l’affaire par les médias mainstream ne fait qu’accompagner cette terrible narration. La plupart des médias français mais surtout les mandataires de l’État n’ont en effet pas utilisé le terme de terrorisme, alors qu’ils n’avaient pas ce problème quand, par exemple, il s’agissait de polémiquer autour de ce terme concernant des militants écologistes opposés aux megabassines.

Ils n’ont même pas voulu donner le nom de famille de William Mallet, ne précisant que le M après son prénom. On a jamais vu ces mêmes médias décider de ne pas dévoiler le nom de famille des auteurs d’attentats comme ceux de Charlie Hebdo ou du Bataclan. La fachosphère qui s’était emballée sur le nom de famille « étranger » du terroriste, en relayant une fausse info, partie d’un twittos, se reporte finalement sur la théorie du pauvre vieux malade, dont nous devrions avoir pitié.

Cette graduation témoigne bel et bien d’un racisme et d’une passivité d’un État qui a ouvert des brèches pour propager le racisme déjà solidement ancré dans la société française.On voit ainsi qu’un terroriste qui revendique son racisme sera traité par la police, la justice et les médias d’une façon bien particulière et, avouons-le, avec une certaine « bienveillance ». Bien plus qu’un terroriste mais aussi qu’un militant d’extrême gauche, un « islamogauchiste », un écologiste ou un anarchiste et autres militants dits « d’ultragauche » venant de commettre une action considérée comme illégale.

Établir un parallèle entre des activistes progressistes déterminés qui n’ont jamais tué personne et Daesh ou Al Qaïda a un objectif politique qui n’a rien d’anodin. Criminaliser la révolte et l’accuser de ce qu’elle n’est pas, quitte à faire des raccourcis invraisemblables. Celui-ci va de pair avec le fait de minimiser le danger de l’extrême-droite qui d’un côté gouverne dans beaucoup de pays, et de l’autre, représente le plus grand danger concernant les risques d’attentat dans le monde occidental. Dans ces conditions, William Mallet, personne âgée, française, est donc logiquement instable psychologiquement. Gerbant, une souillure pour les victimes de ce raciste.

Alors nous le dirons, redirons et répéterons tant qu’il le faudra : le racisme n’est pas une maladie. William Mallet est un raciste qui a commis un attentat contre la communauté kurde. En solitaire ou commandité par des organisations, cela ne change rien à l’histoire. Il convient de traiter ce terroriste comme tel, afin de tenter de dissuader les prochains sur la liste sombre des criminels racistes.


🇹🇿 Tanzanie : soulèvement Massaï contre leur expulsion de la réserve de Ngorongoro

Située dans le nord de la Tanzanie, la réserve naturelle du parc de Ngorongoro s’étend sur 8288 kilomètres carrés. Faiblement peuplée, sa population y est majoritairement Massaï, vivant entre le Nord de la Tanzanie et le Sud-Ouest du Kenya. Estimée d’environ 8000 habitants dans les années 50, le nombre d’habitants vivant dans cette zone serait composée aujourd’hui de plus de 100 000 personnes.

D’après le magazine Géo, la quantité de têtes de bétail serait passé d’environ 260 000 en 2017 à plus d’un million aujourd’hui, majoritairement des bovins.

Jusqu’à présent, les gouvernements successifs de Tanzanie ont toujours autorisé les populations autochtones à rester vivre sur leurs terres, (oui la lecture de cette phrase est scandaleuse).

A cause du réchauffement climatique, la saison sèche dure dorénavant plus longtemps.

Celles et ceux qui vivent dans cette réserve, se retrouveraient parfois en concurrence avec la faune sauvage à la recherche d’eau. La cohabitation avec les animaux sauvages, avait jusqu’ici toujours été optimale.

Il serait dorénavant moins rare d’y voir des accidents : attaques sur le bétail et parfois même sur les humains.

C’est sur cet étrange prétexte, réfuté par la population Massaï, que s’appuie le gouvernement tanzanien, dirigé par la présidente Samia Suluhu Hassan et le premier ministre Kassim Majaliwa pour faire appliquer “un plan de conservation.” Le son des cloches porté par les vaches est accusé de faire fuir les animaux sauvages et de nuire au tourisme, secteur qui représente 18% du PIB tanzanien. En plus de déplacer des populations, l’Etat propose l’instauration d’un système de balises qui séparerait les animaux sauvages des hommes. Sauf que la vraie raison semble être toute autre.

D’après Mr Mondialisation : “l’entreprise Otterlo Business Company (OBC), basée aux Émirats arabes unis (EAU) qui organise des excursions de chasse pour la famille royale de son pays et ses invités devrait obtenir le contrôle de la chasse commerciale dans la région.” L’Allemagne serait également engagée dans ce processus au nom de l’écologie. “La Zoologische Gesellschaft Frankfurt (Société zoologique de Francfort) finance des gardes forestiers et des agents de protection de la nature, dont certains, selon les Massaï, ont été impliqués dans les récentes expulsions.” Fiore Longo (Survival France) alerte “Les conservationnistes qui travaillent en Tanzanie, comme la Société zoologique de Francfort (FZS), basée en Allemagne, prônent un modèle de conservation raciste et colonial qui est celui de la conservation-forteresse. La FZS considère la population locale et son bétail comme l’une des principales menaces à la survie de l’écosystème, promouvant ainsi le mythe d’une « nature sauvage » sans population, qui a depuis le début servi de philosophie sous-jacente aux expulsions des Massaï. »

L’État tanzanien est donc accusé de vouloir transformer les parcs naturels en zones uniquement réservées à l’usage touristique pour des safaris et même destinées à la chasse aux trophées. Héritière caricaturale de la domination coloniale, cette pratique est ainsi très éloignée des prétentions écologistes.

Des compensations seraient proposées à celles et ceux qui acceptent un déplacement 370 kilomètres plus loin.

A la clé : des promesses de meilleures conditions de vie, d’écoles et hôpitaux à proximité, ou encore un accès à l’électricité. Problème : en plus de forcer ce mouvement, par le passé, les déplacés n’ont que rarement reçu des compensations, se retrouvant parfois dans la misère.

La majorité des autochtones semble rester méfiante et hostile quant à cette décision d’exil, et bien décidée à y faire face. D’autant que les précédents ne vont pas dans ses intérêts. En 2018, après trois ans d’enquête, un rapport publié par Anuradha Mittal pour la Oakland Institut, témoigne de nombreuses exactions répressives de la part de l’armée tanzanienne à l’encontre des Massaï : après les déplacements forcés, 20 000 personnes se seraient retrouvés SDF dépourvus de biens et de bétails. « Les entreprises touristiques veulent une savane immaculée, le genre d’image qu’on voit dans National Geographic ou à la télévision, la savane avec les lions, les bêtes sauvages… Ils ne veulent pas voir d’êtres humains. Ils nient l’existence de cette population, qui vit pourtant sur cette terre depuis toujours. ». (…) “« L’armée affirme qu’elle protège le parc national du Serengeti, mais les villageois ont été battus sur le territoire de leur village, et pas dans le parc. C’est un vrai climat de répression, on leur dit « comment osez-vous aller devant la Cour de justice régionale ? » ». (Oakland Institut)

Les tensions semblent s’amplifier et atteindre un nouveau tournant après une nouvelle offensive de l’Etat. La police aurait blessé plus de 40 personnes par balles et dans ces affrontements, un policier aurait été tué par des flèches. Le militant des droits de l’homme Joseph Moses Oleshangay rapporte que « La police, les militaires sont arrivés dans le village, sans prévenir. Ils ont commencé à installer des balises de démarcation. Les villageois ont résisté. Les policiers ont commencé à utiliser des gaz lacrymogènes et des munitions. Beaucoup de gens ont été frappés, blessés. Des habitants ont commencé à tirer des flèches et je pense que c’est comme ça que le policier a été touché.”

De son côté, le commissaire de police rétorque « Il est très regrettable qu’un policier ait été tué par des flèches tirées par un groupe de personnes qui voulaient bloquer la pose de balises et a même voulu attaquer ceux qui menaient ces opérations ». (Source RFI)

D’après Reporterre, le 10 Juin dernier, “au moins 18 hommes et 13 femmes ont été la cible de coups de feu, tandis que 13 autres ont été blessés à coups de machette”.

Aux quatre coins du globe, le droit à la terre est bafoué et les populations autochtones chassées et humiliées alors qu’ils sont les vrais gardiens garants de la faune de ces zones que les programmes qui les chassent ne parviennent pas à sauvegarder. Il y a le plus souvent non seulement des intérêts économiques mais aussi le désir de s’accaparer une terre pour s’y sentir comme dans son jardin. Il s’agit ici, encore une fois d’un cas d’école du néo-colonialisme vert.

Source vidéo : Anonyme citoyen, Survival France


Des gaz qui ouvrent les yeux

« J’ai suivi Liverpool partout dans le monde. J’ai assisté à cinq finales en Europe. Je n’ai jamais vu une telle incompétence dans l’organisation. Mais le pire restera la brutalité horrible de la police française. Gaz lacrymogènes. Armes pointées sur les supporters. » C’est un journaliste spécialiste de Liverpool qui témoigne dans Médiapart au lendemain de la finale de la ligue des Champions au Stade de France.

Il y a les mots, et il y a les images aussi : des enfants suffocants et pleurant sous les gaz, 135 blessés annoncés officiellement, des scènes où les forces de l’ordre gazent à bout portant, gratuitement. Des policiers visant des supporters avec des LBD. La BRAV-M qui matraque tout ce qui bouge dans la fanzone à Nation, des journalistes obligés de supprimer leurs photos/vidéos de violences policières pour pouvoir entrer dans le stade et couvrir le match…

En une soirée, l’Europe a fait connaissance avec une réalité que côtoient des millions de Français depuis le premier quinquennat Macron. Car sincèrement, toutes les scènes vécues par les supporters anglais et espagnols samedi soir n’ont, tristement, rien d’inédit pour ceux qui sont habitués des manifestations sportives ou politiques.

Depuis 5 ans, et particulièrement depuis l’arrivée de Lallement à la tête de la préfecture de Paris, le pouvoir a décidé de gérer les « rassemblements » par une stratégie très radicale : la terreur. Traumatisé par les premiers épisodes des Gilets Jaunes, le pouvoir est convaincu que « la meilleure défense reste l’attaque ». Les unités de police, de CRS, les BRAV-M ont donc carte blanche pour balancer du gaz lacrymo, pour matraquer, pour tirer au LBD ou balancer des grenades de désencerclement. Pas besoin d’avoir commis une infraction pour être réprimé, il suffit que la police juge que vous avez le mauvais look, ou comportement.

Dans la presse aujourd’hui, chacun pointe les responsables du fiasco de cette finale : pour certains, ce serait la faute de supporters anglais qui auraient tenté d’entrer dans le stade avec des faux billets, pour d’autres, ce seraient des jeunes du 93 qui auraient eux aussi tenté d’accéder au stade… D’autres parlent de supporters anglais complètement saouls et irrespectueux. La police britannique de Liverpool présente au stade a évoqué des circonstances choquantes et défendu le comportement « exemplaire » des supporters des Reds pendant la rencontre, « la pire » à laquelle elle dit avoir jamais eu affaire en terme d’organisation

Il y a sûrement eu des dizaines de personnes qui ont eu des comportements répréhensibles lors de cette journée/soirée. Des dizaines sur près de 100 000 supporters présents dans une ville qui accueille la finale la plus importante de l’année en Europe. Mais cela arrive à chaque événement d’une telle importance dans le foot, notamment avec des clubs aussi populaires que Liverpool, avec plusieurs dizaines de milliers de supporters présents pour encourager leur club, même sans avoir la chance d’accéder au stade. Et pourtant, cela ne se passe pas comme ça habituellement – ailleurs qu’en France en tout cas.

D’ailleurs, il est notable de voir qu’il n’y a eu aucun affrontement entre les supporters de Madrid et de Liverpool, aucun acte qui aurait pu permettre au pouvoir de justifier sa stratégie ultra violente. Si la soirée s’est déroulée avec une telle violence, c’est tout simplement parce que la France a décidé de gérer les matchs de foot avec la doctrine du « tout répressif ». Et cela ne date d’ailleurs pas de Macron. Les Interdictions Administratives de Stade, qui ont été le laboratoire des restrictions de libertés désormais appliquées dans le domaine des luttes sociales et politiques, ont été érigées en principe, tout comme l’interdiction de fumigènes, la dissolution d’associations ou l’interdiction de déplacement. Les supporters français qui ont vu les images d’hier à la TV n’ont d’ailleurs pas dû être particulièrement étonnés. Cela ressemble à leur quotidien de supporters traités comme des sauvages et terrorisés en permanence.

On le voit bien, la doctrine de « maintien de l’ordre » française adoptée face aux supporters de foot est exactement la même que face aux militants politiques (Gilets Jaunes, antifa, écolo, étudiants…).

Dans la presse, de nombreux journalistes et même responsables politiques étrangers se sont interrogés sur la capacité de la France à organiser les Jeux Olympiques dans deux ans. Qu’ils se rassurent : ces JO devraient se passer dans le calme : cet événement sportif, si suivi soit-il à la TV, n’a jamais déchaîné les foules dans et surtout hors des stades. Les JO sont d’ailleurs le parfait exemple de ce dont rêve la société capitaliste pour le sport : un événement massif, permettant d’engranger des milliards, mais sans supporters. Avec de simples « spectateurs consommateurs ». C’est d’ailleurs aussi de cela dont rêve la FIFA et l’UEFA, même s’ils tentent de surfer sur la ferveur des supporters et en faire un atout marketing.

S’il fallait retenir deux choses de cette débâcle sécuritaire au Stade de France :

1/ La stratégie de la terreur menée par Macron/Darmanin/Lallement, proche d’un régime autoritaire, a éclaté aux yeux de tous. Elle a touché hier les supporters anglais mais les supporters français le vivent depuis des années, tout comme les militants politiques et sociaux.

2/ Le football, sport le plus populaire du monde, ne cesse d’être pris en tenaille entre les dérives ultralibérales de ses dirigeants, et une base de supporters qui reste populaire, y compris dans des clubs qui évoluent dans des sphères de milliardaires. Car si certains ont décidé de se couper des clubs de haut niveau pour se tourner vers des divisions inférieures (avec des clubs amateurs et/ou autogérés, que ce soit en Angleterre, en Italie ou en France), de très nombreuses personnes continueront de suivre et d’encourager des équipes qui ne voient en eux que des sauvages.

On remercie presque la presse étrangère d’être aussi choquée par les images du Stade de France. Car, au final, cela nous rappelle à quel point tout cela n’a rien de « normal » dans une « démocratie » (cependant qualifiée récemment de défaillante par le groupe britannique The Economist). La banalisation de la situation aurait pu nous faire basculer dans le doute, et nous faire penser que nous étions peut être dans l’exagération face au silence complice d’une grande partie des médias français depuis plusieurs années.

Il n’en est rien, et nous continuerons à pointer du doigt ces dérives autoritaires et répressives inacceptables.


Nous ne sommes pas N(D)UPES

– NUPES, 5 lettres pour tout reconstruire ? Ou pour tout détruire ? –

L’alliance entre la FI, le PS, le PCF, EELV et Générations est présentée par ses protagonistes comme historique. Elle l’est probablement. Mais pas dans le bon sens de l’histoire. Toutes les négociations et compromissions de ces derniers jours sont là pour maintenir le social-liberalisme le plus vomitif en place. Nous ne sommes pas dupes et nous ne seront jamais NUPES. Il n’y aura pas rupture par les urnes.

Si cette coalition opportuniste arrive à avoir une majorité à l’assemblée nationale, on ne pourra que se satisfaire que Macron perde sa majorité et vive une cohabitation.

Mais nous ne doutons pas que les 5 ans que la France connaitrait avec un gouvernement qui comporte des membres du PS, du PCF et de EELV ne serait qu’un quinquennat de social-démocratie de plus. Probablement moins ultra libéral que 5 ans de Macronisme. Certainement moins raciste aussi. Mais loin d’être en adéquation avec nos valeurs et combats.

Mais si ce n’était que ça, nous pourrions nous « satisfaire du moins pire ». On en a tellement pris l’habitude depuis des décennies.

Non, là, les conséquences sont bien plus graves pour notre camp. Cet accord remet au centre du jeu les partis de la gauche moisie que nous avons tant vomis, à juste titre, depuis des années. Ces partis qui, année après année, ont été mis en échec électoralement. et qui allaient être marginalisés et renvoyés aux oubliettes de l’histoire. D’un coup d’accord électoral, et pour « simplement » réussir à avoir une majorité, l’Union Populaire a redonné plusieurs années de vie au PS ou au PCF.

Qu’on ne nous dise pas que cela va obliger ces partis à revenir dans des considérations plus radicales et plus à gauche. Comment croire encore ce type de raisonnement ? Le PS n’est plus un allié depuis des années. On n’ose même pas établir la liste des exemples tellement elle est longue, aussi bien au niveau national que local. Le PS fait partie du problème. Il est à combattre autant que les partis de droite et d’extrême droite. Et malheureusement, il n’est pas le seul à gauche.

Cette alliance va également couper ce qu’il reste de la gauche, d’une partie de la population qui ne rêve que de renverser le système, et certainement pas de pactiser avec lui.

Les stratégies électorales, les alliances ponctuelles, les compromissions permanentes sont à l’origine de la catastrophe actuelle à gauche.

Les élections et les structures de pouvoir ne sont pas pour nous le centre des luttes à mener. Il n’empêche, nous ne pouvons en faire abstraction dans nos raisonnements. Aussi, les choix faits ces derniers jours par une gauche qui se disait radicale, impactent durablement le paysage des partis politiques français.

Notre conclusion est qu’il ne faut clairement plus rien attendre des partis politiques de gauche. Qu’il va falloir construire en dehors de leur cadre, qu’on pensait sur la fin, mais qui ne cesse de revenir et de se renforcer.

Nous avons conscience qu’une partie de l’électorat de la gauche se retrouve aussi dans nos luttes. Pour nous c’est elle la plus importante car c’est elle qui influencera les lignes politiques du camp progressiste.

Nous combattrons toutes les formes de libéralisme. Que celui-ci soit le libéralisme autoritaire incarné par Macron, que ce soit le social-liberalisme désormais incarné par la nouvelle union populaire ou le libéralisme proto-fasciste des extrêmes droites.

Nous devons penser et organiser dès maintenant le mouvement social qui vient. Le capitalisme ne tombera pas par l’arrivée d’un Mélenchon premier ministre. Nos souffrances perdureront si nous croyons en eux. Nous sommes notre propre solution.

Organisons le mouvement social qui vient. Préparons le. Diffusons l’idée du mouvement de masse imminent dans nos quartiers, nos lieux de travail, nos bahuts. Préparons le calendrier, les échéances. Les jours de grève, les lieux stratégiques. Prenons le temps de le faire bien.

Quelques mois peut-être, pour voir arriver, après l’été, au retour des congés, le premier lundi matin de rentrée, le plus détesté de tous. Voir son lieu de travail, son bahut, sa fac, sa rue, occupés bloqués, sabotés. Dans le but d’envoyer un signal : leur monde est fini.


1ER MAI. PARASITER CE MONDE

On attendait pas grand chose de ce premier rendez-vous dans la rue du 2e quinquennat Macron. Pourtant, ce dimanche 1er mai, Paris a repris des airs de résistance et de riposte populaire. Pour la première fois depuis bien longtemps, on a senti de l’envie, de la puissance et du plaisir à lutter dans la rue. N’en déplaise aux petits bourgeois de la lutte pour qui la révolte est belle que lorsqu’elle est passée. Ou lointaine.

Le cortège de tête a compté plusieurs milliers de personnes. Cela faisait plusieurs mois qu’un si gros cortège pré syndical n’avait pas vu le jour. S’étalant sur plusieurs kilomètres, il se composait de différents groupes et ambiances, l’avant étant clairement noir et jaune, et très offensif. Sans nasse mobile, avec des forces de l’ordre à distance du cortège (sauf sur la fin en approche de Nation), ce cortège du premier mai a pu déployer différentes formes d’expression de la colère sociale qui couve : tags, banderoles, chants, barricades, banques défoncées, fanfares…

Ce n’était certes pas les premiers actes GJ, ni les manifs les plus deter de la Loi Travail. Il n’empêche, cela faisait du bien de retrouver une puissance collective.

C’est aussi et surtout un marqueur fort pour les mois et années à venir. On aurait pu penser que la réélection de Macron allait résonner comme un coup de massue. Le coup de massue est passé. Et les sauvages commencent à se relever. Qu’un seul tienne. Les autres suivront.

Évidemment, la classe politique et médiatique s’est vautrée dans la diarrhée verbale des condamnations, comme des cochons peuvent se rouler avec délectation dans la boue. Y compris au sein de « l’Union Populaire » et de son leader Jean-Luc Mélenchon, qui regrette que la préfecture n’ait pas agi plus fermement. Comme l’a dit Nantes Révoltée, « La sociale-démocratie réclame une répression plus efficace. Une gauche de rupture aurait expliqué que la colère est légitime et aurait protégé le cortège de la police. Une gauche révolutionnaire aurait appelé et participé directement aux actions anticapitalistes. »

Cela aura eu le mérite de confirmer que ce monde là n’a rien compris de ce qui se passe dans notre société depuis plusieurs années. Que les alertes du cortège de tête, des Gilets Jaunes, des actions climats ou de la révolte BLM n’ont absolument jamais été comprises pour ce qu’elles étaient. Un désir profond de renverser ce système.

Pour beaucoup de manifestants, il n’y a même plus à chercher à « justifier » en quoi casser une vitrine d’une banque ou brûler une voiture de luxe est moins « grave » que détruire des vies avec une politique ultra libérale, voler des milliards grâce à des optimisations fiscales et détruire la planète par pur intérêt personnel. Sans même parler de comparer la pseudo violence des manifestants avec la violence de l’État et de son bras armé.

Non, pour beaucoup désormais, il n’y a plus à chercher à convaincre ces gens là, ni même les médias. Ce temps est révolu. Il a duré des mois avec les Gilets Jaunes. Ceux qui, aujourd’hui, ne comprennent toujours pas le font par choix idéologique. Il n’y a donc pas lieu de chercher à les convaincre que nous ne sommes pas des parasites.

La planète brûle, littéralement. Des millions de citoyens sombrent dans la pauvreté, et cela ne va que s’accentuer. Nos libertés ne font que diminuer de mois en mois. Pendant ce temps, les milliardaires et multi millionnaires n’ont jamais été aussi riches et puissants. Et leur président a été réélu pour cinq ans. Ce président responsable de milliers de blessés en manif, et de millions de personnes devenues pauvres. On est reparti pour 5 ans d’horreurs ultra libérales alors que le GIEC ne nous donne que 3 ans pour éviter la catastrophe climatique.

Ces barbares qui ont défilé devant les syndicats dimanche semblent donc bien plus conscients et bien plus humanistes que ceux qui tentent de les salir.

On ne doute pas qu’une partie de la stratégie de la préfecture (et donc du pouvoir), aura été de laisser « faire » pour montrer le « chaos » qu’instaurent ces « barbares » si la police ne fait pas de nasse mobile et n’est pas au plus proche du cortège.

Qu’importent leurs petits intérêts politiciens et médiatiques. Une manif sans nasse mobile restera toujours plus belle et plus respectueuse de la démocratie que ce qu’on a pu vivre ces derniers mois. Et puis, s’il y a eu plus de vitrines de banques cassées car la police ne nassait pas le cortège de tête, il y a certainement eu, dans le même temps, moins de manifestants blessés ou embarqués par les flics. Peut être que cela ne compte pas, ou beaucoup moins que des vitres de banque, pour les commentateurs médiatiques et politiques. Pour nous, cela compte.

La séquence électorale va bientôt prendre fin, laissant alors le champ totalement libre à une lutte simple : Continuer dans ce système. Ou le détruire. Chacun verra les barbares (ou les parasites) du côté qu’il le souhaite, permettant de clarifier ce qui doit encore l’être.