Décrétons l'autodéfense sanitaire - Raoul Vaneigem

Décrétons l’autodéfense sanitaire - Raoul Vaneigem

La menace que le coronavirus a fait planer sur la santé des populations du monde entier a démontré que le véritable danger venait d’une dégradation des services médicaux. Cette dégradation, il n’est pas douteux que les impératifs de profit, partout prédominants, ne cesseront de l’accélérer.

Gérer les hôpitaux comme des entreprises à rentabiliser implique de sous-payer et de surexploiter le personnel, de diminuer le nombre de lits et de moyens techniques. Les grandes firmes pharmaceutiques paralysent la vraie recherche, jettent le discrédit sur les scientifiques qu’elles stipendient, interdisent des médicaments à bas prix qui ont fait leurs preuves pour vendre des vaccins douteux dont la seule efficacité garantie est l’intérêt financier qu’ils produiront.

Il va de soi que les États n’hésiteront pas à réitérer le coup des libertés restreintes, qui leur a si bien réussi. Tout en laissant se répandre les virus issus de la fonte du permafrost, ils se serviront sans scrupule du même prétexte épidémique pour confiner préventivement celles et ceux qui s’insurgent contre leur politique criminelle. Il faut dès maintenant déjouer cette manœuvre.

Il y va de notre vie et de celle de nos enfants : décrétons l’autodéfense sanitaire. Dans les rues, les villes, les campagnes, endossons la blouse blanche du personnel hospitalier. Tous aides-soignants, tous promoteurs de santé !

La morbidité de l’État et des institutions supranationales est permanente. À son encontre imposons, par la permanence et l’intransigeance de nos luttes, le droit imprescriptible à la vie.

Gilets jaunes, noirs, rouges, multicolores ne sont que les habits d’une révolution qui engage l’avenir de l’humanité. La blouse blanche est, plus qu’un symbole, une pratique. Si elle envahit les rues, comment l’État policier en viendra-t-il à bout ?

C’est aux peuples, principales victimes des mesures coercitives et des malversations budgétaires, de créer des conditions capables d’assurer à tous et à toutes la garantie d’éradiquer la maladie dont le capitalisme est le virus le plus implacable. Désobéissance civile, résistance à l’oppression, solidarité festive, y a-t-il meilleurs gages de santé ?

Nous sommes tous des aides-soignants. Le combat est partout où le pouvoir des Communes interdit les pesticides et les nuisances, réinvente l’école, les transports, les structures hospitalières, l’existence quotidienne. C’est un adage médical bien connu, que la plupart des maux se guérissent d’eux-mêmes si on leur donne suffisamment de temps. Nous sommes ce temps-là.

Raoul Vaneigem


COVID : la colère en prime. Oppositions de soignants aux primes COVID

COVID : LA COLÈRE EN PRIME. Opposition de soignants aux primes COVID

A la mi-avril, le gouvernement annonce vouloir gratifier les soignants impliqués dans l'épidémie à Coronavirus de primes, de 1500 euros pour les personnels hospitaliers directement impliqués, de 500 euros pour les autres. Loin de nous réjouir, ces primes nous choquent et nous humilient. Nous, personnels hospitaliers, membres du Collectif Hôpital Ouvert, nous opposons à ces primes.

Ces derniers temps, le monde hospitalier a connu deux mobilisations notables, en réponse à deux crises différentes.

La première mobilisation a fait face à une crise structurelle et dure depuis des années. A travers la constitution de collectifs, de nombreuses grèves, et des démissions administratives, le personnel hospitalier était unanime : les politiques d’austérités mises en place par les gouvernements successifs mettent l’hôpital en danger. Des moyens, humains et financiers étaient sollicités mais le gouvernement faisait la sourde oreille et réprimait nos manifestations. Les personnels de santé, eux, palliaient les manquements de l’État pour que les patients n’en fassent pas les frais.

La deuxième mobilisation fait face à une crise sanitaire et dure depuis plus de deux mois. Pour affronter la pandémie à Coronavirus, le monde hospitalier s’est réorganisé, renforcé, et nous avons tous, directement ou indirectement, agi avec la population afin que les victimes soient les moins nombreuses possible. Pendant que le gouvernement et les instances dirigeantes administratives étaient débordés par la situation, les services se sont très rapidement transformés et adaptés localement et spontanément. Cependant, bien nombreux ont été les acteurs de soins à avoir souffert du manque de réactivité du gouvernement pour soutenir sa population et ses hôpitaux, cette fois en conditions d’urgence.

Le 15 avril, Edouard Philippe annonce une prime exceptionnelle pour les soignants mobilisés dans cette crise sanitaire.
Cette annonce ne nous réjouit pas. Au contraire, elle nous offense et nous scandalise.Une prime ponctuelle de 1500 euros pour les mieux lotis, de 500 euros pour celles et ceux « qui n’ont pas eu la chance » d’être « au front » contre le Covid-19. Et passé le mois de mai ? Cette prime est une réponse ponctuelle à la crise sanitaire et permet au gouvernement d’occulter la nécessité de répondre à la crise structurelle que connait notre Hôpital. Après le mois de mai, donc, retour à la situation antérieure, c’est-à-dire à une situation critique.

Par ailleurs, nous, soignants de l’hôpital public, sommes des fonctionnaires d’État, et à ce titre, travaillons à une mission de service public, en l’occurrence le soin. Notre mission est indépendante de la charge de travail, physique ou psychologique qu’elle implique. Aussi, notre actuelle mobilisation n’a rien d’héroïque, elle fait partie intégrante de notre engagement professionnel. Nous ne la menons pas par motivation financière, mais par engagement social et humain. Vouloir y répondre par une gratification monétaire est un affront que nous fait le gouvernement.

La tendance est à l’héroïsation des personnels de santé. Et cette prime va dans ce sens. Héroïser de façon ponctuelle notre engagement, c’est finalement nier celui que nous apportons quotidiennement, indépendamment de cette crise sanitaire, pour pallier la crise sociale dont l’État est responsable.

« Au fond, nous savons ce que nous leur devons. », nous dit Edouard Philippe. Ce que le gouvernement doit à son peuple et à son hôpital public, ce n’est pas une prime exceptionnelle. C’est le respect de l’humain, des valeurs sociales sur lesquelles est basé le service public, et par là, c’est une revalorisation globale, financière et humaine de l’Hôpital, la même que nous demandons depuis des mois. Gratifier financièrement les soignants, les récompenser, c’est, de la part du gouvernement, se donner le beau rôle. Une position trop facile après nous avoir ignorés et humiliés lorsque nous nous battions pour notre Hôpital. Bien sûr, l’annonce de cette prime a pu être vécue positivement par les plus précaires d’entre nous, ceux pour qui cette somme représenterait une bouffée d’oxygène. Cela révèle à quel point leur salaire habituel est insuffisant et renforce l’idée selon laquelle le besoin n’est pas à une gratification ponctuelle mais à une revalorisation durable, en l’occurrence, des salaires hospitaliers les plus bas. Ne nous méprenons pas, la honte n’est en aucun cas à ceux qui accepteraient ces primes, mais à ce gouvernement qui ose la proposer comme réponse unique à une précarisation progressive de l’hôpital public.

Pour finir, nous considérons, dans ce contexte difficile, avoir la chance de conserver nos revenus, quand d’autres souffrent des conséquences financières dues aux stratégies de confinement : chômage et licenciement pour certains salariés, absence de revenus pour les indépendants. La précarité explose ces derniers mois, et nous pensons que ces primes aux soignants, qui n’ont de but que la gratification, devraient bénéficier aux plus démunis de notre population, ceux qui souffrent des dommages collatéraux de cette épidémie.

Pour toutes ces raisons, nous sommes opposés à ces primes, et refusons tout ce qu’elles représentent. Nous profitons de ce texte pour réitérer les revendications de revalorisations humaines et financières de l’Hôpital Public, indispensable à son bon fonctionnement et à la prise en charge de ses patients. Le temps n’est pas à la construction de héros mais au soin de la population, de ses précaires, et donc, aux services publics qui garantissent ce soin.

Collectif Hôpital Ouvert


On a visité le futur proche. On vous raconte !

A quelques heures du déconfinement et du monde d'après, voici une vision pour le moins sombre du futur. Sombre mais totalement crédible. Ce qui pourrait se passer si aucun soulèvement majeur ne s'opère pour bloquer les processus économiques et répressifs en cours. On a visité le futur proche, et on vous raconte :

16 MAI - Premier samedi post confinement. De nombreux appels (GJ mais pas que) à ressortir dans les rues, notamment à Paris. Les rassemblements restent interdits. La préfecture et le ministère de l'Intérieur communiquent massivement là-dessus, arguant de danger sanitaire. Résultat, 400 personnes à Paris, qui n'arriveront même pas à se rassembler vu l'arsenal policier mobilisé. Au moindre attroupement de 20 ou 30 personnes, la police nasse, verbalise, et emmène certains en GAV. Cela n'indigne pas grand monde.

21 MAI - Création de 50 Centres de Rétention Sanitaire (CRS) répartis sur le territoire et destinés à mettre en quarantaine les arrivants hors espace Schengen. Le principe des CRA s'étend pour gérer les potentiels malades étrangers.

25 MAI - Le gouvernement annonce prolonger l'état d'urgence sanitaire jusqu'à fin octobre. La courbe des nouveaux cas et des décès continue de baisser de façon très encourageante mais le pouvoir annonce craindre une seconde vague, peut être encore plus forte que la première.

01 JUIN - Fin du chômage partiel pour cause de garde d'enfants. 15 millions de parents sont contraints de remettre leurs enfants à l'école et retournent au travail. La mesure est ressentie comme une double peine touchant les foyers les plus modestes. Parents et enfants sont désormais susceptibles de ramener le covid à la maison.

02 JUIN - Les syndicats appellent à une grosse journée d'action pour le service public et contre la réforme des retraites. Du monde, mais moins que début décembre. La manif est totalement entourée d'une nasse mobile policière, comme lors des précédents rassemblements. Le gouvernement communique sur de nouvelles primes de fin d'année pour les soignants, les pompiers et la police.

08 JUIN - Panique générale avec un nouveau krach boursier à Paris et sur les principales places financières du monde. Le CAC descend à son plus bas niveau depuis 2003.

12 JUIN - Le ministère du Travail annonce des mesures pour faire face à la crise économique et, selon lui, éviter trop de fermetures d'entreprises. Cela se concrétise par une application stricte du code du travail version 2016 et la facilitation des licenciements en masse (du droit du travail; des baisses de cotisations et la fin des 35h). Et également évoqué, sans être voté, la suppression d'une semaine de congés payés.

21 JUIN - Trois policiers de la BAC de Nantes se filment dans la base de loisirs de la Roche-Ballue, non loin de la métropole. L'un d'eux mime une noyade devant ses collègues, hilares. La vidéo, postée sur le profil Instagram de l'agent, provoque immédiatement la consternation des proches de Steve Maia Caniço, mort dans la Loire un an plus tôt, suite à une charge de la police lors de la Fête de la Musique. Aucune mise à pied ne serait prévue à ce jour.

03 JUILLET - Remaniement ministériel : Lallement devient ministre de l'Intérieur, Strauss Kahn est nommé à la Culture. Et le Premier Ministre est désormais... Nicolas Sarkozy !

14 JUILLET - Des opposants tentent de manifester sur les Champs-Elysées, comme en 2019. Mais les ordres venant d'en haut, afin de ne pas revoir les images de l'an passé, ont pour conséquence un véritable carnage. Dès le matin, tous ceux qui semblent être venus pour manifester et non pour acclamer Macron sont arrêtés : charges, lacrymo, LBD. Avant même le défilé, de nombreuses violences. Un jeune de 17 ans, militant écolo et GJ, perd un œil suite un tir de flashball. Un autre manifestant, âgé de 63 ans, reste trois jours dans le coma suite à une grenade de désencerclement (GM2L, remplaçante de la GLI-F4), ayant explosée au niveau de son torse alors qu'il était au sol.

15 JUILLET - Tous les recours juridiques contre l'usage de drones ont été déboutés. La police annonce l'embauche et la formation de 950 pilotes de drones supplémentaires.

07 SEPTEMBRE - Rentrée des classes un peu spéciale. Depuis le 1er déconfinement du 11 mai, le mouvement des professeurs itinérants Proferrants (en hommage à l'auteur Alain Damasio) a essaimé partout en France. Des milliers d'enseignants proposent, gratuitement, dans les quartiers populaires et les zones rurales désertées, des ballades pédagogiques pour apprendre à l'air libre. Mais de son côté, le lobby des Écoles privées et lucratives fait quasi-systématiquement stopper les cours, se référant à des textes de loi sur la protection de l'enfance et la sécurité à l'éducation.

11 SEPTEMBRE - Le gouvernement soumet son nouveau grand projet de loi santé, taillé pour affronter les épidémies futures. Peu d'investissement dans les salaires et les moyens matériels des soignants, mais une mesure phare : la généralisation de la collecte de données médicales ("tracing") et leur partage via des plateformes ouvertes aux assurances maladie privées, aux banques et aux GAFAM.

3 NOVEMBRE - Réélection, haut la main, de Donald Trump à la Maison Blanche, le tout sur un programme encore plus outrancier. En ces temps de crise, il affirme que seule la survie (économique, sociale et religieuse) de l'Amérique compte. Plus que jamais, les murs se dressent et les frontières se durcissent.

30 NOVEMBRE - La 2ème vague n'est toujours pas arrivée, les brigades sanitaires ont de moins en moins de suspects atteints du covid à traquer, mais l'application stopcovid fonctionne depuis juin et commence à obtenir le graph social de tous les individus. L’État y voit une aubaine pour pouvoir enfin tout gérer au millimètre et devenir un des premiers "gouvernement parfait" de l'histoire.

05 DÉCEMBRE - Devant une crise économique sans précédent, beaucoup de foyers se retrouvent sans rien à manger. En vogue la nouvelle mouture de l'application de l’État permet à quiconque de devenir manager d'immeuble, de rue ou de quartier et d'obtenir des crédits pour la banque alimentaire ou des avantages sur les factures énergétiques avec les compteurs intelligents Linky. Filmer une infraction rapporte ainsi 5€, obtenir les coordonnées du contrevenant 5€ de plus. Faire un rapport étayé sur un individu ou un groupe qui aurait des projets contre l’État peut rapporter jusqu'à 400€. Les meilleurs d'entre eux sont recrutés par LREM et obtiennent des emplois stables avec des droits à la nouvelle couverture sociale créée par Blackrock.

14 DÉCEMBRE - Nouvelle étape dans la censure des médias critiques envers le pouvoir. En lien avec Facebook et Google, le gouvernement a désormais la possibilité de demander la fermeture des comptes Facebook et Youtube si les services de renseignements fournissent des éléments portant à penser que ces comptes portent atteinte à la sécurité nationale. Résultat, la semaine qui suit, Nantes Révoltée, Rouen dans la Rue et Lille Insurgée voient leurs pages Facebook et Youtube fermées, sans aucun recours possible. Certains administrateurs sont convoqués par la police pour incitation à la haine et promotion du terrorisme. Peu de réaction, notamment chez les médias de masse ou dans la classe politique.

« La vérité, c'est qu'il y a une quantité incroyable de gouttes qui ne font pas déborder le vase. »
Romain Gary


Gilets noirs seule la lutte donnera les papiers

AUTODÉFENSE IMMIGRÉE : SEULE LA LUTTE DONNERA LES PAPIERS

Nous, les Gilets Noirs, sommes des immigrés qui travaillons au noir ou avec le papier de quelqu'un d'autre. D'ordinaire, l’État français raciste, main dans la main avec les patrons, nous fait trimer sur les chantiers, dans les cantines, à nettoyer tout le pays. Sans papiers, on est à la merci de la sur- exploitation. Au confinement, on s’est retrouvés sans rien. Pas de chômage, alors pas d'argent pour le loyer, pour la famille ou pour la nourriture.

Depuis novembre 2018, nous les Gilets Noirs, immigrés avec ou sans papiers, fils et filles d’immigrés et personnes solidaires, habitants des foyers et locataires de la rue, nous organisons contre l’État et ses complices. Nous exigeons des papiers pour tous et toutes, sans conditions. Qu’on soit là depuis un jour ou dix ans, qu’on travaille ou qu’on ne travaille pas. Ce papier qu’on nous refuse c’est celui de la dignité et nous attaquerons l’État français et tous ses complices pour l’arracher. Nous ne voulons pas seulement des papiers, mais casser le système qui crée des sans-papiers. Chaque jour nous discutons de comment améliorer notre vie, se défendre de la police, du CRA, des patrons, de résister à la préfecture. Mais les papiers viendront par la lutte ! Et la lutte c’est pas que pour les papiers : la chose que tu n’as pas vu, c’est dans la lutte que tu vas la voir.

Nous avons manifesté devant le musée de l’immigration, devant le CRA du Mesnil-Amelot, nous avons occupé la Comédie Française, bloqué la préfecture de Paris, occupé l’aéroport de Roissy où Air France déporte les immigrés. Nous avons attaqué le siège de l’entreprise Elior qui fait son argent sur le dos des sans-papiers, et nous nous sommes invités à 600 au Panthéon. Pour exiger des papiers et un rendez-vous avec le premier Ministre, pour interpeller les « grands hommes », et pour honorer nos morts en Méditerranée et dans le désert qui n’ont pas de tombe.

Contre le Covid-19 et ses complices, autodéfense sanitaire !

Depuis que le covid-19 est en France, on lutte contre le virus, mais ce sont l’État et les gestionnaires qui nous pourrissent la vie. On vit dans les foyers comme dans des prisons. Les foyers, gérés par des associations « gestionnaires » (comme Adoma, Coallia, ADEF) ont été construits pour loger les travailleurs immigrés. Depuis plusieurs années les gestionnaires veulent détruire l’organisation de nos vies collectives d’immigrés exploités. Ils construisent des résidences « sociales » qui nous enferment dans des chambres-cellules, sans espaces collectifs. C’est nos solidarités et nos luttes qu’ils étouffent. On doit rester seul, sans famille, en espérant ne pas mourir avant le titre de séjour qui nous permettra peut-être d’aller enterrer nos morts au pays ou de voir naître nos enfants. Dans ces foyers, nous vivons avec nos frères qui ont des papiers. Mais les foyers sont nos lieux de vie politique. Au début du confinement, les gestionnaires ont fui leurs responsabilités : pas de consignes, pas de nettoyage, pas de soutien. Ils collent sur les murs du foyer des affiches en français et ferment les salles de prières et de réunion. Ils ne nettoient pas car « la javel c’est trop cher ». La seule présence des gérants c’est pour venir prendre les loyers. L’État français main dans la main avec les patrons nous fait trimer sur les chantiers, dans les cantines, à nettoyer tout le pays. Sans papiers, on est à la merci des marchands de sommeil, de la surexploitation. On doit travailler au noir. Au confinement, on s’est retrouvés sans rien. Pas de chômage, alors pas d’argent pour le loyer, pour la famille ou pour la nourriture. Les gérants veulent notre argent mais on doit manger et se soigner !

Autodéfense immigrée : seule la lutte donnera les papiers

Après quelques semaines, sous la pression des préfectures et de ceux qui ne devraient pas crier avec les loups que les foyers sont des « bombes sanitaires », les gestionnaires sont revenus dans quelques foyers. Mais on sait qui est qui. Soi-disant pour vérifier les règles de confinement alors qu’ils connaissent la situation dans laquelle on vit, ils tentent de séparer les pères des fils. Ils mentent, menacent de couper l’eau et l’électricité, font des simulacres de dépistages. Devant certains foyers, ce sont les flics qui rackettent et rôdent. L’État ne veut pas éviter la maladie, les gérants ne le veulent pas non plus. Ils veulent qu’on meurt et ils veulent notre argent.

On n’a pas attendu la répression sanitaire pour s’organiser et se défendre. Nous avons mis en place une cagnotte et organisé un réseau de ravitaillement des foyers pour se protéger de la maladie. À l’aide de nos camarades des Brigades de Solidarité Populaire qui soutiennent cette auto-organisation, nous sillonnons les foyers pour distribuer du matériel. Ils se fichent de nous : c’est nous-mêmes qui nous protégeons ! Dans les foyers, on a une culture de la solidarité. On gère nous-même la propreté et la désinfection. Les petits frères, on s’organise pour que les grands frères âgés ne fassent plus les courses. On doit faire cette mission pour nos camarades, nos frères, nos sœurs, nos enfants et nos vieux, car personne ne va le faire sinon.

Lutter pour notre dignité, pour la vie collective, pour arracher les papiers

On se défend pour ne pas se cacher. Nous voulons des papiers. Mais nous ne voulons pas d’une régularisation comme au Portugal, pour quelques mois, seulement pour certains qui ont leur dossier en préfecture ou pour ceux qui n’ont pas de casier judiciaire ou ne sont pas menacés de déportation. On ne veut pas d’une régularisation comme en Italie, en offrant nos corps pour que les pays européens subsistent sur notre dos. Travail contre papiers, c’est un chantage d’esclavagiste. Nous ne voulons pas des papiers pour raison « de santé publique » ou pour plus « d’efficacité économique ». Pour ce papier, nos âmes sont sacrifiées. On est des humains, nos droits devraient être entendus. On devrait échanger son âme contre l’industrie ou l’économie des autres ? C’est un manque de respect envers les immigrés. C’est une injure.

On veut que tous les immigrés, avec ou sans papiers, nous rejoignent. Car ce que nous subissons, les immigrés avec papiers en ont été victimes et le seront aussi. Les immigrés, et tous les exploités du monde, doivent se joindre à nous les immigrés sans-papiers. Nous ne sommes pas des ennemis entre nous. La France veut diviser entre ceux qui sont régularisés et ceux qui ne le sont pas. Ici on vit ensemble : le foyer c’est la famille, c’est ton parent. Ils appellent les sans-papiers les « sur-occupants » et nos frères avec des papiers, des « résidents ». C’est maintenant qu’il faut défendre notre vie collective, c’est notre lutte. Les résidents avec des papiers ne seront jamais libres tant que leurs fils n’auront pas les papiers.

Les papiers, jusqu’à nouvel ordre, c’est la clef de toute vie sociale digne : vivre en famille, circuler librement, travailler, étudier, se soigner, se loger. Nous avons trop demandé aux députés, aux gestionnaires, aux patrons, aux syndicats, aux associations de nous aider à nous « régulariser ». Il y a eu trop de pétitions, de tribunes qui disent l’État de « protéger les sans-papiers », trop de députés qui veulent « régulariser » pour mieux nous envoyer faire le sale travail que personne ne veut faire. Nous ne voulons pas de papiers parce que nous faisons le boulot que « les français ne veulent pas faire », mais pour pouvoir vivre dignement.

Nous irons chercher les papiers nous-mêmes, car on ne veut pas de tri : nous ne voulons pas avoir besoin de mériter les papiers ou de les mendier. Nous avons besoin de combat. Dans la lutte déjà, on trouve notre liberté, car on n’a plus peur. Après le confinement, nous appelons tous les immigrés sans-papiers et les gens qui partagent nos idées et nos manières d’agir, à soutenir notre lutte, à nous contacter, à rentrer dans le combat.

Avec ACTA, les Brigades de Solidarité populaire, Act-Up, le Collectif Place des Fêtes, Genepi, le NPSP (Nagkakaisang Pilipino Sa Pransya), la CREA (Campagne de Réquisition d’Entraide et d’Autogestion), l’Action Antifasciste Paris-Banlieue, l’Observatoire de l’état d’urgence sanitaire, la Coordination Militante Dijon, Ipeh Antifaxista, LaMeute, le Collectif des Olieux – Lille, qui appuient ce texte, nous partageons déjà ce combat. Notre force c’est les soutiens, mais la force des soutiens, c’est nous aussi. Il faut organiser des actions, des occupations, des manifestations, des grèves, des blocages. On peut construire des actions ensemble dans les semaines qui viennent. Nous ne gagnerons les papiers que par la force.

Pour exiger des papiers pour toutes et tous maintenant et pour toutes celles et ceux qui vont arriver, la destruction des centres de rétention, la fin des foyers-prisons, et des logements dignes pour tous. Contre le racisme et l’exploitation. Pour notre dignité et notre liberté.

Ni rue ni prison, papiers et liberté ! La peur a changé de camp, les Gilets noirs sont là !

Les Gilets Noirs en lutte

Mail – gilets-noirs-en-lutte@riseup.net
FB – Gilets Noirs en lutte
Twitter – @gilets_noirs


Pourquoi nous soutenons les révoltes des quartiers populaires

Parce que nous n’avons pas oublié que fin 2018, la violence des gilets jaunes était devenue la dernière des options pour accéder à la dignité et à une justice sociale. Certains l’ont nié. Aujourd’hui, c’est une autre bataille d’intérêt général que beaucoup ne veulent pas voir. Celle des quartiers populaires qui sont en train de se battre avec violence, car la violence est devenue la dernière option que le pouvoir leur laisse pour se défendre d’une police qui s’octroie le droit de vie ou de mort dans ces territoires.

L'accident de moto provoqué par la police à Villeneuve la Garenne, samedi 18 avril, aura donc été l'étincelle. Depuis, plusieurs quartiers populaires s'embrasent chaque nuit. Comment pouvait-il en être autrement alors que les crimes et les violences policières s’enchaînent depuis le début du confinement, dans l'indifférence médiatique, et avec la certitude maintenant acquise d'une impunité policière à toute épreuve.

Comme toujours, et comme elle l'a fait abondamment contre le mouvement des gilets jaunes, la classe politique et médiatique condamnera ces révoltes populaires et nous expliquera que rien ne justifie de telles violences. Qu'il peut y avoir de la colère, des revendications légitimes, mais que cela ne peut s'exprimer de cette façon. Elle tentera de vider de leur substance des actes éminemment politiques. Elle expliquera que cette violence n'est que sauvagerie gratuite. Mais la sauvagerie ici, c'est l'injustice. Le "territoire perdu de la République" c'est la police.

Au nom du confinement de la population, il y a déjà eu 5 morts et 10 blessés graves*. La plupart dans les quartiers populaires. Et on ne compte plus les tabassages gratuits.

Face à ces injustices, la politique ne laisse aujourd’hui plus d’autres choix que celui de la violence car elle a saboté toute alternative de dialogue qui aurait pu avoir un impact significatif dans les quartiers. Toutes les mobilisations d’associations, les pétitions, les alertes médiatiques ont été méprisées et il ne reste plus qu’à compter les morts et les blessés.

On met des mots sur nos morts. Mais pour ceux qu'on n'entend jamais, qu'on n'écoute jamais, mettre des mots ne suffit pas. Alors certains mettent des maux sur leurs morts. Faire mal à ceux qui font du mal. Qui font le mal.

Comme lors des gros actes gilets jaunes, la violence qui embrase aujourd’hui les quartiers populaires est la construction d’une riposte face à une réelle menace. La menace d'une police qui s’octroie la peine de mort sur les habitants des quartiers. Aujourd’hui, que vous fassiez de la moto sans casque comme Mouldi à Villeneuve La Garenne ou que vous rentriez simplement de vos courses comme Ramatoulaye à Aubervilliers, la police peut vous tomber dessus et vous casser la gueule, ou vous tuer, comme c’est arrivé à Mohamed à Bézier.

La révolte en cours et en devenir dans les quartiers populaires, c’est la réaction à une progression fulgurante d’un État policier raciste et classiste. 

La révolte de personnes parmi les plus exposées à l’injustice d’un système ne doit pas être condamnée. C'est une révolte populaire et elle doit être soutenue !

SIGNATAIRES (LISTE OUVERTE) :
AB7 Média - Cerveaux Non Disponibles – C.L.A.P33 - CNT Gironde - Coordination des Luttes – Désobéissance Ecolo Paris – Femmes Gilets Jaunes - Florian Neau – Front Social 13 – Front Social 54 - GJ Les réfractaires du 80 – Gilets Jaunes Loiret 45 - Gilets Jaunes 42 - Gilets jaunes 54  – Gilets jaunes de Lorraine – Gilets Nantais - GJ Rungis – GJ Genevilliers – Gilet jaune 62 peuple unis - Impact média militant – Jaunes Etc 33 - Jérôme Rodrigues – La France en colère carte des rassemblements – Le Relais - Leïla Dijoux - Lelly gijabet - Lelly gijabet Live - Lille Insurgée – L'Orchestre Poétique d'Avant-guerre - Média Jaune Lorraine - Mickael Wamen (ex Goodyear) – Montpellier Poing Info – Montreuil rebelle au service des luttes populaires – Nantes Révoltée – Le Peuple Uni – Lyon Insurrection – Paris blocage résistance – Peuple Révolté – Philippe Lefebvre - Printemps Jaune – Rhéo - Ritchy Thibault - Source Média Indépendant – Secours Rouge Toulouse – Sud Education 92 - Teleia les Luttes- Ultimatum GJ - UFJP - Des Gilets Jaunes Paris Sud (Ianos Borovi, Elisabeth Zucker, Luc Chelly, Lena Grigoriadou, Marina Deslaugiers, Hélène Belghaouth, Patrick GOUAULT, Luc-Henry Choquet , Frédérique VICTOIRE, Valérie Martineau ,Lise Bouzidi)

Pour signer ce texte, envoyez un mail à cerveauxnondisponibles@riseup.net

Tribune disponible au format pdf ICI.

* https://paris-luttes.info/au-nom-de-la-lutte-contre-le-covid-13848


FILM TRIBUNE : Qu'allons-nous faire ?

https://youtu.be/6zglYx0zdmw

Il n'y a qu'une question. La mère de toutes les questions.
Que va-t-on faire du reste de nos vies ? Notre vie, celles de nos parents, celles de nos enfants, celles de nos amis, celles de nos amours. Celles des autres êtres vivants sur cette terre.

La crise du Covid a tétanisé une partie de la population. L'épidémie a fait ressurgir partout la peur de mourir, et de voir ses proches mourir. Face à cette peur, rien ne pèse. Ni les idées, ni les mots, ni les concepts. Seul le réel du moment et de la survie compte.

Ceux qui ont le pouvoir et l'argent l'ont bien compris et profitent, sans même s'en cacher, de cette panique individuelle mais généralisée, pour durcir les dispositifs de contrôle et pour préparer l'après. Leur après.

Des milliers de personnes vont mourir de cette épidémie. C'est terrible. Mais que va-t-on faire, nous, les millions d'individus qui allons continuer à vivre ? Il nous reste peut-être quelques années à vivre. Quelques décennies tout au plus. Nous voulons évidemment les passer près de nos proches, de notre famille. Nous voulons être en bonne santé et pouvoir vivre décemment. Dignement. Il n'y a pas de honte à aspirer à de tels désirs. Mais il y a aussi l'aspiration à vivre et à créer collectivement des choses si grandes qu'on n'aurait jamais pu les faire naitre sans les autres. L'envie de dévorer, d'explorer, de tenter, d'innover, de crier, de pleurer, de jouir. Mais nous pouvons être bien plus que ce à quoi voudraient nous réduire les dirigeants politiques et financiers.

Il n'y a pas de hasard. Il n'y a pas de fatalité. Si aujourd'hui, l’hôpital manque de lits, de matériel et de personnel, cela s'explique très simplement. Et, au fond, tout le monde le sait. Il s'agit de choix, fait depuis des décennies, par des gouvernements de droite et de gauche. Des choix de réduction de budget. Des choix faits sur l'autel du profit pour quelques personnes. Depuis 30 ans, malgré plusieurs crises majeures à travers le monde, les seuls à s'être massivement enrichis sont les ultras riches. Les millionnaires et surtout les milliardaires.

Ceux qui pensent que le drame du Covid permettra une prise de conscience du pouvoir, ou même des partis d'opposition, sont, au mieux naïfs, au pire complices. Nous avons vécu en 2003 un drame sanitaire avec la canicule, qui a tué en France plus de 20 000 personnes âgées, surtout les plus démunies socialement et économiquement.. Rien n'a changé depuis 17 ans. Au contraire, on a continué à détruire le service public, notamment de la santé. Cela va continuer dans les années à venir, n'en doutons pas.

Le changement, le vrai. C'est le renforcement sécuritaire. On le voyait venir, mais on ne pensait qu'il serait si rapide. En quelques jours, la France a follement accéléré son développement d'une société du contrôle et de la surveillance high tech.

Le pouvoir a traversé deux ans de contestation sociale, sans rien céder aux revendications des Gilets Jaunes, des syndicats, des féministes ou des écolos. La seule réponse aura été le mépris et la violence. La crise actuelle ne va faire que le renforcer et lui donner des outils supplémentaires.

Les choses sont plus que limpides. Ceux qui veulent d'un autre monde doivent œuvrer à une révolution. Il n'y aura pas de changement de l'intérieur de ce système. Ceux qui profitent de ce système ne changeront jamais. Et ils contrôlent les centres de décisions politiques, économiques et même judiciaires.

Le système capitaliste se prétend inébranlable. Il n'y aurait pas d'autre façon de vivre. Sauf que le monde a existé pendant des milliers d'années sans le capitalisme. Et qu'il lui survivra. Reste à savoir si nous, de notre vivant, nous aurons ce plaisir de voir ce système inhumain tomber et disparaitre.

Le pouvoir et les médias ne cessent de présenter les révolutionnaires, les Gilets Jaunes et autres écolos "radicaux" comme des êtres assoiffés de violence, de destruction, voire de mort. Mais qui est responsable de centaines de milliers de vies détruites ? Ces morts du Covid, ces morts de la pauvreté, ces morts du chômage, ces morts de la misère ?

Ce sont bien ces responsables en costards. Ces gens ont bien compris qu'ils n'avaient que quelques années à passer sur cette terre, et ils sont prêts à tout pour avoir le plus possible d'argent, de maisons, de voitures... prêts à tout pour offrir les écoles les plus chères à leurs enfants. Prêt à tout pour pouvoir leur assurer une vie la plus "confortable" possible une fois qu'ils seront morts.

Leurs choix, leurs décisions, prises officiellement sur l'autel de la pensée ultra libérale, avec la fameuse main invisible du marché et le ruissellement censé servir au plus grand nombre, ces choix sont en réalité dictés par leurs intérêts personnels : pour eux, pour leurs familles, pour leurs amis.

Ce sont eux les criminels. Ce sont eux les responsables. Ce sont eux nos ennemis.

Nous sommes encore en vie. Enfermés, isolés, réprimés. Mais nous sommes encore en vie.
En vie, et capables de tout.

Capables de tout renverser, de tout changer, de tout reconstruire.

Capables de faire surgir l'après.

Capables de changer le cours de nos vies, de celles de nos parents, de nos enfants, de nos amis, de nos amours.

N'ayons pas peur de mourir. Car nous allons tous mourir.

Mais profitons de nos vies pour faire surgir le beau, l'amour, le bonheur. Pour donner au plus grand nombre l'opportunité d'une vie heureuse.

Pour y arriver, il faudra se battre, vraiment, physiquement, moralement, juridiquement, socialement.

Nous en sommes capables.


ENGLISH VERSION :

There's only one question. The Mother of all questions. What are we going to do with the rest of our lives?

Our lives, our parents' lives, our children's lives, our friends' lives, our beloveds’ lives . The lives of every other living thing on this earth.

The Covid crisis has paralyzed part of the population. Today, due to the epidemic, people live in fear of dying, afraid of seeing one’s loved ones die. Fear of dying is everywhere. And as we face there ordeal, neither ideas, nor words, nor concepts matter anymore. The only things that count are the tangible reality of the living moment and the survival. Powerful and money people have understood this and take advantage of it. In the face of a widespread panic when people are struggling, they are proceeding with a strengthening of control measures, without even hide from it, and prepare for the future to come. For their future.

Thousands of people will die from this epidemic. This is terrible. But what are we going to do, We the people who will continue to live? We may still have a few more years to live. A few decades maybe. We obviously want to spend them with our loved ones and our family. We want to be healthy and to be able to live decently. With dignity. There is no shame in wanting that. And there is also the will to live and to create together, collectively, to make great things with others, things that would have never happened without sharing. The desire to devour, to explore, to try, to innovate, to shout, to cry, to enjoy. We can be much more than what political and financial leaders would like to reduce us to.

There is no such thing as chance. There is however no fatality. If today hospitals face serious shortages of equipment, staff and beds, there is one very simple explanation. And, basically everyone knows it. These are choices that have been made for decades by either right- or left-wing governments. Budget reduction choices. Choices made in pursuit of profit for a very few people. For the last 30 years, despite several major crises around the world, the only people who have become massively rich are the ultra-rich. Millionaires and especially billionaires. Those who think that the tragedy of Covid will help raise awareness among the government, or even the opposition parties, are at best naïve, and at worst accomplices.

In 2003, the European heat wave had led to a major public health crisis, and killed more than 20,000 elderly people in France, mainly those who where suffering social and economic deprivation. It’s been 17 years… but nothing has changed. In fact, so far, public service’s destruction, including health care, has been going on. And let there be no doubt that this process will continue in the years to come.

Change, real change, major change is obviously the strengthening of security. We saw it coming, but we never thought it would happen that fast. In just a few days, France has madly accelerated its development of a high-tech control and surveillance society. During the last two years, France has been beset by social protest, and there was no government response. The government has gone through without giving in to neither the yellow jackets’, the unions’, the feminists’ nor the environmentalists’ demands. There was only contempt for their struggles and violences. For now on, the current crisis will only strengthen it and give it additional tools. For now on, it seems very clear that those who want a different world have to work for a revolution. There will be no change from within. Those who take advantage of this system will never make a change. And they control the centres of political, economic and even judicial decision-making.

Defenders of the capitalist society claim that the capitalist system would be steadfast. There would be no other way to live, they say. Except that the world has existed for thousands of years without capitalism. And that it will survive it. It remains to be seen whether we, in our lifetime, will have the pleasure of seeing this inhuman system fall and disappear. Revolutionaries, Yellow jackets and other "radical" environmentalists are consistently portrayed in stereotypical ways by the medias, like people full of hatred, aggressives and violents, which reflect and sustain the government positions. But who will have to take responsibility for these hundreds of thousands people’s lives being destroyed? These deaths from the Covid, these deaths of poverty, these deaths of unemployment, these deaths of misery? They are the ones who are responsible for (the crisis). Those in suits and ties. These people have understood they have only a few years to spend on this earth, and they are ready to do anything to get as much money, houses, cars…they can get. Ready to do anything to provide the most expensive schools for their children. Willing to do anything to provide them better lives before they die. Officially, thanks to the invisible hand (of the market) and it’s natural movement, the choices and the decisions made are supposed to benefit the greatest number. But let’s face it! They make it in their own personal interests: for themselves, for their families, for their friends. They are the criminals. They are responsible for. They are our enemies.

We are still alive. Locked up, isolated, repressed.

But we are still alive. Fully alive and capable of anything. We can bring anything down, change everything, rebuilt everything. We can bring up what’s next. We can change the course of our lives, of our parents' lives, of our children's lives, of our friends' lives, of our beloveds’ lives. Let’s not be afraid to die. Because we’re all gonna die. Let's enjoy our lives ! Let’s take advantage of it to bring beauty, love and happiness.

To provide as many people as possible with opportunity for a happy life. To achieve this, we'll have to fight, truly, physically, morally, legally, socially.

We can do it.


VERSION EN ESPAGNOL :

Y AHORA ¿QUÉ VAMOS A HACER?

Sólo hay una pregunta

La madre de todas las preguntas
¿Qué vamos a hacer el resto de nuestras vidas?

Nuestra vida

la de nuestros padres

la de nuestrxs hijxs

la de nuestrxs amigxs

la de nuestros amores


La crisis del Covid ha paralizado gran parte de la población

La epidemia ha reavivado en todas partes el miedo a morir

y a ver morir a los seres queridos

Ante este miedo

nada vale

ni las ideas

ni las palabras

ni los conceptos


Lxs que tienen el poder y el dinero han comprendido esto y se aprovechan

sin siquiera esconderse, de este pánico individual generalizado

para endurecer los dispositivos de control y prepararse para el después.

¡Para su después!

Miles de personas morirán por esta epidemia.

Esto es algo terrible

¿Pero qué vamos a hacer, los millones de personas que seguiremos viviendo?

Puede que aún nos queden unos cuantos años de vida.

Unas pocas décadas como mucho

Obviamente queremos pasarlos con nuestros seres queridos, con nuestra familia.

Queremos estar sanxs y poder vivir decentemente

Dignamente

No hay que avergonzarse de aspirar a tales deseos

Pero también existe la aspiración de vivir y crear colectivamente

cosas tan grandes que nunca podrían haber nacido sin lxs demás

El deseo de devorar

de explorar

de probar

de innovar

de gritar

de llorar

¡de disfrutar!

No somos nada en este universo, en la inmensidad de la historia de este planeta

Pero podemos ser mucho más que a lo que

los líderes políticos y financieros quisieran reducirnos

No existe el azar

No existe la fatalidad

Si hoy en día en el hospital faltan camas, equipo y personal

hay una explicación muy simple

Y, en el fondo, todo el mundo lo sabe

Son las decisiones

que han sido tomadas durante décadas

por los gobiernos de derecha y de izquierda

Decisiones para recortar los presupuestos

Decisiones tomadas para beneficiar a unas pocas personas

Durante 30 años, a pesar de varias crisis importantes en todo el mundo

los únicos que se han hecho notamblemente más ricos son los ultra-ricos


Quienes piensan que la tragedia del Covid permitirá una toma de consciencia

de parte del gobierno, o incluso de los partidos de oposición

son en el mejor de los casos ingenuos, y en el peor, cómplices

En 2003, vivimos un drama sanitario con una oleada de calor

que mató a más de 20.000 ancianos en Francia

especialmente a los más desfavorecidos social y económicamente

Nada ha cambiado en 17 años y por el contrario

hemos seguido destruyendo los servicios públicos, especialmente la salud

Esto continuará en los años venideros, no hay duda

El cambio, el verdadero cambio

es el fortalecimiento de la seguridad

Lo vimos venir, pero no pensamos que pasaría tan rápido

En pocos días, Francia ha acelerado de manera impresionante el desarrollo

de una sociedad de control y vigilancia de alta tecnología.

El gobierno ha conocido dos años de protesta social

sin ceder a las demandas de los Chalecos Amarillos

de los sindicatos, de lxs feministxs o de lxs ecologistas

La única respuesta ha sido el desprecio y la violencia

La crisis actual no hará sino fortalecerlo y darle herramientas adicionales.

Las cosas están más que claras

Quienes quieren un mundo diferente deben trabajar por una revolución

No habrá ningún cambio desde adentro

Lxs que se aprovechan de este sistema nunca cambiarán

Y controlan los centros de decisión política, económica e incluso judicial.

El sistema capitalista afirma ser inquebrantable

No habría otra manera de vivir

Salvo que el mundo ha existido durante miles de años sin capitalismo.

Y que sobrevivirá

Queda por ver si nosotrxs, en nuestra vida, tendremos el placer

de ver caer y desaparecer este sistema inhumano.

El poder y los medios presentan constantemente a los revolucionarios

a los Chalecos Amarillos y otrxs ecologistas "radicales"

como personas sedientas de violencia, destrucción e incluso muerte

¿Pero, y quién es responsable de cientos de miles de vidas destruidas?

Los muertos por el Covid

los muertos por la pobreza

los muertos por el desempleo

los muertos de miseria...?

Los responsables van de traje y corbata

Esa gente ha entendido que tiene unos pocos años para pasar en esta tierra

y están dispuestos a hacer cualquier cosa para conseguir mucho dinero, casas, autos... dispuestos a hacer cualquier cosa para dar las escuelas más caras para sus hijos

Sus elecciones

sus decisiones

tomadas oficialmente en el altar del pensamiento ultraliberal

con la famosa mano invisible del mercado

y el flujo de capital que supuestamente sirve a la mayoría

sus decisiones están en realidad dictadas por sus intereses personales:

para ellxs

para sus familias

para sus amigxs


Ellos son los criminales

Ellos son los responsables

Ellos son nuestros enemigos.
Todavía estamos vivxs

Encerrados

aislados

reprimidos

Pero seguimos vivxs.

Vivxs y capaces de cualquier cosa

capaces de tumbar todo

de cambiar todo

y de reconstruir todo.

Capaces de hacer surgir un después

capaces de cambiar el curso de nuestras vidas

la de nuestros padres

la de nuestrxs hijxs

la de nuestrxs amigxs

la de nuestros amores

No tengamos miedo a morir

porque todxs vamos a morir

pero aprovechemos nuestra vida para que surja lo bello, el amor, la felicidad

para brindarle a la mayoría la oportunidad de una vida feliz

Y para lograrlo

habrá que pelear

de verdad

físicamente

moralmente

jurídicamente

socialmente

Somos capaces.


Réponse à la tribune "Plus jamais ça !"

"Plus jamais ça ! Lorsque la fin de la pandémie le permettra, nous nous donnons rendez-vous pour réinvestir les lieux publics et construire notre "jour d’après". Nous en appelons à toutes les forces progressistes et humanistes, et plus largement à toute la société, pour reconstruire ensemble un futur, écologique, féministe et social, en rupture avec les politiques menées jusque-là et le désordre néolibéral."

Par ces mots se termine une tribune signée par 18 responsables d'organisations syndicales, associatives et environnementales.

Selon eux, la crise sanitaire actuelle oblige à un "jour d'après" à la hauteur des enjeux, avec une lutte commune pour des changements radicaux. On aimerait se satisfaire d'une telle tribune. On aimerait y croire. Mais comment est-ce encore possible ?

La situation actuelle, et l'expérience des dernières luttes, nous donne plutôt envie de répondre "Plus jamais de tribune comme celle-ci". Car combien en a-t-on lu, et même signé, des tribunes collectives de ce genre ? Nous même en avons écrit.

Mais aujourd’hui, continuer sur cette voie de la communication du "plus jamais ça" tout en tentant de négocier avec le pouvoir et les structures financières, relève au mieux d'une naïveté qu'on ne peut plus se permettre, au pire d'une complicité avec le système actuel.

Macron, son pouvoir et son monde, n'ont strictement rien appris de cette crise. Sous une façade d'unité et de solidarité avec le personnel de santé (la bonne blague), ils utilisent ce drame pour détruire encore un peu plus le droit du travail et pour passer des mesures encore plus liberticides.

Il n'y aura pas de "prise de conscience" des puissants que le système actuel nous amène à une catastrophe humaine et écologique. Si changement il y a, il se fera parce que ces personnes auront été poussées vers la sortie et ne tiendront plus les rênes du système.

La planète brule, littéralement. Et certains pensent encore pouvoir raisonner les incendiaires.

En deux ans, le pouvoir a été totalement sourd à l'un des mouvement les plus insurrectionnels depuis 68 (les Gilets jaunes) et à l'une des grèves les plus importante (par sa durée et son ampleur) depuis un quart de siècle. Il a également été sourd au mouvement climatique le plus important que le pays n'ait jamais connu. Et bien sûr, sourd à toutes les revendications sectorielles : pompiers, hôpitaux, profs, avocats....

Qui peut aujourd'hui croire que le drame du Covid19 va faire changer quelque chose à leur façon d'appréhender le gestion du monde ? Ces gens ne sont pas aux services des "citoyens" mais bien d'une petite élite d'ultras riches.

Nous n'avons qu'une vie. Nous n'avons qu'un père, qu'une mère. Nous n'avons qu'une planète. Et nous n'avons que trop tardé pour arrêter le carnage en cours.

Pour certains, la ligne infranchissable dans la lutte est celle de la pseudo "violence".
Pour nous, c'est celle de la compromission avec le pouvoir.

Macron, sous une façade bien présentable, moderne et ouverte, a construit en quelque mois une société totalitaire où les seules libertés encore permises sont celles offertes aux capitaux et aux riches. La crise du Covid ne va qu'accélérer cette chute dans le totalitarisme 2.0

Macron a mutilé des milliers de manifestants : Gilets jaunes, pompiers, infirmières, profs. Il a réduit le droit de manifestation pour en faire une farce "pseudo démocratique" où il n'est désormais possible de manifester que dans une nasse policière géante. Il a verbalisé et condamné des personnes pour leur simple présence dans un lieu public, pour leur simple adhésion supposée à un mouvement (GJ). Les exemples sont malheureusement encore nombreux et ne vont que s'accumuler dans les mois à venir.

Face à cela, deux options : négocier ou se battre. Pour nous, on ne négocie pas avec un pouvoir totalitaire. On se bat pour le détruire.

Cela n’empêche pas d'écrire des tribunes. Mais cela engage à faire bien plus que ça, le fameux "jour d'après".

Car rien ne serait pire que de déclamer "plus jamais ça", et, le jour d'après, continuer la lutte comme "avant", pour le résultat que l'on connait d'avance.


Bilan avant confinement

En ce dimanche d’élection et de confinement, nous tenions à publier un message de remerciement. Merci à tous les Gilets Jaunes qui ont fait le choix de venir manifester hier à Paris. Notamment ceux venus de province. Il ne s'agit pas de distribuer des "bons points" aux GJ présents et des mauvais aux absents. Évidemment que ceux qui n'ont pas voulu venir vu la crise sanitaire, avaient de très bonnes raisons et qu'il n'y a pas à les juger.

Mais nous nous devons de réagir face au déferlement de haine et de dénigrement que les GJ présents hier à Paris ont connu, accusés d'être des sauvages assoiffés de mort et sans aucune conscience collective, venus pour propager le virus dans la capitale.

Ce samedi à Paris, des dizaines de milliers de personnes se sont rendues dans d'énormes centre commerciaux, ont pris le métro, sont allés au cinémas... On pourrait compter plusieurs dizaines de rassemblements qui ont vu plus de personnes concentrées au même endroit, qui plus est, dans des espaces clos. Mais non, il faut cracher sur les GJ, les accuser de tous les maux.

Mais la réalité, c'est que les GJ présents dans les rues de Paris hier avaient bien plus de conscience collective et de soucis de l'autre que des centaines de milliers de parisiens.

Alors merci à vous d'être venus, malgré tout, dans cette dernière révolte avec le confinement.

L'objectif des Champs Élysées a rapidement été oublié au vu des forces en présence. La quasi totalité des GJ présents le matin sur les Champs s'est donc rapidement rabattue sur la manif déclarée. Une manif, comme prévu, totalement nassée de bout en bout par la police. Mais, malgré l'énorme dispositif répressif, les GJ présents ont réussi à résister. Le bilan est lourd, autant en blessés qu'en arrestations. Mais la détermination des personnes présentes a permis à cet acte 70 d'avoir un des cortèges les plus déterminé et courageux de ces derniers mois. Plusieurs fois, la police, la gendarmerie ou même les BRAV ont du battre en retraite. Malgré la nasse permanente, des actions offensives ont pu avoir lieu, y compris des manifs sauvages.

Évidemment, ce n'était pas le 14 mars que beaucoup attendaient. Mais la situation totalement inédite que nous vivons ne pouvait que fortement impacter cet événement. Le fait qu'il ait quand même eu lieu, et que les présents se soient montrés aussi courageux, ne doit pas être balayé d'un revers de main. Encore une fois, merci aux GJ qui, malgré tout, ont cru en cette journée, en ce mouvement.

Nous tenons également à préciser quelques points concernant cette journée du 14 et la place de CND dans cette journée :
Nous n'avons pas été à l'initiative de cette date. Nous l'avons relayée et appuyée depuis des mois, en publiant des textes ou des appels vidéos et en étant co organisateurs d'événements. Parce que nous sentions cette envie et cet espoir autour de cette date.

Dans la même logique, le choix des Champs Elysées n'est pas "notre choix". Il émane de plusieurs groupes et pages. Nous l'avons clairement appuyé car nous étions convaincus de sa pertinence malgré les énormes difficultés d'un tel objectif.

Si les Champs n'ont pas été le terrain de lutte des GJ hier, ce n'est pas parce que CND et d'autres l'ont claironné sur les réseaux depuis des semaines. C'est principalement parce qu'il n'y avait pas assez de manifestants. Évidemment qu'il y avait un dispositif policier très important autour des Champs. Mais il était nettement moins important que lors des derniers gros appels parisiens. Surtout : il faut être particulièrement naïf pour penser que si aucun groupe ou média n'avait annoncé l'objectif des Champs, la préfecture aurait fait le choix d'un dispositif réduit sur ce secteur. Chaque samedi depuis plus d'un an, la préfecture déploie un dispositif très important autour des Champs. Qui plus est sur des appels nationaux. Enfin, le dispositif est désormais ultra mobile et réactif (notamment avec les voltigeurs).

Donc oui, c'est un échec de ne pas avoir réussi à occuper les Champs Élysées, même sur une courte période. Mais seuls ceux qui proposent et tentent des choses s’exposent à l'échec. Et sans audace, sans ambition, le mouvement GJ n'aurait jamais connu ses plus beaux actes.

Nous ne saurons jamais à quoi aurait ressemblé le 14 mars sans la crise du Coronavirus, sans les annulations des deux grosses marches (climat et contre les violences policières), sans les appels de figures GJ à ne pas venir manifester.

Ce que l'on sait, c'est qu'il y avait encore de l'espoir samedi, encore une étincelle. Et qu'il est triste de voir certains cracher sur cette étincelle.

L'avenir est plus que jamais incertain. Alors que le pouvoir n'a jamais été aussi violent et répressif envers toutes les luttes sociales, écolos et féministe, alors qu'il passe ses réformes en force à coup de 49.3, la crise du coronavirus(bien réelle et bien grave) lui donne une occasion en or de mettre toute ses colères sous un couvercle.

Reste à voir si, sous ce couvercle, les révoltes vont se noyer et s'éteindre. Ou si cela va réussir à couver, à bouillir... pour exploser lorsque le couvercle se rouvrira, dans quelques semaines.

Du côté de CND, nous serons toujours attentifs et respectueux des initiatives qui permettent de maintenir en vie l'espoir d'une vie meilleure, d'une société plus juste et plus respectueuse du vivant sous toutes ses formes. Cela passera encore par des prises de position, par des soutiens à des événements, des appels, des occupations, des gréves. Peut-être aussi par des formes nouvelles de collaboration et des constructions d'entraide dans une société confinée. Toutes ne seront pas couronnées de succès. Mais toutes seront utiles pour ne pas abandonner et sombrer définitivement dans une société autoritaire et individualiste.


MARCHE ET CRÈVE ?

8 mars : marche féministe / 14 mars : marche climat.
En l'espace d'une semaine, le pays va connaitre quatre grosses manifestations qui rassembleront plusieurs centaines de milliers de personnes à Paris.

Deux luttes essentielles qui ont déjà réussies ces derniers mois des manifestations massives dans Paris : 150 000 personnes le 23 novembre dernier contre les violences sexistes et sexuelles. 107 000 personnes le 16 mars dernier lors de la marche climat.

Deux luttes qui ne cessent de clamer l'urgence de la situation et de déplorer le mutisme du pouvoir face à la situation. Cela parle de soulèvement, de révolte, de radicalité. A juste titre.

Mais pourquoi dès lors continuer à se rassembler dans une manif déclarée qui sera totalement maitrisée par le pouvoir et donc indolore pour lui. Montrer aux médias le soutien de la population à cette cause ? Nous le savons déjà. Nous n'en sommes plus là.

L'heure est à l'action. Au soulèvement. A la révolte. Pour le climat. Pour le respect des femmes, dans toutes leurs diversité. Pour le respect de l'humain (et de la nature). Face à l'argent.

Les puissants l'ont suffisamment montré ces derniers temps, et de façon particulièrement obscène : ils n'en ont rien à foutre et nous emmerde ! La planète peut continuer à bruler, les femmes à être violées, ils continueront leur cirque puant et mortifère. Ils continueront à se donner des récompenses et à se congratuler. Ils sont rationnels et se tiennent à une feuille de route capitaliste, patriarcale et néo coloniale. Ce qui en fait des monstres froids.

Face à cela, les marches ne suffisent plus.
Ce que nous obtiendrons, c'est ce que nous prendrons. Le pouvoir ne nous "donnera" rien. Il faudra l'arracher.

Au Brésil, au Mexique ou en Colombie, les féministes ont décidé de réellement se révolter, et pas seulement avec des slogans. Ce n'est pas gagné et les oppressions et agressions sont encore très (trop) présentes. Mais elles ont décidé d'arrêter de seulement se défendre. Elles attaquent. Les agresseurs et leur soutien. Le système.

En France, les Gilets Jaunes ont dès leur début compris que la lutte ne pouvait plus se faire dans le cadre imposé par l’État et par les puissants. La séquence des retraites leur donne malheureusement raisons : les millions de personnes dans la rue et les centaines de milliers de grévistes n'y ont rien fait. Le pouvoir est passé. En force.

Nous nous rappelons les actions écolos dans le centre commercial Italie 2 ou dans les locaux de black Rock. Aussi la soirée des Césars de la honte et les manifs sauvages dans les beaux quartiers autour de la salle Pleyel. Elles nous rappellent et nous font ressentir que seul ce qui transgresse la légalité s'inscrit dans l'émancipation. Sans vouloir en faire un dogme, vu la gestion autoritaire qui se met en place, aujourd'hui l'action politique qui ne vise pas à ébranler véritablement l'Etat et le pouvoir de l'argent n'est qu'une salle d'attente pour un futur désastreux.

Les rendez vous à venir :
- Samedi 7 mars aura lieu une Marche De Nuit Féministe à 19h Place des Fêtes avec un cortège féministe antifasciste
- Dimanche 8 mars un village des féministes au CICP à partir de 14h
et aussi une manif à 14h au départ de place d'Italie.
- Vendredi 13 mars une action de désobéissance civile organisée par Youth For Climate
- Le 14 mars, des milliers de GJ seront autour des Champs, pour défier le pouvoir et son bras armé. C'est le paris d'une grande désobéissance civile à quelques mètres des bâtiments des puissances économiques et politiques.
- A 13H12, à la bonne heure ! La marche contre les Violence Policière s'élancera d'Opéra. Elle est organisée par les familles qui ont eu un des leurs tué par la police et qui depuis des années s'organisent pour obtenir une justice d'intérêt public et informer des techniques criminelles de la police.
- Et la marche climat partira de Bastille.

Gageons que nous serons des milliers à trouver des moyens pour montrer notre colère et notre ras le bol de cette société patriarcale, sexiste, capitaliste et néo coloniale, des milliers à se voir, à échanger et même à comploter pour atteindre notre but . Et que la manif déclarée ne sera pas le seul point de lutte.

Nous n'avons plus le temps de marcher et d'espérer une prise de conscience des puissants. Ils sont plus que jamais conscients de la situation. Et ne veulent absolument pas que cela change.

C'est donc leur monde qui va devoir crever. Ou nos espoirs.
Face à ce choix, il faudra faire plus que marcher.
Les barricades n'ont que deux côtés.


On se lève et on se casse Virginie Despentes Adèle Haenel Roman Polenski

Désormais on se lève et on se barre - Virginie Despentes

Tribune : "trois mois de grève pour protester contre une réforme des retraites dont on ne veut pas et que vous allez faire passer en force. C’est le même message venu des mêmes milieux adressé au même peuple : «Ta gueule, tu la fermes, ton consentement tu te le carres dans ton cul, et tu souris quand tu me croises parce que je suis puissant, parce que j’ai toute la thune, parce que c’est moi le boss."

crédit photo : Nasser Berzane

Je vais commencer comme ça : soyez rassurés, les puissants, les boss, les chefs, les gros bonnets : ça fait mal. On a beau le savoir, on a beau vous connaître, on a beau l’avoir pris des dizaines de fois votre gros pouvoir en travers de la gueule, ça fait toujours aussi mal. Tout ce week-end à vous écouter geindre et chialer, vous plaindre de ce qu’on vous oblige à passer vos lois à coups de 49.3 et qu’on ne vous laisse pas célébrer Polanski tranquilles et que ça vous gâche la fête mais derrière vos jérémiades, ne vous en faites pas : on vous entend jouir de ce que vous êtes les vrais patrons, les gros caïds, et le message passe cinq sur cinq : cette notion de consentement, vous ne comptez pas la laisser passer. Où serait le fun d’appartenir au clan des puissants s’il fallait tenir compte du consentement des dominés ? Et je ne suis certainement pas la seule à avoir envie de chialer de rage et d’impuissance depuis votre belle démonstration de force, certainement pas la seule à me sentir salie par le spectacle de votre orgie d’impunité.

Il n’y a rien de surprenant à ce que l’académie des césars élise Roman Polanski meilleur réalisateur de l’année 2020. C’est grotesque, c’est insultant, c’est ignoble, mais ce n’est pas surprenant. Quand tu confies un budget de plus de 25 millions à un mec pour faire un téléfilm, le message est dans le budget. Si la lutte contre la montée de l’antisémitisme intéressait le cinéma français, ça se verrait. Par contre, la voix des opprimés qui prennent en charge le récit de leur calvaire, on a compris que ça vous soûlait. Alors quand vous avez entendu parler de cette subtile comparaison entre la problématique d’un cinéaste chahuté par une centaine de féministes devant trois salles de cinéma et Dreyfus, victime de l’antisémitisme français de la fin du siècle dernier, vous avez sauté sur l’occasion. Vingt-cinq millions pour ce parallèle. Superbe. On applaudit les investisseurs, puisque pour rassembler un tel budget il a fallu que tout le monde joue le jeu : Gaumont Distribution, les crédits d’impôts, France 2, France 3, OCS, Canal +, la RAI… la main à la poche, et généreux, pour une fois. Vous serrez les rangs, vous défendez l’un des vôtres. Les plus puissants entendent défendre leurs prérogatives : ça fait partie de votre élégance, le viol est même ce qui fonde votre style. La loi vous couvre, les tribunaux sont votre domaine, les médias vous appartiennent. Et c’est exactement à cela que ça sert, la puissance de vos grosses fortunes : avoir le contrôle des corps déclarés subalternes. Les corps qui se taisent, qui ne racontent pas l’histoire de leur point de vue. Le temps est venu pour les plus riches de faire passer ce beau message : le respect qu’on leur doit s’étendra désormais jusqu’à leurs bites tachées du sang et de la merde des enfants qu’ils violent. Que ça soit à l’Assemblée nationale ou dans la culture - marre de se cacher, de simuler la gêne. Vous exigez le respect entier et constant. Ça vaut pour le viol, ça vaut pour les exactions de votre police, ça vaut pour les césars, ça vaut pour votre réforme des retraites. C’est votre politique : exiger le silence des victimes. Ça fait partie du territoire, et s’il faut nous transmettre le message par la terreur vous ne voyez pas où est le problème. Votre jouissance morbide, avant tout. Et vous ne tolérez autour de vous que les valets les plus dociles. Il n’y a rien de surprenant à ce que vous ayez couronné Polanski : c’est toujours l’argent qu’on célèbre, dans ces cérémonies, le cinéma on s’en fout. Le public on s’en fout. C’est votre propre puissance de frappe monétaire que vous venez aduler. C’est le gros budget que vous lui avez octroyé en signe de soutien que vous saluez - à travers lui c’est votre puissance qu’on doit respecter.

Il serait inutile et déplacé, dans un commentaire sur cette cérémonie, de séparer les corps de cis mecs aux corps de cis meufs. Je ne vois aucune différence de comportements. Il est entendu que les grands prix continuent d’être exclusivement le domaine des hommes, puisque le message de fond est : rien ne doit changer. Les choses sont très bien telles qu’elles sont. Quand Foresti se permet de quitter la fête et de se déclarer «écœurée», elle ne le fait pas en tant que meuf - elle le fait en tant qu’individu qui prend le risque de se mettre la profession à dos. Elle le fait en tant qu’individu qui n’est pas entièrement assujetti à l’industrie cinématographique, parce qu’elle sait que votre pouvoir n’ira pas jusqu’à vider ses salles. Elle est la seule à oser faire une blague sur l’éléphant au milieu de la pièce, tous les autres botteront en touche. Pas un mot sur Polanski, pas un mot sur Adèle Haenel. On dîne tous ensemble, dans ce milieu, on connaît les mots d’ordre : ça fait des mois que vous vous agacez de ce qu’une partie du public se fasse entendre et ça fait des mois que vous souffrez de ce qu’Adèle Haenel ait pris la parole pour raconter son histoire d’enfant actrice, de son point de vue.

Alors tous les corps assis ce soir-là dans la salle sont convoqués dans un seul but : vérifier le pouvoir absolu des puissants. Et les puissants aiment les violeurs. Enfin, ceux qui leur ressemblent, ceux qui sont puissants. On ne les aime pas malgré le viol et parce qu’ils ont du talent. On leur trouve du talent et du style parce qu’ils sont des violeurs. On les aime pour ça. Pour le courage qu’ils ont de réclamer la morbidité de leur plaisir, leur pulsion débile et systématique de destruction de l’autre, de destruction de tout ce qu’ils touchent en vérité. Votre plaisir réside dans la prédation, c’est votre seule compréhension du style. Vous savez très bien ce que vous faites quand vous défendez Polanski : vous exigez qu’on vous admire jusque dans votre délinquance. C’est cette exigence qui fait que lors de la cérémonie tous les corps sont soumis à une même loi du silence. On accuse le politiquement correct et les réseaux sociaux, comme si cette omerta datait d’hier et que c’était la faute des féministes mais ça fait des décennies que ça se goupille comme ça : pendant les cérémonies de cinéma français, on ne blague jamais avec la susceptibilité des patrons. Alors tout le monde se tait, tout le monde sourit. Si le violeur d’enfant c’était l’homme de ménage alors là pas de quartier : police, prison, déclarations tonitruantes, défense de la victime et condamnation générale. Mais si le violeur est un puissant : respect et solidarité. Ne jamais parler en public de ce qui se passe pendant les castings ni pendant les prépas ni sur les tournages ni pendant les promos. Ça se raconte, ça se sait. Tout le monde sait. C’est toujours la loi du silence qui prévaut. C’est au respect de cette consigne qu’on sélectionne les employés.

Et bien qu’on sache tout ça depuis des années, la vérité c’est qu’on est toujours surpris par l’outrecuidance du pouvoir. C’est ça qui est beau, finalement, c’est que ça marche à tous les coups, vos saletés. Ça reste humiliant de voir les participants se succéder au pupitre, que ce soit pour annoncer ou pour recevoir un prix. On s’identifie forcément - pas seulement moi qui fais partie de ce sérail mais n’importe qui regardant la cérémonie, on s’identifie et on est humilié par procuration. Tant de silence, tant de soumission, tant d’empressement dans la servitude. On se reconnaît. On a envie de crever. Parce qu’à la fin de l’exercice, on sait qu’on est tous les employés de ce grand merdier. On est humilié par procuration quand on les regarde se taire alors qu’ils savent que si Portrait de la jeune fille en feu ne reçoit aucun des grands prix de la fin, c’est uniquement parce qu’Adèle Haenel a parlé et qu’il s’agit de bien faire comprendre aux victimes qui pourraient avoir envie de raconter leur histoire qu’elles feraient bien de réfléchir avant de rompre la loi du silence. Humilié par procuration que vous ayez osé convoquer deux réalisatrices qui n’ont jamais reçu et ne recevront probablement jamais le prix de la meilleure réalisation pour remettre le prix à Roman fucking Polanski. Himself. Dans nos gueules. Vous n’avez décidément honte de rien. Vingt-cinq millions, c’est-à-dire plus de quatorze fois le budget des Misérables, et le mec n’est même pas foutu de classer son film dans le box-office des cinq films les plus vus dans l’année. Et vous le récompensez. Et vous savez très bien ce que vous faites - que l’humiliation subie par toute une partie du public qui a très bien compris le message s’étendra jusqu’au prix d’après, celui des Misérables, quand vous convoquez sur la scène les corps les plus vulnérables de la salle, ceux dont on sait qu’ils risquent leur peau au moindre contrôle de police, et que si ça manque de meufs parmi eux, on voit bien que ça ne manque pas d’intelligence et on sait qu’ils savent à quel point le lien est direct entre l’impunité du violeur célébré ce soir-là et la situation du quartier où ils vivent. Les réalisatrices qui décernent le prix de votre impunité, les réalisateurs dont le prix est taché par votre ignominie - même combat. Les uns les autres savent qu’en tant qu’employés de l’industrie du cinéma, s’ils veulent bosser demain, ils doivent se taire. Même pas une blague, même pas une vanne. Ça, c’est le spectacle des césars. Et les hasards du calendrier font que le message vaut sur tous les tableaux : trois mois de grève pour protester contre une réforme des retraites dont on ne veut pas et que vous allez faire passer en force. C’est le même message venu des mêmes milieux adressé au même peuple : «Ta gueule, tu la fermes, ton consentement tu te le carres dans ton cul, et tu souris quand tu me croises parce que je suis puissant, parce que j’ai toute la thune, parce que c’est moi le boss.»

Alors quand Adèle Haenel s’est levée, c’était le sacrilège en marche. Une employée récidiviste, qui ne se force pas à sourire quand on l’éclabousse en public, qui ne se force pas à applaudir au spectacle de sa propre humiliation. Adèle se lève comme elle s’est déjà levée pour dire voilà comment je la vois votre histoire du réalisateur et son actrice adolescente, voilà comment je l’ai vécue, voilà comment je la porte, voilà comment ça me colle à la peau. Parce que vous pouvez nous la décliner sur tous les tons, votre imbécillité de séparation entre l’homme et l’artiste - toutes les victimes de viol d’artistes savent qu’il n’y a pas de division miraculeuse entre le corps violé et le corps créateur. On trimballe ce qu’on est et c’est tout. Venez m’expliquer comment je devrais m’y prendre pour laisser la fille violée devant la porte de mon bureau avant de me mettre à écrire, bande de bouffons.

Adèle se lève et elle se casse. Ce soir du 28 février on n’a pas appris grand-chose qu’on ignorait sur la belle industrie du cinéma français par contre on a appris comment ça se porte, la robe de soirée. A la guerrière. Comme on marche sur des talons hauts : comme si on allait démolir le bâtiment entier, comment on avance le dos droit et la nuque raidie de colère et les épaules ouvertes. La plus belle image en quarante-cinq ans de cérémonie - Adèle Haenel quand elle descend les escaliers pour sortir et qu’elle vous applaudit et désormais on sait comment ça marche, quelqu’un qui se casse et vous dit merde. Je donne 80 % de ma bibliothèque féministe pour cette image-là. Cette leçon-là. Adèle je sais pas si je te male gaze ou si je te female gaze mais je te love gaze en boucle sur mon téléphone pour cette sortie-là. Ton corps, tes yeux, ton dos, ta voix, tes gestes tout disait : oui on est les connasses, on est les humiliées, oui on n’a qu’à fermer nos gueules et manger vos coups, vous êtes les boss, vous avez le pouvoir et l’arrogance qui va avec mais on ne restera pas assis sans rien dire. Vous n’aurez pas notre respect. On se casse. Faites vos conneries entre vous. Célébrez-vous, humiliez-vous les uns les autres tuez, violez, exploitez, défoncez tout ce qui vous passe sous la main. On se lève et on se casse. C’est probablement une image annonciatrice des jours à venir. La différence ne se situe pas entre les hommes et les femmes, mais entre dominés et dominants, entre ceux qui entendent confisquer la narration et imposer leurs décisions et ceux qui vont se lever et se casser en gueulant. C’est la seule réponse possible à vos politiques. Quand ça ne va pas, quand ça va trop loin ; on se lève on se casse et on gueule et on vous insulte et même si on est ceux d’en bas, même si on le prend pleine face votre pouvoir de merde, on vous méprise on vous dégueule. Nous n’avons aucun respect pour votre mascarade de respectabilité. Votre monde est dégueulasse. Votre amour du plus fort est morbide. Votre puissance est une puissance sinistre. Vous êtes une bande d’imbéciles funestes. Le monde que vous avez créé pour régner dessus comme des minables est irrespirable. On se lève et on se casse. C’est terminé. On se lève. On se casse. On gueule. On vous emmerde.

Virginie Despentes